Bulletin

Un projet de règlement américain cible les structures et instruments hybrides de façon rétroactive

Auteurs : Peter Glicklich, Gregg M. Benson et Heath Martin

Les États-Unis étaient peu disposés au départ à adopter les recommandations de l’initiative sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices (le « BEPS ») pilotée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (l’« OCDE ») et le groupe des pays du G20. Pourtant, l’importante loi de réforme fiscale intitulée Tax Cuts and Jobs Act renferme plusieurs dispositions qui s’attaquent aux préoccupations que les recommandations du BEPS cherchent à résoudre (et dont certaines ont fait l’objet de publications antérieures)1. Le 20 décembre 2018, l’Internal Revenue Service (l’« IRS ») et le Département du Trésor américain ont publié un projet de règlement très ambitieux (le « Projet de règlement anti-dispositifs hybrides ») sur le sujet, soit (i) l’article 267A2, qui vise spécifiquement les « dispositifs hybrides » (hybrid mismatches) au moyen desquels un contribuable et ses parties liées pouvaient soit générer des déductions tant aux États-Unis que dans un ou plusieurs autres territoires, soit générer des déductions aux États-Unis sans entraîner l’inclusion d’un revenu équivalent dans un autre pays; et (ii) l’article 245A(e), qui prive les « dividendes provenant de dispositifs hybrides » (hybrid dividends) de l’exonération d’impôt accordée à l’égard de certains dividendes de source étrangère.

L’OCDE a recommandé des mesures semblables à celles que propose le Projet de règlement anti-dispositifs hybrides dans son rapport de 2015 au titre de l’Action 2 du Plan d’action BEPS et dans son rapport connexe de 2017 concernant les dispositifs hybrides impliquant une succursale étrangère. Le Projet de règlement anti-dispositifs hybrides, s’il devait être adopté dans sa version actuelle, imposerait des mesures parmi les plus rigoureuses au monde. En principe, les dispositions du Projet de règlement anti-dispositifs hybrides ne s’appliqueront que lorsque la version définitive aura été avalisée; cependant, l’adoption de cette version définitive pourrait avoir lieu avant la fin de juin 2019, ce qui aurait pour effet d’entraîner l’application rétroactive de bon nombre des nouvelles dispositions à partir d’une date aussi lointaine que le 1er janvier 2018.

L’article 894(c), entré en vigueur en 1997, ciblait les structures hybrides régies par des conventions fiscales3; cette fois-ci, toutefois, les nouveaux articles 245A(e) et 267A ont des répercussions beaucoup plus importantes sur les structures à double déduction (double-dip structure) en plus d’autoriser de nouvelles obligations de déclaration. Le Projet de règlement anti-dispositifs hybrides vise également certaines structures utilisant une entité hybride inversée (reverse hybrid entity) américaine (à savoir, une entité américaine qui n’est pas transparente en vertu du droit fiscal américain, mais qui est opaque en vertu d’une loi fiscale étrangère) (tower financings) aux termes des règlements interdisant la déduction d’une même perte sur deux territoires (dual-consolidated-loss regulations), et font état d’une structure visant la sortie de fonds qui permettait une double déduction (outbound double-dip structure) qui pourrait être interdite à l’avenir (en vertu de l’article 1503(d)).

Les nouvelles règles auront une incidence négative sur le traitement fiscal, aux États-Unis, de certaines ententes transfrontalières auparavant utilisées par les multinationales canadiennes pour financer des acquisitions et des activités. Les nouvelles règles, qui soulèveront assurément une controverse, pourraient faire l’objet d’atténuations dans la foulée des critiques généralisées qui ne manqueront pas d’être formulées.

Limitations prévues par le Code

Selon l’article 267A, ne sont pas déductibles les intérêts et les redevances versés par un contribuable américain à une partie liée étrangère dans les cas où, en raison de l’utilisation d’un instrument hybride ou d’une structure hybride, le bénéficiaire n’inclut pas ce paiement dans son revenu dans son pays de résidence ou a droit à une déduction à l’égard de ce paiement dans son pays de résidence. Le Congrès a accordé à l’IRS et au Département du Trésor de vastes pouvoirs de réglementation leur permettant de traiter de façon analogue les situations (i) dans lesquelles le bénéficiaire est un résident de plus d’un pays étranger; (ii) dans lesquelles il y a utilisation de structures impliquant un conduit ou une succursale; (iii) dans lesquelles le bénéficiaire est une entité hybride inversée (reverse hybrid entity) américaine; et (iv) qui tiennent compte de certaines réductions des taux d’imposition et de certains régimes fiscaux territoriaux (par exemple, en ce qui concerne l’imposition des dividendes). Le contexte législatif de ces nouvelles dispositions, qui comprend des renvois aux rapports sur le BEPS, laisse croire que les reports à long terme pourraient être considérés comme une absence d’imposition aux termes des nouvelles règles.

L’article 245A(e) porte sur les dividendes hybrides qu’une société étrangère contrôlée (controlled foreign corporation ou CFC) verse à un actionnaire qui est une société par actions des États-Unis. De manière générale, on entend par dividende hybride un dividende versé par une CFC dont peut être déduite la portion de source étrangère de celui-ci. Lorsque cette disposition s’applique, le Code (i) ne permet pas la déduction des dividendes reçus aux termes du nouveau régime fiscal territorial partiel des États-Unis; (ii) considère les sommes de nature similaire que reçoit une CFC d’une CFC d’un échelon inférieur comme un revenu de la sous-partie F pour les actionnaires américains de la CFC de l’échelon supérieur; et (iii) refuse l’application du crédit pour impôt étranger à l’égard de ces sommes.

Selon l’article 1503(d), les affiliées de certaines sociétés résidentes de deux territoires et certaines structures remontant à 1986 n’ont pas droit aux déductions.

Projet de règlement anti-dispositifs hybrides

Le Projet de règlement anti-dispositifs hybrides propose des règles d’application distinctes à l’égard des dispositions anti-dispositifs hybrides de l’article 267A, des dispositions anti-dividendes hybrides de l’article 245A(e) et des dispositions interdisant la déduction d’une même perte sur deux territoires prévues à l’article 1503(d).

Règles proposées par l’article 267A

Le Projet de règlement anti-dispositifs hybrides vise les paiements qui auraient autrement donné lieu à une déduction (directe ou indirecte) aux États-Unis et qui n’auraient pas été inclus dans le revenu en vertu du droit du bénéficiaire étranger (la « D/NI ») en raison du caractère hybride de l’opération ou de la structure. Afin de déterminer si une opération donne lieu à une D/NI, le Projet de règlement anti-dispositifs hybrides exige qu’on examine si le bénéficiaire est ou non assujetti à l’impôt sur ce paiement au plein taux ordinaire selon de la loi fiscale étrangère. Par exemple, si le paiement est assujetti à l’impôt en vertu de règles d’inclusion partielle (ou de déduction partielle) de la loi étrangère, il est considéré comme ayant été partiellement inclus en vertu du Projet de règlement anti-dispositifs hybrides. Les écarts quant au moment de la constatation sont généralement tolérés, mais selon une règle proposée qui devrait susciter la controverse, l’impôt reporté pendant plus de 36 mois est considéré comme si le paiement n’avait simplement pas été inclus dans le revenu.

De manière générale, en pratique, le Projet de règlement anti-dispositifs hybrides refuserait la déduction de tout « paiement déterminé » (specified payment) (à savoir, d’intérêt ou de redevance) fait par une « partie déterminée » (specified party) (à savoir, une entité considérée aux fins de l’impôt américain4) à un bénéficiaire déterminé (specified recipient) lié.

La déduction est refusée dans les situations suivantes : (i) le paiement est un « montant hybride non admissible » (disqualified hybrid amount), (ii) le paiement est un « montant provenant d’un dispositif importé non admissible » (disqualified imported mismatch amount) ou (iii) le paiement est fait dans le cadre d’une opération qui enfreint la règle anti-évitement (chacune de ces situations étant appelée « entente structurée »).

Montants hybrides non admissibles et bénéficiaires déterminés

Selon le Projet de règlement anti-dispositifs hybrides, le paiement fait dans le cadre d’une opération hybride est généralement considéré comme un montant hybride non admissible dans la mesure où le « bénéficiaire déterminé » n’inclut pas le paiement dans son revenu (plus ou moins simultanément au plein taux d’imposition ordinaire). Un bénéficiaire déterminé s’entend de toute personne qui calcule le paiement en vertu de sa loi fiscale (ou qui est une succursale imposable à laquelle le paiement est attribuable en vertu de la loi qui s’applique à cette succursale). Il y a lieu de noter qu’il pourrait y avoir plus d’un bénéficiaire déterminé aux termes de ces définitions (par exemple, des membres d’un bénéficiaire considéré comme étant fiscalement transparent dans un ou plusieurs territoires ou des bénéficiaires dont le traitement fiscal dans leur territoire diffère de leur traitement fiscal aux États-Unis); par conséquent, bien souvent l’analyse de l’incidence d’une possible opération hybride ne pourra tenir compte uniquement du traitement d’un bénéficiaire direct (voir l’exemple mentionné ci-dessous qui fait état d’un résultat étonnant). Curieusement, même s’il était possible pour un bénéficiaire étranger lié d’inclure un paiement donné, d’autres inclusions pourraient être remises en question, et si l’un des bénéficiaires étrangers n’a pas inclus le paiement de façon adéquate, n’est pas visé par les taux adéquats ou n’a pas effectué l’inclusion au bon moment, la déduction serait refusée, apparemment même pour les déclarations déposées à l’égard des années d’imposition antérieures.

Le Projet de règlement anti-dispositifs hybrides prévoit des règles qui permettent de déterminer si une D/NI survient en vertu des lois de tout pays étranger, et présente, à titre d’exemple de déduction non admissible, le cas d’un instrument hybride détenu par une société mère étrangère et transféré à une entité exemptée constituée par celle-ci dans un autre territoire où les taux d’imposition sont peu élevés. Dans cet exemple, le transfert ne serait pas considéré comme une opération hybride à l’égard du payeur déterminé du fait que le résultat est le même dans les deux territoires, mais la déduction serait malgré tout refusée du fait que la société mère étrangère considère le transfert comme une opération non imposable et (bien évidemment) n’a pas inclus le revenu au plein taux d’imposition5. Cet exemple montre comment le refus d’une déduction aux États-Unis dicté par les nouvelles règles pourrait entraîner une imposition multiple6.

Il est possible d’apporter un ajustement au montant des déductions refusées dans la mesure où le paiement peut être inclus dans le revenu d’un contribuable américain (comme c’est le cas en vertu des régimes anti-report d’impôt sur le revenu étranger) ou d’une succursale américaine imposable. Aucun ajustement n’est possible cependant à l’égard de l’impôt retenu aux États-Unis ou dans un territoire étranger.

Le Projet de règlement anti-dispositifs hybrides renferme également des règles détaillées concernant des structures précises. Par exemple : (i) dans une opération dont le traitement est différent en vertu du droit américain et du droit étranger (par exemple, prêt de titres, vente-rachat ou opération similaire), on désigne le bénéficiaire déterminé en fonction du montant qui est relié au paiement déterminé et qui est considéré comme pris en compte en vertu du droit fiscal étranger; (ii) les paiements non pris en compte peuvent donner droit à une déduction limitée dans la mesure où ils excèdent le revenu pouvant être inclus dans deux territoires; (iii) les paiements faits à une entité hybride inversée (reverse hybrid entity)7 ne sont pas déductibles dans la mesure où un investisseur n’inclut pas simultanément le paiement dans son revenu (sans égard à toute distribution faite par le bénéficiaire)8; et (iv) les paiements ne sont pas déductibles dans la mesure où ils sont considérés comme étant faits à une succursale en vertu du droit étranger applicable au siège social et où le siège social n’est pas considéré comme ayant une présence imposable dans le pays de résidence de la succursale ou le paiement est considéré comme étant attribuable au siège social et le siège social n’inclut pas le paiement dans son revenu.

Montants non admissibles provenant d’un dispositif importé

Selon le Projet de règlement anti-dispositifs hybrides, certains paiements qui n’impliquent pas des entités ou des opérations hybrides ne seront pas déductibles si le bénéficiaire étranger bénéficie directement ou indirectement d’une « déduction hybride ». C’est donc dire que la déduction sera refusée si le dispositif hybride a été relocalisé à l’étranger et que l’incidence a été « importée » indirectement aux États-Unis en raison de la disponibilité de déductions de revenu à l’étranger dans une autre opération hybride.

Témoignant de la portée très large que pourrait avoir cette disposition, le préambule du Projet de règlement anti-dispositifs hybrides décrit comment un payeur américain serait tenu de déterminer si une déduction aurait été refusée en vertu du droit étranger si le territoire étranger concerné avait adopté un ensemble de règles essentiellement semblables à celles du Projet de règlement anti-dispositifs hybrides.

Dans un exemple illustrant ce principe, une société des États-Unis verse des intérêts sur un instrument d’emprunt à une société affiliée étrangère (W) qui inclut les intérêts dans son revenu imposable, mais qui déduit les dividendes qu’elle verse à l’égard de titres hybrides qu’elle a émis à sa société mère étrangère (X). X n’inclut pas les dividendes dans son revenu. Un exemple connexe permet d’arriver à la même conclusion même si l’instrument émis à X par W constitue une dette dans les deux pays, mais que W obtient une déduction pour l’année en cours et que l’inclusion par X dans son revenu ne survient que plus de 36 mois plus tard. Cet exemple montre qu’il pourrait être impossible, en pratique, de connaître les conséquences de la déduction aux États-Unis avant des années suivant l’application de la déduction aux États-Unis.

Ces règles plomberont vraisemblablement certaines structures fondées sur des prêts sans intérêt ou sur des actions d’entités hybrides couramment utilisées par les multinationales canadiennes pour financer leurs acquisitions et leurs activités aux États-Unis.

Ententes structurées

Selon le Projet de règlement anti-dispositifs hybrides, le paiement qui implique une « entente structurée » ne donne pas droit à une déduction. Font notamment partie des ententes structurées les opérations aux termes desquelles le montant de la D/NI est prévu dans les modalités de l’entente et les opérations dont le dispositif hybride est considéré comme étant l’objet principal de l’entente9. Dans ces cas, même les contribuables non liés pourraient subir des conséquences défavorables.

Règles proposées par l’article 245A

Aux termes du Projet de règlement anti-dispositifs hybrides, un actionnaire qui est une société par actions américaine n’aurait pas droit à la déduction pour les dividendes reçus aux termes du régime territorial partiel prévue à l’article 245A à l’égard d’un dividende hybride reçu d’une CFC. Le dividende visé en est un pour lequel la CFC ou une personne liée a obtenu une déduction ou un autre avantage fiscal en vertu des lois fiscales étrangères pertinentes, c’est-à-dire les lois relatives à l’impôt sur le revenu auxquelles sont assujetties la CFC ou ses succursales (à l’exclusion de l’impôt à payer aux termes d’un régime anti-report). Une déduction inclurait une déduction d’intérêt ou d’intérêt théorique, mais pas les sommes exclues du revenu par une CFC en vertu d’un régime d’exonération ou par suite de la disponibilité ou de l’utilisation d’un régime d’impôt intégré (comme les déclarations consolidées ou les crédits accordés aux actionnaires à l’égard de l’impôt sur le revenu payable par la société).

Comme c’est le cas pour les instruments hybrides importés, les dividendes reçus par une CFC d’une CFC d’un échelon inférieur seraient analysés afin d’établir s’ils constituent des dividendes hybrides. Selon ces règles, toute somme reçue par une CFC à titre de dividende d’une CFC d’un échelon inférieur serait considérée comme un revenu de la sous-partie F pour les actionnaires américains de la CFC, dans la mesure où la même somme reçue à la place par une société par actions nationale constituerait un dividende hybride.

Le Projet de règlement anti-dispositifs hybrides exige l’établissement et le suivi d’un « compte de dividendes hybrides » à l’égard de chaque action d’une CFC pour laquelle la déduction pourrait être refusée. Les sommes versées par la CFC concernée devront être inscrites dans ce compte et tenu dans la monnaie fonctionnelle de la CFC afin qu’il soit possible d’assurer le suivi des déductions refusées.

Le Projet de règlement anti-dispositifs hybrides prévoit une règle anti-évitement qui permettra à l’IRS d’apporter les « ajustements nécessaires », y compris l’exclusion d’une opération ou d’une entente dont l’objet principal serait d’éviter les effets du Projet de règlement anti-dispositifs hybrides.

Reprise des règles interdisant la déduction d’une même perte sur deux territoires

L’une des nouvelles règles proposées vise à modifier le règlement de l’article 1503(d) qui interdit la déduction d’une même perte sur deux territoires. Ce règlement a été promulgué en 1986 puis modifié en 2007. Dans le préambule du règlement de 2007, le département du Trésor et l’IRS s’étaient penchés sur les structures de financement crénelé (tower structure) impliquant l’utilisation d’une entité hybride inversée (reverse hybrid entity) américaine, mais n’avaient pas modifié les règles d’interprétation applicables. L’IRS avait ensuite déclaré qu’il continuerait à étudier ce type de structures.

Les structures impliquant l’utilisation d’une entité hybride inversée (reverse hybrid entity) américaine font généralement appel à une société en commandite américaine qui fait le choix fiscal d’être considérée comme une société par actions uniquement aux fins de l’impôt des États-Unis. Ce type de structure pouvait permettre à un associé étranger d’obtenir des déductions et d’éviter le paiement d’impôts supplémentaires aux États-Unis en générant des déductions venant compenser d’autres paiements faits à une entité transparente d’un échelon inférieur. Au final, le résultat généralement accepté de ces structures était de générer une double déduction (une aux États-Unis et une autre à l’étranger). En 2007, l’IRS est arrivé à la conclusion qu’il n’appliquerait pas ou ne pouvait appliquer les règles interdisant la déduction d’une même perte sur deux territoires aux entités hybrides inversées américaines, car ces structures ne comportaient ni une société par actions résidente de deux territoires ni une unité distincte d’une autre société nationale.

Le préambule du Projet de règlement anti-dispositifs hybrides précise que l’IRS a depuis constaté que ces structures sont incompatibles avec les principes de l’article 1503(d) et que, par conséquent, elles soulèvent d’importantes préoccupations sur le plan des politiques. C’est pourquoi le Projet de règlement anti-dispositifs hybrides propose que soient apportées aux règlements d’application des articles 1503(d) et 7701 des modifications qui forceraient une entité admissible américaine qui souhaite être considérée comme une société par actions aux fins de l’impôt des États-Unis à consentir à être considérée comme une société résidente de deux territoires aux fins de l’article 1503(d) pour chaque année d’imposition au cours de laquelle un résident fiscal étranger lié est considéré comme tirant un revenu ou subissant une perte de l’entité. L’entité qui a déjà fait le choix susmentionné serait réputée avoir consenti au nouveau traitement fiscal pour les années d’imposition commençant après le douzième mois suivant la publication du Projet de règlement anti-dispositifs hybrides; dans le cas où elle voudrait se soustraire à l’application, elle disposerait d’un délai supplémentaire pour modifier la catégorie dans laquelle elle est classée aux fins de l’impôt des États-Unis.

Le Projet de règlement anti-dispositifs hybrides décrit également une structure qui pourrait devenir assujettie au règlement interdisant la déduction de pertes dans deux territoires. Dans cette structure, une société américaine contracte un emprunt pour financer l’acquisition d’actions d’une société étrangère. Une telle structure implique généralement que la société mère américaine (la « SMA ») fait apport de fonds empruntés à un tiers prêteur à une filiale consolidée qu’elle détient en propriété exclusive (la « filiale »); la filiale américaine constitue ensuite une filiale étrangère qui fait le choix d’être une entité transparente aux fins de l’impôt des États-Unis (l’« entité transparente »); l’entité transparente contracte un emprunt auprès de la filiale américaine puis achète finalement les actions d’une société étrangère. Le fisc américain ne tiendrait pas compte de l’emprunt contracté par l’entité transparente auprès de la filiale américaine, mais il se peut que la loi fiscale étrangère autorise l’entité transparente à déduire les intérêts payés sur le prêt interne. Le préambule du Projet de règlement anti-dispositifs hybrides souligne que ces structures soulèvent des préoccupations importantes sur le plan des politiques qui sont analogues à celles que présente la D/NI dont il est question dans les articles 245A(e) et 267A.

Énorme fardeau de conformité

En plus d’assimiler et de comprendre les nouvelles règles, les multinationales et leurs conseillers devraient analyser les structures actuelles et futures afin de déterminer l’incidence directe ou indirecte qu’aura sur celles-ci le Projet de règlement anti-dispositifs hybrides par suite de l’interaction des règles fiscales des États-Unis et de territoires étrangers. À titre d’exemple supplémentaire, une multinationale américaine serait tenue de créer et de maintenir les comptes de déduction de dividendes hybrides mentionnés ci-dessus à l’égard de chaque bloc d’actions que les actionnaires de ses CFC directes et indirectes détiennent (de manière à assurer le suivi du revenu de la sous-partie F à inclure, le revenu auparavant imposé et les crédits pour impôt étranger refusés à l’égard des paiements déductibles d’entités hybrides effectués à chaque échelon), ainsi que de déclarer toute opération hybride ou paiement hybride. Les sociétés américaines appartenant à des étrangers devront également se pencher longuement sur les nouvelles règles et analyser les opérations intersociétés pour vérifier l’application possible du nouveau Projet de règlement anti-dispositifs hybrides, ainsi que déclarer les paiements hybrides.

Il est habituellement difficile de prévoir l’incidence qu’aura l’application d’un ensemble de nouvelles règles fiscales. Dans le cas présent, toutefois, le préambule du Projet de règlement anti-dispositifs hybrides s’en charge pour nous. Bien qu’on y signale que l’estimation fournie quant au fardeau que représente le règlement pour le secteur privé comporte certaines redondances, le temps requis pour s’y conformer est estimé à 3,2 milliards d’heures (pour un coût estimé de 58,2 milliards de dollars).

Conclusions

En raison de sa grande portée et de sa complexité inhérente, le Projet de règlement anti-dispositifs hybrides soulèvera certainement la controverse et aura vraisemblablement une incidence sur les structures de financement actuelles et futures et des conséquences non négligeables sur la fiscalité transfrontalière.

Dates de prise d’effet proposées

Comme nous le mentionnons précédemment, le Projet de règlement anti-dispositifs hybrides produirait certains effets rétroactifs :

  1. Les nouvelles règles prévues à l’article 245A s’appliqueraient à toutes les distributions effectuées après le 31 décembre 2017.
  2. Les nouvelles règles visant la mise en œuvre de l’article 267A s’appliqueraient aux années d’imposition (des payeurs déterminés) qui commencent après le 31 décembre 2017. (Toutefois, si le Projet de règlement anti-dispositifs hybrides n’est pas dans sa forme définitive au plus tard le 22 juin 2019, elles s’appliqueraient aux années d’imposition qui prennent fin à la date de la publication du Projet de règlement anti-dispositifs hybrides en décembre 2018 ou après celle-ci.) Certaines dispositions du règlement d’application de l’article 267A, y compris celles qui s’appliquent aux paiements non pris en compte, aux paiements réputés versés par des succursales, aux paiements aux termes d’un dispositif impliquant une succursale, aux montants non admissibles provenant d’un dispositif importé et aux paiements versés aux termes d’ententes structurées, s’appliqueraient aux années d’imposition qui commencent après le 20 décembre 2018.
  3. L’obligation de déclaration concernant les opérations hybrides s’appliquerait aux paiements et aux dividendes reçus pour les périodes d’imposition qui commencent le 20 décembre 2018 ou après cette date, mais les projets de formulaire ont déjà été modifiés pour qu'y figurent des questions concernant de tels paiements.
  4. Les nouvelles règles interdisant la déduction d’une même perte sur deux territoires et le traitement découlant du consentement concernant la double résidence devraient s’appliquer aux années d’imposition qui prennent fin le 20 décembre 2018 ou après cette date. Le consentement requis devrait s’appliquer aux choix déposés à compter de cette date (peu importe la date de prise d’effet du choix).

1 Voir Publication par l’IRS d’un projet de règlement relatif à l’impôt visant à contrer l'érosion de la base d’imposition et la fraude fiscale; Projet de règlement pour la mise en œuvre des règles américaines sur le dépouillement des intérêts dans la foulée de la réforme fiscale et Les Républicains sur le point d’adopter une réforme fiscale transformatrice.

2 À moins d’indication contraire, les articles mentionnés dans le présent document sont ceux de la loi des États-Unis intitulée Internal Revenue Code of 1986, dans sa version modifiée (le « Code ») ou du règlement du Département du Trésor américain connexe (le « Treas. Reg. »).

3 Selon ces règles, aucun allègement prévu par une convention fiscale n’est offert à l’égard des retenues d’impôt américain effectuées sur les paiements versés à des entités hybrides (c’est-à-dire des entités qui sont transparentes en vertu du droit fiscal américain, mais qui bénéficient d’un traitement différent à l’étranger en vertu d’une loi fiscale étrangère). Un règlement ultérieur est venu modifier la nature de paiements qui seraient par ailleurs déductibles si ceux-ci sont versés par une entité hybride inversée américaine à une personne étrangère liée qui détient une participation dans celle-ci de manière à ce qu’ils soient considérés comme des dividendes et est venu priver ces paiements de tout allègement prévu par une convention fiscale visant à réduire la retenue d’impôt de 30 % effectuée sur ces montants. T.D. 8999 (11 juin 2002).

4 On entend notamment par « parties déterminées » les contribuables américains (ce qui comprend une succursale américaine imposable) et les CFC dont au moins 10 % des titres sont détenus par des actionnaires américains. Une société de personnes n’est habituellement pas considérée comme une partie déterminée. Toutefois, un paiement versé par une société de personnes ne donne pas droit à une déduction dans la mesure où une telle déduction aurait été refusée si le paiement avait été effectué par un associé américain imposable de la société de personnes.

5 Projet de règlement, article 1.267A-6(c)(1)(iii) (Exemple 1, bénéficiaires déterminés multiples – autre contexte).

6 L’IRS souhaite obtenir des commentaires quant à la question de savoir si une exception devrait viser les opérations de facilitation (accommodation transactions) pour lesquelles un revenu est inclus aux termes des lois d’un territoire étranger.

7 À cette fin, une entité hybride inversée est considérée comme une entité intermédiaire dans son pays de constitution, mais comme une entité non transparente dans le pays où réside l’investisseur à des fins fiscales.

8 Ainsi, toute inclusion aux termes d’un régime anti-report serait considérée comme imposable pour l’investisseur, sous réserve du moment de l’inclusion et des règles concernant les taux d’imposition dans le pays où réside l’investisseur à des fins fiscales.

9 Le Projet de règlement anti-dispositifs hybrides prévoit comme critères d’examen la façon dont l’entente est commercialisée et auprès de qui, la question de savoir si les modalités sont moins favorables que celles offertes sur le marché avant le dispositif hybride et la question de savoir si les modalités sont susceptibles d’être modifiées s’il n’est plus possible d’avoir recours au dispositif.

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