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Législation fiscale canadienne : rétrospective des faits saillants de 2018 et perspectives pour 2019

Auteurs : R. Ian Crosbie, Bobby J. Sood, Michael N. Kandev, Marc André Gaudreau Duval, Olivia Khazam, Reuben Abitbol et John J. Lennard

Chaque année à cette époque, nous présentons une rétrospective de certains des principaux faits saillants en matière d’impôt sur le revenu ayant une incidence sur les entreprises canadiennes et les entreprises étrangères qui sont survenus au Canada au cours de la dernière année et faisons état de certaines perspectives concernant des changements en matière de fiscalité qui pourraient survenir au Canada au cours de la prochaine année.

Changements législatifs en 2018

Budget de 2018

A. Revenu de placement passif d’une société privée

En 2017, parce qu’il jugeait préoccupante la possibilité que les personnes qui exercent des activités par l’entremise d’une société puissent bénéficier d’un avantage lié au report d’impôt en conservant leur revenu d’entreprise après impôt dans la société afin d’effectuer des placements passifs, le ministère des Finances a publié un ensemble de propositions controversées et compliquées qui visaient à empêcher cette pratique. Les propositions de 2017 étaient extrêmement complexes et introduisaient, dans les faits, un impôt punitif sur le revenu tiré de placements effectués au moyen de revenus d’entreprise après impôt d’une société privée sous contrôle canadien (une « SPCC ») totalisant plus de 50 000 $ par année. Le budget de 2018 a présenté un ensemble de propositions beaucoup plus simple. Applicables aux années d’imposition qui commencent après 2018, ces nouvelles règles prévoient l’élimination progressive du droit à la déduction accordée aux petites entreprises (la « DPE ») pour les SPCC qui gagnent plus de 50 000 $ en revenu de placement et modifient les règles actuelles relatives à l’impôt remboursable au titre de dividendes versés par des SPCC.

Plafond de la déduction accordée aux petites entreprises

Les SPCC ont droit à la DPE, à savoir qu’elles bénéficient d’un taux d’imposition préférentiel sur un montant maximal de 500 000 $ de leur revenu admissible tiré d’une entreprise exploitée activement. Ce montant doit être réparti entre les sociétés associées, et est réduit si la SPCC et son groupe de sociétés associées ont plus de 10 millions de dollars en capital imposable qui est utilisé au Canada. Le budget de 2018 est venu réduire davantage le montant de la DPE à l’égard des SPCC qui, avec d’autres sociétés faisant partie de leur groupe de sociétés associées, gagnent, au cours d’une année d’imposition donnée, un revenu de placement excédant 50 000 $. Pour chaque dollar de revenu de placement au-delà de 50 000 $, le plafond de la DPE est réduit de 5 $. La réduction de la DPE correspond maintenant à la plus importante des réductions prévues aux termes de ces deux règles.

Impôt remboursable et règles relatives au remboursement au titre de dividendes

Conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (la « LIR »), les SPCC sont assujetties à un impôt remboursable additionnel sur leur revenu de placement, et cet impôt est ajouté au compte de l'impôt en main remboursable au titre de dividendes (l’« IMRTD ») de la SPCC. La SPCC a droit à un remboursement de 38,33 $ de l’impôt remboursable ajouté à son compte d’IMRTD par tranche de 100 $ de dividendes versés à ses actionnaires. Cet impôt remboursable additionnel et ce remboursement au titre de dividendes visent à assurer l’intégration de l’impôt sur le revenu de la société et de l’impôt sur le revenu du particulier payable sur le revenu de placement gagné par les SPCC, de sorte qu’il devrait revenir au même pour l’actionnaire que le revenu de placement soit gagné personnellement ou par l’entremise d’une société.

Les propositions de 2017 du ministère des Finances en matière de placements passifs auraient éliminé ou limité l’accès aux règles relatives à l’IMRTD dans le cas d’une SPCC qui réinvestit son revenu tiré d’une entreprise exploitée activement dans des actifs passifs. Ces propositions, qui auraient assujetti la SPCC à un taux d’imposition réel d’environ 73 % sur le revenu de placement qu’elle gagne, ont été vivement critiquées par le milieu des affaires et les médias.

Dans le budget de 2018, l’IMRTD a été assorti d’une restriction plus limitée visant à s’assurer qu’une SPCC n’aura pas le droit de demander un remboursement de l’impôt sur les dividendes à l’égard des « dividendes déterminés » qui ont été versés à même le revenu provenant de l’entreprise exploitée activement d’une SPCC imposé au taux d’imposition général des sociétés.

En bref, le budget de 2018 a éliminé le remboursement au titre de dividendes que pouvaient demander les SPCC qui avaient versé des dividendes déterminés, sauf dans les cas où le dividende déterminé est versé à même les dividendes déterminés reçus par la SPCC sur des placements de portefeuille qui étaient assujettis à l’impôt remboursable additionnel. Pour mettre cette proposition en œuvre, le budget de 2018 a créé deux comptes d’IMRTD distincts permettant de consigner l’impôt remboursable payé par la SPCC à l’égard du revenu de différentes sources. L’impôt remboursable payé sur les dividendes déterminés que la SPCC reçoit en lien avec ses placements de portefeuille sera consigné dans le premier compte d’IMRTD. Les SPCC ont droit à un remboursement de l’impôt sur les dividendes dans ce compte d’IMRTD lorsqu’elles versent des dividendes déterminés ou non déterminés. L’impôt remboursable sur les autres sources de revenu de placement sera consigné dans le second compte d’IMRTD. Les SPCC ont droit à un remboursement de l’impôt sur les dividendes consignés dans ce compte d’IMRTD lorsqu’elles versent des dividendes non déterminés. Un mécanisme préserve la nature des dividendes versés à même ces deux comptes s’ils sont versés à une société rattachée.

B. Nouvelles exigences en matière de déclaration pour les fiducies

Le budget de 2018 a introduit de nouvelles exigences en matière de déclaration pour les fiducies, qui visent à améliorer la collecte par le gouvernement de renseignements sur la propriété effective. Les fiducies qui n’ont pas gagné de revenu ou qui n’ont pas fait de distributions au cours d’une année d’imposition donnée ne sont généralement pas tenues de produire une déclaration T3 annuelle de renseignements et de revenus des fiducies. Les nouvelles exigences en matière de déclaration s’appliqueront aux fiducies expresses résidant au Canada et aux fiducies non résidentes qui doivent actuellement produire une déclaration T3 (à quelques exceptions près); elles obligent chacune de ces fiducies à déclarer l’identité de tous ses fiduciaires, ses bénéficiaires et ses auteurs, ainsi que l’identité de chaque personne qui possède la capacité (par le mandat de la fiducie ou un accord connexe) d’exercer un contrôle sur les décisions du fiduciaire concernant l’affectation du revenu ou des capitaux de la fiducie, par exemple, un protecteur. Ces exigences en matière de déclaration s’appliqueront aux déclarations qui doivent être produites pour 2021 et les années d’imposition suivantes.

C. Règles sur les fractions à risques pour les paliers de sociétés de personnes

La LIR prévoit l’attribution des pertes d’une société de personnes provenant de diverses sources aux membres de celle-ci. Toutefois, le contribuable qui est un commanditaire d’une société de personnes a le droit de déduire la perte de la société de personnes seulement jusqu’à concurrence de sa fraction à risques à la fin de la période fiscale de la société de personnes qui prend fin au cours de l’année en question. De façon générale, la fraction à risques d’un contribuable correspond au prix de base rajusté de sa participation à titre de commanditaire, rajusté pour tenir compte de la quote-part du revenu, des pertes et des distributions revenant au contribuable pour l’année en cours. En règle générale, les pertes qui excèdent la fraction à risques du contribuable sont réputées être des « pertes de société en commandite » pour le contribuable et peuvent faire l’objet de déductions au cours d’années ultérieures, dans la mesure où elles n’excèdent plus la fraction à risques du contribuable (notamment parce que la société de personnes a généré des revenus ou parce que le contribuable a fait un apport additionnel au capital de la société de personnes). La façon dont les règles sur les fractions à risques s’appliquent dans le cas où une société de personnes est elle-même un commanditaire d’une autre société de personnes demeure incertaine.

La position de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a traditionnellement été que les pertes d’une société de personnes d’un palier inférieur qui excèdent la fraction à risques d’une société de personnes d’un palier supérieur à l’égard de la société de personnes du palier inférieur ne peuvent pas être reportées prospectivement à titre de pertes d’une société en commandite et être appliquées en déduction du bénéfice des années subséquentes puisque les règles permettant à de telles pertes d’être reportées prospectivement ne s’appliquent pas aux commanditaires qui sont eux-mêmes des sociétés de personnes. Dans une affaire récente (Canada c. Green), la Cour d’appel fédérale a écarté la position de l’ARC et a plutôt choisi de regarder au-delà des différents paliers de sociétés de personnes et de permettre la déduction de pertes par les commanditaires de la société en commandite du palier supérieur. En plus de redresser une iniquité, la décision semblait également permettre la déduction des pertes de sociétés de personnes dans certaines situations d’une manière qui était incompatible avec l’objectif des règles sur les fractions à risques, de sorte que l’on pouvait s’attendre à des modifications législatives.

Malheureusement, le ministère des Finances a adopté une approche qui semble beaucoup plus musclée que nécessaire afin de protéger l’intégrité des règles sur les fractions à risques. Plutôt que de permettre à une société de personnes d’un palier supérieur de tenir un compte d’attente afin que des pertes puissent être utilisées au cours de périodes futures si la fraction à risques augmente, comme c’est le cas pour les autres commanditaires, le budget de 2018 vient tout simplement interdire toute déduction de pertes excédentaires. Les pertes qui ne pourront être déduites ne viendront pas réduire le coût fiscal de la participation de commanditaire que détient une société de personnes d’un palier supérieur dans une société de personnes d’un palier inférieur, ce qui signifie que, dans bon nombre de cas, les pertes se traduiront, dans les faits, par une perte en capital accrue ou un gain en capital moindre au moment de la disposition de la participation en question. Cette position est compatible avec celle retenue par l’ARC avant la décision rendue dans l’affaire Green. Les motifs de l’adoption de cette approche plus restrictive ne sont pas précisés dans le budget de 2018.

D. Dépouillement de surplus transfrontalier au moyen de sociétés de personnes et de fiducies

Le budget de 2018 prévoit de nouvelles règles visant à empêcher le contournement des dispositions actuelles en matière de dépouillement de surplus transfrontalier des entreprises prévues à l’article 212.1 de la LIR au moyen d’opérations mettant en jeu des sociétés de personnes et des fiducies. Aux termes des règles actuelles, un actionnaire non-résident d’une société résidant au Canada ne peut extraire en franchise d’impôt le surplus de la société au-delà du capital versé de ses actions, ni faire augmenter artificiellement le capital versé de ses actions en transférant les actions à une autre société résidant au Canada avec laquelle l’actionnaire non-résident a un lien de dépendance. Lorsque cette règle s’applique, il peut en résulter un dividende réputé pour l’actionnaire non-résident ou la suppression du capital versé qui aurait été créé par ailleurs en raison de l’opération. Dans le budget de 2018, on élargit la portée de ces dispositions en ajoutant des règles de transparence qui s’appliqueront au non-résident qui dispose d’une participation dans une société de personnes ou une fiducie qui détient des actions d’une société canadienne, afin d’empêcher que cette règle soit évitée au moyen de réorganisations internes qui comportent le transfert d’actions à une entité intermédiaire telle qu’une société de personnes ou une fiducie ou par une telle entité. Les modifications proposées attribueront l’actif, le passif et les opérations d’une société de personnes ou d’une fiducie à ses membres ou bénéficiaires en fonction de la juste valeur marchande relative de leur participation respective. Cette mesure s’appliquera aux opérations qui ont été effectuées le 28 février 2018 (soit le jour du dépôt du budget) ou après cette date.

E. Régime applicable aux sociétés étrangères affiliées

Période de nouvelle cotisation prolongée

L’ARC a généralement le droit d’assujettir un contribuable à une nouvelle cotisation dans un délai de trois ou quatre ans à compter de la cotisation initiale établie à l’égard de sa déclaration de revenus. Toutefois, dans certains cas, l’ARC dispose d’un délai supplémentaire de trois ans pour établir une nouvelle cotisation. Le budget de 2018 a prolongé la période de nouvelle cotisation à l’égard des contribuables pour les années d’imposition qui commencent le jour du budget ou après celui-ci concernant le revenu tiré de leurs sociétés étrangères affiliées, au motif que les vérifications effectuées à l’égard de ces sociétés étrangères affiliées prennent souvent beaucoup de temps en raison de leur complexité et de la difficulté pour l’ARC d’obtenir des renseignements se trouvant à l’étranger.

Exigences en matière de déclaration de renseignements

Les contribuables canadiens sont actuellement tenus de produire des déclarations de renseignements (c’est-à-dire, un formulaire T1134) relativement à leurs sociétés étrangères affiliées dans les 15 mois de la fin de leur année d’imposition. Ce délai prolongé pour la production de ces déclarations a été accordé en raison du temps et des ressources considérables que les contribuables doivent consacrer afin de respecter les règles relatives aux sociétés étrangères affiliées. La législation de mise en œuvre du budget de 2018 a raccourci le délai pour la production de ces déclarations à 12 mois pour les périodes commençant en 2020 et à 10 mois pour les périodes commençant par la suite.

Mesures anti-évitement

La législation de mise en œuvre du budget de 2018 prévoit certaines mesures anti-évitement au régime canadien sur les sociétés étrangères affiliées qui s’appliqueront aux années d’imposition d’une société étrangère affiliée qui commencent le jour du budget ou après celui-ci, dont les mesures suivantes :

  • Une règle selon laquelle il est réputé y avoir une entreprise distincte à l’égard d’activités particulières exercées par une société étrangère affiliée lorsque le revenu attribuable à ces activités s’accumule au bénéfice d’un contribuable en particulier en vertu d’un arrangement de référence. Par conséquent, la société étrangère affiliée devra satisfaire à chacune des conditions énoncées dans la définition d’entreprise de placement, y compris le critère des six employés, afin que son revenu tiré de cette entreprise soit exclu du revenu étranger accumulé tiré de biens (le « REATB »).
  • Une règle semblable selon laquelle une société étrangère affiliée d’un contribuable est réputée être une société étrangère affiliée contrôlée du contribuable si le REATB attribuable aux activités de la société étrangère affiliée s’accumule au bénéfice du contribuable en vertu d’un arrangement de référence. Cette mesure vient dans les faits remplacer les règles techniques d’attribution du REATB par les règles d’attribution plus subjectives relatives aux biens d’un fonds de placement non résident qui pourraient s’appliquer par ailleurs.
  • Une règle qui impose une exigence minimale en matière de capital dans le cadre des règles visant le commerce des dettes qui est semblable à celle qu’un contribuable doit satisfaire pour être admissible à l’exception visant les institutions financières étrangères réglementées prévue dans la définition d’entreprise de placement.

F. Cannabis et le cadre du droit d’accise

Le budget de 2018 a mis en place un nouveau cadre fédéral du droit d’accise visant les produits du cannabis. Le droit d’accise s’applique généralement à tous les produits vendus légalement. Des exceptions s’appliquent toutefois à l’égard de certains produits emballés qui contiennent des concentrations d’au plus 0,3 % de tétrahydrocannabinol (le « THC ») et de certains produits du cannabis vendus sous ordonnance.

Les producteurs de cannabis (cultivateurs, producteurs et emballeurs) doivent obtenir une licence de cannabis auprès de l’Agence du revenu du Canada et verser le droit d’accise payable. Le montant du droit d’accise correspond soit à un droit uniforme établi selon la quantité et le type de produit du cannabis se retrouvant dans le produit final soit à un pourcentage de la somme passible de droits (qui correspond généralement au prix de vente du produit avant le montant du droit d’accise), selon le plus élevé de ces montants. Même si le droit uniforme est exigé au moment où le produit est emballé en vue de sa vente au détail finale et si le taux en pourcentage est exigé au moment où le producteur livre le produit emballé à l’acheteur (par exemple, un distributeur autorisé par la province), seul le montant le plus élevé des deux est payable par le producteur au moment de la livraison. Tous les produits du cannabis emballés qui quittent les locaux d’un titulaire de licence dans le but d’entrer sur le marché canadien de la vente au détail devront porter un timbre d’accise pour démontrer aux consommateurs, aux détaillants et aux autres personnes intéressées que le droit relatif au cannabis applicable a été payé.

Aux termes d’une entente sur un cadre de coordination de la taxation du cannabis conclue entre le gouvernement fédéral et la plupart des provinces et territoires, le taux fédéral du droit d’accise et un taux additionnel s’appliqueront dans les provinces et territoires participants.

Réaction du Canada à la réforme fiscale américaine

Dans son Énoncé économique de l’automne publié le 20 novembre 2018 (la « mise à jour de l’automne »), le ministère des Finances a annoncé une série de mesures fiscales visant à stimuler l’investissement au Canada. De façon générale, ces mesures ont été perçues comme la réaction du Canada à l’étonnamment vaste et complexe réforme fiscale des États-Unis qui s’est traduite par l’adoption de la loi intitulée Tax Cuts and Jobs Act, qui a notamment considérablement réduit le taux d’imposition du revenu fédéral américain des sociétés et des particuliers qui exercent des activités au moyen d’entités intermédiaires et mis en place des mesures permettant aux entreprises d’amortir certaines immobilisations beaucoup plus rapidement qu’auparavant.

Les mesures annoncées ne modifient pas de façon importante les taux d’imposition du revenu des sociétés et des particuliers du Canada. La réaction du Canada à la réforme fiscale américaine mise plutôt sur l’adoption de mesures permettant d’accélérer la déduction de diverses dépenses d’immobilisations amortissables. Ces nouvelles mesures sont entrées en vigueur le 20 novembre 2018 et continueront de produire leurs effets jusqu’à la fin de 2023, moment auquel elles seront progressivement réduites jusqu’à leur élimination totale à la fin de 2027.

A. Incitatif à l'investissement accéléré

Aux termes de la LIR, un contribuable a généralement droit à une déduction pour amortissement (la « DPA ») à l’égard d’un bien amortissable qui est assujetti aux règles de la DPA (appelé un « bien admissible »). Le taux de la DPA accordée dépend de la catégorie de biens et est assujetti à l’exception selon laquelle un contribuable ne peut déduire que la moitié du montant qui est normalement déductible au cours de l’année de l’acquisition (la « règle de la demi-année »).

L’incitatif à l'investissement accéléré viendra de fait suspendre l’application de la règle de la demi-année à l’égard des biens admissibles. La déduction sera alors généralement calculée en appliquant le taux de DPA prévu pour une catégorie à une fois et demie l'ajout net à la catégorie pour l'année. Par conséquent, un bien qui est actuellement assujetti à la règle de la demi-année sera essentiellement admissible à une DPA bonifiée correspondant à trois fois la déduction normale pour la première année, et le bien qui n'y est pas assujetti sera admissible à une DPA bonifiée correspondant à une fois et demie la déduction normale pour la première année.

Par exemple, avant l'instauration de l'incitatif à l'investissement accéléré, un bien de la catégorie 8, qui a un taux prescrit de 20 %, aurait été admissible à une DPA de 10 % du coût du bien dans l'année où il est devenu prêt à être mis en service, en raison de la règle de la demi-année. En vertu de l'incitatif à l'investissement accéléré, le contribuable aura droit à une DPA de 30 % du coût du bien — soit une fois et demie la DPA calculée au moyen du taux prescrit de 20 % ou trois fois la DPA de 10 % qu'il aurait pu demander par ailleurs la première année.

B. Passation en charges des investissements en machinerie et équipement et en équipement d’énergie propre

Avant la mise à jour de l’automne, la machinerie et l’équipement bénéficiaient généralement d’un taux de DPA accéléré temporaire de 50 % calculé selon le principe de l'amortissement dégressif en vertu de la catégorie 53, s'ils étaient acquis par un contribuable après 2015 et avant 2026 pour être utilisés au Canada, principalement pour la fabrication ou la transformation de marchandises à vendre ou à louer. De même, l'équipement d'énergie propre déterminé acquis par un contribuable après le 21 février 1994 était admissible à un taux de DPA accéléré de 30 % calculé selon le principe de l'amortissement dégressif en vertu de la catégorie 43.1. Si l'équipement était acquis après le 22 février 2005 et avant 2025, la majorité de l'équipement qui aurait autrement été admissible à la catégorie 43.1 pouvait être amortie à un taux de DPA accéléré de 50 % en vertu de la catégorie 43.2.

Au moment de la mise à jour de l’automne, le ministère des Finances a proposé d’offrir une déduction bonifiée la première année pour ces biens s'ils sont acquis après le 20 novembre 2018 et deviennent prêts à être mis en service avant 2028. La déduction bonifiée fournira au départ un amortissement de 100 %, avec une élimination progressive à l'égard des biens qui deviennent prêts à être mis en service après 2023. La règle de la demi-année sera, de fait, suspendue pour les biens admissibles à cette mesure.

Faits récents concernant la Convention multilatérale (la « CM »)

Comme nous l’avons mentionné précédemment, le Canada a signé la Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (la « CM ») en 2017. La CM n’est pas une convention fiscale distincte; elle vise plutôt la mise en œuvre de certaines mesures relatives aux conventions fiscales dont il est question dans l’initiative visant à contrer l’érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (le « BEPS ») de l’OCDE, sans qu’il soit nécessaire d’entreprendre des négociations bilatérales à l’égard de chaque convention fiscale. Soixante-quinze conventions fiscales dont le Canada est signataire, appelées les conventions fiscales couvertes (la « CFC »), sont visées par la CM et seront donc modifiées conformément à celle-ci une fois que le Canada et le partenaire aux termes de la CFC auront ratifié la CM conformément à leurs lois nationales respectives.

Le processus de ratification du Canada a été enclenché le 28 mai 2018, au moment du dépôt de la CM devant la Chambre des communes à titre de projet de loi C-82 au moyen d’un avis de motion de voies et moyens. Le projet de loi C-82 a, par la suite, été approuvé en deuxième lecture, le 10 octobre 2018, et renvoyé au Comité permanent des finances.

Une fois approuvé par le Parlement, l’instrument de ratification doit être déposé auprès du secrétaire général de l’OCDE par le Canada. Suivant l’expiration d’un délai de trois mois civils commençant à la date à laquelle l’instrument de ratification a été déposé, il entrera en vigueur.

Une fois en vigueur, la CM produira des effets à l’égard des CFC du Canada pour lesquelles les instruments de ratification, les acceptations ou les approbations ont été déposés par les partenaires aux termes des CFC concernés comme suit :

  • à compter du premier jour de la prochaine année civile aux fins de toute retenue d’impôt; et
  • pour les exercices commençant à compter de l’expiration d’une période de six mois commençant à la dernière des dates à laquelle la CM entre en vigueur pour chaque partenaire aux termes des CFC à toutes les autres fins fiscales.

En raison du retard qu’accuse la ratification du projet de loi C-82, la CM n’entrera vraisemblablement pas en vigueur avant 2020 (voire 2021).

Une fois la CM signée, le Canada a indiqué qu’il comptait adopter les normes minimales établies par l’OCDE visant à prévenir l'utilisation abusive des conventions fiscales et à améliorer le règlement des différends, et les dispositions concernant l’arbitrage obligatoire et contraignant. Initialement, le Canada a formulé des réserves qui rendaient les dispositions facultatives de la CM inapplicables à l’égard de ses CFC. Toutefois, le 28 mai 2018, le Canada a annoncé son intention de lever certaines réserves et d’adopter quatre dispositions facultatives de la CM :

  • une période de détention de 365 jours qui fait en sorte que les taux d’imposition inférieurs prévus dans les conventions fiscales s’appliquent à l’égard des dividendes uniquement si les sociétés détiennent les actions pendant plus de 365 jours (article 8);
  • une période d’examen rétrospective de 365 jours aux fins de déterminer si les gains en capital réalisés au moment de la vente d’actions (ou de droits similaires au sein d’une entité) qui ne tirent pas un certain pourcentage de leur valeur de biens réels ou immobiliers sont exonérés d’impôt (article 9);
  • une disposition visant à régler le cas des entités qui ont une double résidence (article 4); et
  • une disposition visant à permettre à des cosignataires d’une convention fiscale de passer d’un système d’exonération d’impôt à un système de crédit pour impôt étranger à titre de méthode pour éliminer la double imposition (article 5).

En ce qui concerne les normes minimales établies par l’OCDE, le Canada enchâssera le critère de l’objet principal (le « COP ») dans chaque convention fiscale qui constitue une CFC. Le COP est une règle générale visant à prévenir l’utilisation abusive des conventions qui consiste à se demander si l’objet principal d’un arrangement ou d’une opération est de tirer un avantage d’une convention d’une manière qui n’est pas conforme à l’objet et au but des dispositions pertinentes de la convention. Le gouvernement fédéral a annoncé son intention de négocier bilatéralement des dispositions détaillées de « limitation des avantages » dans ses conventions fiscales qui s’ajoutent au COP ou qui le remplacent, au besoin. Les commentaires de l’OCDE concernant le COP ne sont pas particulièrement éclairants et, à l’heure actuelle, la portée et les incidences de celui-ci suscitent un grand intérêt et de l’incertitude dans le domaine de la planification fiscale internationale.

Une fois la CM ratifiée par le Canada, il ne sera plus possible pour celui-ci de formuler d’autres réserves limitant l’application de la CM à ses CFC. Toutefois, il pourra lever certaines réserves afin de rendre applicables des dispositions de la CM qui ne l’étaient pas auparavant. Ainsi, même après la ratification, des dispositions additionnelles de la CM pourraient entrer en vigueur et avoir une incidence sur des CFC.

Commerce en ligne et taxes de vente

Au cours de 2018, des changements importants sont survenus en matière de taxation des entreprises et des opérations de commerce en ligne. Cette tendance devrait se poursuivre en 2019 et pourrait entraîner des frais importants pour les entreprises de commerce en ligne canadiennes qui devront veiller à se conformer à la législation en matière de taxes de vente applicables, tant au Canada qu’à l’étranger.

Par exemple, dans le budget provincial pour 2018-2019 annoncé le 27 mars 2018, le Québec a annoncé la mise en œuvre d’un régime de taxes de vente visant les entreprises de commerce en ligne, lequel régime est entré en vigueur le 1er janvier 2019. En conséquence, les entreprises de commerce en ligne non résidentes qui font affaire avec des consommateurs du Québec pourraient maintenant être tenues de s’inscrire aux fins de la TVQ et de respecter les obligations de perception, de remise et de déclaration connexes.

Quelques mois suivant l’annonce des règles du Québec, la Cour suprême des États-Unis a rendu une décision historique dans l’affaire South Dakota v Wayfair Inc., dans laquelle elle a conclu que les entreprises de commerce en ligne pourraient être tenues de percevoir et de remettre les taxes de vente du Dakota du Sud à l’égard de ventes effectuées auprès de consommateurs de cet État, même si le commerçant en question n’y avait aucun bureau, entrepôt ou employé.

Évolution jurisprudentielle en 2018

La RGAÉ appliquée en cas de report permanent de l’impôt

Dans l’affaire Canada c. Oxford Properties Group Inc., le contribuable a effectué une série complexe d’opérations de restructuration qui avaient pour objet le roulement de biens immobiliers aux termes du paragraphe 97(2) au moyen d’une structure reposant sur différents paliers de sociétés de personnes, la majoration du prix de base rajusté des participations dans les sociétés du premier et du second paliers (par l’application des paragraphes 88(1) et 98(3)) et la vente subséquente de ces participations à des entités exonérées d’impôt, sans perception d’impôt sur les sommes récupérées et les gains accumulés sur les biens détenus par les sociétés de personnes. Le ministère a émis une nouvelle cotisation aux termes de la règle générale anti-évitement (la « RGAÉ ») au motif que les roulements et les majorations avaient servi à augmenter le PBR des participations dans les sociétés de personnes d’une manière qui permettait au contribuable d’éviter la perception d’impôt sur les sommes récupérées aux termes du paragraphe 100(1).

La Cour d’appel fédérale a infirmé la décision de la Cour de l’impôt et conclu que les opérations utilisaient de façon abusive les paragraphes 100(1), 98(3), 97(2) et 88(1)(d). Selon le juge en chef Noël, l’abus résulte du fait que l’impôt sur la récupération latente à l’égard des actifs immobiliers détenus par les sociétés de personnes de second palier resterait éternellement impayé parce que les participations majorées dans les sociétés de personnes ont été vendues à des entités exonérées. Il a donc conclu que le résultat global obtenu avait pour effet de contrecarrer l’esprit du paragraphe 100(1) en raison de l’élimination du gain en capital qui aurait normalement résulté de la vente des participations dans les sociétés de personnes. En effet, le coût aux fins de l’impôt des participations dans les sociétés de personnes a été majoré pour qu’il corresponde approximativement à leur juste valeur marchande, ce qui a éliminé tout gain auquel le paragraphe 100(1) aurait pu s’appliquer et reporté de façon permanente les gains accumulés et la récupération latente.

La Cour a, en outre, souligné que la modification d’une disposition de la loi n’a pas nécessairement d’incidence sur la détermination de l’objet et de l’esprit de la loi dans sa forme antérieure. L’effet pratique d’une modification peut être simple : il ne sera plus nécessaire d’invoquer la RGAÉ pour empêcher que ne soit conféré un avantage fiscal. L’autorisation d’en appeler devant la Cour suprême a été refusée.

La RGAÉ ne s’applique pas aux surplus qui ne sont pas distribués

Dans l’affaire 1245989 Alberta Ltd. c. La Reine, le contribuable a mis en œuvre une restructuration de société aux termes de laquelle il a procédé au roulement de ses actions d’une petite entreprise en faveur d’une nouvelle société de portefeuille en échange d’actions privilégiées. Il a fait le choix prévu à l’article 85 afin d’appliquer son exonération des gains en capital et a transféré des actifs ayant un PBR élevé à la société de portefeuille, ce qui a entraîné une augmentation importante du CV et du PBR de ses actions privilégiées en raison de l’application du mécanisme de « moyennage » du CV prévu au paragraphe 89(1), sans aucun nouvel apport de capital. Le ministre a invoqué la RGAÉ. La question était de savoir si les opérations constituaient un recours abusif à l’article 84.1, qui a pour objet d’empêcher toute augmentation inappropriée du CV et la distribution libre d’impôt des bénéfices ou des surplus non distribués d’une société.

Infirmant la décision de la Cour de l’impôt, la Cour d’appel fédérale a conclu que, bien que la restructuration de société eût changé les caractéristiques fiscales des actions privilégiées et donné ouverture à une possible distribution libre d’impôt des surplus de la société de portefeuille, une telle distribution n’avait pas encore eu lieu. L’absence de toute distribution a été déterminante. La Cour en est donc venue à la conclusion que, puisque la distribution libre d’impôt que l’article 84.1 est censé empêcher n’avait pas été versée, cet article n’avait pas été utilisé de façon abusive. La Cour a souligné que la décision n’avait pas pour effet d’empêcher le ministre d’envoyer une nouvelle cotisation au contribuable si ce dernier versait à l’avenir les surplus de la société à titre de remboursement de capital libre d’impôt.

Opérations de couverture sous la loupe

Dans l’affaire The Queen v. MacDonald, la Cour d’appel fédérale a examiné le traitement fiscal d’une perte subie dans le contexte d’un contrat à terme réglé au comptant. L’affaire concernait un contribuable qui avait un important placement en actions de La Banque de Nouvelle-Écosse (la « BNE ») depuis 1988. Ce contribuable n’avait aucune intention de vendre ses actions. Cependant, en 1998 (prévoyant une baisse de leur cours), il a conclu, à l’égard d’actions de la BNE, un contrat à terme réglé au comptant. Comme le cours des actions de la BNE s’est apprécié et que le contribuable a réglé le contrat au fil du temps, ce dernier a subi une perte. La question était de savoir si la perte subie était une perte en capital ou non.

La juge de première instance a tiré la conclusion de fait suivante, savoir que le contribuable avait conclu le contrat à terme à seule fin de spéculer et de tirer un profit d’une éventuelle baisse du cours de l’action. En conséquence, elle a jugé que le contribuable s’était lancé dans un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial, de sorte que sa perte n’était pas une perte en capital. Elle a rejeté la position de la Couronne voulant que le contrat à terme constituait une opération de couverture pour les motifs suivants : i) le contribuable n’avait pas l’intention de couvrir ses actions et ii) le contrat à terme n’était pas lié à la détention à long terme des actions de la BNE par le contribuable.

La Cour d’appel fédérale a infirmé la décision de la juge de première instance au motif que le contrat à terme couvrait les actions sous-jacentes de la BNE détenues par le contribuable. La Cour a conclu qu’une opération de couverture a pour effet de neutraliser ou d’atténuer le risque associé aux fluctuations du marché à l’égard d’un actif ou d’un passif sous-jacent (c’est-à-dire, de protéger la situation financière d’une personne à l’égard d’un risque précis au fil du temps) et qu’il peut y avoir couverture sans qu’il y ait eu une intention d’en établir une. Selon le raisonnement de la Cour, une personne ne peut ni réaliser un gain ni subir une perte en concluant un instrument de couverture alors qu’il détient des actifs dont la valeur est protégée par l’instrument en question. Puisque le contribuable détenait plus d’actions de la BNE que celles qui étaient couvertes par le contrat à terme, la Cour a jugé que le contrat couvrait ces actions et, en conséquence, que les pertes étaient des pertes en capital. Le contribuable a demandé à la Cour suprême du Canada la permission d’en appeler.

Définition d’« entreprise de placement » aux fins du REATB

Dans l’affaire Loblaw Financial Holdings Inc. v. The Queen, la Cour canadienne de l’impôt s’est penchée sur la question de savoir si les bénéfices d’une banque de la Barbade qui est une filiale d’une société canadienne constituaient un revenu étranger accumulé, tiré de biens (le « REATB ») pour le contribuable canadien (c’est-à-dire, un revenu qui est actuellement imposable au Canada). La Barbados Bank était une société étrangère affiliée contrôlée (la « SÉAC ») du contribuable canadien et exerçait des « activités bancaires internationales » aux termes d’une licence délivrée par la banque centrale de la Barbade. Le ministre a considéré que la SÉAC exerçait des activités de placement et a par conséquent établi une nouvelle cotisation pour le contribuable à l’égard de REATB totalisant environ 473 millions pour les années d’imposition de 2001 à 2010. Il s’agissait de savoir si la SÉAC pouvait se prévaloir de l’exonération accordée aux institutions financières réglementées à l’égard du REATB. La Cour de l’impôt a conclu que toutes les exigences liées à la dispense concernant le REATB étaient satisfaites, sauf une — la SÉAC faisait affaire principalement avec sa société mère et non avec des personnes sans lien de dépendance. Selon la Cour, le fait de ne pas satisfaire l’exigence en question est incompatible avec la logique derrière l’exonération qui vise à permettre aux Canadiens d’être plus compétitifs à l’échelle internationale. L’affaire fait actuellement l’objet d’un appel devant la Cour d’appel fédérale.

Le chalandage fiscal n’est pas en soi abusif

Dans l’affaire Alta Energy Luxembourg S.a.r.l. v. The Queen, la Cour canadienne de l’impôt a conclu que la RGAÉ ne pouvait être appliquée d’une façon qui prive des avantages conférés par la Convention fiscale Canada-Luxembourg (la « Convention »).

L’appelante, une société luxembourgeoise, détenait des actions d’une société active (Alta Canada) titulaire de licences pour l’exploration, le forage et l’extraction d’huile de schiste dans des régions du nord de l’Alberta. Une fois les réserves d’huile prouvées, la valeur des licences (et la valeur des actions d’Alta Canada) a augmenté d’environ 380 millions de dollars. Les actions d’Alta Canada constituaient à la fois des biens canadiens imposables et des biens protégés par convention. Avant la vente des actions d’Alta Canada à un acquéreur sans lien de dépendance, les actions ont été transférées à l’appelante.

La Cour de l’impôt a conclu que le gain en capital de 380 millions de dollars n’était pas imposable au Canada puisque l’appelante était visée par l’exception prévue à l’article 13(4) de la Convention. Cet article empêche le Canada de prélever de l’impôt sur les gains tirés de biens immobiliers « dans lesquels la société a exercé son activité. » La Cour a rejeté la position du ministre voulant que, pour être autorisé à se prévaloir de l’exception, le contribuable devait exercer son activité sur les lieux du bien immobilier au Canada (par exemple, un hôtel ou une usine). L’interprétation donnée par le ministre ne pouvait s’appliquer à des licences visant l’exploitation de ressources naturelles puisque de tels droits ne représentent pas de lieux physiques et ne peuvent donc pas être occupés. Selon la Cour, la position du ministre trahissait « une méconnaissance de la façon dont les actifs en ressources naturelles sont mis en valeur et exploités au Canada. »

De plus, en ce qui concerne la RGAÉ, la Cour a conclu que rien dans la Convention ne suggère qu’une société de portefeuille à vocation unique du Luxembourg ne peut se prévaloir des avantages conférés par la Convention, même si les personnes qui en sont propriétaires ne sont pas des résidents du Luxembourg. En outre, l’article pertinent de la Convention ne prévoit aucune règle visant à empêcher le chalandage fiscal, de sorte que devenir un résident du Luxembourg à seule fin de se prévaloir de l’article 13(4) de la Convention ne pouvait être assimilé à de l’abus à l’égard de la politique sous-jacente. Finalement, les doléances du ministre concernant la « double absence d’imposition » ont été écartées puisque la RGAÉ ne s’applique pas en matière d’évitement de l’impôt étranger. Le ministre a porté la décision en appel devant la Cour d’appel fédérale.

Prix de transfert et opérations fictives

Dans l’affaire Cameco v. The Queen, la Cour canadienne de l’impôt a examiné la question de savoir si le contribuable avait eu recours à des opérations fictives en vue de violer les règles sur les prix de transfert. Le contribuable était un très important producteur et fournisseur d’uranium, marchandise rare achetée et vendue sur un marché non réglementé aux termes de contrats bilatéraux, mais qui n’était pas inscrite à la cote d’une bourse de marchandises. Avant une augmentation importante du prix, le contribuable avait conclu des contrats à long terme avec sa filiale européenne pour l’achat et la vente d’uranium à des prix fixes. Après l’augmentation des prix sur le marché, la filiale a réalisé des profits considérables. Le ministre a allégué que le contrat à prix fixe était une opération fictive et a transmis une nouvelle cotisation au contribuable concernant des rajustements de prix de transfert aux termes de l’article 247 de la LIR totalisant environ 483 millions de dollars pour les années d’imposition de 2003 à 2006.

La Cour a conclu que le contribuable n’avait pas, dans les faits, décrit les arrangements juridiques d’une manière qui s’écartait de la réalité et que l’élément de tromperie requis pour conclure à des opérations fictives était absent. En outre, la Cour a jugé que les opérations examinées étaient sensées d’un point de vue commercial et s’est rangée à la preuve présentée par les experts voulant que la vente d’uranium par le contribuable avait été réalisée à des prix qui correspondaient à la fourchette des prix pratiqués dans le cadre d’opérations sans lien de dépendance. Le ministre a porté la décision en appel devant la Cour d’appel fédérale.

Confirmation de l’existence du privilège d’intérêt commun consultatif

Dans l’affaire IGGillis Holdings Inc. v. Minister of National Revenue, la question était de savoir si le secret professionnel de l’avocat est levé lorsqu’un avis juridique est communiqué à un contribuable par une autre partie ayant un intérêt commun au sien à l’égard des mêmes opérations. En règle générale, le privilège s’applique dans les cas suivants : (i) il y a communication entre l’avocat et le client, (ii) cette communication implique l’obtention ou la prestation d’un avis juridique et (iii) les parties souhaitent préserver la confidentialité de cette communication. Dans le contexte des opérations commerciales au Canada, le secret n’est pas levé quand des avis juridiques sont échangés entre des parties qui ont un intérêt commun à l’égard d’opérations commerciales; c’est ce que l’on appelle le privilège d’intérêt commun consultatif (le « PICC »).

Dans l’affaire IGGillis, un tiers a acquis certaines actions de sociétés auprès du contribuable. Le conseiller juridique du tiers a préparé une note de planification fiscale (avec l’aide du conseiller juridique du contribuable) qui a été transmise au contribuable. Le ministre a formulé une demande dans laquelle il exigeait que le contribuable lui remette la note. Le contribuable a refusé en invoquant que la note était protégée par le PICC.

La Cour d’appel fédérale a infirmé la décision de la Cour fédérale et a confirmé la règle voulant que le secret professionnel de l’avocat n’est pas levé ni ne fait l’objet d’une renonciation au moment où un avis juridique obtenu par un contribuable est communiqué, de manière confidentielle, à une autre partie ayant un intérêt commun suffisant dans les mêmes opérations. Même si les parties à une convention d’achat et de vente ont généralement des intérêts opposés, la CAF a souligné qu’une collaboration entre les avocats des parties concernant un avis sur l’application de la LIR à une série d’opérations devant être réalisées peut très bien être avantageuse pour celles-ci. La demande d’autorisation d’en appeler du ministre a été rejetée par la Cour suprême du Canada.

Perspectives concernant des changements en matière de fiscalité en 2019

Bien que le gouvernement fédéral libéral de Justin Trudeau ait joui d’une relative stabilité et d’une haute cote de popularité au cours des trois dernières années, ses initiatives en matière fiscale et, plus particulièrement, les propositions concernant les sociétés privées et le revenu passif ont été vertement critiquées. Au cours des prochains mois, le gouvernement devrait déposer son dernier budget avant les prochaines élections fédérales d’octobre 2019. En règle générale, les gouvernements réservent quelques « cadeaux » aux électeurs en ces occasions. Il est donc à souhaiter que des mesures favorables aux entreprises et à leurs propriétaires se glisseront dans le budget qui précédera les élections et que celles-ci viennent rehausser davantage la compétitivité fiscale du Canada à la lumière de la réforme fiscale américaine. Des voix se sont également fait entendre pour la tenue d’une commission de réforme fiscale, qui n’a que trop tardé selon plusieurs acteurs du domaine — la dernière refonte majeure des lois fiscales remontant à près de 50 ans. Il semble toutefois peu probable qu’une telle commission soit annoncée avant les élections.

Les changements de cap dans les politiques provinciales devraient également avoir une incidence sur l’élaboration des politiques économiques à l’échelle du pays. Des partis conservateurs ont été élus en Ontario et au Québec en 2018, mettant ainsi fin à près de 15 ans de règne libéral dans les deux plus grandes provinces du Canada. Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, et le premier ministre du Québec, François Legault, ont tous deux placé la croissance économique et la compétitivité au centre de leurs programmes, promettant de réduire la réglementation et les taux d’imposition. Une élection provinciale est également attendue en Alberta au printemps, alors que l’opposition conservatrice misant sur le libre marché caracole en tête des sondages devant le gouvernement du NPD actuellement en poste. Les entreprises canadiennes peuvent donc s’attendre à voir des changements plus favorables en matière de fiscalité et de réglementation au cours des années à venir.

Nous vous invitons à lire notre rapport Rétrospective et perspectives fiscales américaines.

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