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Vote du Parlement en vue de faciliter les transferts d’entreprise intergénérationnels

Le projet de loi C-208, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (transfert d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale), qui a pour but de modifier l’article 84.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») a reçu la sanction royale le 29 juin 2021. En mai dernier, la Chambre des communes avait voté majoritairement, en troisième lecture, en faveur de ce projet de loi émanant d’un député. Le projet de loi C-208 avait été adopté (avec dissidence) sans modification par le Sénat le 22 juin 2021. De façon très générale, aux termes de la version actuelle de l’article 84.1 de la Loi, un particulier qui vend des actions d’une société à une autre société que contrôle un membre de sa famille peut voir le produit de la vente traité comme un dividende, alors que ce produit bénéficierait d’un traitement plus favorable en tant que gain en capital si le contribuable avait vendu les actions à une partie sans lien de dépendance. Le projet de loi C-208 limitera l’application de l’article 84.1 de la Loi dans le cas d’un transfert d’entreprise intergénérationnel. Comme le projet de loi ne renferme aucune disposition d’entrée en vigueur, il est entré en vigueur en date du jour où il a reçu la sanction royale.

L’article 84.1 de la Loi est une règle anti-évitement spécifique qui refuse le traitement en tant que gain en capital du produit d’un large éventail de transferts d’actions de société par un particulier (« contribuable ») à une autre société avec laquelle il a un lien de dépendance (« acheteur »). L’objectif de cette règle est de faire obstacle aux opérations visant le « dépouillement des bénéfices » qui permettent de profiter des taux d’imposition réduits s’appliquant aux gains en capital. Dans les cas où cette règle s’applique, le particulier se voit refuser le traitement réservé aux gains en capital et est plutôt considéré comme ayant reçu un dividende réputé, imposable à un taux plus élevé. Il est important de noter que les vendeurs qui sont des particuliers ne peuvent pas demander que soit appliquée leur exonération cumulative des gains en capital lorsqu’ils disposent d’actions admissibles d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale. Ainsi, les particuliers qui transfèrent leur entreprise à une société contrôlée par leurs enfants sont imposés à un taux plus élevé que ceux qui vendent leur entreprise à un tiers sans lien de dépendance. L’article 84.1 de la Loi, dans sa version actuelle, a donc pour effet de pénaliser les parties qui effectuent des transferts d’entreprise intergénérationnels par rapport à ceux qui vendent leur entreprise à une partie sans lien de dépendance.

Le projet de loi C-208 exclut les transferts intergénérationnels de l’application de l’article 84.1 en faisant en sorte que le contribuable soit réputé n’avoir aucun lien de dépendance avec l’acheteur lorsque celui-ci est contrôlé par un ou plusieurs enfants ou petits-enfants du contribuable âgés de 18 ans ou plus, à condition que l’acheteur ne dispose pas des actions visées dans les 60 mois suivant leur achat.

Il est très rare que soit adopté un projet de loi émanant d’un député qui porte sur des questions fiscales. Le ministère des Finances étudie depuis longtemps la question des transferts d’entreprise intergénérationnels. Le projet de loi C-208 a été déposé par le député conservateur Larry McGuire, mais tous les partis appuient depuis longtemps l’idée de modifier l’article 84.1 afin de restreindre ses effets sur les transferts d’entreprise intergénérationnels. En fait, des projets de loi semblables ont été présentés au cours de sessions parlementaires antérieures par le député libéral Emanuel Dubourg, le député du NPD Guy Carron et le débuté du Bloc Québecois Xavier Barsalou-Duval. Au moment de sa troisième lecture à la Chambre des communes, le projet de loi C-208 a reçu le soutien unanime de tous les partis à l’exception du parti libéral (mis à part 18 députés libéraux ayant profité du vote libre pour y donner leur appui), qui a soulevé d’éventuelles préoccupations quant à l’absence de mécanismes de contrôle adéquats permettant de garantir que l’exclusion ne s’applique qu’aux véritables transferts intergénérationnels. Au Sénat, le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts a passé en revue et approuvé le projet de loi C-208. Dans le cadre de sa troisième lecture par le Sénat, des préoccupations quant aux conséquences fiscales non souhaitées du projet de loi ont refait surface, lesquelles concernaient d’éventuelles occasions d’évitement fiscal et sa large portée. Des modifications proposées, dont celle qui aurait permis au ministère des Finances du Canada d’adopter des règlements précis, n’ont pas été retenues. Le Sénat a plutôt adopté le projet de loi C-208 sans modification. Après la sanction du projet de loi c-208, le ministère des Finances du Canada a rapidement annoncé son intention de proposer des dispositions législatives en précisant que ces modifications entreraient en vigueur au début de la prochaine année d’imposition, soit le 1er janvier 2022. Toutefois, le 19 juillet dernier, le ministère des Finances du Canada s’est rétracté et a convenu que le projet de loi C 208 était entré en vigueur le 29 juin 2021. Il a néanmoins annoncé qu’un projet de modifications législatives ferait l’objet d’une consultation afin de corriger toute faille du projet de loi susceptible de faciliter l’évasion fiscale et le dépouillement de surplus d’une société. Une fois dans leur version définitive, ces modifications seront adoptées et entreront en vigueur soit le 1er novembre 2021, soit à la date de la publication de la version définitive de celles-ci, si cette date est ultérieure.

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