Bulletin

Le gouvernement fédéral revoit le régime d’évaluation environnementale des grands projets

Auteurs : Sarah V. Powell et Alexandria J. Pike

En 2016, le gouvernement fédéral a amorcé un exercice officiel d’examen des éléments clés de ses régimes d’évaluation et de réglementation environnementaux. Des comités d’experts ont été formés et des comités parlementaires se sont vus confier la tâche de procéder à des consultations et de formuler des recommandations à l’égard de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, 2012 (la « LCEE 2012 »), de la Loi sur les pêches, de la Loi sur la protection de la navigation et de la réglementation relative au secteur de l’énergie adoptée par l’Office national de l’énergie (pour plus de détails, veuillez consulter notre bulletin).

Cette semaine, le gouvernement a déposé un projet de réforme législative étoffé qui vise à améliorer les principales mesures fédérales de protection de l’environnement et à clarifier le régime fédéral d’évaluation environnementale des grands projets. Outre les modifications proposées à la Loi sur les pêches et à la Loi sur la protection de la navigation, le gouvernement propose également l’adoption d’une loi appelée Loi sur l’évaluation des impacts (la « LEI »), pour remplacer la LCEE 2012, et d’une loi appelée Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, pour restructurer l’Office national de l’énergie.

Comme on pouvait s’y attendre, la LEI proposée marque le passage de la simple évaluation environnementale à un régime d’évaluation d’impacts (l’« EI ») plus large visant à tenir compte d’un éventail étendu de répercussions des grands projets sur l’environnement, la santé, la société et l’économie. Les facteurs pertinents pris en compte comprendraient les répercussions sur les peuples autochtones, leurs droits et leurs connaissances traditionnelles ainsi que toute évaluation des effets menée par une instance autochtone.

Le régime d’EI serait confié à une seule agence, à savoir l’Agence canadienne d’évaluation des impacts (l’« ACEI »), qui collaborerait avec la Régie canadienne de l’énergie proposée, la Commission canadienne de sûreté nucléaire et les Offices des hydrocarbures extracôtiers pour s’assurer que les questions de sécurité et les autres principales questions réglementaires soient considérées comme faisant partie d’une EI intégrée. L’ACEI serait également chargée de coordonner une « étape préparatoire », soit une étape de planification et de mobilisation comprenant des consultations auprès des peuples autochtones et du public, qui pourrait, en l’absence de ressources suffisantes, entraîner des retards pour les promoteurs.

Le changement le plus important apporté par la LEI proposée est celui selon lequel les décisions ne seront plus fondées uniquement sur l’importance des répercussions environnementales néfastes, mais viseront plutôt à se demander si les répercussions néfastes d’un projet désigné sont dans l’« intérêt public ». Ce critère d’intérêt public exige que soient prises en compte, entre autres, la mesure dans laquelle le projet désigné contribue à la durabilité, l’étendue de ses effets néfastes, l’adéquation des mesures d’atténuation proposées et la possibilité pour le gouvernement de respecter ses engagements en matière de changements climatiques.

Dans le cadre du processus législatif, l’Agence canadienne d'évaluation environnementale demande également au public de lui faire parvenir des commentaires d’ici le 15 avril 2018 au sujet de deux importants projets de règlement pris en application de la LEI :

  • une « Liste de projets » révisée qui désigne les grands projets qui seront assujettis à la LEI. Une approche proposée fondée sur des critères permettrait la modification et la mise à jour régulières de la Liste de projets en vigueur de sorte qu’y figurent les projets les plus susceptibles d’entraîner des effets négatifs dans des domaines de compétence fédérale;
  • le projet du Règlement concernant les exigences en matière de renseignement et de gestion des échéanciers qui vise à remplacer les exigences réglementaires actuelles concernant le description d’un projet désigné (c’est-à-dire, les renseignements qu’un promoteur est tenu de fournir à l’étape préparatoire pour permettre aux peuples autochtones et au public de savoir si le projet peut avoir des incidences pour eux). Le règlement proposé énoncerait également les critères de suspension des délais prévus par la loi.

Selon le gouvernement fédéral, la LEI permettra de procéder à des évaluations de projets plus prévisibles et en temps opportun, et stimulera l’investissement dans les secteurs des ressources naturelles du Canada. Il reste à voir si le régime d’EI proposé contribuera à l’aboutissement de grands projets. Nous suivrons l’évolution du processus législatif de près. Compte tenu des importantes pressions exercées par le public, les peuples autochtones et l’économie, une voie claire doit être tracée pour la mise en œuvre future de grands projets au Canada.

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