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Le gouvernement canadien procédera à des examens approfondis des investissements étrangers dans le secteur des médias numériques interactifs

Le gouvernement du Canada a récemment publié deux énoncés de politique (les « Énoncés concernant les MNI ») dans lesquels il affirme qu’il procédera, aux termes de la Loi sur Investissement Canada (la « LIC »), à des examens approfondis des investissements étrangers dans le secteur canadien des médias numériques interactifs (les « MNI »). L’un de ces énoncés fait état de la position du gouvernement en ce qui a trait aux examens de l’avantage net prévus par la LIC (l’« Énoncé concernant les examens de l’avantage net des MNI »), et l’autre porte sur les examens relatifs à la sécurité nationale prévus par la LIC (l’« Énoncé concernant les examens relatifs à la sécurité nationale des MNI »). Le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie et la ministre du Patrimoine canadien ont aussi publié une Déclaration commune dans laquelle ils font part d’autres observations au sujet de ces nouvelles politiques concernant les MNI (la « Déclaration commune sur les MNI »).

Les Énoncés concernant les MNI, publiés le 1er mars 2024, confirment que, de manière générale, une plus grande rigueur est appliquée dans le cadre des examens de l’avantage net et des examens relatifs à la sécurité nationale des investissements dans certains secteurs (comme les minéraux critiques) ou en ce qui concerne les investisseurs d’État et les autres investisseurs provenant de pays hostiles, ce qui, dans la pratique, revient jusqu’à présent à la Chine ou à la Russie. Par conséquent, selon ces énoncés, les investisseurs non canadiens doivent tenir compte, dès le début, des implications liées à l’examen relatif à la sécurité nationale et à l’examen de l’avantage net du point de vue culturel de leurs investissements dans le secteur canadien des MNI.

Définition des MNI

Dans les politiques, les MNI sont définis de manière générale comme « le contenu et/ou les environnements numériques dans lesquels les usagers participent activement, ou qui encouragent la participation de plusieurs usagers à des fins de divertissement, d’information ou d’éducation. [Les MNI] sont, en général, disponibles via l’internet, les réseaux mobiles, les consoles de jeux ou les dispositifs de stockage multimédia. »

Parmi les exemples d’activités culturelles liées aux MNI qui sont énumérés dans les énoncés, mentionnons les jeux sur ordinateur personnel, les jeux sur console, les jeux à la demande, les jeux mobiles ainsi que les produits faisant appel à la technologie immersive et à la réalité augmentée. Toutefois, à première vue, les Énoncés concernant les MNI semblent avoir une portée plus large et inclure les plateformes technologiques et les applications mobiles qui peuvent être utilisées à des fins de divertissement, d’éducation, de formation et de commerce électronique, comme les médias sociaux.

Examen de l’avantage net

L’investisseur étranger qui propose de procéder à une acquisition ou à un autre investissement soumis à l’examen de l’avantage net prévu par la LIC doit démontrer, à la satisfaction du gouvernement canadien, que l’investissement proposé est vraisemblablement à l’avantage net du Canada. Pour ce faire, l’investisseur doit souvent prendre certains engagements contraignants relativement à l’exploitation de l’entreprise canadienne cible une fois que l’investissement aura été effectué. Pour en savoir plus sur l’examen de l’avantage net prévu par la LIC, veuillez consulter notre publication Faire des affaires au Canada (en anglais seulement).

Compte tenu de la présence de contenus audio et vidéo, le gouvernement canadien considère habituellement les MNI comme une activité « culturelle » dans le cadre des examens de l’avantage net prévus par la LIC lorsque l’entreprise canadienne s’adonne elle-même à des activités commerciales culturelles. Les examens de l’avantage net des investissements dans des entreprises culturelles sont réalisés par le ministère du Patrimoine canadien (« Patrimoine canadien »).

La position du gouvernement canadien n’est pas à l’abri des contestations puisque le type d’activités commerciales considérées comme des MNI n’est pas expressément mentionné dans la LIC. Cette question est importante, car les investissements dans les entreprises culturelles sont soumis à des seuils d’examen beaucoup moins élevés. Par ailleurs, même si les investissements étrangers dans les entreprises culturelles canadiennes sont inférieurs aux seuils d’examen obligatoires, le gouvernement peut tout de même ordonner la tenue d’un examen de l’avantage net en invoquant des motifs d’intérêt public.

Compte tenu de l’importance grandissante des MNI pour l’économie canadienne dans les dernières années, nous savons d’expérience que le gouvernement canadien soumet en général les investissements étrangers dans les entreprises du secteur canadien des MNI à des examens de l’avantage net plus rigoureux. Le gouvernement a confirmé et précisé cette approche dans l’Énoncé concernant les examens de l’avantage net des MNI. Comme il est mentionné dans cet énoncé (et dans la Déclaration commune sur les MNI), la principale préoccupation du gouvernement est d’assurer « l’expression continue des voix et des histoires canadiennes reflétant les valeurs canadiennes » ainsi que la création et le maintien au Canada de la propriété intellectuelle (la « PI ») distincte, détenue et créée par des Canadiens (les préoccupations du gouvernement concernant le maintien au Canada de la propriété intellectuelle créée au Canada ne se limitent pas aux MNI et s’étendent à l’ensemble des secteurs).

Voici certains des principaux points de l’Énoncé concernant les examens de l’avantage net des MNI :

Facteurs pris en compte. Les facteurs qui seront examinés pour déterminer si un investissement étranger proposé dans le secteur canadien des MNI procurerait un avantage net au Canada sont notamment les suivants :

  • la mesure dans laquelle un État étranger est susceptible d’exercer le contrôle opérationnel et stratégique direct ou indirect sur l’entreprise canadienne à la suite de la transaction;
  • la nature de toute propriété intellectuelle que possède ou crée l’entreprise canadienne devant être acquise à la suite de la transaction;
  • l’intensité de la concurrence qui existe dans le secteur, et la possibilité d’une concentration très importante de la propriété étrangère dans le secteur à la suite de la transaction;
  • la gouvernance et la structure de rapport de l’entreprise étrangère, notamment le respect des normes canadiennes de gouvernance d’entreprise et des lois et pratiques canadiennes, dont les principes du libre marché dans ses opérations canadiennes;
  • si l’entreprise canadienne devant être acquise à la suite de la transaction conservera vraisemblablement sa vocation commerciale.

Engagements stricts. Les investissements étrangers dans les entreprises du secteur canadien des MNI « seront probablement soumis à des engagements stricts » en vue d’obtenir une approbation attestant de l’avantage net, en particulier si ces entreprises créent ou possèdent de la PI ou créent du contenu reflétant les « valeurs », les « voix » et les « histoires » canadiennes.

Indépendance créative. Ces types d’investissement pourraient être assujettis à des engagements destinés à assurer l’« indépendance créative » de l’entreprise canadienne, une gouvernance d’entreprise solide et la transparence dans la prise de décision, ainsi que des rapports continus, des audits et des droits d’inspection.

En outre, dans la Déclaration commune sur les MNI, il est précisé que les investisseurs pourraient devoir s’engager pour une période plus longue qu’à l’habitude, en particulier en ce qui concerne l’indépendance créative, la gouvernance de l’entreprise et la transparence. Les engagements pourraient donc être de cinq ans au lieu des trois ans habituels.

Examen relatif à la sécurité nationale

Au cours des dernières années, les investissements étrangers dans les MNI ont suscité de plus en plus de préoccupations sur le plan de la sécurité nationale, en particulier pour ce qui est de l’accès d’une entité étrangère aux renseignements personnels de nature délicate des Canadiens et de l’utilisation des MNI par des États étrangers pour manipuler l’information et diffuser de la propagande (encore une fois, l’accès aux renseignements personnels est une question de sécurité nationale qui ne se limite pas aux MNI).

L’Énoncé concernant les examens relatifs à la sécurité nationale des MNI met l’accent sur les effets néfastes que pourraient avoir les investissements d’un « acteur parrainé ou influencé par un État hostile » sur le secteur canadien des MNI, en particulier si l’État concerné est hostile aux intérêts du Canada en matière de sécurité nationale. Selon l’énoncé, ces investissements (quelle que soit leur valeur ou peu importe s’ils consistent en des acquisitions de participations minoritaires) seront assujettis à un « examen approfondi » aux termes des dispositions relatives à la sécurité nationale de la LIC.

La notion d’« examen approfondi » n’est pas bien définie, mais rien n’indique que toutes les opérations soumises à un tel examen seront bloquées. En fait, dans l’énoncé, il est mentionné que ces investissements sont davantage susceptibles d’être soumis à un examen initial plus rigoureux et courent un plus grand risque que le gouvernement procède à un examen complet relatif à la sécurité nationale, ce qui peut prolonger considérablement la durée de l’opération.

L’Énoncé concernant les examens relatifs à la sécurité nationale énonce également les facteurs pris en compte par le gouvernement canadien pour déterminer s’il convient de procéder à un examen relatif à la sécurité nationale d’un investissement étranger dans une entreprise canadienne dont les activités sont liées à des produits MNI, notamment :

  • la portée et le public cible du contenu;
  • la présence d’autres éléments en ligne (par exemple, registres de clavardage, achats intégrés, accès au microphone ou à la caméra);
  • la nature et l’étendue des liens de l’investisseur avec un gouvernement étranger;
  • la propension de l’entreprise canadienne à être utilisée par l’État étranger en question afin de propager la désinformation ou d’imposer une censure incompatible avec les droits et les valeurs des Canadiens;
  • la composition du conseil d’administration de l’entreprise canadienne;
  • le degré de contrôle ou d’influence que l’investisseur serait susceptible d’exercer sur l’entreprise canadienne, y compris le contenu de ses produits.

Compte tenu de ce qui est en jeu, notamment le fait que le gouvernement canadien pourrait bloquer ou annuler l’investissement, il est fortement recommandé aux investisseurs étrangers dans l’Énoncé concernant les examens relatifs à la sécurité nationale de consulter le gouvernement à l’avance au sujet de leurs projets d’investissement dans le secteur des MNI.

Implications

Dans les Énoncés concernant les MNI, aucune interdiction générale n’est imposée aux investissements étrangers dans les entreprises du secteur canadien des MNI. Dans d’autres contextes, par exemple, le gouvernement canadien a affirmé que certains types d’autorisations au titre de la LIC ne seraient accordés que dans des « circonstances extraordinaires », ce qui n’est pas le cas en l’occurrence.

En effet, selon les énoncés, le Canada reste ouvert aux investissements étrangers dans le secteur, bien qu’il privilégie les investissements provenant d’États qui ne sont pas considérés comme hostiles aux intérêts canadiens. Malgré tout, il convient de noter que les décisions prises sous le régime de la LIC sont hautement discrétionnaires et que l’issue de l’examen de l’avantage net ou de l’examen relatif à la sécurité nationale d’un investissement en particulier variera en fonction des circonstances particulières.

Cela dit, selon ces énoncés, les investisseurs non canadiens doivent tenir compte, dès le début, des implications liées à l’examen relatif à la sécurité nationale et à l’examen de l’avantage net du point de vue culturel de leurs investissements dans le secteur canadien des MNI. Les énoncés permettent aussi d’en savoir plus sur le type de facteurs et de considérations dont le gouvernement tiendra compte dans le cadre des examens de ces investissements. Les investisseurs peuvent tirer parti de ces renseignements pour mieux concevoir leurs opérations et leurs stratégies réglementaires, notamment pour déterminer s’ils doivent entrer en contact avec les autorités de réglementation avant de conclure leur opération, bien que rien ne les oblige à le faire sur le plan juridique.

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