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Voir la vie en vert : la durabilité demeure un sujet d’intérêt pour le Bureau de la concurrence

Auteurs : Teraleigh Stevenson et Mark Katz

Le Bureau de la concurrence du Canada (le « Bureau ») a tenu un sommet à la fin du mois de septembre. Il s’agissait de son premier événement en personne depuis plus de deux ans. On y explorait le point de rencontre entre le droit de la concurrence et les objectifs en matière d’environnement et de durabilité, ce qui démontre qu’il s’agit encore d’une priorité capitale en matière d’application de la loi pour le Bureau (des renseignements sur le Sommet sur la concurrence et la croissance verte peuvent être consultés ici). Comme les entreprises intègrent de plus en plus des objectifs axés sur l’environnement et la durabilité à leur stratégie de planification, nous résumons ici quelques-uns des points principaux ayant trait à la conformité qui sont ressortis dans le cadre des discussions lors du sommet.

Points principaux à retenir du Sommet sur la croissance verte

Lors de son allocution d’ouverture, le commissaire de la concurrence (le « Commissaire ») a indiqué que le droit et les politiques en matière de concurrence peuvent aider le Canada dans sa transition vers une économie plus verte, tant par la valorisation de l’innovation que par le fait d’aider les consommateurs à faire des choix éclairés. Le Commissaire a précisé que le Bureau n’a pas l’intention d’accroître l’étendue du droit de la concurrence ni de modifier les critères juridiques généralement applicables; le Bureau tente plutôt de comprendre comment la transition vers l’économie verte pourrait avoir une incidence sur son travail, et vice-versa. Le Bureau a cependant archivé récemment son guide sur les déclarations environnementales et a indiqué que les normes qui y sont présentées pourraient ne plus être en accord avec ses positions actuelles.

Bien que les panels qui ont suivi couvraient un large éventail de sujets et de points de vue, trois domaines d’application de la loi pouvant relever de la compétence du Bureau ont été discutés en détail et méritent qu’une attention particulière leur soit accordée.

  • Publicité trompeuse. L’« écoblanchiment », soit le recours à de la publicité ou à des déclarations fausses ou trompeuses afin de promouvoir les attributs environnementaux des produits et des services vendus, est dans la mire du Bureau depuis de nombreuses années. Les entreprises doivent s’assurer que leurs déclarations environnementales sont conformes aux exigences générales en matière de publicité prévues par la Loi sur la concurrence (par exemple, les déclarations doivent être fondées, exactes et assorties de réserves explicites et adéquates). La prudence est particulièrement de mise en raison des modifications apportées à la Loi sur la concurrence qui ont été adoptées plus tôt cette année, faisant croître de façon considérable les sanctions pouvant être imposées pour la publicité fausse ou trompeuse, notamment en ce qui a trait aux déclarations environnementales. Les panélistes ont, entre autres, discuté des pouvoirs éventuels que le Bureau pourrait exercer en matière d’application de la loi non seulement pour les déclarations « vertes » faites aux consommateurs, mais également pour l’information transmise aux investisseurs, notamment dans le contexte de la présentation de l’information ESG (c’est-à-dire les questions d’ordre environnemental et social et les questions de gouvernance), des produits d’investissement et de la concurrence pour la sollicitation de capitaux.
  • Collaboration entre concurrents. Le Commissaire a suggéré dans son allocution d’ouverture que le droit et les politiques en matière de concurrence devraient laisser une certaine latitude aux participants du marché pour leur permettre de collaborer en vue d’atteindre des objectifs sur les plans de l’environnement ou de la durabilité. Certains panélistes ont soulevé des préoccupations selon lesquelles la législation sur la concurrence en vigueur pourrait compromettre ou interdire une telle collaboration. D’autres ont émis des réserves, faisant valoir que les directives et les changements législatifs qui permettraient une telle collaboration doivent être élaborés soigneusement pour éviter d’autoriser par inadvertance une collaboration nuisible et anticoncurrentielle pouvant freiner l’innovation perturbatrice. Un panéliste de la délégation de l’Union européenne a notamment indiqué que des directives à cet égard seraient bientôt publiées dans l’Union européenne.
  • Fusions et abus de position dominante. Le Commissaire a également fait savoir que le processus d’examen des fusions est un carrefour important entre le droit et les politiques en matière de concurrence, d’une part, et les objectifs à portée environnementale, d’autre part. Il a en outre mentionné que le Bureau s’attend à ce que la question environnementale prenne de l’importance lors de l’examen des fusions. Certains panélistes ont laissé entendre que, sans forcément soulever de nouveaux enjeux en droit de la concurrence, les technologies et les innovations vertes commandent un examen accru des fusions, notamment en ce qui a trait aux acquisitions dites meurtrières de certaines entreprises en démarrage novatrices et à d’autres mesures perturbatrices pouvant être prises par les entreprises déjà en place. De même, l’établissement de normes au sein du secteur par les entreprises déjà en place, souvent perçues comme étant très efficaces et favorables à la concurrence, pourrait être remis davantage en question si les normes environnementales donnent l’impression de faire obstacle aux nouveaux entrants sur le marché ou à l’innovation. Par suite des modifications récemment apportées à la Loi sur la concurrence, des personnes du secteur privé peuvent maintenant demander une injonction (si elles y ont été autorisées) pour des allégations d’abus de position dominante, notamment en ce qui a trait à l’établissement de normes ou à l’adoption de certains comportements qu’elles estiment constituer des entraves à l’accès au marché et des stratégies pour exclure des concurrents.

Prochaines étapes

Nous prévoyons que les interactions entre les questions environnementales et les questions de droit et de politiques en matière de concurrence seront un sujet qui continuera de retenir l’attention du Bureau. En plus de la propension naturelle du Bureau à s’intéresser à ces questions, il est évident que bon nombre des préoccupations évoquées quant à la nécessité de veiller au maintien de la concurrence sur les marchés, au cœur d’une économie de plus en plus verte, cadrent avec les objectifs d’application de la loi du Bureau dans le secteur de l’économie numérique. Plus précisément, dans ce secteur, le Bureau s’est donné notamment comme objectif de s’assurer que les nouvelles technologies et les innovateurs peuvent s’y livrer une concurrence saine sans subir la pression de plateformes apparemment dominantes, qui sont en quelque sorte des « contrôleurs » de l’économie numérique, et d’autres entreprises déjà en place.

Cela dit, l’approche actuelle du Bureau dans ce secteur sur la façon dont la loi est appliquée relativement à différentes questions, telles que la publicité et la collaboration entre concurrents, est loin d’être claire. Le Bureau a archivé son guide sur les déclarations environnementales en novembre de l’année dernière, mais, lors de la tenue du sommet, il n’a fait part d’aucune intention de le remplacer. De plus, les Lignes directrices sur la collaboration entre concurrents du Bureau, qui ont été publiées en mai 2021, ne font mention d’aucune collaboration éventuelle à des fins environnementales, bien que, avant leur abrogation en 2010, certaines dispositions de la Loi sur la concurrence permettaient d’exclure des infractions de complot d’accords ou d’ententes qui visaient exclusivement des « mesures de protection de l’environnement ». Pendant le sommet, les panélistes ont souligné les avantages pouvant découler du rétablissement de règles législatives d’exonération afin d’encourager la collaboration lorsqu’il est question d’objectifs environnementaux, ou de l’adoption de directives destinées à encadrer l’exercice du pouvoir discrétionnaire du Bureau en matière d’application de la loi dans un tel contexte. Le Bureau ne s’est cependant pas engagé à prendre de telles mesures.

Même si nous nous tiendrons informés de l’évolution des directives du Bureau, il est évident que les déclarations liées à l’environnement et à la durabilité et toute collaboration éventuelle en vue de l’atteinte d’objectifs connexes doivent être établies ou réalisées conformément à la Loi sur la concurrence et aux directives générales du Bureau concernant la publicité trompeuse et la collaboration entre concurrents. Nous vous invitons à consulter votre conseiller juridique avant de lancer une nouvelle campagne ou d’entreprendre une nouvelle collaboration.

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