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Les organismes de réglementation des valeurs mobilières du Canada adoptent des règles harmonisées sur le financement participatif pour soutenir l’accès aux capitaux des entreprises en démarrage

Auteurs : Nicolas Morin, Zain Rizvi et Geoffrey L. Rawle

Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (« ACVM ») ont annoncé le 23 juin 2021 l’adoption du Règlement 45-110 sur les dispenses de prospectus et d’inscription pour financement participatif des entreprises en démarrage (la Norme canadienne 45-110 sur les dispenses de prospectus et d’inscription pour financement participatif des entreprises en démarrage dans les provinces autres que le Québec) (le « Règlement 45-110 ») dans le but de doter le pays d’un régime harmonisé de réglementation du financement participatif des entreprises en démarrage. Le Règlement 45-110, qui entre en vigueur le 21 septembre 2021, remplace les ordonnances générales provinciales en matière de financement participatif actuellement en vigueur dans certaines provinces.

Les règles existantes en matière de financement participatif permettent aux émetteurs qui ne sont pas des émetteurs assujettis ou des fonds d’investissement et qui ont leur siège au Canada de bénéficier de dispenses des obligations de prospectus et d’inscription à titre de courtier pour pouvoir réunir des capitaux en émettant des titres admissibles et en les offrant par l’entremise de portails de financement (sites Web reliant les émetteurs des titres servant au financement participatif et les investisseurs), à condition que certaines conditions soient remplies.

Les nouvelles règles prévues par le Règlement 45-110 faciliteront le financement par les jeunes sociétés de leurs entreprises et activités, notamment en relevant le plafond fixé pour les investissements individuels dans des titres d’un émetteur se prévalant des dispenses prévues pour les financements participatifs et en portant de 500 000 $ à 1,5 million de dollars le montant maximal des fonds pouvant être réunis au cours d’une période de 12 mois.

Contexte

Malgré la montée de l’intérêt pour le financement participatif, en particulier chez les investisseurs inexpérimentés, les participants au marché ont fait valoir que le cadre réglementaire existant ne tenait pas compte des réalités pratiques du financement participatif par émission d’actions et que l’absence de règles nationales harmonisées était un obstacle important au développement du financement participatif au Canada. En réponse à ces critiques, le 27 février 2020, les ACVM ont publié le projet de Règlement 45-110 aux fins de consultation. Tous les intervenants ont exprimé leur accord avec l’harmonisation des règles sur le financement participatif dans l’ensemble du pays afin d’encourager son utilisation comme solution de rechange pour les entreprises émergentes souhaitant réunir des capitaux1.

Avant l’adoption du Règlement 45-110, il était possible de procéder à un financement participatif par émission d’actions en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba, en Ontario, au Québec, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse (collectivement, les « provinces ayant adopté une ordonnance générale ») suivant trois régimes de réglementation distincts. Les provinces ayant adopté une ordonnance générale avaient toutes mis en place un cadre de réglementation passablement harmonisé à l’égard du financement participatif par émission d’actions qui mettait en œuvre l’ordonnance générale rendue par chacune d’elles en vue de permettre aux entreprises et aux émetteurs en démarrage de réunir des capitaux en tirant parti de dispenses des obligations de prospectus et d’inscription. Il existait toutefois des différences marquées entre les règles relatives au financement participatif des diverses provinces ayant adopté une ordonnance générale, notamment à l’égard des limites imposées aux capitaux pouvant être réunis et à la somme qu’un investisseur pouvait investir; seule l’Alberta exigeait l’utilisation d’un portail de financement et la possibilité de se prévaloir d’une dispense d’inscription.

Quel est le but du Règlement 45-110?

Le Règlement 45-110 remédie aux différences entre les réglementations provinciales en appliquant des règles harmonisées dans l’ensemble du Canada tout en permettant aux émetteurs non assujettis et aux entreprises en démarrage de réunir des capitaux par l’entremise de portails de financement en se prévalant des dispenses des obligations de prospectus et d’inscription. Les ACVM ne considèrent pas comme « importants » les changements apportés au régime actuel, étant donné que le Règlement 45-110 est fondé en grande partie sur les règles en matière de financement participatif de la majorité des provinces ayant adopté une ordonnance générale.

Quelles sont les principales obligations qu’impose le Règlement 45-110?

Comme nous l’avons mentionné, bon nombre des principales obligations prévues par le Règlement 45-110 sont compatibles avec les règles existantes sur le financement participatif. Afin de se prévaloir de la dispense de prospectus, les émetteurs qui effectuent un financement participatif doivent, notamment, préparer un document d’offre – conforme à l’annexe 45-110A1 – Document d’offre – dans lequel ils doivent donner des renseignements essentiels sur leur entreprise, le placement, le but du financement participatif et les risques associés à l’entreprise ou au projet. Les émetteurs effectuant un financement participatif doivent publier leur document d’offre sur un portail de financement. Si leur mobilisation de capitaux vise le Québec, les émetteurs doivent publier leur document d’offre soit en français, soit à la fois en français et en anglais.

Les émetteurs n’ont pas l’obligation de présenter leurs états financiers aux investisseurs en lien avec un placement effectué dans le cadre d’un financement participatif, mais s’ils le font, leurs états financiers doivent être préparés conformément aux principes comptables généralement reconnus au Canada. La clôture d’un placement réalisé en vertu du Règlement 45-110 ne peut avoir lieu plus de 90 jours après que le document d’offre a été mis à la disposition des investisseurs potentiels sur le portail de financement.

Il est possible qu’un portail de financement soit dispensé de l’obligation d’inscription si certaines conditions sont remplies, dont l’obligation que le siège du portail de financement soit au Canada. Le portail de financement doit conserver en fiducie les fonds des investisseurs jusqu’à ce que l’objectif de financement minimal soit atteint et que le délai d’exercice de tous les droits de retrait ait expiré. En vertu du Règlement 45-110, les portails de financement ne sont pas autorisés à offrir des conseils aux investisseurs potentiels, et ils doivent s’assurer que les investisseurs reconnaissent les risques associés au placement.

À la suite de la publication du Règlement 45-110, les ACVM ont publié l’Avis 45-329 du personnel des ACVM – Indications sur le recours aux dispenses de prospectus et d’inscription pour financement participatif des entreprises en démarrage en vue d’aider les entreprises en démarrage à se conformer au nouveau régime de réglementation du financement participatif.

Changements apportés au régime de réglementation du financement participatif des entreprises en démarrage

Les principaux changements apportés par le Règlement 45-110 sont les suivants :

  • Le produit total pouvant être tiré du financement participatif au cours de la période de 12 mois précédant la clôture du placement s’élève à un maximum 1,5 million de dollars, somme qui représente une augmentation dans certaines provinces par rapport au maximum précédent de deux placements de 250 000 $ par année civile.
  • Le montant maximal pouvant être investi par une même personne dans le cadre d’un placement est fixé à 2 500 $ (plutôt qu’à 1 500 $ comme c’était le cas dans un certain nombre de provinces selon l’ancienne réglementation) ou à 10 000 $ dans le cas d’un investisseur ayant reçu à l’égard du placement des conseils d’un courtier inscrit.
  • La définition de « titre admissible » inclut une part dans le capital d’une association, levant ainsi certains des obstacles auxquels se heurtaient les coopératives ou associations fédérales ou provinciales souhaitant financer leurs opérations au moyen d’un financement participatif.
  • Les émetteurs effectuant un financement participatif seront tenus responsables en vertu de la législation en valeurs mobilières si leur document d’offre contient des déclarations fausses ou trompeuses. L’ancien régime ne comportait pour sa part aucune disposition expresse quant à la responsabilité pour les déclarations fausses ou trompeuses et n’exigeait pas des émetteurs effectuant un financement participatif qu’ils accordent des droits contractuels aux investisseurs, de sorte que les investisseurs n’avaient réellement à leur disposition que les droits et recours prévus par la common law ou le droit civil.
  • La dispense de prospectus n’est pas offerte aux entreprises n’exerçant aucune autre activité que le repérage et l’évaluation d’actifs ou d’entreprises en vue d’investir dans une entreprise, de fusionner avec elle ou de l’acquérir, ou encore de souscrire ou d’acquérir des titres d’une ou de plusieurs autres entreprises. De l’avis des ACVM, d’autres programmes, comme le Programme des sociétés de capital de démarrage de la Bourse de croissance TSX, permettent aux investisseurs d’investir dans de telles entreprises et leur confèrent une plus grande protection.
  • Les portails de financement bénéficiant d’une dispense d’inscription devront attester tous les six mois qu’ils disposent de ressources financières suffisantes pour poursuivre leurs activités pendant les six mois suivants (comparativement à la période de 12 mois prévue par l’ancien régime).

Conséquences

Il est probable que l’harmonisation des règles du Canada relatives au financement participatif soit bien accueillie par les entreprises émergentes et les professionnels actifs sur les marchés du capital-investissement. Les progrès technologiques ont aidé de nombreuses petites entreprises canadiennes à étendre leurs activités à plusieurs provinces et ces entreprises cherchent maintenant des moyens de rejoindre les investisseurs de tout le Canada. L’harmonisation de la réglementation du financement participatif et la majoration, en vertu de celle-ci, des montants maximaux pouvant être réunis devraient contribuer à accroître l’accès aux capitaux pour les entreprises en démarrage et leur offrir une solution de rechange leur permettant de réunir des fonds pour soutenir leurs activités.

1 Avis de publication des ACVM – Règlement 45-110 sur les dispenses de prospectus et d’inscription pour financement participatif des entreprises en démarrage, le 23 juin 2021, Annexe B – Liste des intervenants, résumé des commentaires et réponses, p.1.

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