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Rémunération au résultat selon un contrat de services de conseil : mise en garde pour les conseillers financiers (et leurs clients)

L’article suivant a d’abord été publié dans notre Rapport de 2019 sur les marchés des capitaux canadiens.

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La décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans RBC Dominion Securities v. Crew Gold Corporation souligne l’importance de définir clairement les circonstances dans lesquelles un conseiller financier a droit à une rémunération au résultat. De plus, la décision laisse entendre que les tribunaux seront peu disposés à conclure que le conseiller financier a droit à une rémunération au résultat pour des opérations non liées au travail qu’il a effectué. En particulier, les parties devraient envisager de préciser si un « lien de causalité » doit exister ou non entre les activités du conseiller et l’opération pour qu’une rémunération au résultat lui soit payable.

Le mandat de services de conseil dans l’affaire Crew Gold

En 2009, Crew Gold Corporation (« Crew ») a retenu les services de RBC afin que celle-ci l’aide à évaluer différentes options stratégiques. Selon les modalités du contrat de mission, RBC avait droit à une rémunération au résultat pour une « opération » réalisée pendant la durée du contrat ou au cours des douze mois suivants, que l’acheteur ait été sollicité ou non par RBC.

Dans le contrat de mission, on avait défini « opération » comme une opération potentielle comportant la vente ou l’aliénation directe ou indirecte de Crew et stipulé qu’une opération pouvait être constituée i) de la vente de la totalité ou d’une partie importante des actions, des activités ou des actifs de Crew à un tiers; ii) d’un placement d’un tiers dans Crew entraînant un changement de contrôle; ou iii) d’une fusion, d’un arrangement ou d’une autre transaction visant Crew et un tiers en vue de la réalisation d’une telle vente ou aliénation.

La recherche de l’opération stratégique

Au cours du mandat de RBC, Crew a restructuré ses débentures en circulation et son conseil d’administration a examiné plusieurs options stratégiques que lui a présentées RBC. Après la restructuration des débentures et pendant que le conseil examinait ces options, un actionnaire de Crew (qui avait obtenu ses actions à la faveur de la restructuration des débentures) a vendu son bloc d’actions à Endeavour Financial Corporation (« Endeavour »), sans la participation de Crew ou de RBC. Cette opération a porté la participation d’Endeavour dans Crew à 43 %. À la suite de cette opération, RBC a été « mise de côté », car Crew s’est concentrée sur l’opération potentielle avec Endeavour.

La lutte pour le contrôle de Crew

Dans les jours suivant l’achat des actions par Endeavour, OAO (« Severstal »), société minière russe, a commencé à accroître sa participation dans Crew. La course pour le contrôle et la propriété ultimes de Crew était lancée, et c’est la lutte entre Endeavour et Severstal qui est devenue le centre de l’attention. Crew a confié à un autre conseiller financier la mission de la conseiller à l’égard de la lutte imminente pour la prise de contrôle de son entreprise et a mis fin à la mission de conseil de RBC. Endeavour a fini par vendre sa participation de 43 % dans Crew à Severstal environ deux mois après la résiliation du contrat de mission de RBC. Severstal a privatisé Crew plusieurs années plus tard selon un plan d’arrangement. RBC a prétendu qu’elle avait droit à une rémunération au résultat pour l’opération entre Endeavour et Severstal, que Crew a refusé de payer, même si l’opération était, a priori, clairement envisagée comme une opération au sens du contrat de mission de RBC, à l’égard de laquelle une rémunération au résultat était payable.

Pas de rémunération sans lien de causalité?

En première instance, le tribunal a jugé que l’intention de RBC et de Crew était que RBC recevrait une rémunération au résultat seulement s’il y avait un « lien de causalité » entre les activités de RBC et l’opération en question. Cette interprétation est quelque peu surprenante étant donné que la rémunération au résultat était expressément payable même si ce n’était pas RBC qui présentait l’acheteur à Crew ou si la participation de RBC n’était pas une cause importante de l’opération. De plus, le tribunal a conclu que l’intention de RBC et de Crew n’était pas que le contrat de mission s’applique de façon générale à toute vente d’actions par un actionnaire de Crew, même si la définition de l’opération comprenait la vente d’une partie importante des actions de Crew par Crew ou l’un de ses actionnaires.

La Cour d’appel de l’Ontario a confirmé la décision du tribunal inférieur. Elle a jugé, en dépit du langage clair et simple employé dans le contrat de mission, que le juge de première instance n’avait pas omis d’appliquer les principes d’interprétation contractuelle appropriés lorsqu’il a interprété le contrat de mission. La Cour d’appel a conclu que l’interprétation du juge de première instance, selon laquelle l’intention des parties était que la rémunération au résultat soit liée à une action de la part de RBC, était raisonnable selon le contrat de mission en question. En ce qui a trait à la disposition du contrat de mission relative à la rémunération au résultat en cas de résiliation, la Cour d’appel a conclu que le juge de première instance avait correctement interprété cette disposition lorsqu’il a jugé qu’elle prévoyait simplement le versement d’une rémunération au résultat en cas d’exécution du « mandat » après la résiliation du contrat de mission. En d’autres termes, l’opération pour laquelle une rémunération au résultat était payable devait être liée au travail effectué par le conseiller avant la résiliation du contrat de mission.

Leçons à tirer de la décision dans l’affaire Crew Gold

Les conseillers financiers et leurs clients auraient tout intérêt à aborder de façon réfléchie et prudente les dispositions relatives à la rémunération au résultat en cas de résiliation et les définitions clés connexes de leurs contrats de mission :

  • les conseillers financiers devraient envisager d’inclure dans leurs contrats de mission types un libellé explicite stipulant qu’aucun lien de causalité n’est requis pour qu’une rémunération au résultat soit payable pendant la période subséquente (tail period). De plus, ils devraient envisager de proposer une définition large et détaillée de l’« opération » s’ils souhaitent avoir droit à une rémunération au résultat pour un grand nombre d’opérations réalisées durant la période subséquente;
  • les tribunaux continueront d’interpréter les contrats selon une approche contextuelle et ne rendront pas nécessairement leurs décisions sur la base du libellé explicite d’un contrat de mission. Toutefois, un libellé explicite portant sur l’exigence d’un lien de causalité pourrait aider à démontrer à un tribunal que l’intention des parties était que la rémunération au résultat soit payable à un conseiller financier dans un large ensemble de circonstances, y compris en l’absence de lien de causalité entre l’opération et les services de conseil procurés;
  • même si les tribunaux se sont montrés peu disposés à interpréter largement les droits d’un conseiller financier pendant la période subséquente, les parties qui retiennent les services de conseillers financiers devraient envisager de proposer une définition plus limitée de l’« opération » qu’elles leur confient ou d’exclure certains types d’opérations de la définition.

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