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Projet de règlement pour la mise en œuvre des règles américaines sur le dépouillement des intérêts dans la foulée de la réforme fiscale

Auteurs : Peter Glicklich, Gregg M. Benson et Heath Martin

Comme nous l’avons mentionné précédemment, la loi des États-Unis intitulée Tax Cuts and Jobs Act a radicalement modifié la limite de déductibilité des charges d’intérêts en vertu de l’article 163(j).1 Par suite de la modification, la limite s’applique à tous les contribuables (et non pas seulement aux sociétés) ainsi qu’aux intérêts des entreprises versés à des parties non liées (et à des parties liées), mais elle ne s’applique pas aux intérêts sur les placements. De plus, le pourcentage de déduction autorisé des charges d’intérêts est réduit à 30 % du BAIIA de l’emprunteur (lequel passera à 30 % du BAII après 2021), et de nouvelles règles plus restrictives s’appliqueront aux charges d’intérêts des sociétés de personnes. Enfin, certaines entreprises immobilières, agricoles et de services publics sont soustraites à l’application de la disposition nouvellement modifiée.

Le 26 novembre 2018, l’IRS a publié un projet de règlement qui fournit plus de renseignements sur la façon dont l’article 163(j) sera appliqué. Les nouvelles règles devraient entrer en vigueur pour les années d’imposition se terminant après la date de publication de la version définitive du règlement dans le Federal Register, quoiqu’un contribuable puisse de manière générale appliquer les règles aux années d’imposition commençant après le 31 décembre 2017, à condition que les parties liées au contribuable les appliquent également.2

Les principales dispositions du règlement proposé sont les suivantes :

Définition d’intérêt. Dans le préambule du projet de règlement, l’IRS indique qu’il n’existe aucune définition d’application générale du concept d’intérêt en droit fiscal fédéral. Néanmoins, le règlement donne une définition large du terme « intérêt » pour l’application de l’article 163(j). Cette définition inclut explicitement des éléments tels que les escomptes lors de l’émission initiale (original issue discount), les escomptes de marché accumulés, certaines opérations de couverture, les paiements d’intérêt de remplacement, les commissions d’engagement, les frais d’émission de la dette et certaines modalités liées à un swap.

Définition d’activité commerciale (trade) et d’entreprise (business). Le projet de règlement applique l’article 163(j) de façon distincte aux activités commerciales exercées par un contribuable et aux entreprises exploitées par celui-ci et énonce des règles d’attribution des intérêts créditeurs et des charges d’intérêt entre les activités commerciales et les entreprises assujetties à l’article 163(j) et celles qui sont soustraites à l’application des nouvelles règles.

Règles relatives à l’ordre des déductions. Le projet de règlement prévoit que la limite prévue à l’article 163(j) s’applique après les dispositions du Code qui reportent ou capitalisent la charge d’intérêt ou interdisent sa déductibilité, exception faite des restrictions relatives aux pertes sur activités passives et aux fractions à risques et de certaines autres dispositions. L’IRS ne s’est pas prononcé sur l’interaction entre l’article 163(j) et le BEAT. Des règles spéciales relatives à l’ordre d’application s’appliquent également aux reports d’intérêts suspendus des années antérieures. Le projet de règlement prévoit que les charges d’intérêt d’entreprise doivent être déduites pendant l’année d’imposition en cours avant que des charges d’intérêt reportées, dont la déduction avait été refusée antérieurement, puissent être déduites au cours de l’année en question. Ces règles sur l’ordre des déductions sont nécessaires, en partie, pour empêcher que les déductions reportées prospectivement aux termes de l’article 163(j) n’épuisent les déductions prévues à l’article 382, le cas échéant.

C corporations. L’IRS a confirmé que les intérêts créditeurs et les charges d’intérêt d’une C corporation sont considérés comme des intérêts créditeurs et des charges d’intérêt d’entreprise (et non pas comme des intérêts de placement et des charges d’investissement, lesquels ne sont pas, ainsi qu’il est indiqué ci-dessus, assujettis à limite de déductibilité de l’article 163(j)). Par conséquent, le projet de règlement prévoit que les intérêts de placement et les charges d’investissement attribués par une société de personnes à un associé qui est une C corporation sont considérés comme des intérêts créditeurs ou des charges d’intérêt d’entreprise pour cet associé.

Des règles détaillées régissent l’impact de l’article 163(j) sur les bénéfices d’une C corporation. Selon ces règles, une C corporation devrait déduire de ses bénéfices le plein montant de ses charges d’intérêt d’entreprise, peu importe que ces charges soient limitées par l’article 163(j). Font exception à cette règle les sociétés de placement réglementées (regulated investment companies) et les FPI, les reports aux termes de la version antérieure de l’article 163(j) qui ont déjà été reflétés dans les bénéfices de la C corporation et les attributions excédentaires de charges d’intérêt d’entreprise provenant d’une société de personnes.

Conformément à la loi modifiée, le projet de règlement prévoit qu’une société par actions qui acquiert des actifs d’une autre société par actions à l’occasion de certaines réorganisations et liquidations réalisées en franchise d’impôt succède aux charges d’intérêt d’entreprise reportées, dont la déduction a été refusée antérieurement, de la société dont les actifs ont été acquis.

Groupes consolidés (consolidated groups). Selon le projet de règlement, la limite prévue à l’article 163(j) s’applique à l’ensemble d’un groupe consolidé (mais non à un groupe de sociétés affiliées qui ne dépose pas d’états financiers consolidés). Des règles précises régissent le calcul de la limite et du revenu imposable modifié à l’égard de tels groupes. Le projet de règlement prévoit que la limite associée à la SRLY (separate return limitation year) s’applique aux charges d’intérêt d’entreprise dont la déduction a été refusée antérieurement.

Sociétés de personnes. Le projet de règlement renferme une longue série de règles techniques concernant l’application de l’article 163(j) aux entités intermédiaires. Toutefois, l’IRS est restée muette concernant certains des sujets les plus épineux qui entourent cette question, comme les opérations de prêts auto-consentis, les structures intermédiaires à paliers et les fusions et scissions de sociétés de personnes. En outre, le projet de règlement comprend plusieurs règles qui visent à éviter une double comptabilisation qui pourraient avoir des conséquences inattendues.

Enjeux internationaux. Le projet de règlement renferme des règles concernant l’application de l’article 163(j) aux sociétés sous contrôle étranger (controlled foreign corporation ou CFC), dont un nouveau choix fiscal qui permet l’application de l’article 163(j) à un ensemble de CFC. On y trouve également des règles qui font en sorte que, si une personne étrangère exerce des activités commerciales ou exploite une entreprise aux États-Unis, l’application de l’article 163(j) tient compte uniquement du revenu et des dépenses réellement liés à l’activité commerciale ou à l’entreprise en question.

Exception relative au choix exercé à l’égard d’activités commerciales ou d’une entreprise dans le domaine de l’immobilier. Aux termes de la loi, un contribuable qui exerce des activités commerciales ou qui exploite une entreprise dans le domaine de l’immobilier peut choisir de se soustraire à l’application de l’article 163(j). Le projet de règlement donne certains renseignements quant à la façon dont ce choix s’applique. Par exemple, le projet de règlement prévoit que le choix fiscal ne prend pas fin au moment où un contribuable transfère tous les actifs des activités commerciales ou de l’entreprise qu’il exerce dans le domaine de l’immobilier à une partie avec laquelle il a un lien.

Les nouvelles règles prévoient une exonération particulière pour les FPI qui ont l’intention de se soustraire à l’application de l’article 163(j). De façon générale, la définition d’activité commerciale ou d’entreprise dans le domaine de l’immobilier (real property trade or business) utilisée aux fins de cette exonération ne comprend pas le financement immobilier. Aux termes de l’exonération, si les actifs de financement immobilier d’un FPI constituent 10 % ou moins des actifs du FPI, tous les actifs du FPI sont considérés comme des actifs liés à une activité commerciale ou à une entreprise dans le domaine de l’immobilier.

Comme nous l’avons mentionné précédemment, le projet de règlement renferme par ailleurs des règles d’attribution tant pour les sociétés assujetties à l’article 163(j) et que pour celles qui sont soustraites à son application, la méthode d’attribution retenue reposant généralement sur les actifs.

Services publics réglementés. Les charges d’intérêt d’entreprise associées aux services publics réglementés sont soustraites à l’application de l’article 163(j) sans qu’il soit nécessaire d’exercer un choix particulier. Toutefois, si plus de 10 % des activités sont associées à des ventes dont les tarifs ne sont pas réglementés, une attribution devra être faite entre les activités assujetties à l’application de l’article 163(j) et celles qui ne le sont pas.

Sommaire

Les nouvelles règles du Code sur le dépouillement des gains s’appliqueront de manière générale aux entreprises imposables aux États-Unis, particulièrement si aucune possibilité de s’y soustraire n’est offerte. Le projet de règlement comprend une série de règles logiques, quoiqu’un peu laborieuses, pour l’application de la nouvelle loi. Même si le projet de règlement compte plus de 400 pages, l’IRS est resté muet à certains égards et a demandé à recevoir des commentaires sur bon nombre de sujets.

Fait intéressant à noter, le préambule du projet de règlement se termine par un plaidoyer détaillé en faveur de l’approche retenue, dont un commentaire sur certaines des avenues considérées et ensuite rejetées (comme l’adoption d’une approche fondée sur le suivi du produit plutôt que d’une méthode d’attribution fondée sur les actifs pour attribuer les intérêts créditeurs et les charges d’intérêt d’entreprise entre les activités commerciales ou les entreprises assujetties à l’article 163(j) et celles qui sont soustraites à son application). Le préambule signale que plus de 80 000 contribuables sont susceptibles de choisir de se soustraire à l’application des nouvelles règles et qu’un grand nombre de petits contribuables en seront exonérés parce que leurs recettes brutes annuelles moyennes se situent en deçà de 25 millions de dollars. En conséquence, l’IRS s’attend à ce que moins de 92 500 contribuables soient visés par la limite prévue par le nouvel article 163(j).

1 À moins d’indication contraire, les articles mentionnés sont ceux de la loi des États-Unis intitulée Internal Revenue Code of 1986, dans sa version modifiée (le « Code »).

2 « Partie liée » (related), aux fins de la disposition concernant la date de prise d’effet, se rapporte aux articles 267(b) et 707(b)(1), qui considèrent généralement que des personnes sont liées si l’une d’entre elles détient plus de 50 % de l’autre ou si les mêmes personnes détiennent plus de 50 % des deux.

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