L’article suivant a d’abord été publié dans notre Rapport de 2019 sur les marchés des capitaux canadiens.
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Les autorités canadiennes en valeurs mobilières (les « ACVM ») proposent pour la toute première fois de réglementer la présentation des mesures financières non conformes aux PCGR et d’autres mesures financières. Les règles proposées, qui remplaceront les directives publiées antérieurement par les ACVM, obligeront les émetteurs à se conformer à des exigences rigoureuses lorsqu’ils publieront des mesures financières non conformes aux PCGR. Les règles étendront également la notion de mesures financières réglementées exigeant une information supplémentaire afin qu’elle inclue des mesures autres que les habituelles « mesures financières non conformes aux PCGR ». Même s’il est possible que les règles proposées soient modifiées avant leur mise en application, les émetteurs devraient s’attendre à ce que la conformité à celles-ci, quelle que soit leur forme finale, exige une information plus détaillée ainsi que du temps et des ressources supplémentaires.
Rappel du régime existant
À l’heure actuelle, aucune réglementation sur les valeurs mobilières au Canada ne traite spécifiquement de la présentation de mesures financières non conformes aux PCGR et d’autres mesures financières en dehors des états financiers d’un émetteur. Il n’existe que les directives données par les ACVM dans leur Avis du personnel 52-306 (révisé), Mesures financières non conformes aux PCGR (l’« Avis 52-306 »), qui a été publié pour la première fois en 2003 et dont la dernière mise à jour remonte à 2016. Ces lignes directrices ont pour but d’aider les émetteurs à présenter les mesures financières non conformes aux PCGR d’une manière cohérente et transparente n’induisant pas les investisseurs en erreur. À cette fin, lorsqu’ils présentent des mesures financières non conformes aux PCGR, les émetteurs doivent, notamment, selon l’Avis 52-306 :
- indiquer que les mesures financières non conformes aux PCGR n’ont pas de sens normalisé prévu par les PCGR
- nommer la mesure financière non conforme aux PCGR d’une façon qui la distingue des éléments précisés conformément aux PCGR et qui ne soit pas trompeuse
- expliquer l’utilité des mesures financières non conformes aux PCGR pour les investisseurs
- présenter les mesures financières conformes aux PCGR les plus directement comparables en les mettant autant ou davantage en évidence que les mesures non conformes aux PCGR
- fournir un rapprochement quantitatif entre les mesures financières non conformes aux PCGR et les mesures financières conformes aux PCGR les plus directement comparables
- présenter la mesure financière non conforme aux PCGR de façon constante d’un exercice à l’autre.
Malgré ces exigences et un certain nombre d’autres exigences apparemment normatives, les directives énoncées dans l’Avis 52-306 n’ont pas force de loi. Par conséquent, les émetteurs disposent d’une certaine latitude quant à la façon dont ils les appliquent à leur situation particulière lorsqu’ils présentent des mesures financières non conformes aux PCGR, à condition que l’information donnée n’induise pas les investisseurs en erreur.
Nouveau cadre réglementaire
Les ACVM ont constaté qu’en dépit de l’existence de ces directives, les pratiques des émetteurs en matière d’information sont encore très disparates. En septembre 2018, afin de corriger cette disparité, et en réponse aux préoccupations que continuent d’exprimer certains investisseurs et d’autres parties intéressées, les ACVM ont publié le projet de Règlement 52-112 sur l’information concernant les mesures financières non conformes aux PCGR et les autres mesures financières (le projet de Norme canadienne 52-112 sur l’information concernant les mesures financières non conformes aux PCGR et les autres mesures financières dans les provinces autres que le Québec) (le « projet de règlement »), en vue de remplacer l’Avis 52-306. Le projet de règlement imposerait des obligations d’information à l’égard des mesures financières non conformes aux PCGR et de certaines autres mesures financières qui sont publiées sous forme écrite, y compris sur un site Web ou un média social. Le projet de règlement, en établissant les exigences d’information sous forme de règles plutôt que sous forme de lignes directrices, enlèvera aux émetteurs la latitude dont ils disposaient en ce qui a trait à la présentation et à la communication des mesures financières non conformes aux PCGR et d’autres mesures financières précisées et permettra aux ACVM de sévir contre les émetteurs non conformes.
De façon générale, les exigences imposées par le projet de règlement en ce qui concerne les mesures financières non conformes aux PCGR sont en phase avec les directives actuelles de l’Avis 52-306. Cependant, on constate quelques différences notables qui découlent entre autres du fait que le projet de règlement reconnaît qu’une approche distincte peut être appropriée (d’un point de vue pratique ou de principe) dans des cas prescrits. Ainsi, le projet de règlement prévoit une exception qui permet une analyse qualitative de certaines mesures financières prospectives non conformes aux PCGR plutôt que d’exiger un rapprochement quantitatif avec une mesure prospective conforme aux PCGR.
Malheureusement, certains éléments du projet de règlement ne prévoient pas d’exceptions appropriées et imposent de nouvelles règles qui sont peu pratiques, inutilement lourdes ou autrement injustifiées dans un souci d’éviter que le public investisseur ne soit induit en erreur. Le projet de règlement exige, par exemple, que lorsqu’une mesure financière non conforme aux PCGR est présentée, la « même » mesure financière non conforme aux PCGR soit présentée pour la période comparative. Cette approche diffère de celle de l’Avis 52-306, qui exige seulement que les mesures financières non conformes aux PCGR soient cohérentes d’un exercice à l’autre.
Comme nous l’avons indiqué dans la lettre de commentaires (en anglais) que nous avons adressée aux ACVM, dans bien des cas, il serait impossible ou peu pratique pour les émetteurs de présenter l’information exactement de la même façon pour les périodes comparatives. En l’absence d’une exception expresse (aucune n’est actuellement proposée) ou d’une dispense, l’émetteur contreviendrait alors au projet de règlement même s’il présentait une information transparente faisant en sorte que les investisseurs ne soient pas induits en erreur. Les ACVM ont laissé entendre qu’une dispense pourrait être disponible dans certains de ces cas, mais l’émetteur pourrait ne pas disposer de suffisamment de temps pour l’obtenir dans le contexte d’une divulgation d’information commandée par un événement ou d’un autre type de divulgation ponctuelle. Dans notre lettre de commentaires, nous avons suggéré que les ACVM réexaminent leur proposition de traiter ces cas au moyen d’une dispense, compte tenu des coûts et des délais que cette façon de procéder pourrait imposer à un émetteur.
La réglementation proposée de trois « nouvelles » catégories de mesures financières, soit les « mesures sectorielles », les « mesures de gestion du capital » et les « mesures financières supplémentaires », pose également problème. De manière générale, ces « autres mesures financières » sont distinctes des mesures financières non conformes aux PCGR, mais, de l’avis des ACVM, elles soulèvent des préoccupations similaires sur le plan des politiques lorsqu’elles ne sont pas accompagnées d’une information appropriée. Étant donné que les organismes de réglementation des valeurs mobilières n’ont jamais publié de réglementation ou de directives claires sur les questions particulières liées à l’utilisation de ces « autres mesures financières », il existe un risque très réel de confusion parmi les investisseurs et les émetteurs quant à la signification précise de chaque nouvelle catégorie d’information et au type d’information supplémentaire qui est nécessaire pour satisfaire aux exigences du projet de règlement. Sans compter que ce risque est exacerbé par le fait que la version actuelle de l’instruction générale relative au projet de règlement manque de clarté.
Enfin, le projet de règlement s’appliquerait à tous les émetteurs (y compris les fonds d’investissement), à l’exception des « émetteurs étrangers inscrits auprès de la SEC ». Par conséquent, l’« émetteur inscrit auprès de la SEC » qui n’est pas considéré comme un « émetteur étranger inscrit auprès de la SEC », mais qui est par ailleurs un émetteur assujetti au Canada se verrait dans l’obligation de se conformer aux exigences d’information tant américaines que canadiennes concernant les mesures financières. Bien que la réglementation des mesures financières non conformes aux PCGR des États-Unis et celle du Canada soient similaires, les régimes ne sont pas identiques. De plus, le projet de règlement s’appliquera à d’autres mesures financières qui ne sont pas visées par une réglementation américaine particulière.
Vous trouverez plus de renseignements sur le projet de règlement dans notre commentaire précédent.
Quelle est la prochaine étape?
La période de commentaires pour le projet de règlement s’est terminée en décembre 2018. Les ACVM ont reçu plus de 40 lettres de commentaires de participants au marché qui y ont exprimé un large éventail de préoccupations concernant le projet de règlement. En plus des préoccupations décrites ci-dessus, Davies a proposé dans sa lettre de commentaires (en anglais) des améliorations en vue de la création d’un régime d’information plus rationalisé et plus actuel.
Le projet de règlement comporte un changement important dans la façon dont la présentation des mesures financières est réglementée en vertu de la législation canadienne en valeurs mobilières. Nous nous attendons à ce que les ACVM prennent le temps nécessaire pour examiner attentivement les opinions et les préoccupations de tous les commentateurs avant d’aller de l’avant avec le projet de règlement.
Il n’est pas clair pour le moment si les ACVM apporteront des changements au projet de règlement, mais nous prévoyons qu’elles finiront par mettre en œuvre sous une forme ou une autre des règles régissant les mesures non conformes aux PCGR et peut-être certaines autres mesures financières. Par conséquent, les émetteurs devraient être prêts à rajuster leurs pratiques pour ce qui est de la présentation de ces mesures financières. De plus, les émetteurs devraient s’attendre à ce que les rajustements qu’ils devront faire pour assurer leur conformité exigent de leur part du temps et des ressources supplémentaires.