Bulletin

Faits saillants des plus récentes propositions fiscales du Canada

Auteurs : Christopher Anderson, Nathan Boidman, Ian Caines, Sabina Han, Michael N. Kandev, Rhonda Rudick et Michael H. Lubetsky

Le ministère des Finances a récemment publié un ensemble de documents prévoyant des modifications potentielles au régime fiscal canadien (les « propositions fiscales »). Les documents, publiés le 9 août 2022, comprennent, entre autres, des projets de modification de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi de l’impôt ») visant à mettre en œuvre certaines mesures prévues dans le budget fédéral du Canada de 2022 (le « budget de 2022 ») et d’autres propositions en suspens ainsi qu’une série de modifications techniques (qui pourraient avoir une incidence considérable sur certains contribuables).

Dans le présent bulletin, nous examinons les principaux éléments suivants des propositions fiscales :

  • les nouvelles règles visant les sociétés privées sous contrôle canadien (les « SPCC ») et les « SPCC en substance »;
  • les règles concernant les « opérations de couverture déterminées » utilisées par les institutions financières;
  • le dividende pour la relance au Canada (c’est-à-dire un impôt);
  • la mise à jour des nouvelles règles de déclaration obligatoire proposées;
  • des modifications techniques portant sur
    • les retenues d’impôt,
    • les sociétés étrangères affiliées / le régime du revenu étranger accumulé tiré de biens (le « REATB »),
    • la liquidation des sociétés de personnes,
    • les prêts aux actionnaires;
  • la TPS et la TVH et d’autres mesures non liées à l’impôt sur le revenu;
  • un nouveau document de consultation (le « document de consultation ») concernant des modifications éventuelles à la règle générale anti‑évitement (la « RGAE »).

Certaines mesures évoquées dans le budget de 2022, y compris d’autres modifications concernant les transferts intergénérationnels d’actions et la mise en œuvre du cadre à deux piliers de l’Organisation de coopération et de développement économiques (l’« OCDE »), ne font pas partie des propositions fiscales et demeurent en suspens. De même, les propositions fiscales ne donnent aucune nouvelle indication concernant les importantes propositions en suspens sur la « restriction des dépenses excessives d’intérêts et de financement » et les dispositifs hybrides.

Propositions antérieures

SPCC en substance

La politique fiscale canadienne a de tout temps prélevé à peu près le même niveau d’impôt sur le revenu de placement ou les gains en capital des particuliers canadiens, que ce revenu ait été gagné ou ces gains aient été réalisés directement ou par l’intermédiaire d’une SPCC. Cette politique d’intégration s’est concrétisée principalement (i) par l’ajout d’un impôt sur le revenu de placement gagné par les SPCC qui leur est remboursé lorsqu’elles versent des dividendes imposables à leurs actionnaires et (ii) au moyen du compte de dividendes en capital qui permet la distribution de la moitié non imposée des gains en capital réalisés par les sociétés privées à leurs actionnaires résidant au Canada. Toutefois, selon la province de résidence, l’application du régime d’intégration au revenu de placement des SPCC peut être imparfaite et occasionner un surcroît considérable d’impôts (impôt sur les sociétés non remboursé et impôt personnel sur les dividendes) à payer sur le revenu de placement gagné par l’intermédiaire d’une SPCC par rapport à l’impôt personnel que paierait le particulier s’il avait gagné le revenu de placement directement.

Des stratégies ont donc été élaborées pour reporter les impôts supplémentaires et réduire la sous-intégration du revenu de placement gagné par l’intermédiaire d’une SPCC, la plus généralisée de ces stratégies étant l’évitement du statut de SPCC. Cette stratégie peut prendre la forme, par exemple, de la constitution de la société sous le régime de lois étrangères (de manière à ce qu’elle n’ait pas la qualité de SPCC) et de l’exploitation de celle-ci à partir du Canada (de manière à ce qu’elle soit néanmoins résidente du Canada). Grâce à ce type de stratégie, le revenu de placement gagné par les sociétés de portefeuille était imposé au taux de l’impôt général des sociétés, qui correspondait souvent à la moitié du taux d’imposition associé au revenu de placement conformément aux règles relatives à l’impôt remboursable spécial applicables aux SPCC.

Le budget de 2022 comporte un nouvel ensemble de règles visant à contrecarrer ces stratégies; ainsi, ces sociétés sont considérées comme des « SPCC en substance » imposées sur le revenu de placement de la même manière que les SPCC ordinaires. Les propositions fiscales incluent des dispositions législatives qui mettent en œuvre les règles relatives aux SPCC en substance annoncées dans le budget de 2022.

Les principales similitudes et différences du traitement fiscal des SPCC en substance et des SPCC ordinaires sont résumées comme suit dans les notes explicatives du projet de loi :

  • Les SPCC en substance seraient généralement assujetties aux mêmes mécanismes anti-report et d’intégration que ceux qui s’appliquent aux SPCC, y compris l’ajout d’un impôt de 10⅔ % (et le refus de la réduction générale de 13 % du taux) sur le « revenu de placement total » et l’ajout de 30⅔ % du revenu de placement total de la société à son « impôt en main remboursable au titre de dividendes non déterminés ».
  • Contrairement aux SPCC, les SPCC en substance auraient à tenir un « compte de revenu à taux réduit » (le « CRTR »). En revanche, leur revenu de placement total serait ajouté à leur CRTR, de sorte que, à l’instar des SPCC, ce revenu ne pourrait pas être distribué en tant que dividendes admissibles.
  • Les SPCC en substance n’auraient pas droit aux avantages fiscaux spéciaux offerts au SPCC, y compris la déduction accordée aux petites entreprises; elles n’auraient pas non plus droit au crédit d’impôt bonifié pour des activités de recherche scientifique et de développement expérimental ni ne pourraient être considérées comme des SPCC à d’autres fins pour la Loi de l’impôt.

Des modifications étroitement alignées sur les règles relatives aux SPCC en substance ont été apportées aux règles relatives au REATB; celles-ci assujettissent à un impôt le revenu de placement gagné par les sociétés résidant à l’étranger contrôlées par des résidents canadiens. Ces changements auront cependant une incidence inappropriée sur certaines activités commerciales de ces filiales étrangères de SPCC, tout en offrant des réductions d’impôt imprévues pour certains, mais non l’ensemble, des gains en capital réalisés par des filiales étrangères, en raison de l’élargissement du compte de dividendes en capital pour inclure dans celui-ci des sommes au titre des impôts étrangers payés par des filiales étrangères sur les gains en capital ainsi que la moitié de ces gains après déduction de l’impôt étranger applicable sur ceux-ci.

Pour illustrer le type de résultat inapproprié qui pourrait survenir (relativement aux activités commerciales), supposons une SPCC qui utilise une filiale locale pour exercer des activités dans un pays avec lequel le Canada n’a pas de relations en vertu d’un traité fiscal (ou, si de telles relations existent, la filiale n’est pas considérée aux yeux du droit fiscal canadien comme résidant dans ce pays). Le droit en vigueur prévoit que si la filiale paie localement des impôts sur au moins 25 % de ses bénéfices, aucun impôt canadien ne sera prélevé sur les dividendes qu’elle verse à la SPCC. Cela est approprié, car si les activités étaient exercées directement par la SPCC, aucun impôt ne serait payable au Canada étant donné que l’impôt canadien direct de 25 % serait annulé par l’impôt local de 25 %. En revanche, les modifications proposées verraient le Canada prélever de manière inappropriée un impôt immédiat sur les dividendes versés par la filiale, cet impôt correspondant à environ 26,25 % des bénéfices avant impôt de la filiale sur lesquels sont fondés les dividendes.

Les réductions fiscales prévues par les règles proposées pourraient s’appliquer, par exemple, si une filiale étrangère directe d’une SPCC réalisait un gain en capital à la vente d’actions d’une sous-filiale en exploitation et payait un impôt local d’au moins 12,5 % sur le gain. Les impôts étrangers et canadiens globaux sur le gain et sur le dividende du gain net pour la SPCC seraient légèrement plus élevés selon les propositions qu’aux termes des lois en vigueur (environ 13,5 % contre 12,5 % du gain avant impôts). Toutefois, l’élargissement du compte de dividendes en capital (pour inclure dans celui-ci des sommes au titre des impôts étrangers et la moitié des gains après déduction de l’impôt applicable sur ceux-ci) réduirait l’impôt étranger et canadien global des sociétés et des actionnaires après la distribution du gain aux actionnaires de la SPCC; cette réduction serait d’environ 20 % (du gain avant impôts) du taux actuellement en vigueur. L’élargissement du compte de dividendes en capital annoncé dans le budget de 2022 était inattendu (mais approprié, compte tenu des principes canadiens d’intégration susmentionnés).

Il n’est pas difficile de saisir le principal motif derrière les projets d’augmentation de l’impôt (au moyen des règles relatives au REATB) sur le revenu de placement passif des SPCC gagné par l’intermédiaire de filiales résidant à l’étranger (qui vise généralement à assurer la cohérence avec le régime d’intégration et les règles relatives aux SPCC en substance susmentionnés). Mais les propositions font abstraction de la manière dont les modifications interagiront avec des situations factuelles particulières et des subtilités des règles relatives au REATB pour produire des effets inappropriés (au sens du terme outcome qu’utilise l’OCDE et d’autres responsables des politiques fiscales).

Les règles relatives au REATB sont extrêmement complexes et s’appliquent à bien plus que le revenu de placement « ordinaire » gagné par l’intermédiaire d’une société de portefeuille étrangère. Ces règles peuvent s’appliquer également au revenu généré par des entreprises immobilières et des sociétés d’assurances (entre autres) qui ont des besoins en capitaux considérables, mais dont le fonctionnement ne requiert qu’un petit nombre d’employés (moins de six). Étant donné l’étendue des règles relatives au REATB, les propositions pourraient engendrer l’imposition supplémentaire inappropriée du revenu de multinationales immobilières privées de manière sensiblement plus punitive que l’imposition réservée à leurs concurrentes publiques.

La législation en vigueur accorde aux entreprises immobilières canadiennes privées et publiques un traitement équitable en ce qui concerne leurs investissements étrangers. L’impôt canadien (REATB) imposé sur le revenu de location étranger (disons des États-Unis) gagné par une filiale locale (disons américaine) (qui ne compte pas plus de cinq employés à temps plein) d’un groupe immobilier qui est une SPCC ne sera pas plus élevé que l’impôt perçu sur une telle filiale étrangère d’un groupe canadien inscrit en bourse, ce qui semble approprié.

Or, cette équivalence essentielle (et cette absence de discrimination fiscale) entre les entreprises immobilières privées et publiques sera cassée, on pourrait dire sans justification, par les changements proposés. L’impôt sur les sociétés publiques demeurerait inchangé, tandis que l’impôt applicable à leurs concurrents privés augmenterait, ce qui désavantagerait ces dernières sur le plan de la concurrence.

L’augmentation de l’impôt applicable aux entreprises canadiennes privées est clairement inacceptable, et les propositions devraient être modifiées en conséquence, à tout le moins pour que les investissements réalisés avant le budget de 2022 conservent le traitement qui leur était accordé.

Les modifications de politiques et leurs effets dont il est question ci-dessus découlent notamment des modifications précises suivantes : (i) l’abaissement du « facteur fiscal approprié » pour les SPCC (et les SPCC en substance) à l’égard de leur part (en tant qu’actionnaire) des impôts payés par les sociétés étrangères affiliées contrôlées sur leur revenu de placement (REATB), qui a pour effet d’augmenter le REATB net imposable de ces actionnaires; (ii) l’évitement de la double imposition sur le REATB attribué lorsque celui-ci est distribué à ces actionnaires en ajoutant une fraction majorée des impôts payés par la société étrangère affiliée contrôlée aux comptes de dividendes en capital de ces actionnaires et en alignant les modifications sur les autres règles visant ces distributions; et (iii) en étendant les concepts de facteur fiscal approprié, de compte de dividendes en capital et d’alignement aux questions de revenu tiré d’une entreprise exploitée activement et de gains en capital mentionnées précédemment.

Opérations de couverture réalisées par les institutions financières canadiennes

Les propositions fiscales contiennent des dispositions annoncées dans le budget de 2022 qui élargissent les règles relatives aux « mécanismes de transfert de dividendes » de manière à refuser la déduction pour dividendes reçus dans le cas des « opérations de couverture déterminées ». Globalement, une opération de couverture déterminée se produit lorsqu’un courtier en valeurs mobilières inscrit faisant partie d’un groupe d’institutions financières canadien (un courtier rattaché) emprunte une action d’une société canadienne en vertu d’un mécanisme de prêt de valeurs mobilières suivant lequel une autre société liée (le porteur) détient l’action, de sorte que l’exposition économique du groupe lié à l’action est couverte. L’objet des propositions est de traiter l’opération comme un mécanisme de transfert de dividendes afin que le groupe de sociétés n’ait pas droit à une déduction pour dividendes reçus à l’égard de l’action lorsqu’il a aussi droit à une déduction au titre d’un paiement compensatoire pour dividende aux termes des règles sur les mécanismes de prêt de valeurs mobilières.

Les propositions fiscales apportent les changements suivants aux règles sur les opérations de couverture déterminées par rapport à ce qui a été annoncé à l’origine dans le budget de 2022 :

  1. Elles précisent qu’un arrangement de capitaux propres synthétiques qui est également un mécanisme de couverture déterminé sera considéré comme un mécanisme de transfert de dividendes parce qu’il s’agit d’un mécanisme de couverture déterminé et non parce qu’il s’agit d’un arrangement de capitaux propres synthétiques.
  2. Elles précisent qu’un mécanisme de couverture déterminé se produira uniquement dans le cas où le courtier rattaché aurait par ailleurs droit à une déduction en vertu des règles sur les mécanismes de prêt de valeurs mobilières à l’égard de l’opération.
  3. Elles confirment que pour déterminer si une opération éliminerait la totalité ou la quasi-totalité du risque pour le porteur à l’égard de l’action de la société canadienne pour les besoins de la définition du terme « opération de couverture déterminée », l’opération est examinée sans qu’il soit tenu compte des autres opérations réalisées à l’égard de l’action. Par exemple, un mécanisme de couverture déterminé se produira si le porteur est propriétaire d’une action et qu’un courtier rattaché conclut un mécanisme de prêt de valeurs mobilières à l’égard de l’action, même si le porteur ou d’autres membres du groupe concluent des dérivés sur titres de capitaux propres à l’égard de la même action.

Dividende pour la relance au Canada

Les propositions fiscales comprennent le dividende pour la relance au Canada proposé dans le budget de 2022. Il s’agit d’un impôt ponctuel de 15 % sur le revenu en sus de 1 milliard de dollars gagné par les groupes bancaires et les groupes de sociétés d’assurance vie canadiens, ainsi qu’une augmentation permanente additionnelle de 1,5 % du taux d’imposition sur le revenu en sus de 100 000 000 $ (l’« impôt additionnel pour les banques et les assureurs vie »).

Dans le budget de 2022, il avait été proposé de fonder le dividende pour la relance au Canada sur l’année d’imposition 2021 des groupes de sociétés canadiens. Selon les propositions fiscales, l’impôt est maintenant fondé sur le revenu moyen de chaque société du groupe pour les années d’imposition 2020 et 2021.

Le dividende pour la relance au Canada et l’impôt additionnel pour les banques et les assureurs vie sont calculés sans qu’il soit tenu compte des pertes du groupe de sociétés. Par conséquent, il semble que les pertes que subirait une société du groupe ne pourraient pas compenser le revenu d’un autre membre du groupe sans que soit réalisée une opération officielle de consolidation des pertes qui permettrait de transférer les pertes d’un membre du groupe à un autre.

Règles de déclaration obligatoire

Les propositions fiscales contiennent également un projet révisé des nouvelles règles de déclaration obligatoire (se rapportant aux opérations à déclarer, aux opérations à signaler et aux traitements fiscaux incertains) annoncées à l’origine dans le budget fédéral de 2021 et dont le premier projet a été publié en février 2022.

La portée du projet de règles de déclaration obligatoire (et plus particulièrement les règles sur les opérations à déclarer) est très étendue, les règles imposant la déclaration de nombreuses opérations commerciales normales. On espérait que les règles seraient resserrées dans les projets subséquents. Les règles sur les opérations à déclarer prévoient qu’il faudra communiquer des renseignements au sujet des opérations d’évitement si l’une des trois conditions suivantes est remplie : (i) un promoteur ou un conseiller a droit à des honoraires conditionnels à l’égard de l’opération; (ii) un promoteur ou un conseiller obtient un « droit à la confidentialité » à l’égard de l’opération; et (iii) le contribuable ou certaines autres personnes obtiennent une « protection contractuelle » relativement à l’opération. Bien que le nouveau projet de législation inclue certains changements ciblés, il n’a pas resserré substantiellement ces règles.

Voici les modifications qui ont été apportées :

  • Date d’entrée en vigueur. La date d’entrée en vigueur des nouvelles règles est reportée, de sorte qu’elles ne s’appliqueront qu’aux opérations conclues en 2023 ou ultérieurement (ou après la sanction royale dans le cas des dispositions relatives aux pénalités). Les nouvelles règles devaient entrer en vigueur au début de 2022.
  • Clause de confidentialité. Les circonstances dans lesquelles les obligations de confidentialité peuvent faire en sorte qu’une opération doive être déclarée sont limitées aux cas où ces obligations touchent le traitement fiscal.
  • Protection contractuelle. L’exclusion au titre de la protection contractuelle « normale » – c’est-à-dire les types de protection contractuelle qui n’entraîneront pas que l’opération sera à déclarer – est à la fois élargie et rétrécie. D’une part, il ne sera plus obligatoire que les protections soient « offertes à une vaste catégorie de personnes », de sorte que l’exclusion pourra plus facilement comprendre des dispositions d’indemnisation contractuelle normales. D’autre part, l’exclusion ne s’appliquera pas dans le cas où la protection vise le traitement fiscal d’une opération d’évitement, même si celle-ci est uniquement couverte accessoirement par une police normale générale d’indemnisation ou d’assurance.
  • Services financiers. Certains prestataires de services financiers sont dispensés de l’obligation de signaler des opérations à signaler s’ils ne savent pas qu’il s’agit d’une opération à signaler.

Modifications techniques

Retenues d’impôt

Les propositions techniques contiennent certains changements qui modifient l’application de la retenue d’impôt canadien lorsque le payeur est une société de personnes. Selon les règles actuelles, une société de personnes est réputée être une personne résidant au Canada pour les paiements qu’elle fait à des non-résidents si les paiements sont déductibles dans le calcul du revenu de source canadienne de la société de personnes. Les propositions auraient comme conséquence qu’une société de personnes serait réputée être une personne résidant au Canada relativement à la partie de la somme qu’elle verse à une personne non résidente qui est déductible dans le calcul de la part du revenu de la société de personnes revenant à l’associé dans la mesure où la part en question est imposable aux termes de la partie I de la Loi. La part de l’associé serait imposable aux termes de la partie I de la Loi si l’associé est un résident du Canada ou s’il est un non-résident et que la part est incluse dans le calcul de son revenu imposable au Canada ou dans son revenu imposable aux termes de l’article 216 de la Loi. Les propositions contiennent aussi des règles de transparence pour les structures de sociétés de personnes à paliers. Ces projets de modification ont pour conséquence que la règle de présomption s’applique en fonction du fait qu’une somme est déductible dans le calcul du revenu de l’associé plutôt que du revenu de la société de personnes. Cette modification pourrait toucher de nombreuses sociétés de fonds d’investissement qui sont gérées par des gestionnaires de fonds d’investissement non résidents et dont un ou plusieurs associés sont des résidents canadiens. Si cette modification entre en vigueur dans sa version actuelle, certains paiements effectués par le fonds d’investissement, plus particulièrement en ce qui concerne les honoraires de gestion, qui n’étaient pas auparavant assujettis à l’impôt canadien, pourraient être visés par des retenues d’impôt canadien en l’absence de dispense prévue par un traité fiscal applicable.

Une autre modification des règles sur les retenues d’impôt touchant les paiements faits par des non-résidents peut se répercuter sur les mécanismes de financement transfrontaliers. Selon les règles existantes, un non-résident est réputé être une personne résidant au Canada relativement à des paiements faits à un non-résident qui sont déductibles du revenu imposable du payeur gagné au Canada. Cette règle s’étend maintenant aux sommes déductibles dans le calcul du revenu du payeur en vertu de l’article 216 de la Loi. À titre d’exemple de l’application de ce changement, supposons qu’une société non résidente propriétaire de biens immobiliers commerciaux canadiens visés par un bail triple net a exercé le choix en vertu de l’article 216 de la Loi de payer l’impôt sur le montant net et non sur le montant brut du revenu de location. Si la société non résidente est financée par un prêt accordé par sa société mère non résidente, la législation actuelle n’assujettit pas l’intérêt sur ce prêt à une retenue d’impôt canadien. Selon les propositions, à moins que la société non résidente ne puisse se prévaloir d’une autre dispense (en vertu d’un traité fiscal applicable, par exemple), l’intérêt serait assujetti à une retenue.

Modifications techniques concernant les sociétés étrangères affiliées

L’alinéa 95(2)b) est une règle concernant l’« érosion de la base d’imposition » de la Loi de l’impôt selon laquelle, notamment, est considéré comme un REATB tout revenu d’une société étrangère affiliée d’un contribuable qui est gagné au moyen de la prestation de services à une deuxième société étrangère affiliée du contribuable, dans la mesure où la somme payée en contrepartie des services est déductible dans le calcul du REATB de la deuxième société étrangère affiliée.

Les propositions techniques contiennent des modifications mettant en œuvre des positions prises dans des lettres d’intention demandées par des gestionnaires de fonds qui ont été publiées en 2016 et en 2017 qui limitent l’application de cette règle dans des circonstances jugées inappropriées :

  1. Le premier changement empêcherait l’application de l’alinéa 95(2)b) dans certains cas où la deuxième société étrangère affiliée gagne un revenu tiré de biens à l’égard d’actions d’une troisième société étrangère affiliée du contribuable qui gagne principalement un revenu tiré d’une entreprise exploitée activement (ou les actions de la troisième société étrangère affiliée sont par ailleurs des « biens exclus »), habituellement selon les critères de la division 95(2)a)(ii)(D). Ce changement couvrirait les situations dans lesquelles des services auraient pu être fournis directement à l’entité exploitée sans que s’applique l’alinéa 95(2)b), mais ont plutôt été, pour quelque motif que ce soit, fournis à une entité de portefeuille d’un niveau supérieur dans la structure.
  2. Le deuxième changement limiterait l’application de l’alinéa 95(2)b) au total des pourcentages de participation de tous les contribuables (qu’ils aient ou non un lien avec un contribuable en particulier) dans la deuxième société étrangère affiliée. Dans les faits, ce changement limiterait la requalification prévue à l’alinéa 95(2)b) au montant de la réduction du REATB des contribuables à l’égard de la deuxième société étrangère affiliée découlant du paiement des honoraires de service. Selon la lettre d’intention, ce changement semble avoir été apporté principalement au profit des structures de fonds étrangères, dans lesquelles le gestionnaire se fait verser des honoraires par un fonds, structuré comme une société de personnes, dont les titres sont vendus à des investisseurs tiers et détenus par ceux-ci. Si le fonds était néanmoins une société étrangère affiliée de la société mère canadienne du gestionnaire, parce que certains intérêts n’ont pas été distribués par le fonds, l’alinéa 95(2)b) pourrait par ailleurs s’appliquer, de sorte que les honoraires de service du gestionnaire seraient entièrement considérés comme un REATB.

Les changements décrits aux points 1 et 2 qui précèdent prendront effet rétroactivement pour les années d’imposition des sociétés étrangères affiliées commençant après 2015 et se terminant après 2016, respectivement.

Les modifications techniques comprennent également des limitations au « choix de supprimer le produit de disposition » prévu au paragraphe 88(3.3) de la Loi de l’impôt à l’égard de la « liquidation et dissolution admissibles » d’une société étrangère affiliée d’un contribuable. Lorsqu’il s’applique, le choix de supprimer le produit de disposition permet au contribuable de reporter les gains qui auraient été réalisés à la disposition des actions de la société étrangère affiliée en supprimant plutôt le montant de base, pour le contribuable, du bien reçu à la liquidation.

Les propositions techniques limiteraient sensiblement l’application de ces règles, en ne permettant l’exercice du choix de supprimer le produit de disposition qu’à l’égard de biens distribués qui sont des actions d’une autre société étrangère affiliée. Selon le ministère des Finances, cette restriction est imposée afin d’harmoniser plus clairement la règle avec son intention de politique initiale. Le ministère des Finances semble appréhender des situations comme celles qui suivent : si les biens distribués étaient, par exemple, des actions ou des dettes d’une société résidant au Canada, les gains accumulés pourraient, selon les règles actuelles, être éliminés au moyen d’une réorganisation de la société résidant au Canada après la dissolution de la société étrangère affiliée ou être reportés indéfiniment tout en permettant que le bien sous-jacent soit utilisé par une société résidant au Canada.

Enfin, les modifications techniques limiteraient également la capacité du contribuable à transférer les actions d’une société étrangère affiliée à une autre société étrangère affiliée avec report d’impôt en vertu du paragraphe 85.1(3). La possibilité de se prévaloir de ce report est limitée par une règle anti-évitement spéciale prévue au paragraphe 85.1(4). La partie pertinente de cette règle anti-évitement prévoit que le roulement ne s’appliquera pas au transfert d’actions de la société étrangère affiliée si la totalité ou la presque totalité des biens de la société affiliée sont des « biens exclus » et que les actions sont ensuite aliénées dans le cadre de l’opération initiale, ou d’une série d’opérations comprenant l’opération initiale, en faveur d’une personne ou d’une société de personnes avec qui le contribuable n’a pas de lien de dépendance (à l’exception d’une société étrangère affiliée dans laquelle le contribuable détient une participation admissible).

Les modifications techniques élargissent considérablement la portée de la règle anti-évitement, et ce, de plusieurs façons. Premièrement, la règle anti-évitement peut maintenant être déclenchée si l’acquéreur subséquent est un non-résident ayant un lien de dépendance ou une société de personnes dont un associé est une personne qui n’a pas de lien de dépendance ou est un non-résident ayant un lien de dépendance. Deuxièmement, l’exclusion pour les acquéreurs subséquents qui sont des sociétés étrangères affiliées est réduite de telle sorte que seules les sociétés étrangères affiliées contrôlées (pour l’application de l’article 17) sont exclues de cette règle anti-évitement. Troisièmement, la règle couvrira dorénavant expressément les dispositions subséquentes d’un ou de plusieurs biens substitués aux actions de la première société affiliée, ou qui tirent une quelconque partie de leur juste valeur marchande des actions de la première société affiliée ou de tout bien substitué. Enfin, la règle anti-évitement peut s’appliquer même si la totalité ou la presque totalité des biens transférés de la société étrangère affiliée ne sont pas des « biens exclus », à condition que les biens transférés à l’acquéreur subséquent soient des biens exclus au moment du transfert subséquent. Des modifications correspondantes sont apportées aux règles sur les fusions étrangères pour éviter qu’on ne puisse recourir aux opérations de fusion étrangère pour transférer dans les faits des actions d’une société étrangère affiliée d’une manière incompatible avec la version modifiée du paragraphe 85.1(4).

Liquidation de sociétés de personnes

Les paragraphes 98(3) et 98(5) contiennent des règles qui permettent à une société de personnes ne comptant que des associés canadiens de procéder à une liquidation avec report d’impôt. Le paragraphe 98(3) s’applique généralement lorsqu’une société de personnes canadienne distribue aux associés une participation en copropriété dans chaque bien. Le paragraphe 98(5) s’applique si l’un des associés doit continuer d’exploiter l’entreprise à titre de propriétaire unique.

Les alinéas 98(3)b) et 98(5)b) prévoient la possibilité limitée de « majorer » le prix de base rajusté des immobilisations non amortissables de la société de personnes distribuées à la liquidation en vertu des paragraphes 98(3) ou 98(5) dans la mesure où le prix de base rajusté, pour l’associé concerné, de sa participation dans la société de personnes (la valeur hors de la société) excède le total de la somme en espèces distribuée à l’associé à la liquidation et du coût indiqué des biens de la société de personnes (ou d’une partie de ceux-ci) distribués à l’associé immédiatement avant la liquidation (la valeur dans la société). Les alinéas 98(3)c) et 98(5)c) contiennent deux limitations qui s’appliquent aux règles de majoration. Premièrement, le nouveau prix de base rajusté « majoré » des biens ne peut pas dépasser la juste valeur marchande des biens au moment de la liquidation de la société de personnes (la limitation relative à la juste valeur marchande). Deuxièmement, le total des augmentations du prix de base rajusté des biens reçus par un associé ne peut dépasser l’excédent de la valeur hors de la société sur la valeur dans la société.

Les propositions fiscales contiennent une nouvelle règle pour que la limitation relative à la juste valeur marchande s’applique lorsqu’une participation dans une société de personnes de palier inférieur est distribuée à la liquidation d’une société de personnes de palier supérieur. Selon cette nouvelle règle, la juste valeur marchande de la participation dans la société de personnes de palier inférieur serait établie sans tenir compte de l’augmentation de la valeur d’un bien qui ne donnerait pas droit à la majoration s’il était distribué directement. Supposons, par exemple, qu’une société de personnes de palier inférieur détient un terrain et un immeuble. La juste valeur marchande de la participation dans cette société serait généralement établie uniquement en fonction de l’augmentation de la juste valeur marchande du terrain détenu par la société de personnes de palier inférieur, et non en fonction de l’augmentation de la juste valeur marchande ou du revenu de récupération relatifs à l’immeuble.

Règles relatives aux prêts aux actionnaires

La Loi contient des règles (les «  règles relatives aux prêts aux actionnaires ») selon lesquelles le prêt qu’une société consent à un actionnaire qui n’est pas une société pourrait être considéré comme un revenu imposable. Une exception à ces règles s’applique aux prêts consentis par une société dans le cours normal des activités d’une entreprise de prêt d’argent (l’exception visant les entreprises de prêt). Les modifications techniques proposées resserreraient l’exception visant les entreprises de prêt de manière à ce qu’elle ne s’applique que lorsqu’au moins 90 % des prêts ont été consentis à des emprunteurs n’ayant pas de lien de dépendance. Une modification similaire est proposée à l’égard des règles sur les « prêts en amont » qui portent sur les prêts consentis par des sociétés étrangères affiliées.

En raison de leur libellé vague, les règles relatives aux prêts aux actionnaires peuvent s’appliquer à bon nombre de cas dépassant les prêts consentis directement par une société à un actionnaire. Il existe de nombreuses situations dans lesquelles les règles relatives aux prêts aux actionnaires s’appliquent de façon inappropriée – par exemple, lorsqu’elles s’appliquent à un prêt intragroupe d’une société de personnes dans laquelle une société détient une participation négligeable.

Afin d’éviter que les règles relatives aux prêts aux actionnaires soient appliquées de manière inappropriée aux opérations de financement internes, les contribuables ont parfois eu recours à l’exception visant les entreprises de prêt. Par exemple, un groupe commercial formait une entité de financement interne qui devenait l’emprunteur dans le cadre de tous les financements de tiers. L’entité de financement exerçait des activités régulières de prêt à des membres du groupe et pouvait ainsi prêter le financement provenant de tiers aux membres du groupe concernés sans déclencher l’application des règles relatives aux prêts aux actionnaires. Ces arrangements ont été implicitement acceptés par l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») à plusieurs reprises. Toutefois, les modifications proposées rendraient ces arrangements caducs.

TPS, TVH et autres mesures

Les propositions fiscales contiennent également un certain nombre de dispositions liées à la TPS, à la TVH et à d’autres taxes et impôts, y compris les droits sur le cannabis et la taxe de luxe. On notera qu’il est proposé de modifier, à l’égard des sociétés de personnes, le choix relatif à la TPS et à la TVH pour les personnes étroitement liées prévu à l’article 156 de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise de manière à permettre aux groupes qui incluent des sociétés de personnes avec des membres non-résidents de se qualifier en tant que « groupe admissible » aux fins de l’élection, tout en conservant l’obligation que la société de personnes soit une société de personnes canadienne (p. ex., une société de personnes dont chaque membre est une société ou une société de personnes et est un résident du Canada). Il est également proposé de modifier la définition du terme « membre temporaire » pour les besoins du choix en vertu de l’article 156, ce qui sera utile dans le contexte des réorganisations comportant la distribution d’actions à des sociétés cessionnaires.

Un autre changement digne de mention concernant la TPS et la TVH est l’inclusion proposée de la nouvelle activité visée suivante pour le choix concernant les coentreprises : « l’exploitation d’un pipeline, d’un terminal ferroviaire ou d’un terminal de camion qui sert au transport du pétrole, du gaz naturel ou de produits connexes ou accessoires ». Bien qu’il soit question depuis fort longtemps de la nécessité d’étendre la liste des activités admissibles pour le choix concernant les coentreprises à toutes les activités commerciales, cette plus récente modification laisse entendre que l’expansion généralisée est peu probable dans un proche avenir.

Les propositions fiscales contiennent aussi des modifications visant à autoriser certaines ententes contractuelles de services entre producteurs de cannabis titulaires de licences, comme il a été annoncé dans le budget de 2022, ainsi que le projet de Règlement sur la taxe sur certains biens de luxe (qui entre en vigueur le 1er septembre 2022) portant sur certaines dispenses (y compris les aéronefs destinés à l’exportation et les conventions conclues avant 2022) comme il avait été annoncé précédemment.

Document de consultation sur la RGAE

Le document de consultation fait suite à l’engagement pris dans l’Énoncé économique de l’automne de 2020 de tenir une consultation au sujet de diverses propositions visant à moderniser et à renforcer la RGAE. Le document de consultation analyse 24 affaires judiciaires jugées depuis 2005 dans lesquelles l’ARC a tenté sans succès d’invoquer la RGAE. Le document contient une liste de diverses modifications qui pourraient être apportées à la Loi de l’impôt afin que la RGAE « réponde mieux à son objectif de prévenir l’évitement fiscal abusif », présumément en favorisant la victoire du gouvernement dans des affaires similaires à venir. (Le document de consultation reste muet quant à la possibilité que, dans le cours de ces 24 affaires, l’ARC ait pu invoquer la RGAE à tort et que le contribuable n’ait en dernière analyse rien fait d’inconvenant.)

Le document de consultation regroupe en cinq grandes catégories les diverses options de la réforme :

  • Avantages fiscaux. Augmentation du nombre de types d’« avantages fiscaux » assujettis aux ajustements de la RGAE. Les propositions fiscales comprennent des modifications visant à étendre la RGAE aux modifications des attributs fiscaux qui n’ont pas d’incidence fiscale immédiate (comme le prix de base d’un bien ou le capital versé d’une action), et aucune autre modification n’est pour le moment proposée dans ce contexte dans le document de consultation.
  • Évitement. Limiter les cas où l’objet non fiscal d’une opération protège celle-ci de l’application de la RGAE – par exemple, en précisant que certains types d’objets ne seront pas considérés comme des objets non fiscaux véritables ou en réduisant le seuil du critère d’objet.
  • Abus. Modifier la nature de l’« abus » requis pour que s’applique la RGAE, et/ou les moyens et le fardeau d’en prouver ou non l’existence.
  • Substance économique. Intégrer éventuellement une certaine évaluation de la « substance économique » (concept que les tribunaux canadiens ont historiquement été réticents à invoquer) à l’analyse de la RGAE.
  • Dissuasion. La question de savoir si la RGAE devrait être assortie de conséquences supplémentaires pour les contribuables (comme des pénalités, un taux d’intérêt accru ou une période de nouvelle cotisation prolongée) pour en augmenter l’effet dissuasif.

La rubrique concernant l’ajout d’un critère de substance économique à la RGAE occupe de nombreuses pages du document de consultation et est complétée par une annexe illustrant comment les critères « pourraient s’appliquer dans certaines situations de fait ». On peut raisonnablement déduire que la mise en œuvre d’un tel critère de substance économique figure sur la liste restreinte des options privilégiées par le gouvernement; un plan d’action qui pourrait harmoniser davantage la RGAE avec le régime analogue en vigueur aux États-Unis (à savoir la « doctrine de la substance économique » codifiée au paragraphe 7701(o) de l’Internal Revenue Code).

Le document de consultation n’aborde pas l’application de la RGAE aux traités fiscaux, expliquant que, compte tenu de la récente décision de la Cour suprême du Canada dans Canada c. Alta Energy Luxembourg SARL, 2021 CSC 49 (analysée dans un bulletin précédent), « [l]e gouvernement a l’intention d’annoncer plus sur ses plans pour freiner l’abus des conventions fiscales ultérieurement. »

Une autre omission manifeste du document de consultation est l’analyse de la notion de « série » et, plus particulièrement, la confirmation, par la Cour suprême du Canada, dans l’affaire Copthorne Holdings Ltd. c. Canada, 2011 CSC 63, de la théorie selon laquelle une « série d’opérations » peut s’étendre rétrospectivement pour englober des opérations entièrement distinctes réalisées dans les années antérieures qui permettent de tirer un avantage fiscal d’une opération actuelle. Étant donné que toute opération d’évitement faisant partie d’une « série » peut justifier l’application de la RGAE, la décision Copthorne représente un élargissement majeur des circonstances dans lesquelles la RGAE peut être appliquée, aux dépens d’une incertitude considérable chez les contribuables. Le gouvernement ne juge vraisemblablement pas ce résultat préoccupant.

L’équité, la faisabilité, l’incidence potentielle et la probabilité de mise en œuvre varient grandement d’une option à l’autre parmi les propositions de politiques énoncées dans le document de consultation. Bien que certaines options soient raisonnables et pourraient même être saluées par les professionnels en fiscalité (comme l’inclusion de préambules et d’énoncés de but dans la législation en matière d’impôt sur le revenu) d’autres imposeraient des fardeaux vagues et lourds, pour ne pas dire impossibles, aux contribuables (comme l’obligation faite au contribuable qui entreprend une opération légitime de prouver positivement que les incidences fiscales de l’opération ne constituent pas « un abus dans l’application des dispositions de la Loi lues dans leur ensemble »).

Plus fondamentalement, cependant, le document de consultation n’aborde pas la manière dont la Loi de l’impôt peut promouvoir la planification fiscale compte tenu de sa longueur et de sa complexité croissantes, qui rendent le texte à peu près incompréhensible pour qui n’est pas un professionnel en fiscalité des plus chevronné. L’extrême complexité de la Loi de l’impôt rend essentielle une planification fiscale minutieuse, et souvent compliquée, tout simplement pour éviter les écueils et les pièges pouvant entraîner une double imposition ou d’autres incidences manifestement inéquitables. Pour distinguer un plan fiscal « abusif » d’un autre qui ne l’est pas selon la RGAE, il peut être nécessaire de vérifier le « but » d’une ou de plusieurs dispositions potentiellement impénétrables et parfois contradictoires dans le contexte d’un texte de loi quasi inintelligible. Le document de consultation reconnaît la complexité de la Loi de l’impôt, mais les auteurs semblent considérer que cette situation va de soi et ne fait pas partie du problème à régler.

Les membres du public sont invités à examiner le document de consultation et à transmettre leurs commentaires au ministère des Finances avant le 30 septembre 2022 à l’adresse suivante : GAAR-RGAE@fin.gc.ca.

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