Bulletin

La clause relative aux changements ou aux effets défavorables importants aux temps de la COVID-19

Auteurs : Matthew Milne-Smith et Chenyang Li

La pandémie de COVID-19 a déjà eu et continuera probablement d’avoir d’importantes répercussions sur l’économie mondiale par suite des diverses exigences d’« éloignement social » et des autres restrictions aux activités habituelles que les pays imposent. En ces temps incertains, de nombreuses entreprises pourraient être amenées à revoir les clauses de leurs contrats relatives aux changements défavorables importants (des « CDI ») ou aux effets défavorables importants (des « EDI ») ou avoir du mal à négocier de telles clauses.

Ces clauses figurent le plus souvent dans les contrats de crédit et les contrats d’acquisition. Bien que certains principes généraux s’appliquent à toutes les clauses relatives aux CDI, l’applicabilité d’une clause relative aux CDI aux conséquences économiques de la COVID-19 dépendra du libellé de la clause et de la nature des conséquences de la COVID-19 sur l’entreprise en question.

Les faits et le libellé de la clause

Les clauses relatives aux CDI peuvent se présenter sous bien des formes différentes et leur libellé peut varier, mais, en général, elles concernent avant tout l’évolution de la situation financière ou des actifs de l’emprunteur ou de la cible de l’acquisition ou (dans le cas des contrats de crédit) de la capacité de l’entreprise à remplir ses obligations. Toutefois, le déclenchement des effets de la clause relative aux CDI dépendra à la fois de son libellé et de la situation particulière de l’emprunteur ou de la cible.

Par exemple, la clause d’un contrat de crédit qui confère au prêteur le pouvoir discrétionnaire exclusif de déterminer si un CDI a eu lieu peut être déclenchée plus facilement que la clause qui exige que l’emprunteur déclare et garantisse qu’aucun CDI n’a eu lieu. La clause qui exclut explicitement les effets ou problèmes macroéconomiques touchant l’ensemble d’un secteur d’activité peut être interprétée de manière plus restrictive que la clause ouverte qui inclut tout type d’EDI touchant la cible. La clause qui s’applique à l’activité de l’emprunteur en général peut être interprétée plus largement que la clause qui s’applique particulièrement aux biens que le prêteur a donnés en garantie.

Au Canada, à ce jour, il existe très peu de jurisprudence concernant les clauses relatives aux CDI, possiblement parce que les parties ont généralement été en mesure de trouver une solution négociée aux problèmes liés à la question de savoir si les effets d’une clause relative aux CDI étaient déclenchés, et ce, même en période de perturbation économique comme la crise financière de 2008. Aux États-Unis, un certain nombre de décisions ont été rendues, selon lesquelles, en général, la partie affirmant qu’un CDI a eu lieu doit démontrer l’existence d’un changement défavorable substantiel et durable pour que les effets de la clause soient déclenchés.

Application des clauses relatives aux CDI à la COVID-19

La possibilité que les effets d’une clause relative aux CDI soient déclenchés par les conséquences économiques de la COVID-19 dépendra de la capacité de la partie qui cherche à s’en prévaloir à prouver que la COVID-19 a causé un changement défavorable à la situation de l’emprunteur ou de la cible suffisamment important et correspondant au libellé de la clause. L’ampleur du changement défavorable touchant l’emprunteur ou la cible ainsi que sa durée raisonnablement prévue sont des facteurs essentiels à prendre en compte pour déterminer si une clause relative aux CDI peut être invoquée.

L’attribution expresse du risque dans le libellé de la clause relative aux CDI sera également cruciale pour déterminer si la clause relative aux CDI peut être invoquée. Si, par exemple, une clause relative aux CDI prévoit expressément qu’une « catastrophe naturelle » peut être considérée comme un changement ou un événement défavorable, il y a plus de chances qu’elle puisse être invoquée avec succès en raison de la COVID-19 qu’une clause qui ne mentionne que des changements concernant la situation financière de l’emprunteur ou de la cible. L’une des différences entre les clauses relatives aux CDI des contrats concernant les fusions ou acquisitions et celles des contrats de crédit réside dans le fait que les premières incluent souvent de nombreuses exceptions et restrictions négociées s’appliquant à leur portée, tandis que les deuxièmes, en général, en comprennent moins. Étant donné l’évolution de la situation découlant de la pandémie de COVID-19, les parties qui négocient de nouveaux contrats, que ce soit aux fins d’un prêt ou d’une fusion ou acquisition, pourraient envisager d’y prévoir expressément, dans une clause relative aux CDI, la prise en compte des conséquences commerciales ou économiques de la COVID-19 ou d’autres éclosions, épidémies ou pandémies.

Enfin, le contexte factuel dans lequel a été conclu le contrat, y compris les questions telles que la durée du contrat par rapport à la durée prévue de la perturbation due à la COVID-19, devra être pris en compte pour déterminer si la pandémie de COVID-19 peut déclencher les effets de la clause relative aux CDI. Certains secteurs d’activité et entreprises, comme le tourisme et l’hôtellerie, sont plus vulnérables que d’autres aux conséquences commerciales de la COVID-19. Par conséquent, il se peut que les effets d’une clause relative aux CDI relativement restreinte, même si elle vise uniquement la situation financière de l’emprunteur ou de la cible, soient déclenchés si l’entreprise en question est exceptionnellement vulnérable à la restriction de la circulation des personnes, des biens et des services. Inversement, même une clause relative aux CDI relativement vaste peut ne pas être déclenchée lorsque l’entreprise en question est moins susceptible de souffrir de manière substantielle de la pandémie de COVID-19.

Connexe

Dommages-intérêts « Con Ed » dans le cadre de fusions et acquisitions de sociétés ouvertes canadiennes : réinterpréter l’affaire Cineplex c. Cineworld à la lumière de la jurisprudence récente du Delaware

10 janv. 2024 - Quelles sont les voies de droit d’un vendeur se faisant éconduire par un acheteur qui choisit de tourner le dos à une opération et contrevient par le fait même à la convention d’achat? Dans le cas de fusions et d’acquisitions de sociétés à capital fermé, la réponse est relativement simple : il...

Transparence des sociétés régies par la LCSA : les nouvelles règles concernant le dépôt des renseignements et la consultation par le public entrent en vigueur le 22 janvier 2024

20 déc. 2023 - Le gouvernement fédéral a fixé au 22 janvier 2024 la date d’entrée en vigueur des nouvelles règles selon lesquelles les sociétés à capital fermé constituées en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (la « LCSA ») qui ne sont pas dispensées devront déposer régulièrement...