Bulletin

La version définitive d’un règlement du Trésor américain qui vise à requalifier des créances et à les considérer comme des capitaux propres est source de déception

Auteurs : Peter Glicklich, Gregg M. Benson et Heath Martin

Le Département du Trésor des États-Unis a publié un règlement, pris en application de l’article 385 du Internal Revenue Code, qui vise à requalifier certaines créances et à les considérer comme des capitaux propres (le « Règlement définitif »). Le Règlement définitif énonce en forme finale les dispositions d’un règlement proposé promulgué en octobre 2016 (le « Règlement proposé de 2016 »), sans y apporter de modifications substantielles.

L’article 385 vise à requalifier certaines créances émises à des parties liées et à les considérer comme des capitaux propres aux fins de l’impôt fédéral des États-Unis. (Voir notre bulletin antérieur intitulé La version définitive du règlement américain sur le traitement fiscal des créances entre parties liées ratisse moins large que certains ne le craignaient.) Selon la règle générale de l’article 385, les créances qu’une société émet à une société affiliée (ou à une société de personnes contrôlée par une société affiliée) sont requalifiées et considérées comme des capitaux propres aux fins de l’impôt, si ces créances sont émises (i) dans le cadre d’une distribution, (ii) en échange d’actions d’une société affiliée ou (iii) suivant certains échanges contre des biens effectués à l’occasion d’une réorganisation d’actifs (collectivement, les « opérations visées »).

L’absence de changements substantiels, selon l’annonce du 13 mai 2020, étonne et déçoit, car deux événements antérieurs avaient permis d’espérer un resserrement des règles. Premièrement, la mise en œuvre des dispositions de la Tax Cuts and Jobs Act relatives à la protection de l’assiette fiscale est venue atténuer la nécessité des règles prises en application de l’article 385, dont celles concernant la limitation des déductions d’intérêt en vertu des règles élargies de lutte contre le dépouillement des bénéfices prévues à l’article 163(j), l’adoption de règles générales de lutte contre les entités hybrides et l’adoption du nouvel impôt visant à contrer l’érosion de la base d’imposition et la fraude fiscale (impôt minimum que doivent payer les grandes entreprises qui effectuent des paiements déductibles, notamment des paiements d’intérêts et de redevances, à des parties étrangères liées). Deuxièmement, le Département du Trésor et l’Internal Revenue Service (« IRS ») ont annoncé, dans un préavis d’adoption de projet de règlement publié le 31 octobre 2019 (le « préavis de 2019 »), leur intention de supprimer la règle des 72 mois relative au financement présumé (la « règle des 72 mois » ou 72-month per se funding rule), règle qui est difficile à appliquer sur le plan administratif et peut être source de difficultés pour les non-avertis.

Le Règlement proposé de 2016 faisait renvoi à un règlement temporaire publié le même jour (le « Règlement temporaire de 2016 »), qui a expiré le 13 octobre 2019. En prévision de cette expiration, l’IRS a publié l’avis 2019-58, qui permettait aux contribuables de suivre le Règlement proposé de 2016 après l’expiration du Règlement temporaire de 2016, jusqu’à nouvel ordre.

Outre les opérations visées, auxquelles il s’applique directement, l’article 385 s’applique aux créances émises pour financer une opération visée et aux créances émises peu avant ou peu après une opération visée. Premièrement, conformément à une règle de financement, les créances qu’une société émet à une société affiliée sont requalifiées et considérées comme des capitaux propres si les créances en question ont principalement pour objet le financement d’une opération visée. Deuxièmement, selon la règle controversée des 72 mois, sous réserve de certaines exceptions limitées, les créances émises au cours de la période de 72 mois commençant 36 mois avant, et se terminant 36 mois après, la date d’une opération visée sont requalifiées et considérées comme des capitaux propres.

Le Règlement temporaire de 2016 (et, par renvoi, le Règlement proposé de 2016) prévoit des exceptions à la règle visant la requalification des créances et à la règle de financement à l’égard de certains types de créances, dont les suivantes :

  • les créances émises à ou par une société de personnes qui n’est pas une société de personnes contrôlée (controlled partnership) (à savoir, une société de personnes dont 80 % ou plus des droits sur les capitaux ou les profits appartiennent directement ou indirectement à une ou plusieurs sociétés affiliées) : selon cette exception, les créances émises par une société en portefeuille à un fonds de capital-investissement ne seraient généralement pas visées par la requalification et ne seraient donc pas considérées comme des capitaux propres;
  • les prêts à court terme, y compris les ententes de gestion centralisée de la trésorerie et les centres de trésorerie internationaux;
  • les créances émises par un membre d’un groupe consolidé à un autre membre du groupe consolidé.

De plus, les règles décrites ci-dessus ne s’appliquent pas à la première tranche de 50 millions de dollars de créances émises par une société.

Avant la publication du Règlement définitif, le Département du Trésor et l’IRS ont publié le préavis de 2019, dans lequel ils annonçaient leur intention de prendre un règlement qui supprimerait la règle des 72 mois.

Bien qu’il fournisse des précisions sur les exceptions à la règle visant la requalification des créances et à la règle sur le financement énoncées dans le Règlement temporaire de 2016 et rende obligatoire l’application de certains aspects du Règlement proposé de 2016, le Règlement définitif n’apporte pas de changements substantiels aux règles de l’article 385 visant la requalification de certaines créances ni au règlement pris en vertu de cet article. De plus, les contribuables et les fiscalistes sont déçus de constater que le Règlement définitif n’a pas supprimé la règle des 72 mois, comme le promettait le préavis de 2019. Quoique l’intention de présenter un projet de règlement ayant pour objet la suppression de cette règle soit mentionnée dans le préambule du Règlement définitif, aucun échéancier n’a été avancé quant à sa publication.

Entrée en vigueur

Le Règlement définitif entre en vigueur le 14 mai 2020. Cependant, les contribuables pouvant bénéficier des exceptions à la règle visant la requalification des créances et à la règle sur le financement ont sans doute déjà demandé à se prévaloir de celles qui figuraient dans le Règlement temporaire de 2016 et le Règlement proposé de 2016.

Conclusion

Le Règlement définitif énonce en forme finale les dispositions du Règlement temporaire de 2016 et du Règlement proposé de 2016 sans y apporter de changements substantiels et sans alléger l’application de ces règles complexes dont la portée est souvent excessivement large. Maintenant que cela est fait, l’IRS sera peut-être disposé à resserrer davantage la portée de l’article 385 en supprimant la règle des 72 mois. D’ailleurs, il est mentionné dans le préambule du Règlement définitif que, conformément au préavis de 2019, le Département du Trésor et l’IRS ont l’intention de présenter un projet de règlement destiné à simplifier ces règles, y compris en supprimant la règle des 72 mois. Cependant, comme aucun échéancier n’est avancé quant à la publication du projet de règlement, les contribuables ne doivent pas compter de sitôt sur un allègement des règles et devraient continuer de faire preuve de prudence quant aux conséquences possibles d’opérations de financement susceptibles d’entraîner l’application de la règle visant à requalifier des créances et à les considérer comme des capitaux propres en vertu de l’article 385.

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