Bulletin

Budget fédéral 2024 : son incidence pour vous et votre entreprise

Le 16 avril 2024 (le « jour du budget »), l’honorable Chrystia Freeland, vice-première ministre et ministre des Finances du Canada, a présenté le budget fédéral du Parti libéral (le « budget de 2024 »). Le budget de 2024 propose d’apporter un certain nombre de modifications à la législation fiscale, notamment à la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR »).

La modification fiscale la plus importante annoncée dans le budget de 2024 est une augmentation du taux d’inclusion des gains en capital qui, à compter du 25 juin 2024, passera de 50 % à 66,6 %. Le budget prévoit toutefois des mesures d’assouplissement à l’intention de certains particuliers qui réalisent des gains en capital, notamment la bonification de l’exonération cumulative des gains en capital. Comme prévu, le budget développe les récentes annonces du gouvernement au sujet de la pénurie de logements au Canada et prévoit des incitatifs pour les nouveaux projets de logements construits expressément pour la location. D’autres incitatifs sont également proposés relativement aux actifs améliorant la productivité et aux investissements dans l’énergie propre. Enfin, le budget prévoit des modifications importantes en matière de procédure et d’administration.

Mesures fiscales générales

Augmentation du taux d’inclusion des gains en capital et modifications connexes

Le budget de 2024 propose de relever le taux d’inclusion des gains en capital de 50 % à 66,6 %, une mesure qui concernera les gains en capital réalisés à compter du 25 juin 2024. Cette augmentation compte pour la grande majorité de la hausse des recettes que le gouvernement prévoit enregistrer aux termes des modifications fiscales avancées dans le budget de 2024, une hausse estimée à 19,3 milliards de dollars d’impôt au cours de la période 2024-2029.

Le taux d’inclusion ainsi augmenté s’appliquera aux sociétés, aux particuliers et aux fiducies, mais les particuliers continueront de bénéficier d’un taux d’inclusion de 50 % à concurrence de 250 000 $ de gains en capital réalisés annuellement (y compris les gains en capital gagnés par le biais d’une société de personnes ou d’une fiducie). Le montant de 250 000 $ s’appliquera aux gains en capital nets des particuliers, une fois pris en compte les reports prospectifs des pertes en capital, l’exonération cumulative des gains en capital et les gains exemptés en vertu des nouvelles règles préférentielles sur les gains en capital dont il est question ci-dessous. Le montant de 250 000 $ ne sera pas calculé au prorata pour la part de l’année d’imposition au cours de laquelle intervient l’augmentation du taux d’inclusion. Des modifications seront apportées aux règles sur les options d’achat d’actions, de sorte que les avantages admissibles liés aux options d’achat soient également inclus à 66,6 % dans le revenu. Les modifications ne semblent pas prévoir d’exonération de 250 000 $ pour les sociétés privées sous contrôle canadien, ce qui marque un écart par rapport au principe selon lequel les contribuables devraient de manière générale pouvoir réaliser indifféremment des gains en capital à titre personnel ou par le biais d’une société privée sous contrôle canadien dont ils ont le contrôle. Un tel changement pourrait donc se traduire par des coûts supplémentaires pour ceux qui cherchent à investir par le biais de sociétés.

Des ajustements seront apportés aux pertes en capital déductibles reportées pour tenir compte des taux d’inclusion relatifs des années où les pertes ont été subies et auxquelles les pertes sont appliquées, de sorte que, dans les faits, un dollar de perte en capital compense toujours un dollar de gain en capital.

Le budget de 2024 semble considérer l’impôt sur les gains en capital (en particulier, l’impôt sur les gains en capital supérieurs à 250 000 $ annuellement) comme une taxe indirecte imposée aux contribuables les plus riches. Le gouvernement explique en long et en large que les modifications ne toucheront qu’un petit pourcentage de contribuables canadiens, apparemment 0,13 % d’entre eux et 0,01 % des moins de 30 ans. Lorsque le taux d’inclusion des gains en capital a été modifié en 2000 pour la dernière fois, le but était d’encourager la prise de risque et de faciliter l’accès au financement. En relevant le taux d’inclusion des gains en capital, le budget pourrait réduire les futurs investissements d’entreprises et neutraliser les incitatifs dont il est fait mention ci-dessous, visant à accroître l’investissement dans les logements destinés à la location et l’équipement améliorant la productivité.

Le budget de 2024 n’inclut pas d’avant-projet de loi en ce qui a trait aux modifications décrites plus haut concernant le taux d’inclusion des gains en capital ou les exclusions des gains en capital. L’augmentation du taux d’inclusion des gains en capital exigera d’apporter des modifications corrélatives compliquées dans l’ensemble de la LIR. Par exemple, il reste à savoir comment ces règles s’appliqueront aux contribuables qui réalisent des gains en capital avant le 25 juin 2024 par le biais d’une société de personnes ou d’une fiducie qui attribue les gains à l’associé ou au bénéficiaire plus tard dans l’année. Le budget de 2024 indique que « d’autres détails sur la conception » concernant les modifications souhaitées seront communiqués au cours des prochains mois.

Étant donné que l’augmentation du taux d’inclusion des gains en capital n’entre pas en vigueur avant le 25 juin 2024, les contribuables peuvent décider d’effectuer des opérations dans le but de déclencher les gains accumulés non réalisés avant cette date, pendant qu’ils peuvent encore bénéficier du taux inférieur. De plus, les contribuables qui, autrement, auraient déclaré des reports prospectifs de pertes en capital dans leur déclaration de revenus de 2023 pourront décider s’il vaut mieux différer la déclaration de ces reports pour les appliquer aux gains en capital réalisés après le 25 juin 2024.

Mesures fiscales pour les entreprises

Incitatif en matière de logements locatifs

Comme prévu, le budget de 2024 inclut une série de mesures fiscales destinées à stimuler la création de logements destinés à la location au Canada.

Le budget de 2024 relève la déduction disponible pour amortissement de 4 % à 10 % pour tous les projets de logements locatifs admissibles dont la construction débute le jour du budget ou après, et avant le 1er janvier 2031, et dans lesquels les locataires peuvent emménager avant le 1er janvier 2036. Cadrant avec la bonification temporaire du remboursement de la TPS pour immeubles d’habitation locatifs neufs, les projets admissibles sont des logements neufs construits spécialement pour la location qui sont des complexes résidentiels comptant au moins 4 appartements privés ou 10 chambres ou suites privées, et dans lesquels au moins 90 % des unités résidentielles sont destinées à la location à long terme.

De plus, le budget de 2024 prévoit une nouvelle exemption générale aux termes de la proposition de règles sur la restriction des dépenses excessives d’intérêts et de financement (la « RDEIF ») pour les projets admissibles de logements destinés à la location. Avant le budget de 2024, les règles sur la RDEIF contenaient une exemption stricte relativement au financement sans lien de dépendance de certains projets d’infrastructure des partenariats public-privé. Le budget de 2024 propose d’élargir cette exemption aux projets admissibles de logements destinés à la location de façon rétroactive aux années d’imposition qui commencent après le 1er octobre 2023. Notamment, l’exemption vise les dépenses de financement sans lien de dépendance engagées dans le but non seulement de construire, mais également d’acquérir des logements locatifs admissibles. Ces modifications concernant la RDEIF s’appliqueront aux années d’imposition qui commencent après le 1er octobre 2023 (c.-à-d., à partir de l’entrée en vigueur de la RDEIF).

Le budget de 2024 prévoit également des modifications à la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA ») visant à s’assurer que les universités, les collèges publics et les administrations scolaires aient le droit de demander le remboursement bonifié de la TPS sur les immeubles d’habitation locatifs pour les logements expressément construits pour la location, comme annoncé le 14 septembre 2023.

Enfin, le budget de 2024 propose de lancer des consultations sur une nouvelle taxe potentielle sur les terrains vacants en zone résidentielle.

Actifs améliorant la productivité

Le budget de 2024 propose d’accorder un taux de déduction pour amortissement accéléré sur certains actifs amortissables « améliorant la productivité », à savoir les brevets, l’équipement d’infrastructure de réseaux de données et les logiciels connexes, les ordinateurs et le matériel électronique universel de traitement de l’information et les logiciels de système. À l’heure actuelle, les contribuables peuvent bénéficier d’un taux de déduction pour amortissement sur ces actifs de 25 %, 30 % et 55 %, respectivement. Le budget de 2024 propose de passer immédiatement en charges les nouveaux biens supplémentaires relevant de ces trois catégories, sous réserve que le bien ait été acquis à compter du jour du budget et soit prêt à être mis en service avant le 1er janvier 2027.

Crédits d’impôt à l’investissement dans l’électricité propre et pour la fabrication de technologies propres

Le budget de 2024 propose d’instaurer une législation concernant le crédit d’impôt à l’investissement dans l’électricité propre, un taux de crédit d’impôt remboursable de 15 % annoncé initialement dans l’Énoncé économique de l’automne de 2023 relativement à des dépenses en immobilisations admissibles en matière d’électricité propre, notamment les dépenses engagées dans des projets d’énergie solaire, éolienne, hydroélectrique et nucléaire, ou dans des projets de gaz naturel avec captage et stockage du carbone. Le budget de 2024 prévoit que ce crédit d’impôt remboursable sera offert aux sociétés d’État provinciales et territoriales, aux sociétés appartenant à des municipalités ou à des communautés autochtones, aux sociétés de gestion de pension et aux sociétés canadiennes imposables, et non aux fiducies comme on le croyait. Notamment, pour prétendre à ce crédit d’impôt, les sociétés d’État provinciales et territoriales doivent s’engager publiquement à contribuer à créer un réseau d’électricité carboneutre d’ici 2035 et à transférer la valeur du crédit d’impôt aux contribuables de leur province ou territoire, afin de réduire les factures d’électricité de ces derniers. Ces sociétés devront, en outre, s’engager à rendre compte publiquement, chaque année, de la façon dont le crédit d’impôt a allégé les factures des contribuables, à défaut de quoi elles encourront une pénalité. L’admissibilité à l’intégralité du crédit de 15 % sera sous réserve de la satisfaction de certaines exigences concernant la main-d’œuvre. En l’absence de satisfaction de ces exigences, le crédit sera ramené à 5 %.

Le budget de 2024 revoit également le crédit d’impôt à l’investissement pour la fabrication de technologies propres, c’est-à-dire le crédit d’impôt remboursable de 30 % sur les dépenses admissibles dans le cadre de la fabrication de technologies propres qui avait été annoncé dans le budget de 2023, de manière à inclure les projets qui fabriquent plusieurs types de métaux. Le gouvernement prévoit également une règle d’exonération qui vise à limiter la récupération en vertu de ces règles dans l’éventualité où un contribuable obtiendrait un crédit d’impôt relativement à un bien dont l’utilisation ne le rend plus admissible au crédit d’impôt dans un délai de dix ans suivant son acquisition.

Le budget de 2024 prévoit l’instauration d’un nouveau crédit d’impôt de 10 % (en plus du crédit d’impôt de 30 % à l’investissement pour la fabrication de technologies propres) sur le coût des bâtiments utilisés aux fins de l’assemblage de véhicules électriques, de la production de batteries pour les véhicules électriques et de la production de matériaux actifs de cathodes.

Enfin, le budget de 2024 comprend certaines règles techniques relativement à l’intégration du crédit d’impôt à l’investissement dans l’électricité propre à d’autres crédits d’impôt fédéraux (notamment le crédit d’impôt de 30 % à l’investissement pour la fabrication de technologies propres), ainsi que des règles sur la disponibilité du crédit d’impôt au titre de dépenses effectuées dans le cadre de projets réalisés par des sociétés de personnes. Le gouvernement explique, notamment, que chaque associé d’une société de personnes peut demander soit le crédit d’impôt à l’investissement dans l’électricité propre, soit le crédit d’impôt à l’investissement pour les technologies propres, selon la part raisonnable de l’un ou l’autre crédit auquel il est admissible.

Enfin, le budget de 2024 comprend certaines règles techniques relativement à l’intégration du crédit d’impôt à l’investissement dans l’électricité propre à d’autres crédits d’impôt fédéraux (notamment le crédit d’impôt de 30 % à l’investissement pour la fabrication de technologies propres), ainsi que des règles sur la disponibilité du crédit d’impôt au titre de dépenses effectuées dans le cadre de projets réalisés par des sociétés de personnes. Le gouvernement explique, notamment, que chaque associé d’une société de personnes peut demander soit le crédit d’impôt à l’investissement dans l’électricité propre, soit le crédit d’impôt à l’investissement pour les technologies propres, selon la part raisonnable de l’un ou l’autre crédit auquel il est admissible.

Remise canadienne sur le carbone des petites entreprises

Le budget de 2024 élargit la Remise canadienne sur le carbone de manière à octroyer un nouveau crédit d’impôt remboursable automatique, établi en fonction du produit de la redevance provinciale sur les combustibles, aux sociétés privées sous contrôle canadien, à condition que celles-ci ne comptent pas plus de 499 employés au cours de l’année civile où commence la redevance sur les combustibles. Le crédit sera déterminé en fonction du nombre de personnes employées par la société dans une province et du taux indiqué par le ministre des Finances de la province pour l’année correspondante où s’applique la redevance sur les combustibles. Il ne sera pas nécessaire de faire une demande de crédit d’impôt. L’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») déterminera les petites entreprises admissibles et appliquera le crédit d’impôt de façon automatique.

Arrangements de capitaux propres synthétiques

Sous réserve d’une liste croissante d’exceptions, les dividendes payés entre sociétés canadiennes sont admissibles à une « déduction pour dividendes reçus », un montant compensatoire qui vise à éviter qu’un même revenu ne soit assujetti à de multiples paliers d’imposition. Une règle anti-évitement refuse la déduction pour dividendes reçus relativement à des « arrangements de capitaux propres synthétiques », si la société imposable a transféré à une contrepartie la totalité ou la quasi-totalité des possibilités de subir des pertes et de réaliser des gains ou des bénéfices. Le budget de 2024 propose d’élargir ces règles anti-évitement en supprimant les exceptions qui visent actuellement les arrangements négociés sur une bourse en instruments financiers dérivés, ou les situations où la société imposable est en mesure d’établir qu’aucun « investisseur indifférent relativement à l’impôt » ne détient la totalité du risque économique relativement aux actions. Cette proposition s’inscrit dans la tendance qui consiste à limiter la déduction pour dividendes reçus, comme l’an dernier où l’on a assisté à une restriction de la déduction pour dividendes reçus par des institutions financières. Cette proposition s’appliquerait aux dividendes reçus à compter du 1er janvier 2025.

Sociétés de placement à capital variable

Une société de placement à capital variable est un mécanisme de mise en commun de placements qui fait l’objet de règles particulières, notamment l’intégration de l’imposition de l’entreprise et des actionnaires (à l’instar du mécanisme de remboursement des gains en capital). Le budget de 2024 propose d’adapter la définition d’une société de placement à capital variable, afin d’empêcher une société de se qualifier si elle est contrôlée par un particulier ou une société de personnes, ou au profit de ceux-ci (ou toute combinaison de particuliers ou de sociétés de personnes ayant un lien de dépendance), qui détiennent en tout plus de 10 % de la juste valeur marchande de toutes les actions émises et en circulation de la société. La proposition législative prévoit une règle d’exonération limitée au cours des deux premières années après la constitution en société, à condition que la juste valeur marchande cumulée des actions détenues par le particulier, la société de personnes ou le groupe qui exercent le contrôle de la société ne dépasse pas 5 millions de dollars. Le budget de 2024 indique que des exceptions seront prévues pour les véhicules à participation multiple. Cette modification s’appliquera aux années d’imposition qui commencent après 2024.

Sociétés en faillite assujetties aux règles sur les remises de dettes

La LIR contient des règles sur les remises de dettes qui réduisent les attributs fiscaux des contribuables qui remboursent leur créance pour un montant inférieur à son principal. En général, ces règles ne s’appliquent pas aux contribuables en faillite qui sont assujettis à la règle relative à la restriction des pertes. Le budget de 2024 inclut une modification particulière qui supprimerait l’exclusion des sociétés (mais pas des particuliers) en faillite des règles sur les remises de dettes aux termes de la LIR. Certains contribuables ont cherché à utiliser cette exclusion pour éviter de perdre les attributs fiscaux aux termes des règles sur les remises de dettes sans pour autant clore la faillite – des arrangements dont la déclaration sera rendue obligatoire en vertu des règles sur les opérations à signaler. Cette modification s’appliquerait aux procédures en matière de faillite entamées à compter du jour du budget.

Fournisseurs de services non-résidents

Le budget de 2024 propose d’élargir les pouvoirs de l’ARC en ce qui a trait aux dérogations accordées relativement à l’obligation de retenue prévue à « l’article 105 du Règlement » sur les paiements versés à des fournisseurs de services non-résidents. Ces pouvoirs élargis s’appliqueraient aux fournisseurs de services non-résidents qui bénéficient d’une exonération en vertu d’une convention fiscale ou qui exercent certains types d’activités de transport qui ne sont pas assujetties à l’impôt au Canada. L’ARC serait ainsi en mesure d’accorder une dérogation à l’obligation de retenue relativement à toutes les opérations effectuées au cours d’une période donnée. Apparemment, il faudra tout de même envoyer une demande de dérogation à l’ARC.

Recherche scientifique et développement expérimental

L’un des documents de contexte technique qui accompagnent le budget de 2024 indique qu’il y aura une modernisation des incitatifs fiscaux dans le domaine de la recherche scientifique et du développement expérimental. Toutefois, aucun autre détail n’est fourni.

Encourager les régimes de pension canadiens à investir

Le budget de 2024 propose de mettre sur pied un groupe de travail qui sera chargé d’aider les plus grands régimes de pension au Canada à trouver des possibilités d’accroître les investissements au pays.

Taxe sur les services numériques

Le gouvernement avait soumis un projet de loi visant à mettre en œuvre une taxe sur les services numériques, qui imposerait une taxe de 3 % sur certains revenus de source canadienne des entreprises de services numériques, mais il reste à savoir à quelle date cette nouvelle taxe entrera en vigueur. Le budget de 2024 confirme que la taxe sur les services numériques devrait entrer en application en 2024, les premiers versements étant exigibles en 2025, ce qui couvrirait les revenus du numérique réalisés depuis 2022.

Mesures fiscales pour les particuliers

Modifications apportées à l’exonération cumulative des gains en capital

La limite de l’exonération cumulative des gains en capital sera relevée du montant actuel d’environ 1 million de dollars à 1,25 million de dollars pour le reste de 2024 et 2025. L’indexation reprendra en 2026.

Incitatif aux entrepreneurs canadiens

Le budget de 2024 propose un nouvel « incitatif aux entrepreneurs canadiens » (l’« IEC »), qui fonctionnerait comme une bonification de l’exonération cumulative des gains en capital s’appliquant à un nombre plus restreint de contribuables, assortie d’une limite à vie d’un maximum de 2 millions de dollars par contribuable. L’IEC aurait également pour effet de ramener le taux d’inclusion des gains en capital à 33,33 % relativement aux gains en capital visés. Le montant maximal des gains visés par l’IEC se chiffrerait d’abord à 200 000 $ en 2025, puis augmenterait de 200 000 $ par année jusqu’en 2034.

Pour prétendre à l’IEC, un actionnaire vendeur devra satisfaire aux exigences qui permettent de demander l’exonération cumulative des gains en capital et en plus : (i) la personne devra être un « investisseur fondateur » dans la société au moment où celle-ci était initialement capitalisée et avoir toujours détenu directement des actions représentant au moins 10 % des votes et de la valeur de la société, (ii) la personne devra avoir participé activement à l’entreprise de façon régulière, continue et importante, et (iii) la société ne doit pas être une société professionnelle ni appartenir à certaines catégories interdites, notamment une entreprise dont le principal actif est la compétence ou la réputation d’une personne; une entreprise évoluant dans les secteurs des services financiers, de l’assurance, de l’immobilier, de l’hébergement et de la restauration, des arts, des spectacles ou des loisirs; ou une entreprise fournissant des services de conseil ou de soins personnels.

Fiducies collectives des employés

Le budget de 2024 détaille également plus amplement une proposition de l’Énoncé économique de l’automne de 2023 visant à exempter d’impôt les gains en capital découlant de la vente d’actions à une fiducie collective des employés (une « FCE ») à hauteur de 10 millions de dollars, au titre d’un « transfert admissible d’entreprise » (tel que défini dans les règles proposées pour les FCE). Cette exemption de 10 millions de dollars devra être partagée, aux termes d’une entente, entre tous les particuliers qui disposent d’actions dans le cadre d’un transfert admissible d’entreprise.

Pour avoir droit à l’exemption fiscale accordée aux FCE, il faut que le particulier (ou certaines personnes ou sociétés de personnes liées) ait détenu les actions tout au long des 24 mois qui précèdent le transfert. De plus, au cours de cette période de 24 mois, plus de 50 % des actifs de la société doivent avoir été utilisés principalement dans une entreprise active (pas nécessairement située au Canada) (le « critère de 50 % des actifs »). À un moment donné avant le transfert, le particulier (ou son conjoint) doit avoir participé activement à l’entreprise de façon régulière et continue pendant une période d’au moins 24 mois. Enfin, aussitôt après le transfert des actions à la FCE, au moins 90 % des bénéficiaires de la FCE doivent être des résidents canadiens. L’exemption fiscale accordée aux FCE ne s’appliquera pas aux actions d’une société professionnelle.

L’exemption est également assujettie à l’absence de tout « événement de disqualification ». Un événement de disqualification se produira si la fiducie perd son statut de FCE ou si la société omet de satisfaire au critère de 50 % des actifs au début de deux années d’imposition consécutives. Si un événement de disqualification survient dans les trois années qui suivent le transfert, l’exemption fiscale accordée aux FCE sera refusée de façon rétroactive, et la FCE sera conjointement et solidairement responsable de l’impôt découlant du transfert effectué par le particulier. Si l’événement de disqualification survient après le seuil des trois ans, la FCE sera alors réputée réaliser un gain en capital équivalent au gain en capital visé par l’exemption et ne devra s’acquitter que de l’impôt sur le gain en capital réputé.

Le budget de 2024 propose également d’exonérer entièrement les FCE de l’impôt minimum de remplacement et de prolonger de trois ans la période normale de nouvelle cotisation d’un particulier pour une année d’imposition à laquelle se rapporte l’exemption fiscale accordée aux FCE.

Impôt minimum de remplacement

Un certain nombre de changements sont proposés concernant les modifications qui avaient été annoncées pour la première fois lors du budget de 2023 relativement à l’impôt minimum de remplacement (l’« IMR »). Le budget de 2024 propose de réviser le traitement fiscal des dons de bienfaisance de manière à autoriser les particuliers à réclamer 80 % du crédit d’impôt pour dons de bienfaisance (plutôt que 50 % tel que proposé précédemment) dans le calcul de l’IMR. Les fiducies collectives des employés seront exonérées de l’IMR, de même que certaines fiducies de règlement et fiducies communautaires autochtones. D’autres modifications techniques permettraient que des crédits qui étaient refusés en vertu de l’IMR soient désormais admissibles au report prospectif de l’IMR. Ces modifications s’appliqueraient aux années d’imposition commençant le 1er janvier 2024 ou après cette date. Le budget de 2024 propose, en outre, que les gains en capital exonérés au titre du nouvel incitatif aux entrepreneurs canadiens, décrit plus haut, soient assujettis à un taux d’inclusion de 30 % aux fins de l’IMR.

Régimes enregistrés – placements admissibles

Le budget de 2024 sollicite les commentaires des parties prenantes au sujet des règles sur les placements admissibles applicables aux régimes enregistrés comme les régimes enregistrés d’épargne retraite et les comptes d’épargne libre d’impôt, d’ici le 15 juillet 2024. L’éventail des actifs qui satisfont aux règles sur les placements admissibles varie d’un régime enregistré à un autre, qu’il s’agisse de placements dans de petites entreprises, de produits communs de placement ou de rentes. Entre autres questions, le gouvernement demande si les règles sur les placements admissibles devraient être harmonisées, et si et comment ces règles pourraient favoriser une augmentation des investissements basés au Canada. Toute modification permettrait aux régimes enregistrés d’accéder à un plus large éventail de produits d’investissement, notamment aux actifs dits non traditionnels (capital de risque, infrastructure et crédit privé), lesquels ont été très peu accessibles pour ces régimes par le passé.

Élargissement des pouvoirs d’exécution et d’administration fiscale

Non-conformité aux demandes de renseignements

Le budget de 2024 inclut un certain nombre de mesures qui visent à renforcer les pouvoirs de vérification de l’ARC et qui entreraient en vigueur à la date de la sanction royale de la loi habilitante. Des règles comparables seront édictées dans la LTA, la Loi sur l’accise (la « LA »), la Loi sur la taxe sur certains biens de luxe (la « LTBL ») et la Loi sur la taxe sur les logements sous-utilisés (la « LTLSU »). Ces mesures font suite aux modifications du 15 décembre 2022 qui élargissent les pouvoirs de vérification de l’ARC, notamment le pouvoir d’obliger les contribuables à se présenter aux entrevues et à fournir des renseignements sous la forme imposée par l’ARC (graphiques, feuilles de calcul, tableaux, etc.).

Avis de non-conformité

Tout d’abord, le budget de 2024 met en place un « avis de non-conformité » que l’ARC pourra délivrer à un contribuable qui ne s’est pas conformé en tout ou en partie à une demande de vérification. Un particulier qui se voit remettre un avis de non-conformité s’expose à une pénalité de 50 $ par jour au cours duquel l’avis est en suspens, à concurrence de 25 000 $. En outre, tant que l’avis de non-conformité reste sans suite, le délai d’établissement d’une nouvelle cotisation par l’ARC sera suspendu. Un contribuable qui se voit signifier un tel avis pourra demander que l’ARC revoie sa décision d’émettre l’avis, et il pourra présenter des observations à cet égard. Cette révision sera elle-même contrôlable par la Cour fédérale. Si l’ARC ou la Cour décident d’annuler l’avis de non-conformité, la pénalité ne sera pas appliquée, mais la suspension du délai d’établissement d’une nouvelle cotisation sera maintenue.

Pénalité aux termes d’une ordonnance d’exécution

De plus, le budget de 2024 met en place des pénalités supplémentaires en cas de non-conformité à une demande de vérification. Actuellement, l’ARC peut demander une ordonnance d’exécution à la Cour fédérale dans les situations où les contribuables ne se sont pas conformés à ses demandes de vérification (c.-à-d., des demandes de renseignements). Le budget de 2024 propose de renforcer ces pouvoirs en matière d’ordonnance d’exécution en imposant une pénalité au contribuable égale à 10 % du montant total d’impôt à payer relativement à l’année ou aux années d’imposition auxquelles se rapporte l’ordonnance d’exécution.

La pénalité ne serait imposée que si l’impôt dû pour l’une des années d’imposition auxquelles l’ordonnance d’exécution se rapporte excède 50 000 $.

Interrogatoire sous serment ou affirmation solennelle

Les modifications qui ont conféré le pouvoir à l’ARC d’obliger les contribuables à se présenter aux entrevues sont entrées en vigueur le 15 décembre 2022. Maintenant, le budget de 2024 propose d’accroître encore ces pouvoirs de sorte qu’un particulier soit obligé de fournir les réponses aux questions, les renseignements et les documents demandés par l’ARC de vive voix, sous serment ou affirmation solennelle, ou par affidavit. Le risque est que ces déclarations faites par le contribuable (à l’oral ou par écrit) dans le cadre de la vérification soient utilisées plus tard dans des procédures, ce qui pourrait amener le contribuable à commettre un parjure, ou dans le cadre de l’application de pénalités, d’amendes, voire d’une peine d’emprisonnement.

Élargissement de la capacité à demander des renseignements étrangers

Historiquement, l’ARC ne pouvait demander des renseignements ou des documents étrangers qu’aux fins de l’administration et de l’application de la LIR. Le budget de 2024 renforce cette capacité en élargissant le sens de « renseignement ou document étranger » de manière à inclure tout renseignement ou document, situé à l’extérieur du Canada, qui peut être pris en compte pour l’application d’un accord international désigné ou d’un traité fiscal conclu avec un autre pays. Le budget de 2024 prévoit également d’étendre ces pouvoirs aux mesures de recouvrement de l’ARC.

Évitement de dettes fiscales

L’ITA comprend des règles qui visent à empêcher un contribuable de se soustraire au paiement d’une dette fiscale en transférant ses actifs à une personne avec qui il a un lien de dépendance pour une contrepartie inadéquate. Selon le budget de 2024, certains contribuables auraient effectué des opérations dans le but de contourner ces règles en transférant des biens par des intermédiaires. Le budget de 2024 propose un certain nombre de modifications qui élargissent ces règles. Notamment, les intermédiaires seront tenus conjointement et solidairement responsables du montant intégral de la dette fiscale évitée, y compris toute partie ayant été retenue par les intermédiaires. Ces règles s’appliqueront aux opérations effectuées à compter du jour du budget. Des règles comparables seront édictées dans la LTA, la LA, la LTBL et la LTLSU. Ces modifications s’appliqueront aux opérations effectuées à compter du jour du budget.

Réduction des pénalités pour opérations à déclarer et à signaler

Dans le cadre d’un assouplissement très mineur des règles récemment édictées sur les opérations à déclarer et à signaler, le budget de 2024 propose que la pénalité générale prévue aux termes de la LIR en cas de défaut de produire une déclaration de renseignements ne s’applique pas aux défauts de produire des déclarations relatives aux opérations à déclarer et à signaler, sachant qu’un tel manquement est visé par des pénalités particulières dans les règles sur les opérations à déclarer et à signaler. Cette modification interviendrait de façon rétroactive à compter du 22 juin 2023, date à laquelle les règles sur les opérations à déclarer et à signaler sont entrées en vigueur.

Déclaration des cryptoactifs

Le budget de 2024 propose de mettre en œuvre, au Canada, le Cadre de déclaration des cryptoactifs (le « CDC ») approuvé par l’Organisation de coopération et de développement économiques. Ces modifications imposeraient des obligations déclaratives aux entités et aux particuliers qui sont résidents ou qui exploitent une entreprise au Canada, et qui fournissent des services opérationnels sous la forme d’échange de cryptoactifs. Ces fournisseurs de services seraient tenus d’obtenir des renseignements auprès de leurs clients et de déclarer ces renseignements, outre des renseignements sur les transactions faisant intervenir des cryptoactifs, comme les échanges de cryptoactifs contre d’autres cryptoactifs ou une monnaie, et les transferts de cryptoactifs par des clients pour le compte d’un commerçant à titre de paiement pour la fourniture de biens ou de services d’une valeur supérieure à 50 000 $.

Norme commune de déclaration

Outre la mise en œuvre du CDC, le budget de 2024 propose d’élargir les exigences de déclaration prévues aux termes de la Norme commune de déclaration (la « NCD ») de manière à inclure certains produits de paiement électronique et les monnaies numériques des banques centrales non couverts par le CDC. Ces modifications viseront notamment à mettre en œuvre une coordination adéquate entre la NCD et le CDC, ainsi qu’à accroître les obligations de déclaration de renseignements et à renforcer les procédures de diligence raisonnable auxquelles sont tenues les institutions financières. Enfin, le gouvernement propose d’apporter des modifications particulières concernant les obligations déclaratives ayant trait aux comptes non enregistrés détenus dans des sociétés à capital de risque de travailleurs (pour les faire correspondre de plus près aux obligations qui s’appliquent aux comptes enregistrés comme les régimes enregistrés d’épargne retraite) ainsi que certaines dispositions anti-évitement énoncées dans la NCD, de manière à les renforcer.

Il est proposé d’appliquer les mesures relatives au CDC et la NCD à l’année civile 2026 et aux années civiles subséquentes. La première déclaration en vertu de ces règles sera exigible en 2027.

Expertise

Connexe

Transparence des sociétés régies par la LCSA : les nouvelles règles concernant le dépôt des renseignements et la consultation par le public entrent en vigueur le 22 janvier 2024

20 déc. 2023 - Le gouvernement fédéral a fixé au 22 janvier 2024 la date d’entrée en vigueur des nouvelles règles selon lesquelles les sociétés à capital fermé constituées en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (la « LCSA ») qui ne sont pas dispensées devront déposer régulièrement...