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Fonds de continuation : Les considérations clés

Auteur : James O’Shea

Les fonds de continuation, communément appelés opérations sur le marché secondaire dirigées par des commandités ou restructurations, divisent depuis longtemps l’opinion des promoteurs et des investisseurs. Alors qu’un grand investisseur européen en fonds de pension les a récemment décrits comme faisant partie d’un « stratagème pyramidal » plus large, d’autres les considèrent d’un bon œil, car ils présentent des avantages pour toutes les parties impliquées.

Ces types de transactions, de plus en plus populaires sur les marchés américains et européens, sont encore relativement nouveaux au Canada. En 2021, Davies a agi pour le compte de Novacap Management Inc, une importante société de capital-investissement nord-américaine, dans le cadre de la création du premier grand fonds de continuation de capital-investissement connu au Canada.

Maintenant que l’utilisation des fonds de continuation et des structures similaires gagne en maturité et se développe, il n’est pas inutile de se pencher sur leurs caractéristiques, les raisons pour lesquelles on y a recours, les facteurs clés que les promoteurs et les investisseurs prennent en compte et la place qu’ils occupent dans l’écosystème canadien du capital-investissement en cette période d’incertitude économique persistante.

Qu’est-ce qu’un fonds de continuation?

Dans sa forme la plus simple, une transaction de fonds de continuation implique généralement la création, par un promoteur, d’un nouveau fonds dont l’objet est d’acheter un ou plusieurs actifs d’un fonds existant que le promoteur gère déjà.

En plus de recruter de nouveaux investisseurs qui s’engageront à fournir des capitaux, le promoteur offre habituellement aux investisseurs existants la possibilité de transférer dans le fonds de continuation la participation qu’ils détiennent dans le ou les actifs sous-jacents. Des engagements supplémentaires destinés à financer les appels de capitaux subséquents et les dépenses courantes sont souvent exigés.

Les conditions d’un fonds de continuation diffèrent souvent de celles d’un fonds sans droit de regard.

  • Les frais de gestion sont souvent moins élevés, voire nuls (en raison de la maturité de l’actif).
  • Le pourcentage de l’intérêt passif (carried interest) est généralement plus élevé ou échelonné (un risque plus concentré s’accompagnant d’une rétribution plus élevée).
  • La durée de vie du fonds est généralement plus courte.
  • Il peut arriver que les investisseurs ne disposent pas de toute la gamme des protections habituelles (par exemple, la destitution du commandité ou de la personne clé).

Quel est l’attrait?

Le fonds de continuation permet au promoteur de continuer à gérer des actifs solides qui ne sont pas encore mûrs pour une stratégie de sortie ou qui bénéficieraient d’une période de détention plus longue que celle prévue par le fonds de capital-investissement classique. Cela s’est avéré particulièrement utile pour les fonds qui investissent dans les infrastructures et les actifs réels, domaines où il n’est pas toujours avantageux de vendre un actif performant pendant la durée de vie d’un fonds, qui est habituellement de dix ans. Cela a également permis aux promoteurs de « réinitialiser » l’horizon de réalisation d’actifs grâce à de nouveaux capitaux et à une meilleure orientation stratégique.

Pour les investisseurs, les fonds de continuation ont représenté une solution de liquidité intéressante compte tenu des durées de vie toujours plus longues des fonds et de la volatilité continue des marchés. Un groupe d’investisseurs résolus peut être en mesure de négocier la modification des modalités clés du fonds de continuation. De tels changements seraient plus difficiles à obtenir dans le cadre d’un fonds classique.

Constitution d’un fonds de continuation

Les promoteurs et les investisseurs doivent tenir compte de plusieurs éléments lors de la constitution d’un fonds de continuation, au nombre desquels figurent des questions fiscales et de structuration complexes qui doivent être examinées au cas par cas.

L’enjeu le plus fondamental consiste à gérer la situation de conflit d’intérêts dans laquelle se trouve nécessairement le promoteur, qui agit à la fois en tant qu’« acheteur » (fonds de continuation) et en tant que « vendeur » (fonds existant). Deux des éléments clés de la gestion de ce conflit sont i) la valorisation et ii) la transparence.

  • En ce qui concerne la valorisation, les promoteurs disposent d’un certain nombre de moyens pour démontrer à toutes les parties que « le prix est juste ». L’un d’entre eux consiste à obtenir un rapport d’un expert indépendant en valorisation et/ou une attestation d’équité. Les promoteurs peuvent également faire valoir l’équité de la transaction en la comparant à un processus de vente antérieur ou en montrant ce que paierait un acheteur dans des conditions normales de concurrence.
  • En ce qui concerne la transparence, l’égalité de traitement doit être assurée entre les « acheteurs » (c’est-à-dire les nouveaux investisseurs) et les « vendeurs » (c’est-à-dire les investisseurs existants) au chapitre de l’information. Un nouvel investisseur dans le fonds de continuation peut considérer l’actif sous-jacent différemment et demander des informations beaucoup plus détaillées sur les actifs concernés que celles qui ont été transmises aux investisseurs existants en application des obligations d’information générales du fonds. Les promoteurs doivent veiller à ce que tous les investisseurs, qu’ils soient nouveaux ou existants, qu’ils liquident leur participation ou la transfèrent dans le fonds de continuation, bénéficient de la même transparence sur tous les aspects de la transaction proposée.

Un nouvel investisseur dans le fonds de continuation peut considérer l’actif sous-jacent différemment et demander des informations beaucoup plus détaillées sur le(s) actif(s) concerné(s) que celles que les investisseurs existants ont reçues dans le cadre du dossier d’information sur le fonds général.

Quel avenir pour les fonds de continuation?

L’opinion demeure divisée sur les fonds de continuation. À l’instar de la quasi-totalité du financement privé, la création de ces fonds a chuté par rapport aux sommets atteints en 2021. Ce qui est indéniable, c’est leur importance croissante et leur prévalence dans l’ensemble du secteur du capital-investissement.

Alors que les valorisations reculent et que les stratégies de sortie traditionnelles restent incertaines et limitées, la stabilité et la certitude qu’offrent les opérations de fonds de continuation bien gérées devraient continuer à convaincre les Canadiens comme les non-Canadiens.

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