Bulletin

Nouveau tour de manège dans l’application des dispositions concernant l’indication de prix partiel au Canada : les prix promotionnels offerts par un parc d’attractions visés par une action en justice

Auteur : Charles Tingley

Quelques mois seulement après avoir obtenu l’imposition d’une sanction record de 38,9 millions de dollars canadiens dans le cadre de la première cause entièrement contestée au Canada portant sur une indication de prix partiel, le Bureau de la concurrence (le « Bureau ») a présenté une nouvelle demande relativement à une indication de prix partiel contre Canada’s Wonderland Company (en anglais seulement) (« Wonderland »), l’exploitant du plus grand parc d’attractions au Canada. Le Bureau soutient que Wonderland a recours à des courriels promotionnels, aux médias sociaux et à son application pour tromper les consommateurs en annonçant des prix inatteignables en raison des frais de traitement fixes supplémentaires que ces derniers doivent payer et qui ne sont pas adéquatement communiqués dans les indications de prix initiales. La dernière demande en date présentée par le Bureau s’appuie sur la décision Cineplex rendue récemment par le Tribunal de la concurrence. Comme il est mentionné dans un bulletin précédent de Davies, cette décision (qui fait l’objet d’un appel), la première dans laquelle ont été interprétées les dispositions concernant l’indication de prix partiel ajoutées à la Loi sur la concurrence (la « Loi ») en juin 2022, portait aussi sur un type de frais de traitement (ou « de réservation ») qui n’aurait pas été adéquatement communiqué aux consommateurs dans les indications de prix en ligne. 

Principales questions soulevées dans la demande du Bureau

Si elle est instruite, la demande présentée par le Bureau relativement aux indications de prix communiquées par Wonderland pourrait, notamment, obliger le tribunal à examiner plus attentivement que dans la décision Cineplex la mesure dans laquelle, selon les nouvelles dispositions de la Loi concernant les indications de prix partiel, les prix indiqués doivent être uniquement tout compris ou si les spécialistes du marketing ont une certaine marge de manœuvre pour présenter des renseignements désagrégés sur les prix et les frais sans que ces renseignements soient pour autant trompeurs.

Contrairement à l’affaire Cineplex, dans laquelle il était question d’un environnement d’achat en ligne qui comprenait des « rubans flottants », « des éléments visant à donner un sentiment d’urgence » et l’obligation pour l’utilisateur de faire dérouler la page jusqu’à la fin pour voir les frais de réservation en question, la récente demande du Bureau contre Wonderland contient de nombreux exemples d’indications de prix en ligne fixes plus conventionnelles où les frais supplémentaires soit sont affichés relativement près du prix indiqué, soit s’affichent dès que l’utilisateur clique sur un lien vers lequel il a été spécialement dirigé.

Par conséquent, les allégations contre Wonderland pourraient permettre de mettre à l’épreuve les limites dans lesquelles une « indication de prix » peut être considérée comme fausse ou trompeuse au regard des dispositions de la Loi concernant les indications de prix partiel, notamment dans quelles circonstances, le cas échéant, les mises en garde ou les qualificatifs pourraient être pris en compte pour déterminer si le prix initial n’est pas atteignable et si des indications isolées sont, en fait, importantes dans la décision d’achat des consommateurs lorsque les frais supplémentaires sont clairement indiqués avant l’achat. 

La plainte présentée par le Bureau contre Wonderland soulève également des questions sur l’application des dispositions concernant les indications de prix partiel aux frais facturés lorsque (comme ce peut être le cas pour les frais facturés par Wonderland) le montant final peut dépendre du nombre et/ou de la combinaison de produits que le consommateur choisit au cours du processus d’achat. Les dispositions concernant les indications de prix partiel ne s’appliquent que si le prix indiqué est inatteignable en raison de frais obligatoires « fixes ». Dans sa demande contre Wonderland, le Bureau affirme que les frais sont fixes parce qu’ils sont [TRADUCTION] « prédéterminés et préétablis » selon [TRADUCTION] « un ensemble de règles définies et prévisibles », même si le montant définitif des frais peut dépendre des produits choisis par le consommateur. Cette interprétation repousse également les limites de l’application des dispositions concernant les indications de prix partiel. En effet, selon les lignes directrices du Bureau en matière d’application de la loi publiées à ce jour, les dispositions concernant les indications de prix partiel ne portent pas sur les frais variables (c’est-à-dire lorsque le montant « varie selon certains facteurs »). Le Bureau affirme plutôt que ces frais sont visés par l’interdiction générale de la Loi concernant les indications trompeuses, qui commande une évaluation contextuelle plus large de l’impression générale que donne l’indication. Si la position du Bureau dans sa demande contre Wonderland permet de mettre à l’épreuve les limites de ce qui constitue des frais fixes entraînant l’application des dispositions concernant les indications de prix partiel, elle peut également poser problème pour les annonceurs qui souhaitent informer les consommateurs dès le départ que des frais s’appliquent tout en garantissant un processus d’achat sans difficulté.       

Dans sa demande contre Wonderland, le Bureau de la concurrence cherche à obtenir diverses mesures correctives, notamment des sanctions administratives pécuniaires et une ordonnance enjoignant à Wonderland de verser aux consommateurs lésés un montant [TRADUCTION] « ne dépassant pas les montants versés à Wonderland pour les produits visés par le comportement susceptible d’examen ». Dans l’affaire Cineplex, le Bureau demandait – et le Tribunal a imposé – une sanction pécuniaire correspondant au montant total des frais de réservation en question. Il reste à voir si le Bureau adoptera une approche différente dans le cadre des prochains dossiers, notamment en ce qui concerne Wonderland.            

Ce qu’il faut savoir

  • Les modifications apportées récemment augmentent la pression sur les spécialistes en marketing. Les modifications apportées à la Loi ont les conséquences suivantes :
    •  L’indication d’un prix qui n’est pas atteignable en raison de frais obligatoires fixes qui s’y ajoutent peut constituer une indication fausse ou trompeuse, à moins que les frais fixes soient imposés sous le régime d’une loi fédérale ou provinciale (par exemple, la taxe de vente).
    • La sanction pécuniaire maximale prévue par les dispositions civiles de la Loi concernant la publicité trompeuse a été augmentée récemment. Elle correspond désormais au plus élevé des deux montants suivants : 10 millions de dollars canadiens ou trois fois la valeur du bénéfice tiré du comportement (ou, si ce montant ne peut pas être déterminé raisonnablement, 3 % des recettes globales brutes annuelles du défendeur).
    • À compter de la fin juin 2025, les parties privées pourront demander au tribunal une autorisation en vue de présenter une demande relativement à de possibles contraventions aux dispositions civiles de la Loi concernant la publicité trompeuse, si l’intérêt du public le justifie. Dans sa décision, le tribunal pourra ordonner au défendeur de verser une forme de dédommagement aux acheteurs du produit visé par le comportement trompeur. Les parties privées peuvent déjà intenter une poursuite en dommages intérêts relativement à un comportement qui contrevient aux dispositions pénales de la Loi concernant la publicité trompeuse.  
  • Les indications de prix partiel demeurent une priorité du Bureau en matière d’application de la loi. L’action en justice intentée par le Bureau relativement aux indications de prix de Wonderland s’inscrit dans le cadre des efforts de longue date du Bureau en vue de faire respecter les règles sur les indications de prix partiel, ce qui a mené à un certain nombre d’ententes négociées obtenues par voie de consentement ainsi qu’à la décision historique Cineplex. Dans le communiqué du Bureau annonçant le litige contre Wonderland, le commissaire a affirmé ce qui suit : « Depuis des années, nous exhortons les entreprises [… ] à afficher d’emblée le prix total de leurs produits. Je rappelle à toutes les entreprises qu’elles doivent revoir leurs indications de prix pour s’assurer qu’elles n’induisent pas les consommateurs en erreur. » Il convient de noter que, dans sa demande, le Bureau fait valoir que le fait que Wonderland continue de s’adonner à ces pratiques commerciales malgré la position publique du Bureau et le bilan de ce dernier en matière d’application de la loi concernant les indications de prix partiel est un facteur aggravant qui doit être pris en considération dans l’évaluation du niveau approprié de la sanction pécuniaire.
  • Démarches possibles en vue d’atténuer les risques
    • Évaluez soigneusement les indications en ligne et le processus d’achat afin de vous assurer que les frais obligatoires sont bien affichés. Énumérez (d’emblée) de façon claire et visible tous les frais obligatoires à l’intention des consommateurs. Bien qu’il ne soit pas certain que le tribunal se rangera à l’avis du Bureau, ce dernier estime que le fait d’afficher les indications ultérieurement (de façon non simultanée) ne corrige pas nécessairement une indication de prix initiale considérée comme trompeuse en soi.
    • Examinez les indications sous la forme et dans le format vus par les consommateurs. Les annonceurs doivent revoir la conception de leur site Web afin de s’assurer que les consommateurs sont encouragés à prendre connaissance de tous les renseignements utiles à leur compréhension, ou qu’ils sont contraints de le faire. En outre, examinez l’utilisation et l’incidence potentielle sur les consommateurs de caractéristiques de conception telles que les compteurs à rebours et autres éléments visant à susciter un sentiment d’urgence.
    • Il ne faut pas oublier que les programmes de conformité sont importants. La mise en place d’un programme de conformité solide et efficace en matière de publicité peut permettre de relever les problèmes potentiels et de réunir les éléments nécessaires à une défense de diligence raisonnable, ce qui peut se révéler particulièrement important compte tenu des sanctions pécuniaires élevées et des risques pour la réputation associés à une violation de la Loi.

Personnes-ressources

Connexe

Suspension d’un projet sur la communication d’information : les ACVM suspendent l’élaboration d’un projet de règlement sur la communication d’information liée aux questions climatiques et à la diversité

28 avr. 2025 - Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (les « ACVM ») suspendent leurs travaux visant l’élaboration d’un règlement sur la communication d’information liée aux questions climatiques et à la diversité afin « d’appuyer les marchés et les émetteurs canadiens dans leurs efforts d’adaptation...

>