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Budget fédéral 2022 : Faits saillants en fiscalité

Le 7 avril 2022 (la « date du budget »), l’honorable Chrystia Freeland, vice-première ministre du Canada et ministre des Finances, a présenté le budget du gouvernement fédéral libéral (le « budget 2022 »), le deuxième budget depuis le début de la pandémie de COVID-19.

Contribuant à la mise en œuvre du plan du gouvernement Trudeau pour « faire croître notre économie et rendre la vie plus abordable », le budget 2022 prévoit des dépenses de plus de 15 milliards de dollars, consacrées notamment à des initiatives en hébergement et en santé. De plus, le budget 2022 contient de nombreuses mesures destinées à rendre le régime fiscal « plus équitable », à éliminer ce que le gouvernement considère comme des échappatoires et à accroître les moyens à sa disposition pour s’attaquer aux pratiques de planification fiscale qu’il juge abusives. Fait à noter : aucun changement n’est proposé aux taux d’imposition généraux du revenu des sociétés ou des particuliers ni aux taux d’inclusion des gains en capital.

Alors que les particuliers et les sociétés du Canada continuent de se remettre des conséquences économiques de la pandémie en cours, le budget 2022 apporte un certain nombre de modifications à l’imposition des particuliers et des sociétés. Sur le plan personnel, plusieurs mesures visent à améliorer l’accès à la propriété résidentielle, comme le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété, le crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation, le crédit d’impôt pour la rénovation d’habitations multigénérationnelles, et le crédit d’impôt pour l’accessibilité domiciliaire. Ces mesures s’accompagnent d’une règle sur la revente précipitée de propriétés résidentielles selon laquelle les bénéfices tirés de la revente précipitée de telles propriétés ne seraient pas admissibles au taux d’inclusion des gains en capital de 50 % ni à l’exemption pour résidence principale.

De plus, le budget 2022 prévoit certains changements aux règles fiscales s’appliquant aux organismes de bienfaisance enregistrés, faisant suite à l’annonce, dans le budget 2021, du fait que le gouvernement était en train d’examiner le contingent des versements. Le budget 2022 augmente le taux du contingent des versements des organismes de bienfaisance enregistrés, mais leur permet de faire des dons à des organismes qui ne sont pas des donataires reconnus par la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

Le budget 2022 prévoit plusieurs mesures concernant l’impôt sur le revenu tiré d’une entreprise, qui visent certains types de planification fiscale que le gouvernement considère comme abusifs (des règles sont proposées, par exemple, à l’égard des opérations de couverture et de vente à découvert utilisées par les institutions financières); l’application de la règle générale anti-évitement (la « RGAE ») à certains attributs fiscaux; la suppression de certains avantages fiscaux pour les entités qui – même si elles sont contrôlées par des Canadiens – ne répondent pas, dans les faits, à la définition de « société privée sous contrôle canadien » (une « SPCC »); et l’adoption proposée de règles limitant la possibilité de reporter l’imposition en ayant recours à une entité étrangère.

Sur le plan international, le gouvernement confirme dans le budget 2022 son soutien du plan à deux piliers de l’OCDE.

Le budget 2022 propose également des mesures visant les changements climatiques, dont l’élimination du régime d’actions accréditives pour les secteurs du pétrole, du gaz et du charbon.

Nous examinons de plus près ci-dessous certaines de ces mesures.

Mesures concernant l’impôt sur le revenu tiré d’une entreprise

Mesures visant les institutions financières

Nouveaux impôts s’appliquant aux institutions financières

Dans le budget 2022, le gouvernement propose deux nouvelles mesures fiscales s’appliquant aux banques et aux sociétés d’assurance canadiennes :

  • Dividende temporaire pour la relance. Les banques, les sociétés d’assurance-vie et les institutions financières liées paieront un impôt ponctuel de 15 % sur le revenu imposable supérieur à un milliard de dollars pour l’année d’imposition 2021.
  • Augmentation permanente du taux d’imposition. Les banques, les sociétés d’assurance-vie et les institutions financières liées se verront assujetties à une augmentation de 1,5 % du taux d’imposition de leur revenu imposable supérieur à 100 millions de dollars, faisant passer le taux d’imposition fédéral de 15 % à 16,5 %.

Il est prévu que ces mesures rapporteront 6,1 milliards de dollars sur cinq ans, dont 445 millions de dollars par année en provenance de l’augmentation permanente du taux d’imposition. Ces propositions avaient été largement diffusées et leur mise en œuvre était attendue à la suite de l’annonce de l’entente entre le NPD et le gouvernement libéral à la fin de mars. Les propositions ont été critiquées par l’ensemble des institutions financières canadiennes, celles-ci estimant que les propositions transmettaient un message erroné aux investisseurs mondiaux. Selon certaines indications, ces mesures fiscales allaient être étendues et imposées à d’autres entreprises canadiennes, mais le budget 2022 ne contient aucun énoncé laissant entendre que le gouvernement envisage de les étendre.

Opérations de couverture et de vente à découvert utilisées par les institutions financières canadiennes

Le budget 2022 propose de modifier la Loi afin d’éliminer ce qui constitue, selon le gouvernement, « l’échappatoire de la double déduction » dont profitent certaines institutions financières canadiennes qui emploient des mesures de planification fiscale produisant un avantage fiscal non intentionnel. De telles mesures comprennent, notamment, les cas où un membre du groupe de l’institution financière canadienne (généralement une banque canadienne ou un courtier en valeurs mobilières inscrit canadien) possède des actions d’une autre société canadienne (des actions canadiennes) et où un autre courtier en valeurs mobilières inscrit du groupe emprunte des actions identiques au moyen d’un mécanisme de prêt de valeurs mobilières pour couvrir sa position vendeur. Par suite d’une telle opération, le porteur des actions canadiennes peut réclamer une « déduction pour dividendes reçus » à l’égard des dividendes reçus sur les actions canadiennes et bénéficier ainsi d’un revenu de dividendes non imposable, et le courtier en valeurs mobilières inscrit peut déduire les deux tiers du montant des paiements compensatoires pour dividendes versés au prêteur tenant compte des mêmes dividendes versés sur les actions. De l’avis du gouvernement, un tel mécanisme crée l’échappatoire de la double déduction, c’est-à-dire à une déduction fiscale artificielle pour les deux tiers du montant des paiements compensatoires pour dividendes versés au prêteur pendant la durée du mécanisme.

Le budget 2022 propose des modifications législatives précises visant l’utilisation de telles opérations de couverture et de vente à découvert, qui ont pour but de :

  • refuser la déduction pour dividendes reçus à l’égard des dividendes reçus par un contribuable sur des actions canadiennes si un courtier en valeurs mobilières inscrit (ou une société de personnes dont les associés sont tous des courtiers en valeurs mobilières inscrits) qui a un lien de dépendance avec le contribuable réalise des opérations qui couvrent l’exposition financière du contribuable aux actions canadiennes, lorsque le courtier en valeurs mobilières inscrit savait ou aurait dû savoir que les opérations auraient cet effet;
  • refuser la déduction pour dividendes reçus à l’égard des dividendes reçus par un courtier en valeurs mobilières inscrit sur les actions canadiennes qu’il détient si elle élimine en totalité ou en presque totalité son exposition financière aux actions canadiennes en raison de certaines opérations de couverture réalisées;
  • prévoir que dans les situations susmentionnées, le courtier en valeurs mobilières inscrit serait en droit de demander une déduction pour la totalité, plutôt que les deux tiers, du paiement compensatoire pour dividendes qu’il verse en lien avec un mécanisme de prêt de valeurs mobilières.

Les modifications proposées s’appliqueraient aux dividendes et aux paiements compensatoires pour dividendes connexes qui sont versés ou doivent être versés à la date du budget ou par la suite, à moins que l’opération de couverture ou le mécanisme de prêt de valeurs mobilières n’ait été mis en place avant la date du budget, auquel cas les modifications proposées s’appliqueraient aux dividendes et aux paiements compensatoires pour dividendes connexes versés le 1er octobre 2022 ou après cette date.

Limiter l’évitement fiscal abusif par les institutions financières

Outre les mesures fiscales susmentionnées, le budget 2022 propose certains changements législatifs qui ciblent l’évitement fiscal abusif de la part des institutions financières. Ainsi, des changements potentiels seraient envisagés qui modifieraient le processus d’approbation des opérations financières afin de limiter la capacité des institutions financières de régime fédéral d’utiliser des structures de société dans des paradis fiscaux à des fins d’évitement fiscal abusif, en faisant en sorte que les exigences d’approbation des opérations réalisées dans le secteur financier soient appliquées, quelle que soit la structure mise en place.

Normes internationales d’information financière sur les contrats d’assurance

Le 28 mai 2021, le gouvernement a publié un communiqué de presse dans lequel il a annoncé son intention de donner son aval général à l’utilisation de la norme comptable IFRS 17 aux fins de l’impôt sur le revenu, sous réserve de certaines modifications visant la constatation des bénéfices réalisés sur les contrats d’assurance souscrits comme revenu imposable. Selon la nouvelle norme comptable pour les contrats d’assurance, une nouvelle réserve serait établie le 1er janvier 2023 : la marge de service contractuelle (la « MSC »). Celle-ci contiendrait une partie des bénéfices réalisés sur les contrats d’assurance souscrits qui serait différée et progressivement reportée au revenu sur la durée de vie estimée des contrats d’assurance. Le budget 2022 confirme que la MSC ne serait pas considérée comme une réserve déductible aux fins de l’impôt, mais propose une période de transition de cinq ans, en plus d’un certain nombre de mesures d’allègement. Celles-ci comprennent la possibilité de déduire, aux fins de l’impôt, 10 % de la MSC associée aux contrats d’assurance-vie (en reconnaissance des frais futurs non attribuables qui sont inclus dans les réserves déductibles au moment de la création du contrat selon les règles actuelles) et prévoient la déductibilité totale de la MSC associée aux fonds distincts (selon le principe que ce revenu continuerait d’être reconnu comme un revenu gagné annuellement à l’égard de services de gestion des placements procurés aux titulaires de police après la constitution de leur contrat). La MSC non déductible serait incluse dans l’assiette fiscale de l’impôt de la partie VI, un impôt minimum sur le capital pour les grandes institutions financières. De plus, les biens à imposition différée ne seraient plus déduits de l’assiette fiscale de l’impôt minimum de la partie VI pour les assureurs-vie.

Déclarations pour les REER

Les institutions financières devront déclarer la juste valeur marchande totale, calculée à la fin de l’année civile, des biens détenus dans chaque REER et chaque FERR qu’elles administrent, afin d’aider l’ARC à vérifier la conformité aux règles régissant les REER et FERR.

Crédit d’impôt à l’investissement pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone

Il est proposé dans le budget 2022 d’instaurer un crédit d’impôt à l’investissement remboursable (le « crédit d’impôt pour le CUSC ») pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone (le « CUSC »). Le crédit d’impôt pour le CUSC serait à la disposition des entreprises qui engagent des dépenses admissibles à compter du 1er janvier 2022.

Le crédit d’impôt pour le CUSC pourrait s’appliquer au coût de l’achat et de l’installation d’équipement admissible utilisé dans un projet de CUSC admissible, pourvu que l’équipement fasse partie d’un projet où le dioxyde de carbone capté a servi à une utilisation admissible.

La mesure s’appliquerait aux dépenses admissibles engagées après 2021 et avant 2041. Les taux de crédit suivants s’appliqueraient aux dépenses admissibles engagées après 2021 jusqu’à la fin de 2030 :

  • 60 % pour l’équipement de captage admissible utilisé dans un projet d’extraction directe dans l’air;
  • 50 % pour tous les autres équipements de captage admissibles;
  • 37,5 % pour l’équipement de transport, de stockage et d’utilisation admissible.

Des taux inférieurs s’appliqueraient aux dépenses admissibles engagées après 2030 jusqu’à la fin de 2040.

Le budget 2022 propose également l’établissement de nouvelles catégories aux fins de la déduction pour amortissement (la « DPA ») pour l’équipement admissible et certains frais d’exploration incorporels et frais d’aménagement associés au stockage du dioxyde de carbone.

Incitatifs fiscaux pour les technologies propres

Déduction pour amortissement pour le matériel de production d’énergie propre

Les catégories 43.1 et 43.2 du régime de la DPA prévoient des taux de DPA accélérée (30 % et 50 % respectivement) pour les investissements dans du matériel de production d’énergie propre et de conservation d’énergie désigné. Les biens de ces catégories qui sont acquis après le 20 novembre 2018, et qui deviennent prêts à être mis en service avant 2024, sont admissibles à la passation en charges immédiate tandis que les biens qui deviennent prêts à être mis en service après 2023 et avant 2028 sont assujettis à une réduction progressive des règles relatives à la passation en charges immédiate. De plus, lorsque la plus grande partie des actifs corporels utilisés dans le cadre d’un projet fait partie de la catégorie 43.1 ou 43.2, certaines dépenses de démarrage se rapportant à des éléments incorporels sont traitées à titre de frais liés aux énergies renouvelables et à l’économie d’énergie au Canada. Ces frais peuvent habituellement être déduits en entier dans l’année où ils sont engagés, reportés indéfiniment ou transférés à des investisseurs par l’entremise d’actions accréditives.

Le budget 2022 propose d’élargir l’admissibilité aux catégories 43.1 et 43.2 pour y inclure les thermopompes à air utilisées principalement pour chauffer des locaux ou de l’eau.

Cet élargissement des catégories 43.1 et 43.2 s’appliquerait aux biens qui sont acquis et qui deviennent prêts à être mis en service à compter de la date du budget, lorsqu’ils n’ont pas été utilisés ni acquis en vue d’être utilisés à une fin quelconque avant la date du budget.

Réduction de taux pour les fabricants de technologies à zéro émission

Le budget 2021 proposait une mesure temporaire visant à réduire les taux d’imposition sur le revenu des sociétés pour les fabricants admissibles de technologies à zéro émission. Les contribuables pourraient appliquer des taux d’imposition réduits de 7,5 % (lorsque ce revenu serait par ailleurs imposé au taux général d’imposition des sociétés de 15 %) ou de 4,5 % (lorsque ce revenu serait par ailleurs imposé au taux d’imposition de 9 % des petites entreprises) sur le revenu admissible de fabrication et de transformation de technologies à zéro émission. Les taux d’imposition réduits s’appliqueraient aux années d’imposition commençant après 2021, sous réserve d’une élimination progressive à compter des années d’imposition commençant en 2029.

Le budget 2022 propose d’inclure la fabrication de thermopompes à air utilisées pour le chauffage de locaux ou de l’eau comme une activité admissible de fabrication ou de transformation de technologies à zéro émission.

Crédit d’impôt pour l’exploration de minéraux critiques

Les conventions visant des actions accréditives permettent aux sociétés de renoncer à certaines dépenses et de les transférer à des investisseurs qui peuvent les déduire dans le calcul de leur revenu imposable. Le crédit d’impôt pour l’exploration minière (le « CIEM ») procure un avantage supplémentaire en matière d’impôt sur le revenu aux particuliers qui investissent dans des actions accréditives minières. Le CIEM est égal à 15 % des dépenses d’exploration minière déterminées effectuées au Canada et transférées aux détenteurs d’actions accréditives. Le CIEM aide ces sociétés à mobiliser des capitaux pour financer leurs activités d’exploration en leur permettant d’émettre leurs actions à un prix plus élevé.

Il est proposé dans le budget 2022 d’instaurer un nouveau crédit d’impôt pour l’exploration de minéraux critiques (le « CIEMC ») de 30 % pour des minéraux déterminés. Sont énumérés dans le budget 2022 les minéraux déterminés qui seraient admissibles au CIEMC, c’est-à-dire ceux qui servent généralement à produire des batteries et des aimants permanents, deux produits utilisés dans la fabrication de véhicules à zéro émission, ou qui sont nécessaires à la production et à la transformation de matériaux de pointe, de technologies propres ou de semi-conducteurs.

Le CIEMC s’appliquerait aux dépenses auxquelles les sociétés renoncent aux termes de conventions visant des actions accréditives admissibles conclues après la date du budget et au plus tard le 31 mars 2027.

Actions accréditives pour les activités pétrolières, gazières et du charbon

Le budget 2022 propose d’éliminer le régime des actions accréditives pour les activités pétrolières, gazières et du charbon en ne permettant plus aux sociétés de renoncer aux dépenses d’exploration ou d’aménagement pétroliers, gaziers et du charbon au profit d’un détenteur d’actions accréditives. Ce changement s’appliquerait aux dépenses qui ont fait l’objet d’une renonciation aux termes de conventions visant des actions accréditives conclues après le 31 mars 2023.

Déduction accordée aux petites entreprises et SPCC en substance

Déduction accordée aux petites entreprises

Les petites entreprises qui sont des SPCC peuvent bénéficier d’un taux réduit d’impôt sur le revenu des sociétés de 9 % sur leur première tranche de 500 000 $ de revenu admissible (c’est-à-dire le « plafond des affaires »). Le plafond des affaires est réduit selon la méthode linéaire lorsque le capital imposable utilisé au Canada combiné de la SPCC et de toute société associée se situe entre 10 et 15 millions de dollars.

Pour que les entreprises de taille moyenne puissent également bénéficier de la déduction accordée aux petites entreprises, le budget 2022 propose d’élargir la fourchette à l’intérieur de laquelle le plafond des affaires est réduit selon la méthode linéaire, pour l’établir entre 10 et 50 millions de dollars.

SPCC en substance

Une société qui est une SPCC doit payer un impôt sur certains revenus passifs, comme les intérêts, les gains en capital imposables, les loyers et les redevances, au taux de 38,67 %, en raison de l’application de l’impôt remboursable supplémentaire et du refus de la réduction de taux générale. Par contre, une société résidente du Canada qui n’est pas une SPCC (une « non-SPCC ») doit payer un impôt fédéral sur ces revenus passifs au taux de 15 %. Le taux d’imposition combiné fédéral et provincial sur les revenus passifs s’élève à environ 50 % et 25 % pour les SPCC et les non-SPCC, respectivement.

Le 4 février 2022, le ministère des Finances du Canada a publié des propositions de modifications législatives selon lesquelles les sociétés qui entreprennent une opération en vue de changer leur situation de SPCC pour devenir des non-SPCC et pouvoir ainsi bénéficier des avantages liés à l’imposition des revenus passifs, seraient tenues de déclarer l’opération, conformément aux règles sur les opérations à déclarer (dont il est question plus loin). Une telle opération peut consister, notamment, en la prorogation de la société dans un territoire étranger tout en conservant sa résidence canadienne, l’émission d’actions spéciales avec droit de vote en faveur d’une personne non résidente ou l’attribution à une personne non résidente d’une option lui permettant d’acquérir la majorité des actions avec droit de vote de la société.

Le budget 2022 comprend d’autres mesures importantes visant à faire obstacle à ce type de planification fiscale et propose ainsi l’application d’un impôt remboursable supplémentaire sur les revenus passifs gagnés par les « SPCC en substance ». On entend par « SPCC en substance » une société privée résidente canadienne dont un particulier résident canadien contrôle (ou dont plusieurs particuliers résidents canadiens contrôlent collectivement), directement ou indirectement, en droit ou en fait, un nombre suffisant d’actions pour contrôler la société. Il est important de noter que ce terme s’entend également d’une société qui aurait été une SPCC si ce n’était du fait qu’un non-résident ou une société ouverte a le droit d’en acquérir les actions. À cet égard, les règles relatives aux SPCC en substance semblent s’appliquer aux opérations dans lesquelles les actions d’une SPCC sont acquises par un non-résident ou une société ouverte aux termes d’une convention d’achat-vente contraignante et dans lesquelles la société fait la désignation prévue par l’alinéa 111(4)(e) immédiatement avant la date de clôture, afin de produire un gain en capital assujetti à des taux d’imposition autres que ceux s’appliquant aux SPCC (la « planification en lien avec l’alinéa 111(4)(e) »), sous réserve d’une règle de droits acquis limités pour les conventions d’achat-vente conclues avant la date du budget et dont la date de clôture a lieu avant la fin de 2022.

Le revenu passif gagné par les SPCC en substance sera ajouté à leur « compte de revenu à taux réduit » (le « CRTR ») de sorte qu’elles seront tenues de déclarer et de verser des dividendes non déterminés (plutôt que des dividendes déterminés, plus avantageux) jusqu’à ce que leur CRTR soit épuisé. Comme les SPCC, les SPCC en substance auront droit au remboursement d’impôt de 30,67 % prévu par le paragraphe 129(1) pour l’année où leur revenu est distribué sous forme de dividendes.

Il convient de noter que malgré leur désignation, les SPCC en substance ne sont imposées en tant que SPCC qu’à un seul égard, c’est-à-dire à l’égard de leurs revenus d’investissement et des distributions connexes; elles ne bénéficient d’aucun des avantages liés aux SPCC, comme l’admissibilité à la déduction accordée aux petites entreprises (la « DAPE »), les crédits d’impôt à l’investissement remboursables ou la période d’imposition abrégée, notamment, et constituent donc, selon la Loi, une nouvelle catégorie hybride de société contribuable.

Dans le but de renforcer ces règles, le budget 2022 prévoit l’adoption d’une règle ciblée pour traiter les arrangements ou les opérations particuliers lorsqu’il est raisonnable de considérer que l’arrangement, l’opération ou la série d’opérations en question a été effectué dans le but d’éviter les règles anti-report qui s’appliquent aux SPCC en substance.

Les règles proposées s’appliquent généralement aux années d’imposition prenant fin à la date du budget ou après celle-ci. Comme il est mentionné ci-dessus, une règle de droits acquis s’applique aux opérations de vente d’actions entre parties sans lien de dépendance conclues avant la date du budget et dont la date de clôture a lieu avant la fin de 2022, de façon à ce que les parties puissent effectuer une planification en lien avec l’alinéa 111(4)(e).

Impôt sur le revenu étranger accumulé tiré de biens attribué aux SPCC

L’actionnaire résident canadien d’une société étrangère affiliée contrôlée doit inclure dans le calcul de son revenu le revenu étranger accumulé tiré de biens (le « REATB ») de la société étrangère affiliée contrôlée. Si cet actionnaire est une société, il est en droit de demander une déduction à l’égard du REATB inclus correspondant à quatre fois l’impôt étranger payé, jusqu’à concurrence d’un taux d’imposition étranger de 25 %. Tous les autres actionnaires, y compris ceux qui sont des particuliers, sont en droit de demander une déduction correspondant à 1,9 fois l’impôt étranger payé; par conséquent, un taux d’imposition étranger inférieur à 52,63 % entraînera des inclusions nettes au REATB pour ces contribuables. De plus, l’inclusion de certains montants au titre du REATB dans le « compte de revenu à taux général » d’une SPCC donne à celle-ci le droit de distribuer le REATB sous forme de dividendes déterminés, bénéficiant de taux d’imposition plus favorables pour les actionnaires qui sont des particuliers que les dividendes non déterminés.

Il est proposé dans le budget 2022 de modifier la déduction qu’est en droit de réclamer une SPCC (ou une SPCC en substance) à l’égard d’un REATB qu’elle doit inclure dans son revenu, pour l’établir à 1,9 fois l’impôt étranger payé, afin de l’aligner sur la déduction dont disposent les particuliers. Afin d’assurer l’intégration dans les cas où une SPCC (ou une SPCC en substance) distribue des sommes incluses en tant que REATB à un actionnaire qui est un particulier, une somme serait ajoutée au compte de dividendes en capital de la société représentant approximativement la part des gains après impôt rapatriée à la société de sa société étrangère affiliée dans la mesure où ces gains auraient été assujettis à un taux d’imposition théorique de 52,63 % et un changement correspondant serait apporté au compte de revenu à taux général de la SPCC.

Changements apportés à la Règle générale anti-évitement (la « RGAE »)

La RGAE peut s’appliquer pour modifier les attributs fiscaux qui résulteraient autrement, en vertu de la Loi, d’une opération ou d’une série d’opérations comprenant une « opération d’évitement » et produiraient un « avantage fiscal », directement ou indirectement, mais seulement dans les circonstances comportant une utilisation incorrecte ou abusive de la Loi ou de dispositions de la Loi.

Le terme « avantage fiscal », défini au paragraphe 245(1) de la Loi, s’entend généralement d’une réduction, d’un évitement ou d’un report d’impôt ou d’un autre montant exigible en application de la Loi ou d’une augmentation d’un remboursement d’impôt ou d’un autre montant visé par la Loi. La définition est restée largement inchangée depuis l’adoption de la RGAE en 1988, mise à part une modification apportée en 2004 pour étendre son application aux avantages fiscaux résultant d’une convention fiscale applicable.

Il est proposé dans le budget 2022 de modifier la définition d’« avantage fiscal » afin que la création ou la préservation d’attributs fiscaux (ou la réduction d’attributs fiscaux défavorables ) soit considérée comme un avantage fiscal aux fins de la RGAE. Cette modification a pour effet d’annuler la décision rendue en 2018 par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire 1245989 Alberta Ltd. c. Canada (Procureur général) (sub nomine Wild c. Canada), selon laquelle une série d’opérations ayant entraîné une augmentation du capital versé des actions d’une société n’a pas donné lieu à un avantage fiscal parce que le capital versé n’avait pas encore été utilisé pour réduire l’impôt. Dans le budget 2022, il est indiqué que la limitation de la RGAE aux circonstances où un attribut fiscal a été utilisé va à l’encontre de la politique qui sous-tend la RGAE et des règles de détermination connexes, et réduit la certitude du traitement fiscal pour les contribuables et l’ARC.

Il est proposé d’apporter une modification correspondante à la définition d’« attribut fiscal », au paragraphe 245(1), qui sera utile à la détermination des sommes qui pourraient être ajustées par l’ARC lorsque la RGAE s’applique.

Ces définitions modifiées s’appliquent aux avis de détermination qu’envoie l’ARC à compter de la date du budget.

Transferts intergénérationnels d’entreprise

La Loi contient, à l’article 84.1, une règle anti-dépouillement de surplus visant les particuliers qui convertissent des dividendes en gains en capital (imposés à un taux effectif inférieur). Si, par exemple, un particulier vend des actions d’une société canadienne à une autre société canadienne avec laquelle il a un lien de dépendance, il peut être réputé réaliser un dividende sur le transfert plutôt qu’un gain en capital imposable et ne pas avoir le droit de demander l’exonération cumulative des gains en capital prévue pour les actions d’une petite entreprise admissible ou un bien agricole ou de pêche admissible. Avant l’adoption du projet de loi émanant d’un député C-208, le 29 juin 2021, cette règle entraînait des attributs fiscaux différents lorsqu’un particulier vendait des actions à une société sans lien de dépendance, par opposition à une vente à une société contrôlée par un membre de sa famille. Le projet de loi C-208 vise à pallier ce facteur dissuasif pour les transferts intergénérationnels de sociétés canadiennes, en proposant des modifications à l’article 84.1 en vue de faciliter ces transferts, ainsi qu’aux règles en matière de réorganisation de l’article 55 en vue de faciliter les réorganisations intergénérationnelles. Les modifications excluent, par exemple, les transferts intergénérationnels du champ d’application de l’article 84.1 lorsque la société acheteuse ne dispose pas des actions achetées dans les 60 mois et qu’elle est contrôlée par les enfants ou petits-enfants adultes de l’auteur du transfert. Étant donné que le projet de loi C-208 a été soumis au Parlement sans l’apport technique du ministère des Finances, les modifications sont considérées comme déficientes à certains égards. Le budget 2022 mentionne, par exemple, l’absence d’exigence de « véritable » transfert intergénérationnel d’entreprise. Le budget 2022 n’établit pas de critères auxquels doit satisfaire un « véritable » transfert intergénérationnel d’entreprise; il annonce plutôt une consultation publique concernant les règles modifiées en vue de protéger « l’intégrité du système fiscal » tout en facilitant les transferts intergénérationnels d’entreprise. Les commentaires doivent être reçus au plus tard le 17 juin 2022, et le dépôt d’un projet de loi est envisagé à l’automne 2022, après la conclusion du processus de consultation.

Mesures fiscales internationales

Réforme fiscale internationale

Le budget 2022 donne les dernières informations sur la mise en œuvre par le Canada des propositions du plan à deux piliers pour la réforme fiscale internationale de l’OCDE.

En ce qui concerne le Pilier Un du plan, qui a pour but de réattribuer les droits d’imposition sur les bénéfices des entreprises multinationales (les « EMN ») les plus grandes et les plus rentables aux marchés sur lesquels elles exercent des activités commerciales, le gouvernement travaille activement avec ses partenaires internationaux à l’élaboration des règles types et de la convention multilatérale nécessaires pour établir le nouveau cadre d’imposition multilatéral pour le Montant A et le mettre en vigueur. Il est mentionné dans le budget 2022 que le gouvernement a publié, à titre de filet de sécurité, des avant-projets de loi pour une taxe sur les services numériques (une « TSN ») en décembre 2021. La TSN pourrait être imposée dès le 1er janvier 2024 si la convention multilatérale visant l’établissement du cadre d’imposition pour le Montant A n’est pas alors entrée en vigueur.

En ce qui concerne le Pilier Deux du plan, qui a pour but de faire en sorte que les bénéfices des EMN soient assujettis à un taux d’imposition minimum effectif de 15 % quel que soit l’endroit où ils sont gagnés, le budget 2022 confirme l’intention du Canada de le mettre en application, dans le respect des règles types approuvées par le Cadre inclusif (les « Règles types »), publiées le 20 décembre 2021, et d’adopter un impôt supplémentaire minimum national qui s’appliquerait aux entités canadiennes des EMN relevant de son champ d’application. Aux fins de cet impôt, le calcul des bénéfices à partir des états financiers se substituera au calcul de l’impôt canadien payable sur le revenu de source canadienne d’une société multinationale canadienne selon les règles de la Loi.

Le gouvernement prévoit que la publication pour consultation du projet de loi mettant en œuvre le Pilier Deux et que l’entrée en vigueur de la règle d’inclusion du revenu (la « RDIR ») et de l’impôt supplémentaire minimum national auront lieu en 2023, à une date qui reste à déterminer, et que la règle relative aux profits insuffisamment imposés (la « RPII ») entrera en vigueur en 2024 au plus tôt.

Pour permettre au gouvernement de mettre en œuvre le Pilier Deux conformément au calendrier prévu, le budget 2022 lance une consultation publique sur la mise en œuvre au Canada des Règles types et de l’impôt supplémentaire minimum national. Il est indiqué dans le budget 2022 que les Règles types, issues de négociations internationales approfondies, ont été acceptées par les membres du Cadre inclusif. Si un pays n’adhère pas, dans sa législation de mise en œuvre nationale, à l’approche commune établie dans les Règles types, il court le risque que sa RDIR ne soit pas une RDIR « admissible » selon les Règles types, de sorte que les EMN établies dans ce pays pourraient alors être assujetties à la RPII d’autres pays. À la lumière de ce qui précède, l’objet principal de la consultation consiste à s’assurer que l’avant-projet de loi tienne compte des adaptations nécessaires des Règles types au contexte juridique et fiscal du Canada, plutôt que d’obtenir des opinions sur les principaux éléments sous-tendant les Règles types ou des considérations de politiques générales.

Coupons d’intérêts détachés

Le budget 2022 propose une modification visant à faire en sorte que les retenues d’impôt payées sur les intérêts en lien avec un mécanisme de coupons d’intérêts détachés soient les mêmes que si le mécanisme n’avait pas existé.

Une modification a été apportée en 2011 relative au mécanisme de coupons d’intérêts détachés visé par la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Lehigh Cement Limited c. Canada, 2010 CAF 124 en vertu des règles relatives aux retenues d’impôt en vigueur au Canada avant 2008, mais cette modification n’avait pas pris en compte deux autres variations du mécanisme. La première variation comporte un détenteur de coupon résident des États-Unis qui n’est assujetti à aucune retenue d’impôt, en vertu de la convention fiscale entre le Canada et les États-Unis. La deuxième variation comporte un détenteur de coupon résident canadien.

Selon les règles modifiées, un mécanisme de coupons d’intérêts détachés serait réputé exister si un emprunteur résident du Canada paie un montant au détenteur d’un coupon, ou le porte à son crédit, à titre d’intérêt sur une dette qu’il doit à un prêteur non résident avec qui l’emprunteur résident du Canada a un lien de dépendance et si la retenue d’impôt qui serait payable relativement au montant en question, si celui-ci était payé au prêteur non résident ou porté à son crédit, est supérieure à la retenue d’impôt payable sur le montant payé au détenteur du coupon ou porté à son crédit. Lorsqu’un mécanisme de coupons d’intérêts détachés existe, l’emprunteur résident du Canada serait réputé, aux fins des règles relatives aux retenues d’impôt sur les intérêts, payer un montant d’intérêts au prêteur non résident tel que la retenue d’impôt sur le paiement d’intérêts réputé est égale à l’impôt autrement évité en raison du mécanisme de coupons d’intérêts détachés.

Les règles proposées contiennent une exception s’appliquant aux titres de créance émis dans le cadre d’un appel public à l’épargne effectué légalement et conformément aux termes d’un prospectus, d’une déclaration d’enregistrement ou d’un document semblable déposé auprès d’une autorité publique et, si la loi l’exige, accepté par cette autorité. Ces règles contiennent également une règle anti-évitement ciblée.

La modification s’appliquerait, en général, à l’intérêt payé ou payable par un emprunteur résident du Canada à un détenteur de coupon d’intérêt si cet intérêt a couru à la date du budget ou après cette date.

Mesures concernant l’impôt sur le revenu des particuliers

Mesures relatives à l’habitation

Le budget 2022 propose diverses mesures en matière d’habitation, visant principalement à améliorer l’accès à la propriété résidentielle. L’une de ces mesures consiste en la création du « compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété » (le « CELIAPP »). Les cotisations au CELIAPP seront limitées à 8 000 $ par année (jusqu’à concurrence d’un total de 40 000 $) et seront entièrement déductibles du revenu (comme les cotisations à un REER et contrairement aux cotisations à un compte d’épargne libre d’impôt [un « CELI »]). Ni le revenu gagné dans un CELIAPP ni les retraits d’un CELIAPP effectués en vue de l’achat d’une première propriété admissible ne seront imposables (contrairement à un REER et comme dans le cas d’un CELI). De plus, le budget 2022 propose de doubler le crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation pour le porter de 750 $ à un maximum de 1 500 $ si certaines conditions sont remplies. Il propose également un crédit d’impôt pour la rénovation d’habitations multigénérationnelles et un crédit d’impôt pour l’accessibilité domiciliaire.

De plus, le budget 2022 vise à décourager les opérations spéculatives sur le marché immobilier résidentiel en veillant à ce que tout gain tiré de la revente précipitée d’un bien résidentiel soit pleinement imposé (plutôt que de bénéficier du traitement fiscal réservé aux gains en capital) si le bien est détenu depuis moins de 12 mois, sauf si la revente découle d’un événement de vie comme un décès, une maladie, l’insolvabilité ou l’échec d’un mariage. Par conséquent, les revendeurs ne pourraient pas non plus demander l’exemption pour résidence principale pour une telle revente précipitée.

Le budget propose d’appliquer la TPS/TVH à la cession d’un contrat de vente visant une habitation neuve (ou ayant fait l’objet de rénovations majeures). Cette mesure s’appliquera aux cessions de contrats datés du 7 mai 2022 ou plus tard. Auparavant, une telle cession était généralement exonérée si le particulier cédant le contrat de vente pouvait démontrer qu’il l’avait initialement signé en vue de conclure l’opération et d’occuper l’habitation comme lieu de résidence et non de revendre celle-ci de manière précipitée.

Impôt minimum de remplacement

Dans le budget 2022, on annonce que le ministère des Finances modernisera les règles relatives à l’impôt minimum de remplacement. Les changements apportés à cette fin devraient être annoncés dans la mise à jour économique de l’automne.

Organismes de bienfaisance enregistrés

À la suite d’un processus de consultation qui avait été annoncé pour la première fois dans le budget de l’an dernier, il est proposé, dans le budget 2022, d’augmenter le taux du « contingent des versements » des organismes de bienfaisance enregistrés, pour le porter de 3,5 % à 5 % des biens de l’organisme qui ne sont pas employés directement aux fins de ses activités de bienfaisance ou de son administration, pour ce qui est des biens en excédent d’un seuil de un million de dollars. Ce changement vise à augmenter les dépenses des organismes de bienfaisance, sans avoir d’incidence sur les petits organismes de bienfaisance qui octroient des subventions et dont les rendements de placements sont potentiellement inférieurs à ceux des grands organismes de bienfaisance. La Loi sera également modifiée afin de préciser que les dépenses d’administration et de gestion ne constitueront pas des dépenses admissibles aux fins du contingent des versements d’un organisme de bienfaisance. Les modifications proposées donneraient à l’ARC un large pouvoir discrétionnaire pour accorder une réduction du contingent des versements imposé à un organisme de bienfaisance. Il est proposé que ces mesures s’appliquent aux exercices d’un organisme de bienfaisance commençant le 1er janvier 2023 ou après cette date.

Le budget 2022 propose également des modifications qui ont pour but de permettre à un organisme de bienfaisance d’effectuer des versements admissibles à des organismes qui ne sont pas des donataires reconnus, comme des organismes de bienfaisance étrangers ou d’autres intermédiaires, à la condition que ces versements servent à la réalisation de ses fins de bienfaisance et qu’il prenne des mesures pour s’assurer que les fonds sont utilisés pour des activités de bienfaisance par le bénéficiaire. Certaines exigences en matière de reddition de comptes devront être satisfaites par l’organisme de bienfaisance pour que les conditions fixées soient remplies; celui-ci devra, notamment, mener une enquête suffisante préalablement à la subvention, conclure une entente écrite concernant le financement fourni et son affectation, surveiller le bénéficiaire, et divulguer publiquement dans sa déclaration de renseignements annuelle les renseignements relatifs aux subventions. Ces modifications conféreraient une plus grande latitude aux organismes de bienfaisance qui exercent leurs activités par l’entremise d’un intermédiaire qui n’est pas un donataire reconnu; les règles actuelles exigent de l’organisme de bienfaisance qu’il maintienne un contrôle et une direction suffisants sur ces activités afin qu’elles puissent être considérées comme exercées par lui directement. Il est proposé dans le budget, en tant que mesure de protection contre le risque qu’un organisme de bienfaisance agisse à titre d’intermédiaire pour des dons à d’autres organismes, d’interdire aux organismes de bienfaisance enregistrés d’accepter des dons faits explicitement ou implicitement à la condition que l’organisme fasse un don à une personne autre qu’un donataire reconnu.

Emprunt par les régimes de retraite à prestations déterminées

Depuis longtemps, les régimes de pension agréés sont assujettis à des restrictions sévères en matière d’emprunt, qui ne leur autorisent généralement que i) les emprunts visant l’achat d’un bien immeuble, ou ii) certains emprunts d’une durée d’au plus 90 jours. Ces restrictions ont été allégées durant la pandémie de COVID-19 afin d’aider les régimes de pension à gérer leurs problèmes de liquidité en cette période d’incertitude; les régimes ont été autorisés à contracter un emprunt à condition de le rembourser au plus tard à la fin d’avril 2022.

La mesure d’allègement mise en place durant la pandémie de COVID-19 ayant été levée, le budget 2022 propose maintenant d’apporter un changement à plus long terme aux règles régissant les emprunts des régimes de retraite à prestations déterminées (autres que les régimes de retraite individuels). À compter de la date du budget, en plus de pouvoir emprunter pour investir dans un bien immeuble, ces régimes seront autorisés à contracter un emprunt ne pouvant dépasser le moindre des montants suivants : i) 20 % de la valeur des actifs du régime et ii) tout montant par lequel 125 % du passif actuariel du régime dépasse la valeur des actifs du régime. Ces limites seraient généralement recalculées annuellement et s’appliqueraient au moment de chaque emprunt. Les autres régimes de retraite (c’est-à-dire les régimes à cotisations déterminées et les régimes de retraite individuels) continueraient d’être assujettis aux règles existantes. Le budget ne modifie pas non plus les restrictions strictes en matière d’emprunt imposées aux sociétés d’investissement qui sont des filiales de régimes de retraite.

Si la raison d’être des restrictions existantes en matière d’emprunt n’est pas tout à fait claire, le fait que le nouvel allègement soit limité aux régimes à prestations déterminées qui ne sont pas considérablement surcapitalisés est conforme à ce qui nous semble être la position du gouvernement à ce sujet, à savoir que les restrictions devraient empêcher les régimes de retraite d’augmenter indûment les actifs et les rendements des régimes au profit des bénéficiaires.

Nous notons également que même si le changement est censé conférer une plus grande marge de manœuvre aux régimes de retraite, certains régimes à prestations déterminées surcapitalisés pourraient être désavantagés, car en plus de perdre l’accès aux emprunts à court terme autorisés selon les règles existantes, ils se verront interdits d’emprunter selon la nouvelle règle (sauf pour un investissement immobilier).

Autres mesures

En lien avec les efforts que continue de déployer le gouvernement pour améliorer la transparence des entreprises, celui-ci propose, dans le budget 2022, de modifier la Loi canadienne sur les sociétés par actions afin de mettre en place, d’ici la fin de 2023, un registre public de renseignements sur la propriété effective.

Mesures fiscales préalablement annoncées

Outre les nouvelles mesures fiscales mentionnées ci-dessus, le gouvernement a annoncé dans le budget 2022 qu’il avait l’intention de mettre en œuvre les principales mesures suivantes qu’il avait annoncées le 4 février 2022 (entre autres), une fois terminées les périodes de consultation publique applicables :

Limites à la déductibilité des intérêts

Les propositions législatives intègrent à la Loi un nouveau régime ayant pour but de limiter la déductibilité des dépenses d’intérêts et de financement aux fins de l’impôt sur le revenu du Canada : le régime de « restriction des dépenses excessives d’intérêts et de financement » (« RDEIF »). Selon les règles du régime de RDEIF proposé, la déduction relative aux dépenses d’intérêts et de financement sera limitée à un ratio fixe de 30 % (40 % pour la première année de leur application) du BAIIDA rajusté après impôt (toute déduction en sus de ce ratio fixe sera donc refusée).

Si son application se fait de façon fondamentalement mécanique, les conséquences générales du régime de RDEIF proposé ne sont pas claires. L’on s’attend à ce que la complexité accrue des règles se traduise par une augmentation des coûts de conformité pour les contribuables. Des questions demeurent quant à la justification de ces règles, compte tenu particulièrement de l’intention du gouvernement de conserver les règles de capitalisation restreinte actuelles. Le ministère des Finances continuera d’accepter les observations concernant le régime de RDEIF proposé jusqu’au 5 mai 2022.

Règles de divulgation obligatoire

Les propositions législatives comprennent trois mesures de divulgation obligatoire destinées à fournir à l’ARC des « renseignements exhaustifs et pertinents […] en temps opportun, sur les stratégies de planification fiscale à caractère agressif » :

  • l’élargissement de la règle existante exigeant la divulgation des « opérations à déclarer ». Selon les modifications proposées, un seul « marqueur » de la planification fiscale à caractère agressif devra être présent pour qu’une opération soit considérée comme une opération à déclarer. De plus, la définition d’« opération d’évitement » aux fins des règles de divulgation obligatoire sera étendue pour inclure toute opération dont l’un des principaux objets (et non seulement le principal objet) est l’obtention d’un avantage fiscal;
  • une nouvelle règle de divulgation visant les « opérations à signaler ». Les propositions comprennent une liste d’« exemples » d’opérations que le ministre du Revenu national a l’intention d’inclure parmi les opérations à signaler conformément à la nouvelle règle;
  • une nouvelle règle imposant l’obligation de déclarer les traitements fiscaux incertains inclus dans les états financiers audités d’une société.

Divers éléments de ces propositions ont soulevé des préoccupations, comme le potentiel de violation du secret professionnel de l’avocat, le champ d’application des règles, la définition d’« opération d’évitement », la question de savoir si les exemples d’opérations à signaler donnés constituent les opérations dont il est dit que le ministre aurait le pouvoir de les « désigner », et le fardeau administratif potentiellement excessif pour les contribuables et les autorités fiscales.

Mesures de conformité fiscale

Les propositions législatives autorisent l’ARC à obliger un contribuable à se présenter à un endroit désigné par l’auditeur pour répondre à des questions pertinentes liées à l’administration ou à l’application de la Loi. Ces propositions soulèvent de graves préoccupations, à savoir qu’elles confèrent aux auditeurs des pouvoirs quasi judiciaires, qu’elles sont dépourvues de balises juridiques appropriées et qu’elles pourraient faire en sorte qu’un processus jusqu’ici administratif devienne juridique, s’apparentant à un interrogatoire préalable.

De plus, les propositions législatives établissent des règles précises visant à élargir les circonstances dans lesquelles une personne peut être tenue solidairement responsable des dettes d’un autre contribuable en vertu de la Loi. Les propositions visent ainsi particulièrement les stratagèmes complexes ayant pour but de contourner les règles de l’article 160 de la Loi qui rendent le bénéficiaire du transfert d’un bien responsable des dettes fiscales de l’auteur du transfert, et qui imposent des pénalités à ceux qui conçoivent de tels stratagèmes ou en font la promotion.

Déclarations des fiducies

Les propositions législatives relatives à certaines exigences de déclaration des fiducies résultent de la révision d’autres propositions législatives publiées en 2018. Les nouvelles propositions retardent l’application des exigences de déclaration, mais proposent l’adoption du nouveau paragraphe 150(1.3), qui étend effectivement les exigences de déclaration proposées aux simples fiducies. Les préoccupations soulevées concernent le fait que l’extension des exigences de déclaration aux simples fiducies augmentera inutilement le fardeau de conformité des contribuables et constitue une méthode inefficace pour obtenir des renseignements sur la propriété effective.

La période de consultation sur les règles de divulgation obligatoire, les mesures de conformité fiscale et les déclarations des fiducies a pris fin le 5 avril 2022.

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