Bulletin

Une loi ontarienne interdit les clauses de non-concurrence et introduit le droit à la déconnexion du travail

Auteurs : Seann D. McAleese et Guy-Étienne Richard

Le projet de loi 27 du gouvernement de l’Ontario, intitulé Loi de 2021 visant à œuvrer pour les travailleurs, a reçu la sanction royale le 2 décembre 2021. Le projet de loi contient un large éventail de dispositions modifiant la Loi de 2000 sur les normes d’emploi (la « LNE »), notamment des clauses sur la non-concurrence et le « droit de se déconnecter » du travail. L’interdiction relative aux clauses de non-concurrence s’applique rétroactivement au 25 octobre 2021.

L’Ontario est la première province canadienne à adopter une loi limitant l’utilisation des clauses de non-concurrence et exigeant que les employeurs aient des politiques permettant aux employés de « se déconnecter » du travail. Le projet de loi 27 reflète la tendance récente de certains États américains à limiter l’utilisation des dispositions de non-concurrence à certaines catégories d’employés. Il suit également la tendance européenne à introduire des limites aux attentes des employeurs concernant la disponibilité des employés après les heures normales de travail. Le gouvernement fédéral étudie actuellement la possibilité d’introduire le droit à la déconnexion dans le Code canadien du travail.

Deux caractéristiques principales de la loi ontarienne

1. Dispositions de non-concurrence

Les modifications adoptées par le projet de loi 27 interdisent aux employeurs de conclure avec un employé un contrat de travail ou une autre forme d’entente qui consiste, en tout ou en partie, en des dispositions de non-concurrence. Une clause de non-concurrence s’entend de ce qui suit :

Entente ou partie d’une entente entre un employeur et un employé qui interdit à l’employé de s’engager dans une entreprise, un travail, un métier, une profession, un chantier ou une autre activité qui est en concurrence avec l’entreprise de l’employeur après la fin de la relation d’emploi entre l’employé et l’employeur.

Le projet de loi 27 autorise l’utilisation de clauses de non-concurrence dans le contexte d’une acquisition d’entreprise et pour une catégorie déterminée de « cadres supérieurs ». Plus précisément, la loi n’autorisera l’utilisation de clauses de non-concurrence que dans les cas suivants :

  • Acquisitions :
  1. Une entreprise est vendue (y compris par location à bail) en totalité ou en partie.
  2. Dans le cadre de la vente, l’acheteur et le vendeur concluent une entente interdisant au vendeur de s’engager dans une entreprise, un travail, un métier, une profession, un chantier ou une autre activité qui est en concurrence avec l’entreprise de l’acheteur après la vente.
  3. Immédiatement après la vente, le vendeur devient un employé de l’acheteur.
  • Cadres supérieurs :
    • Toute personne qui occupe la charge de chef de la direction, de président, de chef des services administratifs, de chef de l’exploitation, de chef des finances, de chef de l’information, de chef des affaires juridiques, de chef des ressources humaines ou de chef du développement de l’entreprise, ou qui occupe un autre poste de premier dirigeant.

L’exception relative aux opérations commerciales prévue par la loi est conforme à la jurisprudence dominante au Canada, qui applique généralement les clauses de non-concurrence dans le contexte des fusions/acquisitions, mais qui examine attentivement le caractère raisonnable global de telles restrictions dans le cas de relations d’emploi plus standard. Il est également important de noter que les modifications apportées à la LNE au moyen du projet de loi 27 n’interdisent ni ne limitent l’utilisation d’autres clauses restrictives telles que les clauses de non-divulgation, de non-sollicitation, de cession de la propriété intellectuelle et de confidentialité.

2. Déconnexion du travail

Le projet de loi 27 modifie également la LNE en exigeant des employeurs qui emploient 25 employés ou plus d’avoir en place une politique écrite sur la déconnexion du travail. Le terme « déconnexion du travail » s’entend du fait de ne pas effectuer des communications liées au travail, notamment les courriels, les appels téléphoniques, les appels vidéo ou l’envoi ou la lecture d’autres messages, de manière à être en inactivité. Pour faciliter l’exercice de ce droit à la déconnexion du travail, l’employeur qui, le 1er janvier d’une année, emploie 25 employés ou plus doit avoir en place une politique écrite pour tous les employés avant le 1er mars de cette année. Le projet de loi 27 prévoit une période de transition de six mois pour permettre aux employeurs de mettre en place leur politique à partir de la date d’entrée en vigueur du projet de loi.

Aucun détail n’est disponible à ce stade concernant le contenu d’une telle politique, si ce n’est qu’elle doit comporter la date de sa préparation et la date de toutes les modifications qui y ont été apportées et être fournie aux employés dans les 30 jours suivant sa préparation ou sa modification, ou suivant celui où un nouvel employé commence à travailler. D’autres exigences concernant la politique seront énoncées dans un règlement qui sera pris en application de la LNE. À l’heure actuelle, il semble que les dispenses existantes aux dispositions de la LNE relatives aux heures de travail peuvent continuer à s’appliquer, de sorte que cette politique ne devrait pas s’appliquer à certaines catégories d’employés (par exemple, les avocats et les stagiaires, les experts-comptables, les ingénieurs, certains praticiens du secteur de la santé, les gestionnaires et les superviseurs, etc.).

Prochaines étapes pour les employeurs

Les employeurs devront modifier tout contrat de travail ou toute entente autonome contenant une clause de non-concurrence. En outre, ils devront également examiner attentivement les clauses de non-sollicitation et de « congé de jardinage » (c’est-à-dire les longs délais de démission ou dispenses de travail avec salaire) pour s’assurer qu’elles ne sont pas visées par les restrictions sur les clauses de non-concurrence telles qu’elles sont définies par la loi.

Outre la définition générale susmentionnée, le contenu de la politique sur le droit à la déconnexion doit être prescrit à l’avenir par voie de règlement. Nous continuerons à suivre l’évolution de législation et de la jurisprudence, et proposerons d’autres conseils sur la façon d’interpréter la portée des clauses de non-concurrence et de rédiger la politique mettant en œuvre le droit à la déconnexion du travail.

Personnes-ressources

Connexe