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Le secteur du cannabis prend de l’ampleur

L’article suivant a d’abord été publié dans notre Rapport de 2019 sur les marchés des capitaux canadiens.

Lire le rapport complet.


Le secteur du cannabis est l’un des secteurs d’activité dont on a le plus parlé au Canada au cours des 24 derniers mois : une poignée de grandes opérations de fusions/acquisitions et d’investissements transfrontaliers substantiels ont défrayé la chronique. Nous nous attendons à ce que le cannabis continue d’être à la une de l’actualité en 2019, car les émetteurs de ce secteur chercheront à mettre au point des produits de nouvelle génération et à déployer des stratégies d’expansion internationale.

La libéralisation, tant proposée que réalisée, des lois sur le cannabis aux États-Unis a accru l’intérêt pour le marché américain du cannabis, et les investissements des sociétés des secteurs de l’alcool et du tabac ont légitimé ce secteur naissant. Compte tenu de ces facteurs, nous nous attendons à ce que la « fièvre du cannabis » se maintienne sur les marchés des capitaux tout au long de l’année 2019.

Le chanvre est légalisé aux États-Unis

Le 20 décembre 2018, le président des États-Unis, Donald Trump, a promulgué la loi intitulée Agriculture Improvement Act of 2018 (dont le projet de loi était appelé le Farm Bill) qui a retiré le chanvre industriel de la définition du terme « marihuana » figurant dans la loi fédérale intitulée Controlled Substances Act. Cette mesure a eu pour effet de légaliser, au niveau fédéral, la culture, la distribution et la vente de chanvre industriel aux États-Unis et de faire de celui-ci un produit agricole ordinaire. L’importance de cette mesure découle de la présence dans le chanvre industriel de cannabidiol (le « CBD »), un cannabinoïde non psychoactif qui est censé avoir une série d’effets thérapeutiques. Le CBD tiré de la « marihuana » demeure illégal au niveau fédéral et le CBD tiré du chanvre sera assujetti à la réglementation des États.

Les producteurs de cannabis canadiens titulaires d’une licence Canopy Growth Corporation (« Canopy ») et Tilray Inc. (« Tilray ») ont déjà cherché à tirer profit de la libéralisation de la législation américaine s’appliquant au chanvre. Le 17 décembre 2018, Tilray a annoncé avoir signé une lettre d’intention visant l’achat d’isolats de CBD tiré du chanvre auprès de LiveWell Canada Inc., qui proviendra à la fois des États-Unis et du Canada et que Tilray traitera et distribuera sous forme de produits de bien-être et médicinaux dans les deux pays. Canopy, pour sa part, a franchi une première étape en vue de l’établissement d’une présence directe aux États-Unis. Le 14 janvier 2019, Canopy a annoncé qu’elle avait obtenu de l’État de New York une licence l’autorisant à traiter et à produire du chanvre. Canopy a l’intention d’investir entre 100 et 150 millions de dollars américains dans des installations de production à grande échelle consacrées à l’extraction du chanvre et à la fabrication de produits du chanvre aux États-Unis. De plus, Canopy a annoncé en début d’année qu’elle faisait l’acquisition d’AgriNextUSA, entreprise reconnue pour être à l’avant-garde de la défense du chanvre aux États-Unis, dans le but de faciliter ses activités liées au chanvre dans ce pays.

Même si les estimations quant au marché potentiel que représente aux États-Unis le CBD tiré du chanvre varient énormément, allant de 2 milliards de dollars américains à 22 milliards de dollars américains, l’existence sur ce marché de possibilités considérables semble faire consensus.

Les États-Unis franchissent un pas de plus vers la libéralisation de la législation fédérale sur le cannabis

Le 7 juin 2018, les sénateurs Cory Gardner et Elizabeth Warren ont présenté au Congrès un projet de loi intitulé Strengthening the Tenth Amendment Through Entrusting States (STATES) Act (la « loi STATES »), qui modifierait la Controlled Substances Act en vue d’exempter les particuliers et les sociétés de poursuites pour des infractions fédérales liées au cannabis s’ils ont agi conformément aux lois sur le cannabis d’un État. La loi STATES, toutefois, n’aurait pas pour effet de retirer le cannabis de la liste des stupéfiants figurant à l’annexe I de la Controlled Substances Act, de sorte que le cannabis demeurerait illégal au niveau fédéral. Compte tenu de cette distinction, on ne sait toujours pas quelles pourraient être les répercussions de la loi STATES, si le projet de loi est adopté, sur la volonté des bourses de valeurs mobilières et des banques sous réglementation fédérale des États-Unis de participer au secteur du cannabis de ce pays.

La loi intitulée Secure and Fair Enforcement (SAFE) Banking Act (la « loi SAFE ») revêt probablement plus d’intérêt pour les banques sous réglementation fédérale des États-Unis : son adoption permettrait à celles-ci d’offrir leurs services aux sociétés du secteur du cannabis qui se conforment aux lois sur le cannabis des États. À l’heure actuelle, il est interdit aux banques sous réglementation fédérale de desservir les sociétés du secteur du cannabis, puisque tous leurs fonds seraient considérés comme des produits de la criminalité.

Le 17 décembre 2018, en raison de la lenteur de l’avancement du projet de loi STATES à la Chambre et au Sénat, le sénateur Cory Gardner a présenté au Sénat un amendement à un projet de loi plus vaste sur la justice pénale qui reprenait le libellé de la loi STATES. Toutefois, l’amendement n’a pas été accepté. On ne sait pas si la loi STATES sera promulguée. Toutefois, nombreux sont ceux qui ont émis l’hypothèse que ce n’est qu’une question de temps avant que la législation fédérale des États-Unis en matière de cannabis soit libéralisée. La loi SAFE, par contre, a reçu l’approbation du comité des services financiers de la Chambre le 28 mars 2019, et fait actuellement l’objet d’un examen de la part de la Chambre et du Sénat.

Canopy prévoit l’acquisition d’une société américaine du secteur du cannabis suivant la légalisation par les autorités fédérales des États-Unis

Le 18 avril 2019, Canopy a annoncé la conclusion d’une entente définitive visant l’acquisition de la totalité des actions d’Acreage Holdings, Inc. (« Acreage »), entreprise intégrée verticalement présente dans de nombreux États qui est le plus important propriétaire de licences et d’actifs du secteur du cannabis aux États-Unis. Selon les modalités de l’opération, Canopy versera une prime initiale de 300 millions de dollars américains à certaines catégories d’actionnaires d’Acreage en échange d’une option d’achat visant toutes les actions en circulation d’Acreage.

L’option d’achat de Canopy est valide pour une période de 90 mois suivant sa date d’émission. Canopy aura l’obligation d’exercer l’option d’achat une fois les lois fédérales des États-Unis modifiées de manière à permettre la culture, la distribution et la possession de cannabis en général ou à abroger la réglementation régissant ces activités. Suivant l’exercice de l’option d’achat, chaque action d’Acreage sera échangée contre 0,5818 action ordinaire de Canopy, ce qui représente une contrepartie totale (compte tenu de la prime initiale décrite précédemment) de 3,4 milliards de dollars américains pour les actionnaires d’Acreage, soit une prime de 41,7 % par rapport au cours moyen pondéré en fonction du volume des actions d’Acreage à la Bourse des valeurs canadiennes (la « CSE ») pour la période de 30 jours ayant pris fin le 16 avril 2019.

L’opération, première acquisition directe d’un producteur américain par un producteur autorisé canadien inscrit à la cote de la TSX, procure à Canopy un accès immédiat au marché du cannabis américain suivant sa légalisation par les autorités fédérales. L’opération a toutefois essuyé son lot de critiques, Marcato Capital Management LP (« Marcato »), détenteur de 2,7 % des actions d’Acreage, ayant annoncé son intention de voter contre l’opération projetée. Celle-ci a invoqué, entre autres, le caractère insuffisant de la prime qui sous-évalue, selon elle, la valeur potentielle d’Acreage suivant la légalisation du secteur du cannabis aux États-Unis par les autorités fédérales. Entre l’annonce de l’opération et le moment où Marcato a annoncé son intention, le cours des actions de Canopy avait déjà connu une hausse de 15,2 %, alors que celui des actions d’Acreage était en baisse de 6 %. Le vote des actionnaires d’Acreage concernant l’opération projetée se tiendra le 19 juin 2019.

Les opérations de restructuration et de scission partielle deviennent plus fréquentes au fur et à mesure que l’intérêt pour le marché américain du cannabis augmente

Étant donné que la Bourse de Toronto (la « TSX ») et la Bourse de croissance TSX (la « TSX-V ») interdisent à leurs émetteurs inscrits de se livrer à des activités ou d’investir dans des activités qui enfreignent les lois fédérales des États-Unis, les émetteurs inscrits du secteur du cannabis ont usé de créativité pour structurer des opérations leur procurant une exposition à ce que beaucoup s’attendent à voir devenir un marché du cannabis lucratif aux États-Unis tout en respectant les exigences d’inscription en bourse.

Au printemps 2018, par exemple, Aurora Cannabis Inc. (« Aurora ») a fait apport de ses actifs américains à une nouvelle société, Australis Capital Inc. (« Australis »), qui a été inscrite à la cote de la CSE. La CSE a adopté une approche fondée sur la divulgation en ce qui concerne l’exercice d’activités ou l’investissement dans des activités liées au cannabis aux États-Unis et permettra à ses émetteurs inscrits d’exercer de telles activités. Aurora s’est réservée un droit de réinvestissement dans Australis qu’elle pourra exercer si le cannabis est légalisé au niveau fédéral aux États-Unis.

De même, en octobre 2018, Canopy et Canopy Rivers Inc. (« Canopy Rivers »), l’entreprise de capital-risque de Canopy, ont restructuré leurs investissements respectifs dans TerrAscend Corp. (« TerrAscend »), société du secteur du cannabis inscrite à la cote de la CSE, de façon à ce que TerrAscend puisse profiter de débouchés aux États-Unis. Ainsi, Canopy Rivers et Canopy ont conclu un plan d’arrangement afin d’échanger leurs actions ordinaires et bons de souscription de TerrAscend contre des actions échangeables non participantes et sans droit de vote qui ne pourront être échangées contre des actions ordinaires que si le cannabis est légalisé au niveau fédéral aux États-Unis.

La ruée vers le Nord des émetteurs américains du secteur du cannabis

Même si le cannabis est réglementé dans de nombreux États américains, il demeure illégal selon la législation fédérale américaine. Par conséquent, aucune société américaine exerçant des activités uniquement dans le secteur du cannabis n’est inscrite à la cote d’une grande bourse de valeurs mobilières américaine sous réglementation fédérale. Cependant, étant donné l’approche fondée sur la divulgation des plus petites bourses de valeurs mobilières du Canada, comme la CSE et la NEO, de nombreux émetteurs américains du secteur du cannabis se sont inscrits à la cote d’une bourse canadienne. À la date des présentes, 160 émetteurs liés au secteur du cannabis étaient inscrits à la seule CSE, dont bon nombre sont exposés au secteur du cannabis des États-Unis.

Les sociétés canadiennes du secteur du cannabis commencent à s’inscrire au Nasdaq et à la Bourse de New York

Comme nous l’avons mentionné plus haut, il est interdit aux sociétés américaines du secteur du cannabis de s’inscrire à la cote des principales bourses de valeurs mobilières des États-Unis. Toutefois, le Nasdaq et la Bourse de New York (la « NYSE ») ont accepté les inscriptions de sociétés canadiennes du secteur du cannabis qui exercent leurs activités exclusivement au Canada et dans d’autres territoires où l’usage du cannabis est légalisé à des fins médicales ou à des fins récréatives.

Cronos Group Inc. (« Cronos »), inscrite au Nasdaq en février 2018, est devenue la première société canadienne du secteur du cannabis à être inscrite à la cote d’une bourse de valeurs mobilières américaine. Peu après, en juillet 2018, Tilray a réalisé son premier appel public à l’épargne au Nasdaq, se passant complètement d’une inscription à la cote d’une bourse canadienne.

En mai 2018, Canopy est devenue la première société canadienne du secteur du cannabis à être inscrite à la cote de la NYSE. Depuis, Aurora, Aphria Inc. (« Aphria ») et CannTrust Holdings Inc. l’y ont rejointe. HEXO Corp. (« HEXO »), dont la capitalisation boursière s’élève à environ 1,3 milliard de dollars, a été approuvée aux fins d’inscription à la cote de la NYSE American le 17 janvier 2019.

Les grandes sociétés de tabac débarquent

En mars 2019, Altria Group Inc. (« Altria »), l’une des plus grandes sociétés de fabrication et de commercialisation de produits du tabac au monde, a investi environ 2,4 milliards de dollars dans Cronos dans le cadre d’un placement privé. Altria a acquis à la fois des actions ordinaires représentant une participation d’environ 45 % dans Cronos et des bons de souscription qui, si elle les exerce, porteraient à environ 55 % sa participation dans Cronos.

Deux semaines seulement après avoir annoncé son investissement dans Cronos en décembre 2018, Altria a annoncé un investissement de 12,8 milliards de dollars américains dans Juul Labs (« Juul »), entreprise dominante du secteur des cigarettes électroniques.

L’investissement d’Altria dans Cronos est le premier investissement majeur d’une société productrice de tabac dans le secteur du cannabis au Canada. Avec son investissement dans Juul, Altria possède maintenant une position notable dans le secteur croissant des produits de vapotage.

Les sociétés du secteur de l’alcool continuent d’investir dans le cannabis

L’opération Cronos-Altria a été structurée de façon semblable à la plus grande opération d’investissement à ce jour dans le secteur du cannabis au Canada : l’investissement de Constellation Brands (« Constellation ») dans Canopy, qui s’est élevé à 5 milliards de dollars. Après avoir investi 245 millions de dollars pour acquérir une participation de 9,9 % dans Canopy en 2017, Constellation y a injecté 5 milliards de dollars de plus à l’été 2018, portant sa participation à environ 38 %. De plus, Constellation a acquis des bons de souscription qui, une fois exercés, porteraient sa participation dans Canopy à plus de 50 %.

Toutefois, Constellation n’est pas la seule société du secteur de l’alcool à s’intéresser au cannabis. En août 2018, Molson-Coors Canada et HEXO ont annoncé la création d’une coentreprise, baptisée Truss, qui mettra au point des boissons non alcoolisées à base de cannabis destinées au marché canadien. Molson-Coors Canada possède un bloc de contrôle de 57,5 % dans Truss, et HEXO possède la participation restante. En décembre 2018, Anheuser-Busch InBev, le plus grand brasseur du monde, a annoncé qu’il s’associait à Tilray pour un projet de recherche sur la production de boissons non alcoolisées contenant du THC et du CBD. Ces sociétés ont toutes deux l’intention d’investir jusqu’à 50 millions de dollars dans leurs recherches dans le but de pouvoir mettre en vente leurs boissons dès la légalisation de ces produits en 2019.

Shoppers Drug Mart est autorisée à vendre du cannabis

Le 8 décembre 2018, Santé Canada a accordé à Shoppers Drug Mart (« Shoppers ») une licence l’autorisant à vendre du cannabis médicinal en ligne. Selon le site Web de Shoppers, celle-ci n’offre actuellement ce produit qu’à ses clients de l’Ontario. Shoppers a affirmé n’avoir aucune intention de produire du cannabis et a révélé avoir conclu des accords d’approvisionnement avec un certain nombre de producteurs de cannabis autorisés, dont Tilray, Aurora, Aphria, Emblem Corp., WeedMD Inc., The Flowr Corporation et Starseed Medical Inc.

La réglementation sur le cannabis comestible bientôt en vigueur

Le 20 décembre 2018, Santé Canada a publié un projet de règlement visant le cannabis comestible, les extraits de cannabis et le cannabis pour usage topique, dont la version définitive devrait entrer en vigueur au plus tard le 17 octobre 2019. Le projet de règlement a fait l’objet d’une période de consultation de 60 jours.

Le projet de règlement prescrit des limites de teneur en THC et en CBD pour les produits de cannabis comestible et de cannabis pour usage topique et stipule que ces produits doivent être présentés dans un emballage neutre semblable à celui qui est actuellement exigé pour les produits du cannabis déjà autorisés par la loi. De plus, le projet de règlement interdit certains types et certaines formes de produits comestibles. Il interdit, par exemple : (i) le cannabis comestible qui doit être conservé au réfrigérateur ou au congélateur; (ii) les extraits de cannabis contenant des sucres, des édulcorants ou des agents édulcorants; (iii) l’emballage et l’étiquetage d’extraits de cannabis indiquant des arômes attrayants pour les jeunes; et (iv) l’utilisation de viandes, volailles ou poissons non séchés.

Même si la période de consultation est terminée, il reste à voir à quoi ressemblera la version définitive du règlement sur le cannabis comestible, les extraits de cannabis et le cannabis sous forme concentrée. L’un des sujets qui a suscité beaucoup de commentaires au cours de la période de consultation est le projet de règle interdisant la production dans une même installation de produits alimentaires ordinaires et de produits du cannabis comestibles. La dépense en capital associée à la mise en place d’une installation distincte pourrait constituer un obstacle pour les entreprises existantes de transformation d’aliments souhaitant participer à la production de tels produits. De plus, le projet de règlement interdit les représentations sur les emballages de produits du cannabis qui associent le produit à une boisson alcoolisée, laissant entendre que les entreprises existantes de fabrication de boissons alcoolisées ne seront pas autorisées à utiliser leurs marques dans le secteur du cannabis.

Bien que les médias aient surtout mis l’accent sur la participation des fabricants de boissons alcoolisées, il reste à voir si les fabricants de biens de consommation emballés ordinaires se lanceront sur le marché des produits du cannabis comestibles. En novembre 2018, le producteur autorisé canadien Newstrike Brands Ltd. a annoncé qu’il avait constitué une coentreprise avec Neal Brothers Inc., entreprise canadienne d’aliments spécialisés, pour mettre au point des produits du cannabis comestibles. Au début de 2018, des rumeurs ont circulé selon lesquelles Coca-Cola examinait les possibilités dans le secteur canadien du cannabis, mais elles n’ont pas refait surface depuis, et aucune grande entreprise de biens de consommation emballés ou de confiserie n’a été associée au marché canadien du cannabis. C’est un secteur que nous surveillerons en 2019.

Le secteur du cannabis est marqué par les ventes à découvert

Dans un contexte d’évaluations à la hausse fondées principalement sur le potentiel perçu et la capacité de production, le secteur du cannabis a été une cible de choix pour les vendeurs à découvert. Au cours des 12 derniers mois, les producteurs canadiens de cannabis Aphria, Cronos, Tilray, Aurora et Namaste Technologies Inc. ont tous été l’objet de rapports concernant leurs ventes à découvert et révélant des problèmes liés à l’évaluation incluant informations insuffisantes, mesures comptables déficientes et opérations d’initiés.

En général, les rapports sur ventes à découvert n’ont causé qu’un fléchissement temporaire du cours de l’action de la société en question. Toutefois, un rapport du Globe and Mail du 23 janvier 2019 indique que les sociétés du secteur du cannabis demeurent parmi les sociétés ayant enregistré le plus de ventes à découvert et qu’au 21 janvier 2019, Aurora, Aphria et Canopy se plaçaient parmi les 20 premières en termes de pourcentage d’actions empruntées.

Aphria fait l’objet de critiques et d’une offre publique d’achat

Le rapport sur les ventes à découvert dont on a le plus parlé est sans doute celui qu’ont publié Hindenburg Research et Quintessential Capital Management le 3 décembre 2018. Celui-ci portait sur Aphria et prétendait qu’une série récente d’acquisitions en Amérique latine et en Jamaïque, représentant au total environ 425 millions de dollars, résultait d’opérations d’initiés et visait l’achat d’actifs qui, dans l’ensemble, n’avaient aucune valeur. Aphria a vu le cours de ses actions chuter de presque 30 % à la suite de ce rapport, comparativement au cours de 10,51 $ affiché avant la publication du rapport, mais l’a depuis vu remonter pour se situer à 11,50 $ au 15 avril 2019.

Le 11 janvier 2019, Aphria a annoncé que Vic Neufeld, son chef de la direction, et Cole Cacciavillani, son cofondateur et vice-président, Culture (VP Growing Operations), allaient quitter leur poste. Par la suite, le 23 janvier 2019, Green Growth Brands (« Green Growth ») a lancé une offre publique d’achat sur Aphria, après en avoir publiquement annoncé l’intention le 27 décembre 2018.

L’offre de Green Growth envisageait une opération comportant une contrepartie entièrement en actions évaluée à 2,8 milliards de dollars. Toutefois, la valeur avancée par Green Growth reposait sur un cours de 7 $ l’action de Green Growth, malgré le fait que son action n’avait jamais connu un cours supérieur à 6,20 $ à la CSE et avait enregistré un cours de clôture de 5,81 $ le jour de l’annonce de son offre. Green Growth avait précédemment annoncé qu’elle réaliserait un financement de 300 millions de dollars à 7 $ l’action pour soutenir la crédibilité de son évaluation; toutefois, elle a également annoncé que la moitié de ce financement serait assuré par une partie qui lui était liée. Le 15 avril 2019, Green Growth et Aphria ont conclu un accord prévoyant la clôture anticipée de l’offre hostile, un moratoire réciproque de 12 mois et la tenue de pourparlers concernant des ententes commerciales potentielles.

Les grandes banques de plus en plus à l’aise dans le secteur du cannabis

Les grandes banques canadiennes ont mis du temps à pénétrer le marché du cannabis, mais l’activité récente révèle que certaines d’entre elles y sont de plus en plus à l’aise. BMO Marchés des capitaux a ouvert la voie : au début de 2018, elle a été le co-chef de file de financements par prise ferme de Canopy, Cronos et Auxly Cannabis Group Inc. (alors appelée Cannabis Wheaton Income Corp.) et, en juin 2018, elle a consenti une facilité de crédit de 200 millions de dollars à Aurora.

Marchés des capitaux CIBC est entrée dans la mêlée : à l’été 2018, elle a agi en tant que placeur pour compte à l’égard d’un placement privé de Canopy Rivers réalisé dans le cadre de son inscription, par voie de prise de contrôle inversée, à la cote de la TSX-V et, en février 2019, elle a agi en tant que preneur ferme à l’égard d’un financement par acquisition ferme de 63,5 millions de dollars pour Canopy Rivers. Le 7 janvier 2019, BMO (en tant que prêteur principal), CIBC et Concerta Bank ont convenu de consentir un financement garanti d’un maximum de 80 millions de dollars à PharmHouse Inc., une coentreprise dont Canopy Rivers est l’un des coentrepreneurs. Par la suite, BMO et CIBC ont de nouveau fait équipe pour offrir un prêt à terme garanti de 65 millions de dollars à Cronos Group et un prêt à terme garanti de 65 millions de dollars à HEXO.

Nous prévoyons que les autres grandes banques canadiennes se lanceront sur le marché au fur et à mesure que le secteur du cannabis continuera de se développer au Canada. La Banque Scotia, pour sa part, a agi en tant que conseiller financier d’Aphria à l’égard de l’offre publique d’achat non sollicitée de Green Growth Brands. Et le 19 mars 2019, la Banque Royale du Canada a consenti une facilité de crédit de 18,7 millions de dollars à Eve & Co Incorporated pour financer la construction d’une serre aux fins de la culture du cannabis.

Changements apportés au traitement des demandes de licences aux termes de la Loi sur le cannabis

Le 8 mai 2019, Santé Canada a annoncé des changements importants à sa politique d’examen des demandes de licences de culture, de transformation ou de vente à des fins médicales de cannabis aux termes de la Loi sur le cannabis. Ces demandes ne seront maintenant considérées que si le demandeur dispose d’installations conformes à la réglementation prêtes pour l’exploitation.

Auparavant, les demandeurs de licences liées au cannabis étaient en mesure de faire examiner leurs demandes et d’obtenir certaines garanties quant à l’octroi éventuel d’une licence avant d’engager des sommes dans la construction d’une installation de production. Bon nombre de demandeurs ont été en mesure de réunir des capitaux importants en vue de la construction d’une installation en faisant valoir l’octroi imminent d’une licence. Nous nous attendons à ce que la nouvelle approche de Santé Canada marque un tournant dans l’essor et la maturité du secteur du cannabis au Canada, notamment en ce qui concerne l’activité sur les marchés financiers. Le changement favorisera les émetteurs qui ont les reins assez solides pour investir dans la construction d’installations conformes à la réglementation sans aucune garantie de la part de Santé Canada quant à l’octroi d’une licence. Nous nous attendons également à ce que le changement ait pour effet de diriger les investissements de capitaux vers des émetteurs qui ont une feuille de route qui démontre leur capacité à construire des installations et à obtenir les permis pour celles-ci. Le doute plane encore quant à savoir si le changement parviendra à atténuer les problèmes d’approvisionnement et les délais d’attente que connaissent les demandeurs qui en sont au stade de l’exploitation commerciale ou sur le point de l’être.

À l’horizon

Nous nous attendons à l’avenir à ce que les émetteurs canadiens du secteur du cannabis continuent d’investir activement des capitaux, en mettant l’accent non plus sur l’expansion de la capacité de production au pays, mais sur l’acquisition d’une exposition au marché américain et sur la mise au point de produits de prochaine génération, comme les produits comestibles et les produits de vapotage. De plus, dans la foulée des investissements de Constellation et d’Altria et compte tenu de la réglementation des produits comestibles attendue à l’automne, nous surveillerons le marché canadien du cannabis pour voir si une grande entreprise de biens de consommation emballés décide de s’y lancer.

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