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Les liquidations sous le régime de la LACC et la priorité des créances relatives à un régime de pension fondées sur une fiducie réputée

Auteurs : Robin B. Schwill et Christian Lachance

La décision limpide rendue par le juge Stephen Hamilton de la Cour supérieure du Québec dans le cadre des procédures visant Bloom Lake et Wabush Mines intentées en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (la « LACC ») risque fort d’être au cœur des discussions qui animeront ces jours-ci les milieux canadiens de l’insolvabilité et des prêts garantis. Voir la decision (disponible en anglais seulement) rendue le 11 septembre 2017.

En effet, il semblerait bien que ce soit la première fois qu’un tribunal ayant juridiction en vertu de la LACC déclare sans équivoque que l’ordre de priorité des distributions aux fins d’une « liquidation sous le régime de la LACC »1 devrait être le même que celui qui est applicable en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (la « LFI »), suivant la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Century Services 2. Bien que la jurisprudence tendait naturellement vers cet aboutissement, la décision dans l’affaire Bloom Lake et Wabush Mines montre de manière éclatante que celui-ci est atteint3.

L’une des conséquences fondamentales de cette décision est le fait que l’ordre de priorité des créances au titre d’un régime de pension dans une liquidation sous le régime de la LACC devrait être établi de la même manière qu’en vertu de la LFI, à savoir que seuls les coûts normaux et les cotisations qui n’ont pas été versées bénéficient d’une priorité dans le cadre d’une liquidation sous le régime de la LACC, comme il est indiqué aux paragraphes 6(6) et 36(7) de la LACC (des dispositions essentiellement équivalentes aux articles 81.5 et 81.6 de la LFI).

Ainsi, le juge Hamilton a déclaré que même si la législation provinciale applicable en matière de régimes de pension prévoit la création d’une fiducie réputée pour tout déficit à la liquidation (en sus de toute autre somme), cette fiducie serait inopérante et sans effet dans le contexte d’une liquidation sous le régime de la LACC, suivant la doctrine de la prépondérance fédérale. Cette conclusion s’applique également aux régimes de pension soumis à la réglementation fédérale, étant donné que les priorités stipulées dans la LACC et la LFI ont été adoptées après toute disposition pertinente de la législation fédérale sur les régimes de pensions.

Dans ses conclusions finales, le juge Hamilton s’est assuré d’indiquer clairement qu’un plan de liquidation sous le régime de la LACC est bien une « liquidation », et que toute mention d’une « liquidation » dans une loi (ou, sans doute, un contrat) ne devrait pas être interprétée de façon restrictive et ne viser que les liquidations entreprises aux termes d’une loi sur les sociétés. Bien que cette conclusion semble aller de soi, il sera bien utile à l’avenir de pouvoir citer une décision l’énonçant en toutes lettres.

Comme cette décision émane d’un tribunal de première instance, il se pourrait que le débat ne soit pas clos sur ces questions. Toutefois, le corpus jurisprudentiel favorable à ce que les priorités des créances relatives aux régimes de pension soient clairement établies suivant les dispositions spécifiques de la LFI et de la LACC ne cesse de grandir. Et la présente décision énonce clairement que si aucun plan n’a été adopté dans le cadre d’une liquidation sous le régime de la LACC, c’est le régime de priorités établi par la LFI qui devrait s’appliquer.

1À l’intention de ceux qui ne font pas de ces questions leur pain quotidien : « liquidation sous le régime de la LACC » s’entend d’une procédure introduite en vertu de la LACC qui, à toutes fins utiles, a pour but la vente de la totalité ou de la quasi-totalité des actifs du débiteur à un tiers, en tant qu’entreprise en exploitation ou non. Exemple, Target Canada.

2 2010 CSC 60.

3Décision rendue dans l’affaire Bloom Lake, paragraphe 208.

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