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Budget fédéral de 2019 : principales mesures fiscales

Le budget de 2019 est le dernier budget fédéral du gouvernement libéral actuel avant les prochaines élections fédérales d'octobre 2019. Les mesures fiscales qui y sont proposées visent la réalisation de la priorité que s’est fixée le gouvernement : créer un régime fiscal équitable. Les propositions comprennent des changements aux règles concernant les options d'achat d'actions des employés et aux règles sur les attributions des fiducies de fonds commun de placement, de nouvelles limites s’appliquant aux opérations de requalification et des modifications techniques à certaines règles fiscales internationales qui, notamment, élargissent l'application des règles sur les opérations de transfert de sociétés étrangères affiliées et changent l'application des règles concernant les prix de transfert.

Nous résumons ci-dessous les principaux changements fiscaux annoncés dans le budget de 2019 qui sont d’intérêt pour les entreprises.

Mesures fiscales concernant l’impôt sur le revenu

Options d’achat d’actions des employés

Dans le budget de 2019, on propose de limiter, pour les employés de certaines sociétés, l'utilisation d’options d'achat d'actions des employés. Selon les règles actuelles, les employés qui reçoivent des options d'achat d'actions peuvent bénéficier d'un traitement préférentiel au titre de l'impôt sur le revenu des particuliers (50 pour cent du taux d'imposition ordinaire) à l’égard des avantages admissibles liés aux options d'achat d'actions. On propose notamment d’appliquer un plafond annuel de 200 000 $ pour les versements d’options d’achat d’actions (selon la juste valeur marchande des actions sous-jacentes au moment du versement) aux employés de « grandes entreprises bien établies et matures ». Si, par exemple, un employé d'une telle entreprise recevait des options d'achat d'actions lui permettant d'acquérir 100 000 actions au prix de 50 $ l'action (soit la juste valeur marchande des actions au moment de leur versement), le traitement fiscal préférentiel ne s'appliquerait qu'aux options permettant d'acheter 4 000 actions (200 000 $ divisés par 50 $). L'avantage lié aux options d'achat des 96 000 actions restantes serait imposé au taux d'imposition ordinaire.

Le budget ne donne pas de définition précise d’une « grande entreprise bien établie et mature », mais souligne que les avantages découlant de l’utilisation d’options d'achat d'actions des employés demeurent illimités pour les entreprises canadiennes en démarrage et connaissant une croissance rapide.

Les documents budgétaires ne contiennent pas d'avant-projet de loi pour ces propositions, mais indiquent que tous les renseignements à leur sujet seront publiés avant l'été 2019. Les changements s’appliqueraient à l’avenir seulement et ne s’appliqueraient donc pas aux options d’achat d’actions des employés attribuées avant l’annonce des propositions législatives.

Fiducies de fonds commun de placement : attribution aux détenteurs d’unités demandant le rachat

Le revenu de placement d’une fiducie de fonds commun de placement est imposable, mais la fiducie peut obtenir une déduction dans la mesure où elle attribue son revenu ou ses gains en capital à ses détenteurs d’unités, pour qui le revenu ou les gains en capital attribués sont alors imposables. Si une fiducie de fonds commun de placement se départit de placements pour financer les rachats d’unités de ses détenteurs d’unités, le gain accumulé sur ces placements peut potentiellement créer une double imposition : une fois au niveau de la fiducie de fonds commun de placement et une autre fois entre les mains des détenteurs d’unités faisant racheter leurs unités, dont la valeur reflétera le gain accumulé sur ces placements. Par conséquent, bon nombre de fiducies de fonds commun de placement emploient la « méthode d’attribution aux détenteurs d’unités demandant le rachat » afin de remédier à la double imposition, et attribuent ainsi leurs gains en capital aux détenteurs d’unités faisant racheter leurs unités. Le gain en capital réalisé par le détenteur d’unités au rachat de ses unités correspond généralement au produit reçu moins le montant des gains en capital attribués par la fiducie. Par conséquent, si la fiducie de fonds commun de placement attribue aux détenteurs d’unités qui font racheter leurs unités un gain en capital égal au montant du gain en capital qu’ils réaliseraient autrement au rachat, ces détenteurs d’unités seront dans la même situation que s'ils avaient vendu leurs unités à leur juste valeur marchande, mais la fiducie de fonds commun de placement aura droit à une déduction, de sorte que la double imposition serait ainsi évitée.

Selon le ministère des Finances, certaines fiducies de fonds commun de placement ont attribué des gains en capital aux détenteurs d’unités faisant racheter leurs unités en excédent du montant des gains en capital que les détenteurs d’unités auraient autrement réalisés à la vente de leurs unités. Dans cette situation, la fiducie de fonds commun de placement a pu déduire l’intégralité du montant des gains en capital attribués au détenteur d’unités ayant fait racheter ses unités. Toutefois, ce détenteur d’unités n’aurait pas à payer d’impôt supplémentaire au rachat, étant donné que les gains en capital excédentaires lui ayant été attribués seraient compensés par une perte en capital supplémentaire enregistrée à la disposition. Le ministère des Finances juge ce résultat inapproprié. Le budget de 2019 comprend des règles visant à limiter le montant des gains en capital pouvant être attribués à un détenteur d’unités faisant racheter ses unités au montant des gains en capital qu’il aurait autrement réalisés à la vente de ses unités.

Le budget de 2019 comprend également des règles qui s'appliquent aux rachats d’unités détenues par leurs détenteurs à titre de revenu. Si une fiducie de fonds commun de placement attribue plus de revenu et moins de gains en capital à un détenteur détenant ses unités à titre de revenu, le détenteur ne sera pas désavantagé sur le plan fiscal, parce qu'il réalisera un gain à titre de revenu à la disposition de ses unités dans tous les cas, mais les détenteurs restants détenant leurs unités à titre d’immobilisations en retireraient un avantage, puisqu’ils pourraient se voir attribuer plus de gains en capital et moins de revenu. Le budget de 2019 propose de refuser la déduction aux fiducies de fonds commun de placement qui attribuent un revenu à un détenteur d’unités faisant racheter ses unités si le montant attribué consiste en un revenu ordinaire et que le produit du rachat est réduit par suite de l’attribution.

Les mesures ci-dessus s’appliquent aux années d’imposition des fiducies de fonds commun de placement commençant dès le 19 mars 2019 (le jour du budget).

Opérations de requalification

Le budget de 2013 avait établi des règles sur les « contrats dérivés à terme » qui visaient généralement à faire en sorte que les contribuables n'utilisent pas les opérations sur dérivés pour convertir des revenus ordinaires en gains en capital. En règle générale, un contrat dérivé à terme est un contrat d'achat d'immobilisations dont la durée est supérieure à 180 jours et qui comporte une différence entre la juste valeur marchande du bien livré au règlement du contrat et le montant payé pour le bien, qui est attribuable à une valeur sous-jacente (comme un taux d'intérêt ou le cours d’une marchandise, par exemple). Les règles sur les contrats dérivés à terme ne s'appliquent pas à un contrat si le prix payé pour le bien visé dépend de la juste valeur marchande du bien lui-même (l’« exception visant les opérations commerciales »).

Le budget de 2019 révèle que l’exception visant les opérations commerciales a été employée dans le cadre d'opérations portant sur une série de fiducies de fonds commun de placement et de contrats dérivés qui, de l'avis du ministère des Finances, contournaient abusivement les règles sur les contrats dérivés à terme. Par conséquent, le budget de 2019 prévoit l’ajout d’une disposition aux règles sur les contrats dérivés à terme stipulant que l'exception visant les opérations commerciales ne s'applique pas à un contrat d'achat de titres dans les cas où il est raisonnable de considérer que l'un des principaux objectifs de la série d'opérations qui comprend le contrat est de convertir en gain en capital un montant qui serait autrement un revenu.

Cette mesure s’applique aux opérations réalisées le jour du budget ou après. Pour les années d’imposition commençant après décembre 2019, la mesure s’appliquera également aux opérations réalisées avant le jour du budget qui sont prolongées ou renouvelées après le jour du budget.

Exploitation d’une entreprise par l’entremise d’un CELI

Le revenu de placement gagné dans un CELI est à l’abri de l’impôt. Toutefois, un CELI est assujetti à l’impôt (au taux d’imposition personnel supérieur) sur le revenu d’une entreprise qu’il exploite. Selon les règles actuelles, le fiduciaire d’un CELI est solidairement responsable avec le CELI de cet impôt à payer. Il est proposé dans le budget d’étendre cette responsabilité au titulaire du CELI et de limiter la responsabilité du fiduciaire aux biens détenus dans le CELI et aux distributions faites à compter de la date à laquelle un avis de cotisation a été envoyé.

Cette mesure entrera en vigueur en 2019.

Fiscalité internationale

Mise à jour concernant le projet sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices

Dans le budget de 2019, le gouvernement réitère sa détermination à poursuivre le projet sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices de l’OCDE. Le budget résume les dernières informations sur l’administration et l’échange des déclarations pays par pays que doivent produire les grandes multinationales et confirme que le gouvernement prend les mesures nécessaires pour mettre en œuvre la Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, qui devrait être ratifiée en 2019.

Prix de transfert

Selon les règles canadiennes sur les prix de transfert, lorsque les modalités d’une opération ou d’une série d’opérations transfrontalières entre des parties ayant un lien de dépendance ne reflètent pas les modalités de telles opérations qui auraient cours entre des parties n’ayant pas de lien de dépendance, le ministre peut ajuster la valeur ou la nature des montants en question afin de refléter de telles modalités. D’autres dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (la « Loi de l’impôt ») sont également appliquées pour rajuster les conséquences fiscales au Canada d’opérations réalisées entre des parties ayant un lien de dépendance. Il est proposé dans le budget de 2019 de modifier la Loi de l’impôt afin que les règles sur les prix de transfert aient préséance sur ces autres dispositions.

La proposition s’appliquera aux années d’imposition commençant le jour du budget ou après. Il importe de noter que les exceptions actuelles à l'application des règles sur les prix de transfert qui se rapportent aux situations dans lesquelles une société étrangère affiliée contrôlée doit une somme donnée à une société résidant au Canada, ou une société résidant au Canada fournit une garantie pour le remboursement d’une créance d’une société étrangère affiliée contrôlée, continueront de s'appliquer.

De plus, il est proposé dans le budget de 2019 de prolonger la période normale de nouvelle cotisation (généralement trois ou quatre ans) de trois années supplémentaires pour les opérations visées par les règles sur les prix de transfert. Cette mesure s’appliquera aux années d’imposition pour lesquelles la période normale de nouvelle cotisation prend fin le jour du budget ou après.

Opérations de transfert de sociétés étrangères affiliées

Les règles sur les opérations de transfert de sociétés étrangères affiliées sont des dispositions complexes de la Loi de l’impôt qui s’appliquent lorsqu’une société résidant au Canada (une « société résidente ») qui est contrôlée par une société non résidente fait un placement ou est réputée faire un placement dans une société étrangère affiliée. Selon les règles sur les opérations de transfert de sociétés étrangères affiliées, la société résidente est réputée verser, à la société non résidente la contrôlant, un dividende égal au montant du placement dans la société étrangère affiliée, à moins que la société résidente choisisse de réduire le capital versé associé à ses actions. Il est proposé dans le budget de 2019 d’étendre l’application de ces règles aux sociétés résidentes qui sont contrôlées par un particulier non résident, une fiducie non résidente ou un groupe de telles personnes ou de sociétés non résidentes ayant un lien de dépendance.

Cette mesure s’appliquera aux opérations et aux événements ayant lieu le jour du budget ou après.

Mécanismes de prêt d’actions transfrontaliers

La Loi de l’impôt contient des règles qui, de façon générale, visent à mettre un prêteur qui a recours à un mécanisme de prêt de valeurs mobilières dans la même situation fiscale que si les valeurs mobilières n’avaient pas fait l’objet d’un prêt. Selon ces règles, lorsqu’un prêteur non résident prête une action à un résident du Canada, un paiement compensatoire au titre de dividendes versé en vertu d’un mécanisme de prêt de valeurs mobilières « complètement garanti » est réputé être un dividende payable sur l’action prêtée. Ce dividende réputé est assujetti à la retenue d’impôt canadien sur les dividendes. Si un mécanisme de prêt de valeurs mobilières n’est pas complètement garanti, le paiement compensatoire au titre de dividendes est plutôt réputé être un paiement d’intérêts effectué par le résident canadien au non-résident. L’intérêt payé à un non-résident avec qui un résident canadien fait affaire sans lien de dépendance est généralement exonéré de la retenue d’impôt canadien.

Il est indiqué dans le budget de 2019 que certains non-résidents ont mis en place une planification visant à éviter la retenue d’impôt canadien sur les dividendes quant aux paiements compensatoires au titre de dividendes qui leur sont versés relativement à des actions de sociétés résidant au Canada, en se soustrayant au test du « complètement garanti » ou en contournant la définition de « mécanisme de prêt de valeurs mobilières » figurant dans la Loi de l’impôt.

Le budget de 2019 propose une modification visant à faire en sorte qu’un paiement compensatoire au titre de dividendes versé en vertu d’un mécanisme de prêt de valeurs mobilières, par un résident canadien à un non-résident relativement à une action canadienne, soit traité comme un dividende et assujetti à la retenue d’impôt canadien sur les dividendes.

Le budget de 2019 propose également une modification visant l’application des règles sur la qualification non seulement à un mécanisme de prêt de valeurs mobilières, mais également à un « mécanisme de prêt de valeurs mobilières déterminé ». Ce dernier terme défini a été présenté dans le budget de 2018 dans le contexte d’une mesure visant à éviter que les contribuables réalisent des pertes artificielles en ayant recours à des arrangements financiers fondés sur des capitaux propres.

Il est aussi possible que les règles concernant les mécanismes de prêt de valeurs mobilières assujettissent de façon inappropriée les paiements compensatoires au titre de dividendes relativement à des actions de sociétés non résidentes à la retenue d’impôt canadien sur les dividendes. Dans le but de rectifier cette situation, le budget de 2019 exonère de la retenue d’impôt canadien ces paiements compensatoires au titre de dividendes.

Ces modifications proposées s’appliqueront généralement aux paiements compensatoires versés le jour du budget ou après.

Dons de biens culturels

Le budget de 2019 propose de supprimer l’obligation selon laquelle un bien doit être d’« importance nationale » pour être admissible aux incitatifs fiscaux pour les dons de biens culturels. Ce changement est apporté en réponse à la décision récente de la Cour fédérale dans l’affaire Heffel Gallery, dans laquelle la Cour a interprété de manière restrictive le test de l’« importance nationale » comme exigeant qu’un bien culturel ait un lien direct avec le patrimoine culturel du Canada. Les changements qu’il est proposé d’apporter à la Loi de l’impôt et à la Loi sur l’exportation et l’importation de biens culturels clarifient que les biens culturels pouvant donner droit au crédit d’impôt comprennent des œuvres d’art étrangères n’ayant pas de lien direct avec le patrimoine culturel du Canada.

Cette mesure s’appliquera aux dons versés le jour du budget ou après.

Mesures fiscales personnelles

Le budget de 2019 propose également bon nombre de mesures fiscales personnelles, dont les suivantes :

  • rehausser le plafond de retrait de sommes d’un REER pour les acheteurs d’une première habitation, pour le porter de 25 000 $ à 35 000 $;
  • permettre au contribuable de choisir qu’un changement d’usage d’une partie de son immeuble résidentiel à logements multiples ne soit pas considéré comme une disposition réputée, afin d’uniformiser le traitement fiscal d’un tel changement et celui qui est appliqué aux changements d’usage des immeubles résidentiels à logement unique;
  • la mise en place du crédit canadien pour la formation, un crédit d’impôt remboursable pouvant être appliqué à 50 pour cent au plus des frais de scolarité et autres frais admissibles associés à la formation. Les particuliers admissibles accumuleront dans un compte théorique 250 $ par année, jusqu’à une limite de 5 000 $ au cours de leur vie, qu’ils pourront réclamer;
  • permettre à l’Agence du revenu du Canada d’envoyer des demandes de renseignements aux banques et aux caisses de crédit par voie électronique.

Mesures visant la taxe d’accise

Taxation du cannabis

À l’heure actuelle, seuls le cannabis frais et séché, les huiles de cannabis et les graines et semis de cannabis peuvent être vendus au Canada selon la Loi sur le cannabis (Canada). Toutefois, le cannabis comestible, les extraits de cannabis et le cannabis pour usage topique pourront être légalement vendus à compter de 2019. Le budget de 2019 contient des propositions en vue de la taxation de ces nouveaux produits, ainsi que des huiles de cannabis, en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, 2001 (Canada), en fonction de la quantité de tétrahydrocannabinol (ou THC) contenue dans le produit final au moment de l’emballage. Ces propositions ont pour but de simplifier le calcul des droits d’accise et, en général, d’alléger la conformité à la réglementation de ces produits du cannabis. Les mesures proposées entreront en vigueur le 1er mai 2019, sans autre incidence sur le régime de taxation actuel du cannabis.

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