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Les pouvoirs de vérification de l’ARC ne sont pas sans limites : contestation de demandes d’information excessives

Dans trois décisions récentes, les tribunaux sont venus limiter l’interprétation large que l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») faisait de ses pouvoirs de vérification et, ce faisant, ont fourni aux contribuables les munitions juridiques nécessaires pour repousser les demandes d’information déraisonnables ou excessives présentées par l’ARC.

Tout d’abord, dans l’affaire Canada (Revenu national) c Hydro-Québec, la Cour fédérale (la « CF ») a refusé au ministre l’autorisation d’obtenir des renseignements sur les clients commerciaux d’Hydro-Québec — notamment leurs noms, adresses et numéros de compte. La CF a déclaré que le ministre n’avait pas rempli la condition prévue par la loi, selon laquelle le groupe de contribuables doit être « identifiable », et que les renseignements demandés ne permettraient pas à l’ARC de vérifier la conformité à un devoir ou à une obligation énoncé dans la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») étant donné qu’ils ne seraient recueillis qu’en prévision d’une éventuelle vérification fiscale. La CF a qualifié la demande du ministre de « recherche à l’aveuglette » (fishing expedition) et conclu que l’intervention du tribunal était nécessaire afin de prévenir une atteinte injustifiée à la vie privée d’un grand nombre de contribuables.

Ensuite, dans l’affaire Canada (Revenu national) c Cameco Corporation (« Cameco »), la Cour d’appel fédérale (la « CAF ») est arrivée à la conclusion que l’ARC n’a pas le pouvoir de forcer la tenue d’entrevues orales dans le cadre d’une vérification (voir notre analyse détaillée de Cameco). À la suite de la décision Cameco, l’ARC a publié une déclaration dans laquelle elle indique qu’elle « continuera de solliciter des entrevues au besoin et s’attend à ce que la vaste majorité des contribuables continue à coopérer ». Dans le cas où un contribuable refuserait de participer à une entrevue, l’ARC menace d’utiliser « d’autres moyens pour exécuter ses obligations de vérification du niveau d’observation du contribuable », dont « l’utilisation d’hypothèses concernant la nature des activités commerciales et la planification fiscale du contribuable, sur la base desquelles elle établira l’impôt à payer ». Cette déclaration semble en porte-à-faux avec l’esprit de la décision de la CAF qui énonce clairement que la loi ne confère pas à l’ARC le pouvoir de mener des entrevues orales.

Enfin, dans l’affaire Canada (Revenu national) c Lin, la CF a refusé la demande du ministre qui la priait de prononcer une ordonnance judiciaire l’autorisant à obtenir des renseignements auprès de deux personnes, dont l’une était possiblement un non-résident et, de ce fait, n’était pas tenue de répondre à la demande d’information (sur cette question, la CF a indiqué qu’elle n’avait pas compétence pour établir le statut de résident aux fins de la LIR, ce qui soulève la question de savoir comment le ministre pourrait solliciter des ordonnances de conformité dans le contexte de demandes d’information à l’égard de personnes dont on prétend qu’elles sont des non-résidents). Bien que la demande d’information fut adressée aux personnes concernées, la CF est arrivée à la conclusion qu’elle visait également leurs « entités liées ou associées ». Comme l’identité de ces entités rattachées était inconnue, il était difficile de déterminer si elles étaient tenues ou non, en vertu de la LIR, de fournir des renseignements à l’ARC. La première condition de l’obtention d’une ordonnance de conformité n’était donc pas remplie, ce qui a fait échouer la demande du ministre.

Ces trois décisions montrent que les contribuables peuvent contrer les demandes d’information déraisonnables présentées par le ministre dans le cadre de vérifications. Ainsi, si une demande d’information est vague ou trop large, ou porte indûment atteinte à la vie privée de personnes non désignées nommément, le contribuable peut proposer à l’ARC de clarifier ou de préciser sa demande. Si l’ARC refuse de le faire, le contribuable pourrait alors disposer de motifs raisonnables pour contester la validité de la demande d’information. En ce qui concerne les demandes d’entrevues avec des employés du contribuable, ce dernier pourrait non seulement s’y opposer en s’appuyant sur la décision Cameco, mais il serait également fondé à proposer quels employés devraient assister aux entrevues dans le cas où il estime que la liste soumise par l’ARC est trop longue ou peu judicieuse. Si l’ARC refusait une proposition raisonnable, le contribuable pourrait alors invoquer l’offre de coopération à l’encontre d’éventuelles hypothèses défavorables de l’ARC.

Compte tenu de cette jurisprudence récente, les contribuables auraient tout intérêt à examiner de près les demandes d’information de l’ARC de manière à s’assurer que cette dernière n’a pas outrepassé son pouvoir de vérification.

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