Bulletin

Report temporaire des échéances prévues par la législation fédérale en raison de la pandémie de COVID-19

Auteurs : Élisabeth Robichaud, James Trougakos et John J. Lennard

Introduction

Le 27 juillet 2020, le Parlement a adopté la Loi sur les délais et autres périodes (COVID-19) (la « Loi sur les délais »), que nous avons résumée dans un bulletin antérieur. En bref, la Loi sur les délais suspend automatiquement pour six mois les délais fixés par la législation pour les instances civiles fédérales et accorde aux ministres fédéraux le pouvoir de prolonger, par arrêté ministériel, les délais prévus par les lois et la réglementation dans de nombreux domaines.

Au cours des dernières semaines, les tribunaux fédéraux ont précisé la manière dont ils entendent appliquer la Loi sur les délais à leurs règles internes fixant les délais procéduraux des instances civiles en cours. De plus, plusieurs ministres fédéraux ont fait usage du pouvoir que leur confère la Loi sur les délais pour prolonger les délais stipulés dans les lois et la réglementation. Nous examinons ci-dessous les principaux faits nouveaux.

Suspension automatique des délais s’appliquant aux instances civiles

La Loi sur les délais a automatiquement suspendu les échéances ou les délais de prescription prévus par la législation à l’égard du droit d’introduire une instance civile devant un tribunal fédéral ou d’accomplir un acte dans le cadre d’une instance civile devant un tribunal fédéral durant la période du 13 mars au 13 septembre 2020 (ou une date antérieure fixée par le cabinet fédéral au plus tard le 30 septembre, le cas échéant). La suspension ne s’applique pas en matière criminelle.

L’application de la Loi sur les délais aux échéances et aux délais fixés par les règles établies par les tribunaux mêmes, en vertu de la Loi sur les Cours fédérales, de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt et de la Loi sur la Cour suprême, ainsi qu’aux directives établies conformément à ces règles, est parfois restée incertaine. Les différents tribunaux ont suivi à cet égard des lignes de conduite distinctes.

  • Le 3 septembre 2020, la Cour d’appel fédérale a publié une directive précisant qu’à son avis, la Loi sur les délais ne s’applique pas aux délais prévus par les Règles des Cours fédérales ou les ordonnances, directives relatives à la pratique ou décisions rendues en vertu de celles-ci. Par conséquent, toute ordonnance ou directive relative à la pratique rendue par la Cour fédérale ou la Cour d’appel fédérale demeure en vigueur (y compris la directive du juge en chef de la Cour d’appel fédérale prévoyant, dès juin 2020, la levée progressive de la suspension précédemment annoncée des délais).
  • Par comparaison, la Cour canadienne de l’impôt et la Cour suprême du Canada ont harmonisé leurs règles respectives avec la Loi sur les délais et ont exclu la période du 13 mars au 13 septembre 2020 du calcul des délais fixés par leurs règles. La Cour suprême du Canada a ensuite annoncé que les périodes de suspension relatives aux instances devant celle-ci expiraient en fin de journée le 13 septembre 2020.

Un résumé des répercussions actuelles de la pandémie sur les délais et les diverses procédures des tribunaux figure dans notre bulletin La COVID-19 et les tribunaux : informations utiles.

La prolongation ou la suspension d’autres délais précisés dans la législation

La Loi sur les délais permet aux ministres responsables de l’application des lois et des règlements visés de prolonger ou de suspendre, par arrêté, certains délais ou échéances prévus par ceux-ci pour une période maximale de six mois, et même rétroactivement jusqu’au 13 mars 2020. Les arrêtés, qui devaient être pris au plus tard le 30 septembre 2020, ne peuvent prévoir une prolongation ou une suspension de plus de six mois.

Législation fiscale

Le 31 août 2020, le ministre du Revenu national a pris des arrêtés en vue de prolonger divers délais prévus par la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») et la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA »).

Prescription à l’égard des périodes de nouvelle cotisation

Les arrêtés ministériels ont prolongé de six mois ou jusqu’au 31 décembre 2020, selon la première de ces échéances, la période durant laquelle l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») est en droit d’établir une nouvelle cotisation pour des années ou des périodes pour lesquelles la période normale de nouvelle cotisation prévue par la LIR ou la LTA aurait autrement expiré le 20 mai 2020 ou après cette date.

Il convient de signaler que les périodes qui ont expiré entre le 13 mars 2020 et le 19 mai 2020 ne sont pas visées par les arrêtés, même si le ministre disposait sans doute du pouvoir de les prolonger également en vertu de la Loi sur les délais. Les arrêtés ne prolongent que les délais qui auraient expiré après la date à laquelle le projet de loi a été annoncé (le 19 mai 2020).

Demandes liées à la RS&DE et crédits d’impôt à l’investissement liés à la RS&DE

Le ministre a reporté les échéances de dépôt des demandes liées à la recherche scientifique et au développement expérimental (la « RS&DE ») ainsi que des demandes de crédits d’impôt à l’investissement liés à la RS&DE, d’au plus six mois à compter du 13 mars 2020 ou d’une date postérieure et jusqu’au 31 décembre 2020. Ces échéances sont calculées en fonction de la date limite de dépôt de la déclaration de revenus du contribuable pour l’année.

Dispense offerte aux contribuables déposant un avis d’opposition après l’échéance

La Loi sur les délais ne prévoit pas la prolongation automatique du délai habituel de 90 jours que prévoit la législation pour le dépôt d’un avis d’opposition à l’égard d’un avis de cotisation reçu. Toutefois, la LIR et la LTA prévoient toutes deux un mécanisme discrétionnaire qui permet à l’ARC d’accorder une dispense de l’obligation de respecter le délai habituel aux contribuables qui déposent leur avis d’opposition dans l’année qui suit ce délai et qui satisfont à certaines conditions. L’ARC a invoqué ce pouvoir discrétionnaire pour annoncer qu’elle accorderait en amont une telle dispense, jusqu’au 30 juin 2020, à tous les contribuables dont les avis d’opposition auraient dû être déposés entre le 18 mars 2020 et le 29 juin 2020, même en l’absence d’une demande de dispense de leur part.

Les arrêtés ministériels annoncés le 31 août 2020 ont eu pour effet de prolonger davantage le délai d’un an accordé pour la présentation tardive des avis d’opposition. Ainsi, les délais pour la présentation des demandes de dispense qui auraient autrement expiré entre le 13 mars 2020 et le 13 septembre 2020 ont été prolongés soit de six mois suivant la date limite habituelle de la présentation de la demande de dispense, soit jusqu’au 31 décembre 2020, selon la première de ces échéances. La même prolongation a été appliquée au délai à l’intérieur duquel un contribuable ou un inscrit peut contester devant la Cour canadienne de l’impôt le refus du ministre de lui accorder une telle prolongation.

Législation en matière de faillite et d’insolvabilité

Le 30 juillet 2020, le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie a levé la suspension des échéances imposées par la législation pour ce qui est des procédures engagées devant un tribunal en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.

Législation s’appliquant aux sociétés

Le 31 juillet 2020, le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie a pris un arrêté prolongeant les délais prévus par la Loi canadienne sur les sociétés par actions et la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif pour la convocation de l’assemblée annuelle et la présentation des états financiers des sociétés, organisations et coopératives de régime fédéral. L’arrêté, qui est rétroactif au 13 mars 2020, prend fin le 31 décembre 2020. Les sociétés, organisations et coopératives ont automatiquement droit aux prolongations et n’ont pas à présenter de demande à Corporations Canada.

Conformément à cet arrêté, le délai de convocation d’une assemblée annuelle est prolongé jusqu’à la première des dates suivantes : (i) 21 mois suivant l’assemblée annuelle précédente, à la condition que cette date ne suive pas de plus de 12 mois la clôture du dernier exercice; ou (ii) le 31 décembre 2020. De plus, les administrateurs peuvent désormais présenter les états financiers aux actionnaires ou aux membres à l’assemblée annuelle, à la condition qu’elle ait lieu dans les 12 mois suivant la clôture du dernier exercice. Le délai habituel est ainsi prolongé de six mois.

Loi sur Investissement Canada

L’arrêté du ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie du 31 juillet 2020 a également eu pour effet de prolonger plusieurs délais s’appliquant au processus d’examen lié à la sécurité nationale prévu par la Loi sur Investissement Canada. Voyez nos observations à ce sujet dans notre bulletin intitulé Prolongation temporaire des délais applicables à l’examen relatif à la sécurité nationale d’investissements étrangers au Canada en raison de la pandémie de COVID-19.

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