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Le ministère des Finances publie des règles révisées relatives au fractionnement du revenu

Plus tôt cette année, le ministère des Finances a publié un ensemble de propositions susceptibles d’entraîner un bouleversement majeur de la fiscalité des entreprises privées et de leurs actionnaires. Fureur et protestations ont immédiatement fusé de toutes parts. Devant le tollé, le gouvernement a finalement reculé et annoncé que les propositions seraient assouplies et revues. Le 13 décembre, le ministère des Finances a publié des propositions législatives renfermant une version révisée de certaines de ces propositions.

Les propositions initiales, publiées le 18 juillet, prévoyaient des règles sur le fractionnement du revenu, des règles empêchant la conversion de dividendes en gains en capital et des règles attaquant la possibilité pour une société privée de gagner un revenu passif ayant été financé au moyen du revenu provenant d’une entreprise exploitée activement. Voir nos commentaires sur ces propositions dans notre bulletin intitulé Changements majeurs proposés par le gouvernement du Canada concernant l’imposition des sociétés privées. Les propositions législatives révisées ne portent que sur les règles relatives au fractionnement du revenu.

La Loi de l’impôt sur le revenu contient tout un éventail de règles qui limitent le fractionnement du revenu entre les conjoints, et entre les parents et les enfants mineurs, dont les règles relatives à l’impôt sur le revenu fractionné (l’ « IRF »), souvent appelé kiddie tax. De façon générale, les propositions du 18 juillet avaient pour but d’étendre l’application des règles relatives à l’IRF à l’ensemble des personnes liées, quel que soit leur âge, et d’assujettir au taux d’imposition marginal le plus élevé les distributions sur les titres de capitaux propres et les titres d’emprunt émis par une société, une société de personnes ou une fiducie visée dans la mesure lorsque ces montants pourraient être considérés comme n’étant pas raisonnables compte tenu de la contribution du bénéficiaire à l’entreprise sous-jacente. La portée des modifications proposées ainsi que l’incertitude et le fardeau administratif évidents associés au critère du « caractère raisonnable » dans ce contexte ont naturellement suscité une forte opposition.

Les propositions législatives annoncées aujourd’hui assouplissent les modifications qu’il est proposé d’apporter aux règles relatives à l’IRF :

  • Un propriétaire d’entreprise qui est âgé de 65 ans ou plus pourra fractionner son revenu entre lui-même et son conjoint sans restriction sur le plan de l’IRF.
  • Le fractionnement des gains en capital réalisés à la disposition d’actions admissibles de petites entreprises ou de biens agricoles ou de pêche admissibles (biens admissibles à l’exonération cumulative des gains en capital) ne sera pas assujetti à l’IRF. En ce qui concerne les biens qui ne sont pas admissibles à ces fins, le fractionnement sera assujetti à l’IRF; il sera donc plus important de satisfaire au critère de l’utilisation des actifs dans une entreprise exploitée activement à l’égard des actions admissibles de petites entreprises.
  • Plusieurs règles d’exonération viendront simplifier l’application du critère du caractère raisonnable :
    • L’IRF ne s’appliquera pas aux rendements versés à une personne âgée de 24 ans ou plus qui a travaillé plus de 20 heures par semaine dans l’entreprise pendant l’année en cause ou au cours des cinq années précédentes.
    • En général, l’IRF ne s’appliquera pas aux rendements versés à une personne âgée de 24 ans ou plus qui détient au moins 10 % des actions de la société qui exploite l’entreprise, compte tenu de la valeur de ces actions et des voix qui s’y rattachent, à l’exception des sociétés professionnelles (pratiques juridiques et comptables et diverses pratiques médicales) ou de certaines autres entreprises de services.
    • Lorsque le bien est reçu en héritage, le bénéficiaire se retrouve dans la même position que le propriétaire décédé pour les besoins de ces règles d’exonération, comme s’il était la continuation de l’ancien propriétaire.
  • Malheureusement, mais sans surprise, le critère du caractère raisonnable, bien que modifié, a été conservé. Il faudra voir maintenant comment l’Agence du revenu du Canada appliquera ce critère; toutefois, en règle générale, les contribuables sont moins convaincus que les critères de cette nature sont correctement appliqués que le ministère des Finances doit l’être en les proposant. L’ARC a publié ses propres lignes directrices relativement à l’interprétation de ces propositions, ce qui pourrait contribuer à réduire ce risque.

Malgré les nombreuses voix qui recommandaient le report de la mise en œuvre des propositions afin de permettre que celles-ci fassent l’objet d’études et d’analyses supplémentaires, notamment celles que le comité sénatorial permanent des finances nationales a publiées un peu plus tôt aujourd’hui, les propositions entreront en vigueur le 1er janvier 2018. Toutefois, elles prévoient une année de transition en 2018, de sorte que les règles d’exonération décrites ci-dessus concernant la détention de 10 % ou plus des actions de la société s’appliqueront au 31 décembre 2018, ce qui permettra d’apporter des ajustements dans l’intervalle.

Le ministère des Finances a indiqué que les dispositions proposées le 18 juillet visant à empêcher la conversion des dividendes en gains en capital ne seront pas adoptées. Les propositions visant l’imposition du revenu de placement des sociétés privées à des taux punitifs qui avaient initialement été avancées sous une forme moins élaborée seront révisées. Elles devraient refaire surface dans le budget de 2018, au printemps. Ce n’est qu’à ce moment que nous pourrons évaluer jusqu’à quel point le ministère des Finances a tenu compte (ou pas) des multiples commentaires et critiques qui ont été formulés à la suite de leur inclusion dans les propositions du 18 juillet, y compris les quelque 21 000 observations que le ministère a reçues au cours de la période de consultation.

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