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Le Canada impose des obligations en matière de rapport concernant le travail forcé et le travail des enfants

La Chambre des communes a adopté le projet de loi S-211, qui a pour titre abrégé Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement (le « Projet de loi »). Adopté le 3 mai 2023, le Projet de loi deviendra une loi aussitôt qu’il aura reçu la sanction royale et entrera en vigueur le 1er janvier 2024.

Le Projet de loi reconnaît que le travail forcé et le travail des enfants sont des formes d’esclavage moderne et réitère l’engagement du Canada, en tant que partie aux conventions fondamentales de l’Organisation internationale du Travail, à lutter contre l’esclavage moderne. À l’instar de la législation de divers autres territoires (notamment le Royaume-Uni, l’Australie et la France), la nouvelle loi du Canada impose des obligations en matière de rapport concernant le travail dans les chaînes d’approvisionnement, lesquelles obligations sont semblables à celles prévues par la Loi sur les mesures de transparence dans le secteur extractif. Ces nouvelles exigences en matière de rapport s’appliqueront aux sociétés d’État, organismes et ministères fédéraux, ainsi qu’aux sociétés ouvertes et fermées d’une certaine taille.

Le Projet de loi obligera des organisations à produire un rapport au plus tard le 31 mai de chaque année, à compter de 2024, concernant le risque et les mesures d’atténuation relativement au travail forcé ou au travail des enfants dans leurs chaînes d’approvisionnement. Cette exigence s’appliquera :

  • aux institutions fédérales qui produisent, achètent ou distribuent des marchandises;
  • aux entités i) qui sont inscrites à la cote d’une bourse canadienne ou ii) qui font des affaires au Canada (ou ont un lieu d’affaires ou possèdent des actifs au Canada) et qui remplissent au moins deux des conditions établies (à savoir, au cours de l’un des deux derniers exercices, posséder des actifs de 20 millions de dollars, générer des revenus d’au moins 40 millions de dollars ou compter au moins 250 employés), si elles produisent, vendent, distribuent ou importent elles-mêmes des marchandises au Canada ou contrôlent une entité qui se livre à de telles activités.

Les rapports produits aux termes du Projet de loi doivent faire état des mesures que l’institution fédérale ou l’entité a prises au cours de son dernier exercice pour prévenir et atténuer le risque concernant le recours au travail forcé ou au travail des enfants à l’une ou l’autre étape de la production, de l’achat ou de la distribution de marchandises par l’institution fédérale ou de la production ou de l’importation de marchandises par l’entité. De plus, l’institution fédérale ou l’entité doit fournir les renseignements suivants :

  1. sa structure, ses activités et ses chaînes d’approvisionnement;
  2. ses politiques et ses processus de diligence raisonnable relatifs au travail forcé et au travail des enfants;
  3. les parties de ses activités, de ses affaires et de ses chaînes d’approvisionnement qui comportent un risque de recours au travail forcé ou au travail des enfants et les mesures qu’elle a prises pour évaluer ce risque et le gérer;
  4. l’ensemble des mesures qu’elle a prises pour remédier à tout recours au travail forcé ou au travail des enfants;
  5. l’ensemble des mesures qu’elle a prises pour remédier aux pertes de revenus des familles les plus vulnérables engendrées par toute mesure visant à éliminer le recours au travail forcé ou au travail des enfants dans le cadre de ses activités et dans ses chaînes d’approvisionnement;
  6. la formation donnée aux employés sur le travail forcé et le travail des enfants;
  7. la manière dont elle évalue l’efficacité de ses efforts pour éviter le recours au travail forcé ou au travail des enfants dans le cadre de ses activités, de ses affaires et dans ses chaînes d’approvisionnement.

Tous les rapports seront publiés dans un registre du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile. Les entités doivent permettre à la population de consulter leurs rapports (notamment en les publiant sur leurs sites Web), et les sociétés constituées en vertu d’une loi fédérale doivent remettre leurs rapports aux actionnaires avec leurs états financiers annuels. Le corps dirigeant de l’entité doit approuver le rapport.

Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile dispose de vastes pouvoirs d’enquête en vertu du Projet de loi et peut ordonner à l’entité de prendre toute mesure jugée nécessaire pour assurer la conformité. Quiconque omet de se conformer au Projet de loi ou, sciemment, fait une déclaration fausse ou trompeuse ou fournit un renseignement faux ou trompeur au ministre ou à la personne désignée pour l’administration ou l’application du Projet de loi commet une infraction et est passible, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d’une amende maximale de 250 000 $. En outre, l’administrateur ou le dirigeant d’une société qui a ordonné ou autorisé la perpétration d’une infraction au Projet de loi, ou qui y a consenti, peut également être reconnu coupable de l’infraction.

Le gouvernement du Canada peut prendre des règlements en application du Projet de loi, notamment afin de désigner d’autres entités qui devront produire un rapport et de définir les circonstances dans lesquelles une entité est contrôlée par une autre entité. En date du 5 mai, aucun règlement ou projet de règlement n’a été publié.

Comme il ne leur reste qu’un an pour se conformer, les institutions fédérales et les entités assujetties au Projet de loi devront entreprendre une évaluation des risques relatifs à leurs chaînes d’approvisionnement et élaborer des stratégies d’atténuation en vue de respecter l’échéance du 31 mai 2024 pour la production des rapports.

Quoiqu’il en soit, le Projet de loi n’est vraisemblablement pas la dernière mesure prise par le gouvernement du Canada concernant le travail forcé. Dans le budget de 2023, le gouvernement a annoncé qu’il présenterait un nouveau projet de loi en 2024 pour « éliminer le travail forcé des chaînes d’approvisionnement canadiennes », « renforcer l’interdiction d’importation des biens produits par le travail forcé » et veiller à ce que « les lois en vigueur concordent avec le cadre général du gouvernement visant à protéger [les] chaînes d’approvisionnement ». Selon les commentaires formulés par le ministre du Travail, Seamus O’Regan, les exigences du nouveau projet de loi iront plus loin que la production de rapports, et les sociétés devront prendre des mesures concrètes pour éliminer le travail forcé de leurs chaînes d’approvisionnement si elles se rendent compte de l’existence d’une telle pratique.

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