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Un signal fort : L’AMF adopte une politique favorisant l’autodénonciation et la coopération

Le 20 mai 2025, l’Autorité des marchés financiers (l’AMF) – l’organisme chargé de la mise en application des lois québécoises dans le secteur financier – a adopté une Politique d’autodénonciation et de coopération qui vise à encourager les personnes ayant contrevenu à une loi administrée par l’AMF à s’autodénoncer et à coopérer pleinement avec l’AMF en échange de la possibilité de bénéficier d’un allégement des sanctions, voire, dans certains cas, d’une déjudiciarisation complète du dossier.

Cette initiative est la bienvenue. Bien que d’autres provinces aient mis en place des régimes comparables, l’AMF n’avait jusqu’à présent pas de ligne directrice claire en matière de divulgation volontaire. Si l’AMF a, dans certains cas, décidé de ne pas ouvrir d’enquête ou entreprendre de procédures à la suite d’autodénonciations accompagnées de mesures correctrices appropriées, les expériences variaient et l’absence d’encadrement décourageait une telle proactivité.

La politique reconnaît les avantages que l’autodénonciation et la coopération peuvent représenter pour l’intérêt public. Elle vise à permettre aux personnes concernées de faire des choix éclairés, d’évaluer les avantages et les risques, et de mieux prévoir les résultats possibles.

Conditions d’éligibilité : autodénonciation ou coopération active

La politique s’applique à toute personne, physique ou morale, ayant contrevenu à la Loi sur l’encadrement du secteur financier, à la Loi sur les valeurs mobilières ou à d’autres lois administrées par l’AMF et qui choisit, soit de déclarer volontairement le manquement commis, soit de coopérer pleinement avec l’AMF dans le cadre d’une enquête la concernant.

Pour bénéficier d’un allégement, la personne visée doit démontrer une coopération rapide, volontaire et de qualité. Elle doit notamment :

  • s’autodénoncer promptement et ouvertement à l’AMF, selon les circonstances applicables;
  • coopérer en toute transparence avec l’AMF à chacune des étapes du processus, notamment en participant aux rencontres sollicitées par l’AMF;
  • fournir une version complète, véridique et structurée des faits, ainsi que tous les documents pertinents;
  • permettre aux employés, aux dirigeants ou aux administrateurs de se rendre disponibles pour un interrogatoire, et fournir les rapports, les livres ou les analyses non protégés par un privilège;
  • mettre en œuvre rapidement les mesures correctrices nécessaires, notamment la cessation des manquements, la correction des écarts de conformité et la divulgation des défaillances quant aux contrôles internes; et
  • transmettre, le cas échéant, les informations ou les documents détenus par des tiers, y compris à l’étranger, ou fournir les moyens requis pour les localiser et les obtenir.

Formes d’allégement : un cadre discrétionnaire et modulable

L’AMF conserve en tout temps sa pleine discrétion quant aux modalités d’application de la politique et quant à la forme d’allégement de sanctions accordée. Cet allégement dépend de la nature du dossier et de la qualité de la coopération offerte.

Pour évaluer la possibilité d’un allégement, l’AMF considère notamment la nature, la durée et la gravité du manquement, les sommes en jeu, le nombre de parties lésées, ainsi que l’impact sur les marchés financiers. Le degré d’implication de la personne, le risque de récidive et les gestes de réparation — tels que le remboursement des sommes aux victimes ou la prise en charge des frais d’enquête — sont également pris en compte. Les antécédents de la personne, son statut professionnel et son niveau de reconnaissance des faits peuvent aussi influencer l’analyse.

L’AMF accorde une attention particulière au moment où débute la coopération, à la pertinence et à l’originalité des informations fournies, ainsi qu’au caractère volontaire de la démarche. Elle tient compte du contexte global : cessation des manquements, divulgation proactive aux autorités concernées et économies procédurales générées.

En ce qui a trait aux allégements proposés, les mesures envisagées dans la politique sont diverses. L’AMF peut, entre autres, plutôt que d’entreprendre des procédures, recourir à son processus de normalisation ou opter pour des mécanismes non judiciaires tels qu’une lettre d’engagement ou un avertissement. Elle peut aussi déposer une poursuite administrative plutôt que pénale, ou encore proposer une réduction de la pénalité demandée, restreindre la période visée par l’infraction ou limiter le nombre d’infractions sanctionnées. Elle peut aussi, dans des circonstances exceptionnelles, offrir l’immunité lorsque des tiers sont incriminés du fait de la coopération. D’autres exemples d’allégements sont prévus à la politique.

Limites et exclusions

L’AMF peut refuser de reconnaître la coopération, notamment lorsque le comportement de la personne compromet l’intégrité du processus. Ce sera par exemple le cas en présence d’entraves à une enquête en cours, de continuation des manquements après la divulgation, de non-respect des engagements pris envers l’AMF, ou encore de rétention d’informations importantes, de communication incomplète ou trompeuse, ou de destruction ou dissimulation de documents pertinents.

L’AMF se réserve également le droit de ne pas reconnaître la coopération si elle estime que la personne a mis en avant ses intérêts personnels ou commerciaux – ou ceux de ses dirigeants, administrateurs ou employés – au détriment de ses obligations envers les marchés, les investisseurs ou le public. Elle peut aussi exercer cette discrétion si la personne visée bénéficie déjà, ou a bénéficié dans un dossier parallèle ou antérieur, d’un allégement de sanctions accordé par l’AMF.

Conclusion : un cadre flexible, mais incertain

Comme toute initiative de cette nature, la politique comporte une part d’incertitude quant à sa mise en œuvre initiale qui découle du nombre élevé de critères à considérer, de leur caractère hautement contextuel et de la large discrétion que l’AMF s’est expressément réservée.

Cette incertitude s’atténuera avec le temps, à mesure que des décisions rendues ou publiées permettront de mieux cerner les éléments déterminants pris en compte par l’AMF. Il est par ailleurs important de souligner la volonté affirmée de l’AMF d’offrir aux participants du marché une prévisibilité accrue quant à l’application de la politique. Il s’agit, selon nous, d’une avancée significative, qui mérite d’être saluée tant pour sa portée que pour l’effort de transparence qu’elle traduit.

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