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L’administration Biden annonce un programme fiscal visant à favoriser les investissements en infrastructure

Auteurs : Peter Glicklich, Zachary C. Kling, Gregg M. Benson et Heath Martin

Le président Biden et son administration ont présenté le 31 mars 2021 leur programme d’emploi American Jobs Plan, dans lequel ils donnent des précisions sur les politiques exposées durant la campagne électorale et les premiers jours du mandat du président. L’administration Biden propose, par l’entremise de ce programme, de réaliser des investissements importants dans des projets d’infrastructure aux États-Unis qui pourraient représenter globalement 2,3 billions de dollars sur huit ans. L’American Jobs Plan propose qu’une partie de ces dépenses soit couverte par l’augmentation des impôts sur le revenu des sociétés et par l’annulation ou le rajustement de certains des changements apportés à la législation fiscale par la loi intitulée Tax Cuts and Jobs Act of 2017.

Les propositions que présente le président Biden dans l’American Jobs Plan, si celui-ci est adopté, auront sans doute des effets sur la plupart des contribuables, mais visent principalement les sociétés américaines, les multinationales américaines qui tirent des revenus d’activités à l’étranger et les particuliers à revenu élevé. Nous présentons ci-dessous les grandes lignes des propositions fiscales de l’administration Biden et commentons les effets que les changements proposés pourraient avoir sur les investissements et sur les activités des entreprises aux États-Unis.

Changements fiscaux concernant les entreprises actives aux États-Unis et à l’étranger

Principales propositions internationales

  • Modification des dispositions régissant le revenu mondial à faible taux d’imposition tiré de biens incorporels (global intangible low-taxed income ou GILTI) (le « revenu GILTI ») : majoration à 21 % du taux d’imposition effectif du revenu GILTI; calcul du revenu GILTI par pays; et élimination de l’exonération s’appliquant à 10 % du rendement tiré des investissements dans des actifs d’entreprise admissibles (qualified business asset investment ou QBAI), notamment.
  • Imposition d’une surtaxe de 10 % aux sociétés américaines qui délocalisent des emplois dans les secteurs manufacturier et des services vers d’autres pays pour ensuite vendre leurs produits ou services sur le marché américain.
  • Élimination de la déduction pour revenu tiré de biens incorporels à l’étranger (foreign derived intangible income ou FDII) (le « revenu FDII ») dont bénéficient les sociétés américaines à l’égard du revenu tiré de la vente à des acheteurs étrangers de biens ou de services liés à des biens incorporels (des brevets ou des marques, par exemple) détenus aux États-Unis.
  • Abrogation de l’impôt anti-abus contre l’érosion de la base d’imposition (base erosion and anti-abuse tax ou BEAT) (l’« impôt BEAT ») et établissement d’une « règle relative aux paiements insuffisamment imposés » dans le but d’aligner davantage la législation fiscale américaine sur le Pilier deux du projet BEPS de l’OCDE et du G20.

Autres propositions ayant des répercussions sur les entreprises

  • Majoration du taux d’imposition des sociétés de 21 % à 28 %.
  • Assujettissement à un impôt minimum de remplacement de 15 % des revenus comptables des sociétés lorsque ceux-ci s’élèvent à 100 millions de dollars ou plus. Selon la proposition actuelle, les pertes d’exploitation nettes et les crédits pour impôts étrangers pourraient être pris en compte dans le calcul de l’impôt minimum payable.
  • Imposition, à certaines institutions financières comptant plus de 50 milliards de dollars d’actifs, de l’obligation de verser une cotisation à un fonds de risque (financial risk fee), qui serait déterminée en fonction de certains de leurs passifs. L’administration Biden n’a pas publié le taux de cette cotisation; toutefois, le taux d’une cotisation semblable proposée par l’administration Obama variait entre 7 et 15 points de base.

Ces changements se traduiront par des taux d’imposition effectifs plus élevés pour les sociétés américaines et pourraient ainsi réduire les rendements globaux de leurs actionnaires. De plus, les changements pourraient amener les multinationales dont le siège social est aux États-Unis à réexaminer leur structure internationale, voire à chercher à retirer leurs activités commerciales non américaines du filet fiscal américain en délocalisant leur siège social dans un pays plus avantageux sur le plan fiscal ou en procédant à des opérations qui entraîneraient l’érosion de la base d’imposition. En outre, la secrétaire du Trésor, Janet Yellen, a récemment lancé un appel en faveur d’une coordination mondiale des efforts visant la mise en place d’un taux d’imposition minimum international qui s’appliquerait aux sociétés multinationales et dissuaderait les entreprises de délocaliser leurs bénéfices vers le territoire offrant le taux d’imposition le moins élevé. L’administration Biden a reconnu implicitement ce risque en déclarant avoir l’intention de décourager les changements de lieu de résidence des entreprises, d’une part, par la mise en œuvre de règles et de sanctions rigoureuses contre les délocalisations de siège social et, d’autre part, par la mise en place de nombreuses « carottes » pour encourager les investissements aux États-Unis.

Mesures incitatives proposées pour favoriser les investissements aux États-Unis

L’administration Biden a proposé la création, l’augmentation ou le rétablissement de divers crédits et déductions destinés à favoriser les investissements dans le secteur manufacturier aux États-Unis et dans les technologies de production d’énergie renouvelable ou « propre » (tout en proposant d’éliminer certains avantages fiscaux pour les combustibles fossiles). Ces mesures comprennent notamment les suivantes :

  • mise en place d’un crédit de 10 % pour les investissements aux États-Unis qui créent des emplois manufacturiers au pays. Les dépenses admissibles à ce crédit comprendraient les investissements réalisés pour remettre en état les installations fermées et les coûts engagés pour ramener la production au pays. Le crédit serait payable d’avance aux contribuables admissibles;
  • établissement de manière permanente et accrue du crédit d’impôt pour les nouveaux marchés et rétablissement du crédit d’impôt pour les investissements énergétiques et du crédit d’impôt pour les véhicules électriques;
  • octroi de crédits d’impôt aux entreprises qui modernisent leurs équipements et leurs procédés, investissent dans la construction et l’agrandissement d’usines et installent des technologies à faible émission de carbone, dans le but de créer un secteur manufacturier sobre en carbone;
  • accroissement des déductions pour les mises à niveau des technologies énergétiques, les systèmes de compteurs intelligents et d’autres investissements visant à réduire les émissions des bâtiments commerciaux;
  • augmentation des incitations à la mise au point et à l’application de techniques de capture, d’utilisation et de stockage du carbone.

Point essentiel à retenir

Malgré l’augmentation du taux d’imposition nominal des sociétés, le nouvel impôt minimum sur le revenu comptable et les changements apportés à la fiscalité américaine à l’égard des activités internationales, nous sommes d’avis que les États-Unis demeureront un pays intéressant pour les investisseurs étrangers. En effet, les mesures incitatives proposées par l’administration Biden devraient accroître l’attrait des investissements dans les projets d’infrastructure aux États-Unis, dans les sociétés ayant une présence manufacturière aux États-Unis et dans les sociétés établies aux États-Unis et exerçant leurs activités dans les secteurs des technologies visant les énergies renouvelables et propres. Il est possible, toutefois, que les propositions nécessitent la mise en balance de plusieurs considérations qui pourraient faire pencher les décisions des investisseurs, selon l’évolution de l’économie américaine et de l’économie mondiale.

Changements concernant l’impôt sur le revenu des particuliers, les cotisations sociales et les droits de succession

L’administration Biden a déjà modifié la législation fiscale existante en intégrant à la loi intitulée American Rescue Plan Act of 2021 une majoration du crédit d’impôt pour enfant. Parmi les propositions annoncées, certaines s’inscrivent dans le même courant, qui vise l’accroissement ou le rétablissement de certains crédits d’impôt pour les particuliers, et pourraient ainsi bénéficier aux contribuables à revenu moyen et faible. Toutefois, la plupart des propositions ont pour but d’augmenter le taux d’imposition effectif des contribuables à revenu élevé.

Principales propositions visant l’impôt sur le revenu des particuliers et les cotisations sociales

  • Relèvement du taux d’imposition individuel maximum à son niveau antérieur de 39,6 % (comparativement à son niveau actuel de 37 %).
  • Imposition d’un taux de cotisations sociales de 12,4 % aux fins de la sécurité sociale sur les salaires s’élevant à plus de 400 000 $ par année.
  • Imposition des gains en capital et des dividendes admissibles (qualified dividends) au taux d’imposition marginal le plus élevé appliqué au revenu ordinaire dans le cas de contribuables affichant des revenus de plus de 1 million de dollars.
  • Suppression progressive de la déduction pour revenu d’entreprise admissible (qualified business income) offerte aux contribuables dont le revenu imposable est supérieur à 400 000 $.
  • Limitation de la disponibilité de déductions détaillées (itemized deductions) pour les particuliers dont les revenus s’élèvent à plus de 400 000 $ par année.
  • Rétablissement du crédit d’impôt à l’achat d’une première propriété et accroissement du crédit d’impôt sur le revenu gagné et du crédit d’impôt pour la garde d’enfants et de personnes à charge.

Principales propositions visant les droits de succession

  • Suppression du rajustement à la valeur marchande (step-up), aux fins de l’impôt, de la valeur des actifs d’un particulier à son décès.
  • Réduction de l’exonération s’appliquant aux droits de succession pour la ramener à son niveau antérieur de 3,5 millions de dollars (ou 7 millions de dollars pour les couples mariés) et augmentation du taux des droits de succession fédéraux à 45 %.

À la suite de la présentation des propositions de l’administration Biden visant les droits de succession, un groupe de sénateurs dirigé par Chris Van Hollen (D-MD) a déposé un projet de loi appelé Sensible Taxation and Equity Promotion (STEP) Act. Son adoption aurait les effets suivants :

  • imposition de la plus-value des actifs d’un cédant au moment de leur transfert par donation, de son vivant (y compris les transferts en faveur de fiducies faisant souvent partie de la planification successorale), sous réserve d’une exonération viagère de seulement 100 000 $;
  • imposition de tous les actifs dont la valeur a augmenté appartenant à des fiducies autres que des fiducies de cédant tous les 21 ans et assujettissement à des obligations de déclaration supplémentaires des fiducies comptant des actifs de plus de 1 million de dollars ou un revenu brut de plus de 20 000 $;
  • imposition au décès de la plus-value des actifs du contribuable décédé, sous réserve d’une exonération de 1 million de dollars. Les gains d’un maximum de 500 000 $ tirés d’une résidence personnelle, dans le cas d’un couple marié, et la plus-value d’actifs détenus dans un compte de retraite seraient exonérés. L’impôt sur le revenu payé par la succession à l’égard de tels gains serait déductible aux fins du calcul des droits de succession.

Conclusion

Le programme American Jobs Plan constitue une première étape ambitieuse et importante pour le président Biden, dont la campagne électorale a fait la promotion de l’idée d’investissements en infrastructure transformateurs accompagnés de rajustements de la législation fiscale en vue de financer ces investissements. Toutefois, l’obtention par l’administration Biden du soutien nécessaire à la réalisation de l’ensemble de son programme législatif demeure incertaine, étant donné la légère majorité que détiennent les démocrates au Sénat et la faible probabilité que ce programme reçoive l’appui des républicains.

Le président Biden cherche à tenir la promesse électorale qu’il avait fait de redresser l’infrastructure chancelante des États-Unis et se battra certainement pour faire adopter ses propositions législatives. Eu égard au coût prévu de celles-ci, une certaine réforme fiscale sera sans doute nécessaire au respect de sa promesse.

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