Bulletin

Biden propose une forte hausse des impôts sur les sociétés et les particuliers à revenu élevé, ainsi que des mesures de soutien aux investissements dans les énergies renouvelables

Auteurs : Peter Glicklich, Zachary C. Kling, Gregg M. Benson et Heath Martin

Comme prévu, l’administration du président Biden a présenté un projet de budget de 6 billions de dollars pour le prochain exercice (le « budget »), qui prévoit des hausses d’impôts de 3,6 billions de dollars sur dix ans et de généreux crédits d’impôt en soutien aux projets d’énergies propres et à certains projets d’infrastructure. Le département du Trésor décrit les mesures fiscales prévues par le budget dans le « Livre vert » (Green Book) accompagnant celui-ci. Il est fort probable que les politiques énoncées dans le Livre vert feront l’objet d’intenses négociations partisanes lors de l’examen de la loi budgétaire par le Congrès. Si ces négociations n’aboutissent pas à un accord bipartisan, les démocrates pourraient avoir recours à la procédure dite de réconciliation budgétaire, comme l’on fait les républicains pour faire adopter la loi intitulée Tax Cuts and Jobs Act of 2017. Cette procédure permet au Congrès de faire adopter une loi budgétaire par le Sénat à la majorité simple, de sorte que les démocrates pourraient adopter la législation en respectant la ligne de parti, à condition de ne pas perdre le soutien d’un seul démocrate modéré au Sénat. De plus, à l’échelle internationale, de nombreux changements fiscaux ont été proposés et l’administration Biden a indiqué aux négociateurs de l’OCDE qu’elle était favorable à un taux d’imposition minimum mondial de 15 %. Même s’il est encore trop tôt pour déterminer si les propositions de l’administration Biden seront adoptées sous leur forme actuelle, il convient de les examiner de près, car il est probable qu’elles recevront beaucoup d’attention de la part des entreprises et des particuliers, ainsi que de la presse, des universitaires et des gouvernements autres que des États-Unis.

Comme nous le précisons ci-dessous, le budget comprend une multitude de dispositions ayant une incidence sur les structures internationales. Ces dispositions ont pour but de décourager la délocalisation des emplois, de la propriété intellectuelle et de l’activité économique des États-Unis, tout en réduisant les reports d’impôt et en augmentant les impôts sur les activités réalisées au pays et à l’étranger. Les mesures incitatives visant à rapatrier les activités sur le territoire américain et les mesures dissuasives visant à décourager les transferts d’activités à l’étranger seraient étendues. Les impôts applicables à un large éventail d’activités économiques seraient majorés et les incitations à l’investissement dans les énergies propres (renouvelables) seraient renforcées. La plupart des changements prendraient effet de façon prospective (et s’appliqueraient, en général, aux années d’imposition commençant après le 31 décembre 2021). Enfin, le budget prévoit une forte augmentation du financement de l’IRS destiné aux activités d’application de la loi, lesquelles, d’après les estimations du Treasury Department, devraient permettre d’accroître considérablement les recouvrements d’impôts.

Le Livre vert donne des précisions, entre autres, sur les principaux points suivants :

  • la hausse des taux d’imposition – le taux maximal des sociétés augmenterait de 21 % pour s’établir à 28 %, et celui des particuliers, des fiducies et des successions, passerait de 37 % à 39,6 %;
  • le taux des impôts exigibles sur le revenu des filiales à l’étranger serait porté à 21 % et les crédits pour impôt étranger maximums varieraient en fonction du pays;
  • l’impopulaire impôt anti-abus contre l’érosion de la base d’imposition (base erosion and anti-abuse tax ou BEAT) (l’« impôt BEAT ») serait remplacé par un nouveau régime selon lequel les sociétés se verraient refuser des déductions pour des paiements faits à des personnes liées étrangères (c’est-à-dire non américaines) bénéficiant d’un faible taux d’imposition effectif, régime désigné par l’acronyme SHIELD (Stopping Harmful Inversions and Ending Low-Tax Developments, c’est-à-dire mettre fin aux délocalisations de siège social défavorables et aux mesures visant à réduire les impôts) (le « régime SHIELD »);
  • les revenus comptables des grandes sociétés seraient assujettis à un impôt minimum de 15 %;
  • les déductions d’intérêts d’un groupe de sociétés seraient limitées davantage si le niveau d’endettement mondial du groupe était inférieur à son niveau d’endettement aux États-Unis;
  • les entreprises rapatriées aux États-Unis pourraient bénéficier d’un crédit d’impôt pouvant aller jusqu’à 10 % et des mesures dissuasives sont proposées à l’égard des délocalisations de siège social (le resserrement des événements déclencheurs) et des délocalisations de nouvelles activités (le refus de certaines déductions liées à la délocalisation d’activités);
  • l’intéressement aux performances et les gains en capital à long terme des contribuables non constitués en société par actions seraient imposés comme des revenus ordinaires; il est proposé, dans le cas des gains en capital à long terme, que le changement s’applique rétroactivement à compter de la date de l’annonce;
  • les échanges de biens équivalents avec report d’impôt, auparavant possibles pour les biens immobiliers, ne seraient plus possibles (mis à part un faible montant de report annuellement par contribuable);
  • les pertes des entreprises intermédiaires (pass-through businesses) imputables à des contribuables non constitués en société par actions seraient plafonnées de manière permanente à 250 000 $ de revenus non commerciaux par année;
  • l’impôt de 3,8 % sur les revenus de placement nets s’appliquant aux particuliers (mais non aux étrangers non résidents) porterait sur les revenus tirés de placements dans des entreprises intermédiaires et de placements ordinaires;
  • les transferts de certains actifs dont la valeur a augmenté, sous forme de don ou d’héritage, seraient imposables et des règles anti-abus feraient obstacle à la planification fiscale reposant sur des dons faits du vivant du donateur ou sur la détention d’actifs par l’entremise d’une fiducie ou d’une société de personnes. Les transferts au conjoint survivant et aux organismes de bienfaisance ne seraient pas imposés. L’impôt des sociétés à actionnariat restreint pourrait être reporté, et des dispositions sont proposées en matière de financement pour atténuer certains problèmes de liquidité. L’impôt sur le revenu appliqué au décès serait déductible dans le calcul de la somme assujettie aux droits successoraux;
  • l’incitation actuelle à l’exportation connue sous le nom de « FDII » (abréviation de foreign derived intangible income, ou revenu tiré de biens incorporels à l’étranger) (le « revenu FDII ») serait abrogée. À sa place, il est mentionné dans le budget, sans précisions, que l’administration Biden a l’intention d’offrir de nouvelles incitations à la recherche et au développement au moyen des recettes résultant de l’élimination du revenu FDII;
  • les incitations fiscales favorisant l’énergie propre comprendraient une prolongation des crédits d’impôt et des remises en vigueur sur les achats admissibles de biens de transport d’électricité.

Dans le présent bulletin, nous passons en revue les propositions fiscales énoncées dans le projet de budget de l’administration Biden pour l’exercice 2022 (le « budget »), telles qu’elles sont décrites dans le document intitulé General Explanations of the Administration’s Fiscal Year 2022 Revenue Proposals du Treasury Department (le « Livre vert »), en mettant l’accent sur les questions concernant les entreprises et les questions internationales. La plupart des politiques traitées dans le Livre vert s’appliqueraient aux années d’imposition commençant après le 31 décembre 2021. Notre examen se concentre sur les conséquences fiscales fédérales des propositions, mais on peut s’attendre à ce qu’un grand nombre d’entre elles aient une incidence sur les impôts sur le revenu et les droits de succession des États et même locaux. À l’heure actuelle, ces politiques ne sont que des propositions; elles feront probablement l’objet de longues négociations avant de prendre une forme définitive. Toutefois, étant donné qu’elles pourraient avoir des effets substantiels sur les entreprises et sur les contribuables à revenus élevés, ceux-ci devraient commencer dès maintenant à réfléchir aux effets que ces politiques pourraient avoir sur eux si elles étaient adoptées.

Principales propositions concernant les entreprises

Augmentation du taux d’imposition des sociétés

Le taux de l’impôt fédéral sur le revenu des sociétés serait porté de 21 % à 28 % à compter des années d’imposition commençant après le 31 décembre 2021. Les contribuables dont l’exercice commence durant l’année d’imposition 2021 et se termine durant l’année d’imposition 2022 se verraient imposer un taux mixte.

Modifications à la fiscalité internationale

Revenu mondial à faible taux d’imposition tiré de biens incorporels. Il est proposé dans le budget d’apporter des modifications substantielles aux dispositions régissant le revenu mondial à faible taux d’imposition tiré de biens incorporels (global intangible low-taxed income ou GILTI) (le « revenu GILTI ») mises en place par la loi intitulée Tax Cuts and Jobs Act of 2017 (la « loi TCJA »). Plus précisément, l’exonération visant le revenu tiré d’actifs admissibles de l’entreprise (qualified business asset income ou QBAI), qui correspond à un rendement réputé de 10 % sur les actifs corporels amortissables, serait éliminée. Si cette exonération était supprimée, presque tous les revenus étrangers des groupes de sociétés américains seraient imposés soit en tant que revenus GILTI, soit en tant que revenus de la sous-partie F (subpart F income), de sorte que l’exonération relative aux participations (participation exemption) prévue à l’article 245A de l’Internal Revenue Code serait dépourvue d’intérêt, puisque les bénéfices sous-jacents aux dividendes auront été assujettis à l’impôt américain au moment où la société étrangère contrôlée (controlled foreign corporation ou CFC) (une « CFC ») concernée les aura enregistrés. De plus, il est proposé d’augmenter le taux d’imposition effectif du revenu GILTI pour les sociétés américaines actionnaires d’une CFC en réduisant la déduction au titre de l’article 250 de l’Internal Revenue Code de 50 % à 25 %, réduction qui, conjuguée à l’augmentation du taux d’imposition du revenu des sociétés à 28 %, se traduirait par un taux d’imposition effectif sur le revenu GILTI de 21 %, soit le double du taux effectif actuel de 10,5 %. En outre, le budget propose de calculer le revenu GILTI et tous les crédits pour impôt étranger pouvant y être appliqués séparément pour chaque pays. En supposant que les crédits d’impôt étrangers pouvant être appliqués au revenu GILTI continueront d’être assujettis à un plafond de 80 %, le revenu GILTI devra être assujetti à un taux minimum de 26,25 % dans le territoire où il a été gagné pour éviter l’application d’un impôt américain résiduel. Ces changements prendraient effet pour les années d’imposition commençant après le 31 décembre 2021.

Abandon de l’impôt BEAT et adoption du régime SHIELD. Il est proposé que l’impôt anti-abus contre l’érosion de la base d’imposition (base erosion and anti-abuse tax ou BEAT) (l’« impôt BEAT ») soit remplacé par un régime visant à mettre fin aux délocalisations de siège social défavorables et aux mesures visant à réduire les impôts (Stopping Harmful Inversions and Ending Low-Tax Developments ou SHIELD) (le « régime SHIELD ») à compter des années d’imposition commençant après le 31 décembre 2022. Selon le régime SHIELD, il serait interdit aux sociétés américaines de déduire certains paiements faits à des membres de leur groupe consolidé (financial reporting group) qui ne sont pas assujettis au moins à un certain taux d’imposition minimum, lequel serait fixé soit à 21 %, soit à un taux convenu à l’avenir dans le cadre du Pilier deux du projet BEPS de l’OCDE. On entend par « groupe consolidé » (financial reporting group), un groupe d’entités qui sont l’objet d’un même état financier consolidé comprenant au moins une société par actions ou une société de personnes américaine ou une entité étrangère ayant un commerce ou une activité aux États-Unis. De plus, les paiements faits à un membre du groupe consolidé qui n’est pas un membre à faible taux d’imposition pourraient être partiellement assujettis au régime SHIELD si d’autres membres du groupe consolidé bénéficient d’un faible taux d’imposition. Le régime SHIELD s’appliquerait généralement aux groupes consolidés dont les produits d’exploitation annuels mondiaux sont supérieurs à 500 millions de dollars et prévoirait des exceptions pour (i) certains groupes consolidés satisfaisant à l’exigence de taux d’imposition effectif minimum dans chacun des territoires concernés et (ii) les paiements faits à certains fonds d’investissement, caisses de retraite, organisations internationales ou entités à but non lucratif. L’abrogation de l’impôt BEAT et son remplacement par le régime SHIELD entreraient en vigueur pour les années d’imposition commençant après le 31 décembre 2022.

Impôt minimum sur les bénéfices comptables mondiaux. Le budget propose un impôt minimum de 15 % sur les bénéfices comptables mondiaux avant impôt des sociétés, dont les bénéfices comptables annuels s’élèvent à plus de 2 milliards de dollars, à compter des années d’imposition commençant après le 31 décembre 2021. Le Livre vert précise que cette proposition a pour but d’aligner la législation fiscale américaine sur l’initiative de l’OCDE en faveur d’un impôt minimum mondial et de remédier à l’écart entre les profits déclarés aux actionnaires et les bénéfices imposables déclarés à l’IRS. Cette proposition se distingue également par le fait (i) que l’impôt payable aux États-Unis est calculé à partir de normes comptables financières, de sorte qu’une partie du contrôle de la fonction fiscale est cédée à des tiers, et (ii) qu’elle rétablit le système complexe à deux régimes fiscaux parallèles, comme celui qui existait avant que l’impôt minimum de remplacement pour les sociétés soit abrogé au moment de l’entrée en vigueur de la loi TCJA. Faisant suite à cette proposition, le département du Trésor a communiqué dans des rapports le fait qu’il apportait son soutien à l’adoption par l’OCDE d’un taux d’imposition minimum mondial de 15 % pour les sociétés. Il est possible que l’OCDE adopte une résolution générale visant l’établissement d’un impôt minimum mondial de 15 % pendant que le Congrès examine le budget Biden. Si un accord de l’OCDE devait être conclu pendant que le processus législatif se poursuit aux États-Unis, l’accord pourrait avoir une incidence importante sur les discussions concernant la réforme fiscale américaine.

Limitation des déductions pour les charges d’intérêts disproportionnées. Cette proposition interdirait les déductions de certains intérêts débiteurs payés par les membres américains d’un groupe multinational qui dresse des états financiers consolidés. Ces déductions d’intérêts seraient refusées si les charges d’intérêts nettes de l’entité américaine devaient dépasser sa part proportionnelle des charges d’intérêts nettes du groupe telles qu’elles sont indiquées dans les états financiers du groupe (en fonction de la part proportionnelle des bénéfices du groupe attribuable au membre). Si l’entité n’était pas en mesure de confirmer sa part proportionnelle des charges d’intérêts du groupe, sa déduction pour intérêts débiteurs serait limitée à un montant correspondant à la somme de ses intérêts créditeurs et de 10 % de son revenu imposable ajusté (adjusted taxable income, défini à l’article 163(j) de l’Internal Revenue Code). Cette nouvelle règle ne s’appliquerait pas aux entités fournissant des services financiers, lesquelles seraient également exclues de leur groupe consolidé au moment d’appliquer la règle aux autres membres du groupe. La règle ne s’appliquerait pas non plus aux groupes déclarant moins de 5 millions de dollars au total de charges d’intérêts nettes dans une ou plusieurs déclarations de revenus selon la législation américaine au cours d’une année d’imposition. La limitation s’appliquerait aux années d’imposition commençant après le 31 décembre 2021.

Renforcement des règles contre les délocalisations de siège social (anti-inversion rules). Le budget propose que les règles contre les délocalisations de siège social de l’article 7874 de l’Internal Revenue Code soient étendues à un plus grand nombre d’opérations ayant pour but de retirer des revenus de l’assiette fiscale américaine. À l’heure actuelle, l’article 7874 s’applique, en général, à l’acquisition directe ou indirecte, par une société étrangère, des biens d’une société américaine, ou de biens constituant un commerce ou une entreprise aux États-Unis d’une société de personnes américaine si, à la suite de l’acquisition, les anciens actionnaires de la société américaine ou les anciens associés de la société de personnes américaine détiennent 80 % ou plus de la société étrangère acquéresse, de sorte que celle-ci est alors traitée comme une société américaine aux fins de l’impôt fédéral sur le revenu. Si les anciens actionnaires ou associés de la société américaine acquise possèdent au moins 60 %, mais moins de 80 % de la société étrangère acquéresse, celle-ci pourrait être assujettie à un impôt supplémentaire, mais ne serait pas traitée comme une société américaine. Aux termes de la proposition, le seuil de 80 % serait remplacé par un seuil de 50 % et le critère des 60 % serait supprimé. De plus, selon un autre critère proposé, un acquéreur étranger serait traité comme une société américaine si (i) immédiatement avant l’acquisition, la juste valeur marchande (la « JVM ») de l’entité américaine était supérieure à la JVM de la société acquéresse; (ii) après l’acquisition, le « groupe affilié élargi » (expanded affiliate group) était géré et contrôlé principalement aux États-Unis; et (iii) le groupe affilié élargi n’avait pas d’activités commerciales importantes dans le territoire de la société étrangère acquéresse. En plus de s’appliquer à l’acquisition d’une société américaine, les règles contre les délocalisations de siège social proposées s’appliqueraient également à l’acquisition directe ou indirecte de la quasi-totalité des actifs d’une société de personnes américaine ou de la quasi-totalité des actifs d’un commerce ou d’une entreprise aux États-Unis d’une société de personnes étrangère. Ces règles s’appliqueraient aux opérations effectuées après l’entrée en vigueur des règles révisées.

Politiques incitant au rapatriement des entreprises. L’administration Biden a proposé de créer un crédit correspondant à 10 % de certains coûts admissibles engagés en lien avec le rapatriement d’un commerce ou d’une entreprise. Pour avoir droit à ce crédit, les contribuables seraient tenus de réduire une activité exercée en dehors des États-Unis et d’entreprendre ou d’étendre aux États-Unis une activité qui crée des emplois au pays. De plus, afin d’encourager davantage le rapatriement et de décourager la délocalisation, la déduction des dépenses engagées en lien avec la délocalisation d’un commerce ou d’une entreprise américaine serait interdite, y compris aux fins du calcul du revenu de la sous-partie F et du revenu GILTI des CFC. Les crédits liés au rapatriement seraient disponibles pour les dépenses payées ou engagées dès la promulgation de la législation.

Exclusion des revenus lourdement imposés. L’exonération fiscale prévue par les règles concernant le revenu de la sous-partie F à l’égard de certains revenus lourdement imposés serait supprimée et la référence à cette exonération serait retirée des règles concernant le revenu GILTI. Le retrait de cette référence devrait mettre un terme à la controverse concernant certains règlements du département du Trésor permettant au revenu GILTI de bénéficier de l’exonération pour revenus lourdement imposés.

Revenu tiré de biens incorporels à l’étranger (foreign derived intangible income deduction). La disposition concernant le revenu FDII incite les sociétés américaines à vendre directement (plutôt que par l’entremise d’une succursale ou d’une CFC) dans les pays étrangers leurs produits et services visés par des droits de propriété intellectuelle détenus aux États-Unis. Il est proposé de supprimer cette généreuse déduction pour revenu FDII à compter des années d’imposition commençant après le 31 décembre 2021.

Politiques en matière d’énergie et d’infrastructures

Incitations fiscales favorisant l’énergie propre. Parmi les nombreuses autres propositions relatives à l’énergie propre, le budget propose de prolonger à la fois le crédit d’impôt à la production (production tax credit) et le crédit d’impôt à l’investissement (investment tax credit) qui, en gros, sont des crédits visant à favoriser la production d’énergie non polluante et l’investissement dans les installations de production d’énergie non polluante, respectivement. De plus, les propositions prévoient un crédit de 30 % (ou une somme en espèces à la place du crédit) pour les investissements dans des biens admissibles de transport d’électricité mis en service après le 31 décembre 2021 et avant le 1er janvier 2032. D’autres incitations sont envisagées, notamment l’octroi de crédits pour les investissements dans l’hydrogène à faible teneur en carbone comme source de carburant et la production d’énergie dans les installations nucléaires existantes, ainsi que l’élargissement et l’accroissement des crédits offerts pour les installations de capture du carbone.

Bâtiments écoénergétiques. Il est proposé d’étendre et de rehausser les incitations à l’amélioration de l’efficacité énergétique des résidences existantes, à la construction de nouvelles maisons écoénergétiques et à l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments commerciaux.

Élimination des encouragements à la production de combustibles fossiles. Le budget propose d’éliminer entièrement certains crédits, déductions et autres dispositions spéciales de l’Internal Revenue Code ayant pour but d’encourager la production de pétrole, de gaz et de charbon, pour les années d’imposition commençant après le 31 décembre 2021.

Autres mesures visant à rehausser les recettes

Limitation des pertes d’entreprise excédentaires. Certaines pertes d’entreprise excédentaires (excess business losses) de contribuables autres que des sociétés par actions ne sont désormais plus déductibles de leurs revenus imposables, mais sont plutôt reportées en avant, comme les pertes d’exploitation nettes de sociétés. Les pertes d’entreprise excédentaires sont les pertes qui dépassent la somme (i) des profits tirés de l’entreprise par le contribuable et (ii) d’un seuil déterminé (actuellement fixé à 524 000 $ pour un couple marié présentant une déclaration conjointe). Il est proposé dans le budget que ce changement, qui devait expirer en 2027, soit définitif.

Restriction des échanges de biens équivalents. Cette proposition limiterait la possibilité pour les contribuables de reporter la constatation de profits réalisés à l’échange de biens équivalents à 500 000 $ par année d’imposition (1 million de dollars pour un couple marié présentant une déclaration conjointe). Tout profit en sus de ce plafond tiré par les contribuables de l’échange de biens équivalents serait imposé. Cette proposition s’appliquerait aux échanges menés à terme au cours des années d’imposition commençant après le 31 décembre 2021.

Principales propositions concernant les particuliers

Hausse de l’impôt sur le revenu des particuliers

Taux d’imposition des particuliers. Comme prévu, le budget propose de ramener le taux d’imposition marginal le plus élevé à son niveau antérieur à l’entrée en vigueur de la loi TCJA, soit à 39,6 %, tout en abaissant les seuils de revenus assujettis à ce taux. De plus, le budget propose que le revenu tiré d’une entreprise intermédiaire (pass-through income) de particuliers dont le revenu brut ajusté s’élève à 400 000 $ ou plus soit assujetti soit à l’impôt sur le revenu net de placement (net investment income tax) de 3,8 %, soit à l’impôt de 3,8 % prévu par la loi intitulée Self-Employment Contributions Act (la « loi SECA »).

Gains en capital et dividendes admissibles. Les gains en capital à long terme et les dividendes admissibles des contribuables seraient imposés aux taux d’imposition applicables au revenu ordinaire, mais uniquement si leur revenu brut ajusté est supérieur à 1 million de dollars (seuil qui serait indexé sur l’inflation après 2022). Cette proposition serait appliquée rétroactivement à compter de la date de l’annonce, de façon à empêcher que les contribuables vendent maintenant des actifs dont la valeur a beaucoup augmenté pour éviter que la plus-value ne soit assujettie aux taux d’imposition applicables au revenu ordinaire.

Intéressement aux performances. Le budget propose que soit imposée comme un revenu ordinaire assujetti à la loi SECA la part d’un associé dans les bénéfices tirés de son intéressement aux performances (carried interest) ou dans les gains réalisés à la disposition de son intéressement aux performances lorsque ce contribuable affiche un revenu imposable de toutes sources supérieur à 400 000 $. La proposition envisage également d’établir des règles anti-abus destinées à empêcher l’évitement de l’imposition de l’intéressement aux performances par l’utilisation de mécanismes de rémunération autres que l’intéressement aux performances.

Nouveaux événements déclenchant l’obligation de constater un gain

Transferts sous forme de don ou d’héritage de biens dont la valeur a augmenté. L’administration Biden souhaite accroître les recettes fiscales liées à la propriété d’actifs immobilisés et a donc proposé que la plus-value non réalisée de certains actifs transférés sous forme de don ou d’héritage après le 31 décembre 2021 doive être constatée entre les mains du donateur ou du défunt. Les transferts de biens ayant enregistré une plus-value à un conjoint survivant ou à un organisme de bienfaisance n’auraient pas à être constatés; le cessionnaire bénéficierait d’un report. La proposition envisage d’exempter de cette règle une tranche d’un million de dollars de gain par personne (seuil qui serait ajusté en fonction de l’inflation après 2022) et offre la possibilité de transférer toute partie inutilisée de la tranche au conjoint survivant, en plus de continuer à exclure une partie du gain lié à une résidence principale et d’exclure tout gain inhérent à des biens meubles corporels autres que des « objets de collection » (collectibles). On peut supposer que l’exclusion des biens meubles corporels vise à éviter d’imposer aux familles et à l’IRS l’obligation d’évaluer les voitures, les vêtements et d’autres articles ménagers dont la valeur est peu susceptible d’augmenter, contrairement à l’or et à d’autres objets de valeur. Ces règles concernant la constatation des gains s’appliqueraient également aux transferts à titre gratuit en faveur d’une fiducie, d’une société de personnes ou d’une autre entité non constituée en société par actions, mise à part une fiducie donatrice, ainsi qu’aux distributions en nature reçues de celles-ci, à compter du 1er janvier 2022. À l’heure actuelle, aux États-Unis, une grande partie de telles plus-values échappe au fisc en raison de la règle du rajustement à la valeur marchande (stepped-up basis rule), selon laquelle la valeur aux fins de l’impôt des actifs transférés au décès est ramenée à leur JVM au moment du décès. L’adoption de ce changement ferait en sorte que les actifs d’une succession, ainsi que la plus-value non réalisée de ces actifs, pourraient être assujettis à des impôts sur le revenu et à des droits de succession fédéraux et d’État qui, ensemble, s'élèveraient à 80 %. Par comparaison, le taux d’imposition maximum de tels actifs dans les deux plus grandes provinces du Canada s’élève à 26,5 %. L’impôt sur la plus-value de participations dans certaines entreprises appartenant à une famille et exploitées par celle-ci (family-owned and -operated) pourrait être reporté jusqu’à ce que l’entreprise soit vendue ou qu’il ne s’agisse plus d’une entreprise familiale. L’impôt sur la plus-value d’actifs illiquides pourrait être payé selon des modalités de paiement à taux fixe de 15 ans. L’IRS pourrait exiger des garanties de la part des contribuables avant de leur consentir de telles modalités de paiement. L’impôt sur le revenu prélevé au décès serait déductible dans le calcul des sommes assujetties aux droits de succession.

Impôt sur les plus-values de longue date. Le budget propose d’imposer à une fiducie, à une société de personnes ou à une autre entité non constituée en société par actions qui est propriétaire d’un bien n’ayant pas été l’objet d’un événement déclenchant l’obligation de constater un gain (une vente, un échange ou autre transfert imposable, par exemple) au cours des 90 années précédentes l’obligation de constater comme revenu toute plus-value réalisée sur ce bien. La première période d’application de cette proposition commencerait le 1er janvier 1940. Par conséquent, la date du 31 décembre 2030 déclencherait l’obligation de constater un gain en vertu de cette règle pour les biens n’ayant fait l’objet d’aucun tel événement depuis le 1er janvier 1940. Le Canada, par comparaison, impose aux fiducies une règle de disposition présumée après 21 ans.

Autres dispositions notables

Financement de l’IRS

Dans le budget, l’administration Biden demande que soit accordé à l’IRS un financement obligatoire supplémentaire d’environ 80 milliards de dollars devant lui permettre de renforcer ses activités de recouvrement et d’application de la loi. Ces activités accrues viseront principalement les contribuables à revenu élevé, un groupe pour lequel le taux d’audit a été faible ces dernières années, en raison de la complexité et du coût des mesures devant être employées pour faire appliquer la loi à ce groupe. De plus, l’IRS recevrait les fonds nécessaires à la modernisation de son infrastructure technologique.

Exigences de déclaration accrues à l’égard des comptes auprès d’institutions financières

Pour soutenir davantage les activités de recouvrement et d’application de la loi de l’IRS, le budget propose d’élargir la portée de l’exigence de déclaration par des tiers des opérations dans les comptes d’entreprises et de particuliers. Comme il est indiqué dans le Livre vert, les institutions financières auraient l’obligation de produire un rapport annuel sur les transferts bruts vers et depuis les comptes. Elles seraient tenues de préciser dans leur rapport l’ampleur des transferts en numéraire et des opérations concernant des comptes étrangers et des comptes détenus par le même contribuable. Le Livre vert précise également que des exigences de déclaration semblables seraient imposées à l’égard des échanges d’actifs en cryptomonnaies et des dépositaires de cryptomonnaies. Ces propositions seraient en vigueur pour les années d’imposition commençant après le 31 décembre 2022. Ces rapports ne signaleraient pas à l’IRS le revenu brut comme le fait le formulaire 1099, mais les renseignements qui y figureraient permettraient à l’IRS de découvrir des revenus imposables non déclarés et constitueraient ainsi une menace susceptible d’inciter les contribuables ne déclarant pas tous leurs revenus à se conformer volontairement à la législation. L’administration estime que cette proposition générerait 462 milliards de dollars de recettes fiscales au cours des dix prochaines années.

Omissions

Certains points dont le président Biden et son administration avaient discuté brillent par leur absence dans le budget. Étant donné que nombre de ceux-ci concernent des dispositions qui, en l’absence de législation, sont censées expirer ou revenir aux niveaux antérieurs à ceux de la loi TCJA dans quelques années, il est possible que l’administration Biden ait estimé qu’il était inutile de se servir de son avantage politique pour des questions qui se règleront d’elles-mêmes avec le temps. Plus précisément, le budget ne contient aucune proposition visant :

  • à supprimer le plafond de 10 000 $ s’appliquant à la déduction pour impôts fonciers d’État et locaux, mesure que de nombreux membres démocrates du Congrès ont décrite comme une condition de leur soutien de tout projet de législation fiscale de l’administration;
  • à abroger la déduction de 20 % s’appliquant au revenu d’entreprise admissible (qualified business income) de certains propriétaires d’entreprises intermédiaires et certains travailleurs autonomes, mesure qui était un élément central des réductions d’impôt des entreprises résultant de la loi TCJA;
  • à modifier les règles de limitation des déductions des intérêts prévues par l’article 163(j) de l’Internal Revenue Code lesquelles, à compter de 2022, viseront 30 % du BAII plutôt que 30 % du BAIIA;
  • à rehausser l’impôt sur les dons et les droits de succession soit en relevant le taux des droits de succession, soit en réduisant le montant de l’exonération viagère. Selon la législation actuelle, le taux est de 40 % et l’exonération viagère s’élève à 11,7 millions de dollars (montant qui est censé être ramené à environ 6,4 millions de dollars en 2026).

Conclusion

Ces propositions ne sont que le début du processus, mais elles révèlent un programme ambitieux et étendu, dont certains éléments constitueront sans aucun doute les principes de base du budget de 2022 et de toute réforme fiscale entreprise en soutien aux nombreux programmes proposés. Le président Biden cherche certainement à tenir ses promesses électorales, qui font partie intégrante du budget. Toutefois, il n’est pas certain que les démocrates soient prêts à exercer ou en mesure d’exercer sur l’opposition républicaine la pression nécessaire pour faire adopter un projet de loi aussi vaste et dispendieux.

Personnes-ressources

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