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Nouvelles directives importantes de la Bourse de Toronto en 2018

L’article suivant a d’abord été publié dans notre Rapport de 2019 sur les marchés des capitaux canadiens.

Lire le rapport complet.


La Bourse de Toronto (la « TSX »), par le truchement d’avis du personnel, a continué d’apporter des modifications importantes à ses politiques et pratiques en 2018. Certaines d’entre elles auront des incidences sur les émissions de titres effectuées dans le cadre d’acquisitions et sur la fixation du prix d’offre dans le cadre de placements. Quoique les avis du personnel de la TSX aient pour but de guider les sociétés inscrites, les indications et précisions qui y sont énoncées sont mises en application comme des règles obligatoires s’ajoutant aux exigences de fond que doivent respecter les émetteurs inscrits.

Nouvelles exigences applicables aux émissions d’actions effectuées dans le cadre d’opérations importantes

En août 2018, la TSX a publié l’Avis du personnel 2018-0005 (l’« Avis 2018-0005 »), qui est venu remplacer les directives données antérieurement quant à la nécessité de soumettre à l’approbation des porteurs de titres l’acquisition d’une société ouverte visée par une offre publique d’achat, un plan d’arrangement, une fusion ou une opération similaire. Depuis 2009, la TSX exige des émetteurs qu’ils obtiennent l’approbation de leurs actionnaires si le nombre de titres pouvant être émis en règlement du prix d’achat est supérieur à 25 % du nombre de leurs titres en circulation avant dilution (une « émission substantielle »). Selon les anciennes directives, les émetteurs inscrits n’étaient pas autorisés à procéder à une augmentation ultérieure du nombre des titres pouvant être émis dans le cadre d’une opération sans de nouveau obtenir l’approbation des porteurs de titres pour ce faire. Or, par suite de la publication de l’Avis 2018-0005, les émetteurs peuvent maintenant émettre un nombre d’actions supplémentaires représentant 25 % du nombre maximal d’actions antérieurement approuvé aux fins d’émission sans être tenus, pour ce faire, d’obtenir de nouveau l’approbation de leurs porteurs de titres, mais uniquement aux fins de majoration de la contrepartie payable dans le cadre de l’opération d’acquisition.

L’Avis 2018-0005 ne change pas, pour l’essentiel, l’étendue de l’information qui doit être communiquée à l’occasion d’une émission substantielle, ni l’obligation de soumettre cette information à l’approbation de la TSX. L’obligation qu’ont les émetteurs d’indiquer dans leur circulaire le nombre maximal de titres pouvant être émis dans le cadre d’une émission substantielle demeure également inchangée. Le seul changement de fond qu’impose l’Avis 2018-0005 réside dans une nouvelle exigence selon laquelle tous les émetteurs inscrits doivent inclure la déclaration suivante dans la circulaire portant sur l’émission substantielle :

« La Bourse n’exige pas, en règle générale, l’obtention d’une nouvelle approbation des porteurs de titres pour l’émission de titres additionnels dont le nombre peut aller jusqu’à [X] [titres], ce nombre représentant 25 % du nombre de titres approuvé par les porteurs de titres à l’égard de l’opération. »

Cette exigence s’applique à tous les émetteurs qui soumettent une émission substantielle à l’approbation de leurs porteurs de titres, qu’ils aient ou non l’intention d’accroître la contrepartie payable dans le cadre de l’acquisition. Par conséquent, les acquéreurs qui offrent une contrepartie en actions qui se traduirait par une émission substantielle ne pourront plus invoquer le nombre maximal fixe de titres ayant reçu l’approbation des porteurs de titres afin de décourager toute négociation supplémentaire de la part du conseil d’administration ou des actionnaires de la société visée par l’acquisition.

Essentiellement, la TSX exige que chaque émetteur qui offre une contrepartie en actions dans le cadre d’une acquisition entraînant une émission substantielle déclare qu’il a de la marge de manœuvre pour négocier une hausse importante de la contrepartie, même après l’approbation de l’acquisition par ses porteurs de titres, qu’il souhaite ou non disposer de cette marge de manœuvre et sans égard au fait que ses actionnaires auraient ou non approuvé l’opération à un prix supérieur. Cette nouvelle exigence pourrait avoir des conséquences imprévues et sérieusement pénaliser certains acquéreurs et leurs actionnaires dont la position de négociation se verrait affaiblie. D’autres émetteurs pourraient bénéficier de la possibilité de relever ainsi la contrepartie payable au moyen d’une émission substantielle dans le cas où un concurrent a présenté une offre d’acquisition supérieure.

Les acquisitions comportant une émission substantielle devant être soumise à l’approbation des actionnaires en application de l’article 611(c) du Guide à l’intention des sociétés de la TSX étaient rares au cours des années qui ont suivi l’adoption de cette exigence, en 2009, mais elles sont devenues beaucoup plus courantes ces dernières années et sont maintenant bien acceptées sur le marché canadien. Les émetteurs qui envisagent d’effectuer une acquisition qui impliquerait une émission substantielle devront prendre en considération les incidences de l’Avis 2018-0005 et leur effet ultime sur le déroulement de l’opération d’acquisition. Si, comme le permet l’Avis 2018-0005, un émetteur décidait d’accroître la contrepartie payable dans le cadre d’une opération après avoir obtenu l’approbation des actionnaires à l’égard d’une contrepartie moins élevée, il risquerait de miner la confiance et la bonne volonté de ses actionnaires, avec à la clé des conséquences indésirables.

Nouvelles directives à l’égard de la fixation du prix des placements

En mai 2018, la TSX a publié l’Avis du personnel 2018-0003 (l’« Avis 2018-0003 ») qui fournit de nouvelles directives à l’égard de la fixation du prix d’offre aux fins de placements par voie de prospectus ou de placements privés dans les cas où l’émetteur a, peu avant, communiqué de l’information importante. La TSX y précise qu’elle s’attend à ce que les émetteurs inscrits fixent leur prix d’offre cinq jours de bourse francs suivant la communication de l’information importante afin que le cours reflète correctement cette information.

Lorsqu’il serait peu pratique d’attendre cinq jours suivant la communication d’information importante pour effectuer un placement, l’Avis 2018-0003 autorise l’émetteur à présenter une demande de dispense à la TSX dans certaines circonstances. La TSX pourrait permettre qu’un émetteur fixe un prix fondé sur un cours déterminé après moins de cinq jours de bourse, mais n’a pas donné de précisions sur les situations dans lesquelles elle pourrait consentir à un tel écart par rapport au mode de détermination du cours habituel.

Les émetteurs qui ne connaissent pas bien les incidences de l’Avis 2018-0003 risquent de fixer leur prix d’offre à un moment qui est interdit par la TSX ou d’utiliser un cours déterminé d’une manière qui n’est pas acceptée par la TSX. Dans l’un et l’autre cas, le risque que la TSX intervienne et exige que le placement soit approuvé par les actionnaires s’accroît, exigence qui serait défavorable dans la plupart des cas et qui éliminerait potentiellement la possibilité pour l’émetteur de réaliser le placement dans les délais voulus, voire du tout. De plus, les émetteurs devraient être conscients que l’intention même de réaliser un placement, selon son ampleur et ses circonstances, pourrait constituer une information importante non communiquée au sens du cadre réglementaire de la TSX, dont la TSX pourrait théoriquement exiger la communication avant la fixation du prix d’offre.

Notre analyse

En 2018, la TSX a continué d’apporter des modifications importantes à ses politiques et pratiques par le truchement d’avis du personnel qui ont été adoptés en l’absence de toute forme de consultation des participants au marché ou de demande de commentaires à laquelle donnerait lieu un projet de modification visant le Guide à l’intention des sociétés de la TSX. Par conséquent, les avis du personnel ne sont pas passés au crible de la même manière et, souvent, n’ont pas le retentissement que demanderaient l’importance et les conséquences des questions traitées.

Dans l’Avis 2018-0005, la TSX tente de résoudre un problème pour les émetteurs qui souhaitent accroître la contrepartie en actions à payer dans le cadre d’acquisitions pour lesquelles ils ont reçu l’approbation de leurs porteurs de titres. En obligeant tous les émetteurs à informer leurs porteurs de titres qu’ils ont le droit d’émettre un nombre de titres supplémentaires correspondant à 25 % des titres approuvés dans le cadre d’une acquisition advenant une majoration de la contrepartie, la TSX a résolu un problème administratif pour ces émetteurs. Ce changement profitera sans aucun doute à ces émetteurs, mais il s’agit d’une mesure mal ciblée qui pourrait affaiblir tactiquement d’autres émetteurs qui préféreraient ne pas avoir la possibilité d’accroître la contrepartie offerte. Même les émetteurs qui pourraient être disposés à majorer la contrepartie à payer dans le cadre d’une opération seront probablement insatisfaits des nouvelles obligations d’information de la TSX.

Au cours des dernières années, la TSX s’est montrée de plus en plus attentive aux questions liées à la fixation du prix d’offre pour les placements de sociétés qui possèdent des informations importantes non publiques. Tous les émetteurs qui envisagent de réunir des capitaux, par voie d’appel public à l’épargne ou de placement privé, doivent être conscients i) de l’incidence cumulative des récentes directives de la TSX concernant la communication d’information importante non publique avant un placement et ii) de l’effet qu’auront ces directives sur le moment de la fixation du prix d’offre et l’annonce du placement. Un examen pointilleux de ces questions de la part de la TSX pourrait entraîner des retards inattendus, voire l’imposition d’obligations imprévues aux émetteurs par la TSX en ce qui a trait à l’obtention de l’approbation de leurs porteurs de titres.

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