Bulletin

Les Républicains sur le point d’adopter une réforme fiscale transformatrice

Auteurs : Peter Glicklich, Gregg M. Benson et Heath Martin

Les Républicains du Congrès sont sur le point d’adopter une réforme qui modifiera en profondeur le régime fiscal fédéral des États-Unis et, ce faisant, de soumettre un projet de loi à la signature du président Trump, probablement vers la fin de la semaine. Les éléments de la réforme fiscale américaine dont il est fait état ci-après pourraient avoir d’importantes incidences fiscales pour les entreprises et les particuliers des États-Unis, mais aussi pour ceux du Canada et d’autres pays dans le monde. Plus particulièrement, cette réforme fiscale pourrait impacter (i) les opérations de fusions et acquisitions transfrontalières, (ii) les investissements canadiens et autres investissements étrangers effectués aux États-Unis (dans le secteur de l’immobilier, entre autres), (iii) les investissements effectués par des entreprises américaines et ceux effectués par des multinationales ayant une société mère américaine aux États-Unis et ailleurs dans le monde, (iv) les planifications fiscales et successorales aux États-Unis concernant des familles et des particuliers fortunés aux États-Unis et ailleurs dans le monde dans la mesure où ceux-ci détiennent des biens dont le situs est aux États-Unis et (v) les types de rémunération que les entreprises américaines et les entreprises non américaines offriront aux employés américains. Il y a lieu de souligner que la réforme fiscale projetée ne prévoit aucune clause générale de protection des droits acquis aux structures actuelles. Les contribuables devraient par conséquent examiner l’incidence que pourraient avoir sur leurs structures les dispositions exposées ci-après, lesquelles, selon leur libellé actuel, s’appliqueront de façon générale au revenu gagné et aux paiements effectués après le 31 décembre 2017.

Le 16 novembre 2017, les Républicains de la Chambre des représentants ont adopté un projet de loi portant réforme du régime fiscal intitulé « Tax Cuts and Jobs Act » (la « Loi de la Chambre »); le 2 décembre 2017, les Républicains du Sénat ont adopté leur propre version (la « Loi du Sénat ») du projet de loi portant réforme du régime fiscal qui reprenait certaines des dispositions de la Loi de la Chambre, mais pas toutes. Les Républicains du Sénat et les Républicains de la Chambre, qui souhaitent offrir une victoire législative décisive à leur base, ont publié le 15 décembre dernier le rapport d’un comité mixte conjoint (le « rapport final ») réconciliant la Loi de la Chambre et la Loi du Sénat. Compte tenu de l’élan dont bénéficient les projets de loi et de l’impression générale selon laquelle ceux-ci disposent des appuis nécessaires des Républicains de la Chambre et de ceux du Sénat pour être adoptés par les deux chambres au cours de la semaine du 18 décembre 2017, les Républicains sont pratiquement assurés de pouvoir soumettre une loi à signer au président, qui serait donc en mesure d’honorer sa promesse d’offrir au peuple américain un cadeau de Noël sous la forme d’une réforme fiscale.

Bien que nous n’ayons pas encore tout à fait terminé de décortiquer le rapport final de quelque 1 000 pages rendu public en fin d’après-midi le 15 décembre, et de comparer les dispositions qu’il renferme à celles de la Loi de la Chambre et de la Loi du Sénat, nous sommes en mesure d’en exposer les aspects importants dans le présent bulletin, en particulier ceux ayant une portée internationale et ceux qui sont susceptibles d’être une source de préoccupations d’ordre commercial.

Principales dispositions touchant les particuliers

De façon générale, ces dispositions cesseront de s’appliquer pour les années d’imposition commençant après le 31 décembre 2025.

Taux d’imposition sur le revenu. Le rapport final abaisse le taux d’imposition le plus élevé à 37 %, mais laisse inchangés les taux d’imposition des gains en capital et ceux qui s’appliquent aux dividendes admissibles (20 % dans chaque cas) et, contrairement à Loi de la Chambre, ne réduit pas le nombre de tranches d’imposition.

Maintien de l’impôt minimum de remplacement. À la différence de la Loi de la Chambre, le rapport final maintient l’impôt minimum de remplacement, mais augmente les exemptions transitoires à 1 million de dollars pour les contribuables mariés qui produisent une déclaration conjointe (500 000 dollars pour les contribuables célibataires).

Déductions relatives aux prêts hypothécaires résidentiels et aux impôts étatiques et locaux. Le rapport final limite les déductions au titre des intérêts sur les prêts hypothécaires aux intérêts versés sur des prêts d’au plus 750 000 dollars (soit une baisse par rapport au plafond de 1 million de dollars prévu dans la législation en vigueur et dans la Loi du Sénat, mais une hausse par rapport aux 500 000 dollars proposés dans la Loi de la Chambre). Le rapport final supprime également les déductions relatives aux impôts étatiques et locaux, sauf ceux payés ou accumulés dans l’exploitation d’un commerce ou d’une entreprise, et permet aux particuliers de continuer à déduire un montant d’au plus 10 000 dollars au titre de l’impôt sur le revenu, de l’impôt foncier et de la taxe de vente étatiques et locaux.

Attributions de titres admissibles. En ce qui concerne les actions obtenues à l’exercice d’options ou au règlement d’unités d’actions subalternes après le 31 décembre 2017 (y compris les options ou les unités d’actions subalternes attribuées avant le 1er janvier 2018), dans la mesure où un choix fiscal est effectué en bonne et due forme dans les délais prescrits, le rapport final permet le report du gain sur les « actions admissibles » (qualified stock) pendant au plus cinq ans à compter de la date à laquelle celui-ci devrait autrement être inclus dans le revenu. On entend par actions admissibles les actions d’une société (i) dont aucune n’est facilement négociable sur un marché de valeurs mobilières établi au cours des années civiles antérieures; et (ii) qui dispose d’un plan écrit aux termes duquel, au cours de l’année civile en question, au moins 80 % de tous les employés qui sont des fournisseurs de services américains se voient attribuer des options sur actions ou des unités d’actions subalternes. Si ce choix fiscal n’était pas effectué, les employés (sous réserve de certaines exceptions et restrictions) seraient généralement assujettis à l’impôt à l’exercice des options ou au règlement (à savoir, conversion en actions ou en espèces) des unités d’actions subalternes (ou, dans l’un et l’autre cas, si l’acquisition des droits survient ultérieurement, la première année où les droits aux actions sont acquis).

Impôt sur les successions. À l’instar de la Loi du Sénat, le rapport final double l’exonération de l’impôt sur les successions, les transferts transgénération et les donations (qui passeraient respectivement de 5 millions de dollars pour les particuliers et de 10 millions de dollars pour les couples mariés à 10 millions de dollars et à 20 millions de dollars, ajusté en fonction de l’inflation). Contrairement à Loi de la Chambre, le rapport final ne prévoit pas l’abrogation de l’impôt sur les successions ni de l’impôt sur les transferts transgénération. (Les non-résidents ne bénéficieraient pas de ces changements, sauf dans le cas où une convention fiscale s’applique.)

Principales dispositions touchant les entreprises

Taux d’imposition des sociétés. Le rapport final propose une réduction immédiate et permanente du taux d’imposition fédéral des entreprises, qui passerait de 35 % à 21 %. On peut s’attendre à ce que certaines entités se convertissent en sociétés par actions si cette disposition entre en vigueur. La réduction du taux d’imposition pourrait favoriser la non-distribution de bénéfices, ce qui voudrait aussi dire que les pénalités fiscales fédérales sur l’accumulation de bénéfices excédentaires pourraient jouer un rôle plus important dans le futur.

Taux d’imposition des entités intermédiaires. Pour les années d’imposition commençant après le 31 décembre 2017, et avant le 1er janvier 2026, les particuliers qui font des affaires par le truchement d’entités intermédiaires (par exemple, des S corporations, des entreprises individuelles, des sociétés de personnes, des sociétés à responsabilité limitée considérées comme des sociétés de personnes aux fins de l’impôt) pourraient se prévaloir d’une nouvelle déduction de 20 %. De façon générale, la déduction ne s’appliquerait qu’à 50 % de la tranche du salaire du contribuable qui est versée par l’entité intermédiaire (ou, si elle est supérieure, la déduction s’appliquerait à 25 % de ce salaire plus 2,5 % de l’assiette non ajustée de tous les biens admissibles); de plus, les contribuables qui exploitent des entreprises de services déterminées (par exemple, les avocats et les comptables) ne pourraient s’en prévaloir. Cependant, ces restrictions ne s’appliqueront généralement pas aux contribuables dont le revenu imposable ne dépasse pas 157 500 $ (315 000 $ pour les contribuables mariés qui produisent une déclaration conjointe). Par ailleurs, le rapport final prévoit que les fiducies et les successions pourront demander cette nouvelle déduction. Selon cette disposition, le taux d’imposition marginal le plus élevé applicable au revenu admissible serait de 29,6 %.

Recouvrement accéléré des frais. Le rapport final permettrait la passation en charges immédiate de la totalité de certains biens mis en service après le 27 septembre 2017, mais avant le 1er janvier 2023. Puis, en commençant par les biens mis en service à compter du 1er janvier 2023, le rapport final propose de diminuer progressivement la partie des biens qui peut être immédiatement passée en charges. Le rapport final supprimerait l’exigence selon laquelle le contribuable doit être le premier utilisateur des biens (ainsi, les acquisitions de biens usagés pourraient être passées en charge immédiatement à condition que le contribuable qui demande la déduction n’ait pas utilisé les biens avant leur acquisition).

Restrictions relatives à la déductibilité des intérêts. Le rapport final remplacerait les règles actuelles relatives au « dépouillement des bénéfices » par de nouvelles règles qui limiteraient le montant des intérêts déductibles à 30 % du BAIIA (contre 50 % actuellement) pour les années d’imposition commençant avant le 1er janvier 2022. Pour les années d’imposition commençant après le 31 décembre 2021, la limite de déductibilité de l’intérêt serait de 30 % du BAII. Seraient toutefois exemptées de l’application des nouvelles règles les entreprises ayant des recettes brutes moyennes d’au plus 25 millions de dollars américains et certaines entreprises déterminées, dont les entreprises du secteur de l’immobilier. Contrairement à ce que prévoit la législation en vigueur, les restrictions relatives à la déductibilité des intérêts s’appliqueraient sans égard au fait que le créancier est une partie liée ou non. De plus, les restrictions s’appliqueraient aux charges d’intérêt des sociétés de personnes et seraient calculées à chaque palier de la société (en principe, sans doublement des restrictions ou des attributions). Les intérêts dont la déduction est refusée pourraient être reportés prospectivement de façon indéfinie. Le rapport final supprime la restriction relative à la déductibilité des intérêts que prévoyaient la Loi de la Chambre et la Loi du Sénat et qui se serait appliquée à certains grands groupes de sociétés dont les états financiers sont audités et dont les paiements intersociétés ou les recettes s’élèvent à au moins 100 millions de dollars. Les sociétés américaines qui font partie de ces groupes et sont des contribuables aux États-Unis auraient été assujetties aux restrictions relatives à la déductibilité des intérêts à concurrence d’un montant basé sur le pourcentage que représente le BAIIA du débiteur américain par rapport au BAIIA du groupe mondial.

Modification de la déduction de la perte d’exploitation nette. En ce qui concerne les pertes d’exploitation nettes réalisées dans les années d’imposition commençant après le 31 décembre 2017, le rapport final limiterait la déduction de la perte d’exploitation nette à 80 % du revenu imposable du contribuable (calculé sans tenir compte de la perte d’exploitation nette). De plus, les pertes d’exploitation nettes pourraient être reportées prospectivement (mais non pas rétrospectivement) de façon indéfinie (la législation prévoit actuellement un report rétrospectif de 2 ans et un report prospectif de 20 ans).

Limitation des échanges de biens équivalents. Le rapport final supprime la possibilité de reporter l’impôt sur les échanges sur actif simultanés ou reportés, à l’exception des biens immobiliers qui ne sont pas détenus principalement à des fins de vente.

Intérêts passifs. Selon la législation en vigueur, lorsqu’un fournisseur de services reçoit une participation dans une société de personnes en contrepartie des services qu’il fournit à la société de personnes (à savoir, un intéressement passif), le produit de disposition de celle-ci est généralement considéré comme un gain en capital à long terme (assujetti à un taux d’imposition réduit de 20%, auquel s’ajoute l’impôt de 3,8 % sur le revenu de placement net), à condition que le fournisseur de services l’ait détenue pendant plus d’un an et que les bénéfices sous-jacents de la société de personnes soient de la nature d’un gain en capital à long terme. Le rapport final fait passer de un à trois ans la période pendant laquelle le fournisseur de services doit détenir l’intéressement passif afin que le produit de disposition de ce dernier soit considéré comme un gain en capital à long terme.

Allègement de la restriction relative aux apports de capital prévue par la Loi de la Chambre. Selon la législation en vigueur, le capital apporté à une société est généralement exclu du revenu brut de celle-ci. La Loi de la Chambre proposait de soustraire à l’application de cette disposition les apports de capital dont la juste valeur marchande excède la juste valeur marchande des titres de capitaux propres reçus en contrepartie. La proposition formulée dans la Loi de la Chambre n’a pas été retenue dans le rapport final, qui prévoit plutôt que l’apport de capital ne sera pas exclus du bénéfice brut (i) s’il s’agit d’un apport au titre des coûts de construction (« in aid of construction ») ou d’un apport à titre de client ou de client potentiel ou (ii) si l’apport est effectué par une entité gouvernementale ou un groupe de citoyens (« civic group ») (autrement qu’à titre d’actionnaires).

Obligations industrielles. La Loi de la Chambre a surpris plus d’un fiscaliste en abrogeant l’exonération de l’impôt sur les obligations industrielles (private activity bonds), mécanisme couramment utilisé pour le financement, au moyen de fonds privés, de projets d’infrastructures d’envergure. S’alignant sur la Loi du Sénat, le rapport final maintient l’exonération d’impôt applicable à ce type d’obligations, mais il introduit toutefois des dispositions tirées de la Loi de la Chambre qui supprimeraient l’exclusion concernant l’intérêt sur les obligations de refinancement anticipé (advance refunding bonds) et interdiraient l’émission d’obligations ouvrant droit à un crédit d’impôt et d’obligations à paiement direct (direct payment bonds).

Crédit afférent aux énergies renouvelables. La Loi de la Chambre renfermait certaines dispositions qui auraient eu un effet défavorable sur la disponibilité de certains crédits afférents aux énergies renouvelables et les avantages attribuables à ceux-ci, dont les suivantes : (i) la réduction du crédit d’impôt pour la production, qui serait passé à 1,5 cent le kilowatt/heure, et l’élimination de l’ajustement pour tenir compte de l’inflation; et (ii) l’exigence selon laquelle les projets qui entrent en construction doivent maintenir un programme de construction continu depuis le début du projet jusqu’à la mise en service du bien, exigence qui aurait pu être différente des lignes directrices en vigueur de l’IRS et avoir un effet rétroactif. Le rapport final ne reprend pas les dispositions de la Loi de la Chambre.

Principales dispositions ayant une portée internationale

Régime d’imposition territorial partiel

Exonération de participation

Selon l’actuel régime américain d’imposition des revenus mondiaux, les sociétés américaines et leurs filiales étrangères doivent payer l’impôt des États-Unis sur leur revenu sans égard à sa provenance, soit au moment où il est gagné, soit au moment où il est ultérieurement distribué. Afin de faire passer les États-Unis à un régime d’imposition territorial aux termes duquel, de façon générale, le revenu est assujetti à l’impôt des États-Unis seulement s’il a été gagné dans ce pays, le rapport final exempterait de l’impôt des États-Unis 100 % des dividendes de provenance étrangère versés par une société étrangère à un actionnaire qui est une société des États-Unis détenant au moins 10 % du capital-actions de la société étrangère en question, mais n’exempterait pas le revenu provenant de divisions non constituées en personne morale, certains « dividendes hybrides » et le revenu assujetti à la sous-partie F. Cette exemption ne s’appliquerait qu’aux sociétés nationales qui respectent l’exigence de détention selon laquelle elles doivent détenir pendant au moins 365 jours les actions sur lesquelles des dividendes sont versés. Les crédits pour impôt étranger attribuables aux dividendes exonérés seraient refusés.

Rapatriement obligatoire des profits de source étrangère reportés

En ce qui concerne la dernière année d’imposition commençant avant le 1er janvier 2018 d’une société étrangère applicable ayant des profits de source étrangère reportés accumulés postérieurs à 1986, le rapport final prévoit ce qui suit : les personnes des États-Unis (particuliers et sociétés) qui détiennent une participation d’au moins 10 % dans une société étrangère contrôlée ainsi que les sociétés étrangères désignées seront tenues d’inclure dans le calcul de leur revenu les profits antérieurement reportés de la société étrangère (selon le régime de la sous-partie F). Les profits reportés seraient imposés sur huit ans (si un tel choix est fait) au taux de 15,5 %, dans la mesure où ils étaient auparavant détenus sous forme d’espèces ou d’autres actifs à court terme, ou au taux de 8 % dans les autres cas. Il se pourrait que le contribuable puisse obtenir un crédit pour l’impôt étranger à l’égard de la portion des impôts sur le revenu étranger associés à l’inclusion forcée des profits reportés dans le calcul de son revenu. Il y a lieu de prendre note que les particuliers américains qui sont assujettis aux dispositions du rapport final relatives au rapatriement obligatoire ne sont pas admissibles au régime d’exonération pour participation « prospective » applicable aux distributions provenant de filiales étrangères, qui est réservé aux actionnaires américains qui sont des sociétés.

Sociétés étrangères contrôlées et régime de la sous-partie F. Le rapport final maintiendrait le régime d’imposition du revenu prévu à la sous-partie F, sous réserve de certaines modifications dont les principales sont les suivantes :

  • La portée de la définition de société étrangère contrôlée (une « CFC » pour « controlled foreign corporation ») serait élargie au moyen des modifications suivantes : (i) les règles d’attribution de la propriété d’actions permettant de déterminer si une société étrangère est une CFC prévoiraient dorénavant qu’une société américaine est considérée comme étant propriétaire des actions d’une société étrangère détenues par ses actionnaires étrangers et (ii) la définition du terme actionnaire des États-Unis (United States shareholder) serait modifiée de manière à inclure les personnes des États-Unis qui sont propriétaires d’actions représentant 10 % de la valeur d’une société étrangère (plutôt que seulement 10 % des actions ayant droit de vote, comme le prévoit la législation en vigueur).
  • L’obligation selon laquelle un actionnaire des États-Unis est tenu d’inclure dans son revenu sa quote-part du revenu assujetti à la sous partie F uniquement si la société a été une CFC pendant au moins 30 jours consécutifs serait supprimée.

Par ailleurs, certaines des modifications en faveur des contribuables faisant partie de la Loi de la Chambre et/ou de la Loi du Sénat n’ont pas été incluses dans le rapport final, notamment (i) l’abrogation proposée des dispositions relatives à l’impôt que doivent payer les actionnaires des États-Unis qui sont des sociétés sur les profits non imposables des CFC qui sont réinvestis dans des biens américains (des biens immobiliers des États-Unis, des biens corporels situés aux États-Unis ou des obligations de leurs sociétés affiliées américaines, par exemple), ce qui semble étrange étant donné l’objectif du rapport final de faire passer les États-Unis à un régime d’imposition territorial; et (ii) la proposition visant à pérenniser la règle de transparence liée aux CFC.

Inclusion pour l’année en cours du « revenu mondial à faible taux d’imposition tiré de biens incorporels »

Le rapport final déroge à la Loi de la Chambre par une démarche qui s'approche davantage de celle de la Loi du Sénat; elle prévoit en effet l’obligation, pour l’actionnaire américain d’une CFC, d’inclure dans son revenu pour l’année en cours sa quote-part du revenu mondial à faible taux d’imposition tiré de biens incorporels (le « GILTI », pour global intangible low-taxed income) de la CFC. En règle générale, le GILTI s’entend de l’excédent de la quote-part du revenu imposable de la CFC revenant à l’actionnaire sur le revenu fondé sur les bénéfices nets réputés tiré d’un bien corporel (généralement basé sur 10 % de la valeur totale de ses biens corporels amortissables ajustée).

Aux termes du rapport final, les actionnaires des États-Unis qui sont des sociétés peuvent se prévaloir d’une déduction au taux de 50 % du GILTI devant par ailleurs être inclus dans leur revenu, ce taux chutant à 37,5 % pour les années d’imposition débutant après 2025. Outre la déduction au titre du GILTI des CFC, le rapport final accorde aux sociétés américaines une déduction correspondant à 37,5 % de certains types de « revenu tiré de biens incorporels à l’étranger » (le « FDII », pour foreign derived intangible income), ce taux chutant à 21,875 % pour les années d’imposition débutant après 2025. En fait, la déduction au titre du revenu tiré de biens incorporels à l’étranger permet à une société américaine de déduire une certaine portion du revenu qu’elle tire de la vente de biens à des étrangers ou de la prestation de services destinés à être utilisés à l’extérieur des États-Unis. L’objectif de cette disposition et du projet de réduction à 21 % du taux d’imposition des sociétés est de créer un nouveau régime de type « boîte à brevets » aux termes duquel les sociétés américaines qui exportent des biens ou des services ou qui concèdent des licences à l’extérieur des États-Unis seront assujetties à un taux d’imposition réduit de 13,125 % (lequel sera porté à 16,406 % pour les années d’imposition débutant après 2025) sur le revenu attribuable à leurs activités d’exportation.

Impôt minimal pour contrer l’érosion de la base d’imposition. Ici encore, le rapport final s’est écarté de Loi de la Chambre, qui proposait l’imposition d’une taxe d’accise de 20 % sur certains paiements de source américaine, et a plutôt intégré (avec quelques ajustements) la disposition de la Loi du Sénat concernant l’« impôt minimal pour contrer l’érosion de la base d’imposition ». Cette disposition s’appliquerait aux « paiements entraînant l’érosion de la base d’imposition » faits ou dus par un contribuable à une personne liée étrangère. Ainsi, certaines sociétés américaines qui effectuent des paiements déductibles ou amortissables à des personnes liées étrangères pourraient devoir payer l’excédent de (i) 10 % de leur revenu imposable modifié (calculé sans qu’il soit tenu compte de ces paiements) sur (ii) leur taux d’imposition normal. Cette disposition s’appliquerait aux sociétés assujetties à l’impôt américain sur le revenu net qui ont en moyenne des recettes brutes annuelles d’au moins 500 millions de dollars et dont le montant des paiements entraînant l’érosion de la base d’imposition correspond à au moins 3 % de leurs déductions totales pour l’année en cause. Dans la plupart des cas, cette disposition du rapport final ne s’appliquera pas aux achats transfrontaliers de stocks pouvant être inclus dans le coût des marchandises vendues (certains achats transfrontaliers de stocks auprès de sociétés étrangères de substitution [surrogate foreign corporations] seront considérés comme des paiements entraînant l’érosion de la base d’imposition).

Règles anti-entités hybrides. Le rapport final contient une disposition qui interdirait la déduction des intérêts ou des redevances versés à une partie liée dans le cadre d’une opération hybride (c’est-à-dire, une opération aux termes de laquelle un paiement est considéré comme des intérêts ou des redevances pour les besoins de l’impôt américain, mais n’a pas cette qualité aux termes de la législation fiscale du territoire du destinataire du paiement) ou d’une opération visant une entité hybride (c’est-à-dire, une entité dont le traitement à titre d’entité ou de société intermédiaire pour les besoins de l’impôt américain diffère de son traitement pour les besoins de l’impôt étranger) dans la mesure où (i) le paiement n’est pas par ailleurs inclus dans le revenu de la partie liée aux termes de la législation locale ou (ii) la partie liée a droit à une déduction au titre du paiement aux termes de la législation locale. Le rapport final prévoit l’octroi du pouvoir réglementaire nécessaire pour réaliser l’objet de cette disposition et s’assurer que les divisions et les entités locales s’y conforment. Il semble que ces règles anti-entités hybrides ciblent certaines structures de financement transfrontalières, notamment celles qui sont couramment utilisées dans le cadre de transactions entre le Canada et les États-Unis, comme les contrats de cession temporaire (ou « repo »), et qu’elles pourraient empêcher la déduction au titre des intérêts versés à l’égard de ce type de structures. De plus, étant donné que le rapport final ne contient pas de disposition de protection des droits acquis concernant les entités hybrides, elle pourrait avoir une incidence sur les paiements visés effectués après 2017 à l’égard de structures de financement transfrontalières déjà en place.

Gain tiré de la vente de certaines participations dans une société de personnes traité comme un revenu effectivement rattaché. Le rapport final irait à l’encontre d’une décision de la Cour de l’impôt, qui avait conclu que la vente d’une participation dans une société de personnes par un étranger constitue la vente d’une immobilisation distincte ne comportant pas la vente des actifs sous-jacents de la société de personnes. Aux termes du rapport final, le gain ou la perte découlant de la vente ou de l’échange, par une personne qui n’est pas des États-Unis, d’une participation dans une société de personnes exerçant une activité commerciale ou exploitant une entreprise aux États-Unis est considéré comme un revenu effectivement rattaché assujetti à l’impôt américain dans la mesure où la vente, par la société de personnes, de la totalité de ses actifs générerait un revenu effectivement rattaché. En outre, le rapport final prévoit l’obligation pour le cessionnaire de la société de personnes de retenir 10 % du montant réalisé au transfert. Bien que l’impôt s’appliquerait aux opérations réalisées le 27 novembre 2017 ou après cette date, la disposition concernant la retenue d’impôt ne s’appliquerait qu’aux opérations réalisées après le 31 décembre 2017.

Planification fiscale de fin d’exercice

La fin de l’exercice approche à grands pas et, à supposer (comme nous le croyons) que le rapport final deviendra loi, cela laissera peu de temps pour mettre en œuvre des stratégies fiscales fondées sur la nouvelle législation. Sont présentées ci-après quelques pistes possibles :

  • Dans la mesure du possible, envisager la possibilité de reporter les gains ou les opérations qui entraîneraient la réalisation de gains (en particulier pour les contribuables qui sont des sociétés) jusqu’en 2018, lorsque les taux marginaux seraient moins élevés, ou anticiper les déductions en 2017 avant que les taux diminuent.
  • Vérifier s’il serait avantageux de modifier l’année d’imposition soit pour anticiper, soit pour reporter l’application de la nouvelle législation fiscale.
  • Reporter les donations imposables jusqu’en 2018 lorsque l’exonération de l’impôt sur les donations serait doublée.
  • En 2018, envisager la possibilité de constituer en sociétés de portefeuille américaines des entreprises intermédiaires et leurs holdings non constitués en sociétés qui détiennent des participations dans des CFC afin de profiter des taux d’imposition réduits des sociétés et de la déduction au titre de l’exonération de participation; toutefois, les contribuables et leurs conseillers devront être à l’affût de toute modification éventuelle de la législation concernant de telles structures et garder à l’esprit les règles relatives aux sociétés de portefeuille personnelles et à l’impôt sur les profits accumulés.
  • Les contribuables américains qui sont des sociétés peuvent encore tirer parti des activités à l’étranger qu’elles détiennent par l’intermédiaire d’une CFC si le taux d’imposition local est inférieur à 21 %.

Conclusion

Avec la publication du rapport final du comité mixte conjoint réunissant des Républicains du Sénat et de la Chambre, les Républicains du Congrès ne sont plus qu’à quelques votes et à une signature présidentielle d’adopter une réforme qui modifiera en profondeur le régime d’imposition fédéral des États-Unis. Compte tenu de l’historique d’impasse au Congrès sur les questions de fiscalité, impossible de dire la chose faite tant que le rapport final n’aura pas été adopté par la Chambre et le Sénat et que le Président n’aura pas signé la loi. Néanmoins, de l’avis général, le rapport final sera vraisemblablement adopté avant Noël avec peu ou pas de changements de fond.

Tant les Républicains du Congrès que le Président sont désireux de présenter une victoire législative à leur base avant la fin de l’année, tout particulièrement à la veille des élections de mi-mandat qui auront lieu en 2018. Les Républicains du Congrès feront donc tout en leur pouvoir pour soumettre un projet de loi final à la signature du Président, qui a exprimé son intention d’offrir un présent des Fêtes au peuple américain sous forme de réductions d’impôt.

Si la loi est adoptée, les contribuables et les fiscalistes, y compris ceux qui investissent, font des affaires ou pratiquent dans l’espace transfrontalier canado-américain, devront examiner et comparer leurs structures fiscales avec attention afin de repérer les incitatifs fiscaux et de prévenir ou d’atténuer les incidences fiscales défavorables que pourrait entraîner la réforme fiscale américaine.

Cette perspective reflète les réformes en matière de législation fiscale en date du mardi 19 décembre 2017 à 9 h.

Personnes-ressource

Connexe

Budget fédéral 2024 : son incidence pour vous et votre entreprise

16 avr. 2024 - Le 16 avril 2024 (le « jour du budget »), l’honorable Chrystia Freeland, vice-première ministre et ministre des Finances du Canada, a présenté le budget fédéral du Parti libéral (le « budget de 2024 »). Le budget de 2024 propose d’apporter un certain nombre de modifications à la législation...