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Une opération géante avec extra portion de structure canadienne d’actions échangeables

Auteurs : David Wilson, Patricia L. Olasker et J. Alexander Moore

L’opération canadienne qui a fait le plus jaser en 2014 fut l’acquisition par Burger King de Tim Hortons. L’opération a fait les manchettes en raison de sa taille, de ses participants prestigieux et de l’impact qu’aurait la société canadienne issue du regroupement, à savoir Restaurant Brands International (maintenant généralement désignée par son symbole boursier QSR), dans l’industrie mondiale de la restauration rapide. L’attention découlait en bonne partie de la complexité et de la nouveauté de la structure. Pour faire fonctionner la structure, l’équipe de l’opération Burger King a réinventé la structure conventionnelle liée à des actions échangeables.

Le combo «Up-C» échangeable : Nouveau regard sur la structure canadienne traditionnelle

Selon la convention de fusion, les actionnaires de Burger King pouvaient choisir d’échanger leurs actions contre des parts échangeables de Restaurant Brands International Limited Partnership (Société en commandite), société en commandite canadienne cotée en bourse, plutôt que d’obtenir des actions ordinaires de QSR, sa société mère ouverte. En échangeant leurs actions contre des parts de la Société en commandite, ces porteurs pouvaient bénéficier d’un report de l’impôt américain sur les gains en capital qu’ils auraient autrement dû payer s’ils avaient échangé leurs actions contre des actions de QSR. Les actionnaires canadiens bénéficient d’un report d’impôt similaire dans une structure conventionnelle d’actions échangeables. Toutefois, dans ce cas, ce sont les actionnaires américains, et non pas les actionnaires canadiens, qui avaient besoin d’un roulement.

Pour accomplir le roulement, la structure de QSR a regroupé des éléments d’une structure canadienne conventionnelle d’actions échangeables et d’une structure Up-C américaine – structure fréquemment utilisée aux États-Unis dans le cadre de premiers appels publics à l’épargne de sociétés qui ont historiquement exploité leurs entreprises sous forme de société de personnes ou de société à responsabilité limitée. Dans la structure Up-C, une nouvelle société qui émet des actions au public est constituée au-dessus de la société de personnes et contrôle celle-ci. Les propriétaires d’origine conservent leurs participations et reçoivent des actions comportant droit de vote spécial de la société ouverte qui leur confèrent un contrôle des droits de vote proportionnel à leur participation économique dans la société de personnes. En préservant la société de personnes sous la société par actions ouverte, il est possible de continuer d’acheminer le revenu jusqu’aux associés d’origine pour qu’il soit imposé entre leurs mains. L’impôt pour la société ouverte se limite à la participation proportionnelle de celle-ci dans la société de personnes.

Comme pour une structure canadienne conventionnelle, une part échangeable de la Société en commandite confère à ses porteurs des droits de vote équivalents à ceux qu’ils auraient s’ils détenaient des actions ordinaires de QSR. Ces droits de vote sont possibles grâce à une action comportant droit de vote spécial de QSR (détenue par un fiduciaire) et à une convention de vote fiduciaire. Les porteurs de parts échangeables ont aussi le droit de recevoir le même montant de distributions de la Société en commandite que lemontant des dividendes et autres distributions déclarés relativement aux actions ordinaires de QSR, et ce, en même temps que les porteurs de ces dernières.

Toutefois, il y a concernant les droits économiques rattachés aux parts échangeables et aux actions ordinaires de QSR des différences qu’on ne retrouve pas dans une structure conventionnelle d’actions échangeables. Certaines de ces différences découlent des nécessités du droit fiscal américain qui se reflètent dans la structure Up-C américaine.

Voici les principales différences :

  • Un émetteur canadien typique d’actions échangeables est une société « coquille », tandis que la Société en commandite est une filiale directe de QSR, qui détient directement l’ensemble des actifs et des activités de l’entreprise issue du regroupement.
  • Dans une structure canadienne, l’action échangeable peut être échangée immédiatement contre des actions ordinaires; en l’espèce, le droit d’échange ne peut être exercé pendant la première année.
  • Contrairement à une action échangeable canadienne, les parts échangeables ne peuvent pas être automatiquement échangées contre des actions de QSR à la dissolution ou à la liquidation de la Société en commandite ou de QSR.
  • QSR peut régler les parts échangeables en espèces plutôt qu’en actions de QSR.

La pensée créative

Par suite de ces différences, il fallait une méthode réfléchie pour imposer des limites structurelles aux importantes différences économiques possibles entre une part échangeable et les actions de QSR et pour conférer aux porteurs de parts échangeables des droits économiques correspondant essentiellement à ceux dont bénéficiaient les porteurs d’actions ordinaires de QSR. Ainsi, il fallait d’abord et avant tout veiller à prévoir des caractéristiques de distribution qui empêcheraient que QSR détienne un actif ou un passif disproportionné par rapport à la Société en commandite, comme l’exigence voulant que QSR remette sous forme d’apport à la Société en commandite le produit net qu’elle tire d’une émission de titres de capitaux propres. De plus, la Société en commandite peut faire des distributions à QSR seulement à deux fins : financer les distributions afférentes aux actions ordinaires de QSR (pour lesquelles la Société en commandite fera des distributions équivalentes sur les parts échangeables) et afférentes aux actions privilégiées de QSR et financer les dépenses qu’engage QSR pour gérer la Société en commandite et ses entreprises. En outre, à la dissolution de la Société en commandite, ces dépenses de QSR seraient remboursées avant les distributions sur les actions ordinaires financées par la Société en commandite ou QSR.

En sus de ces limites structurelles, la structure de QSR améliore également la structure conventionnelle d’actions échangeables de plusieurs façons. Par exemple, elle confère par contrat aux porteurs de parts échangeables un certain nombre de droits additionnels dont ils auraient bénéficiés en tant qu’actionnaires de QSRet qu’on ne retrouve pas dans une structure conventionnelle. Ces droits s’ajoutent aux droits des actionnaires en matière de vote, comme le droit de convoquer une assemblée des actionnaires, de faire une proposition d’actionnaire et de demander la liste des actionnaires.

Nouvelle dispense réglementaire

En vertu de l’article 13.3 du Règlement 51-102, les émetteurs de titres échangeables bénéficient généralement de dispenses de la plupart de leurs obligations d’information continue et de déclaration en vertu de la législation canadienne en valeurs mobilières au motif que les rapports et déclarations produits par leurs sociétés mères fournissent suffisamment d’information. Toutefois, ces dispenses reposent sur une structure conventionnelle de titres échangeables dans laquelle le titre échangeable assure à son porteur « des droits économiques et des droits de vote qui sont, dans toute la mesure du possible, sauf sur le plan fiscal, équivalents à ceux qui sont assurés par les titres sous-jacents ». En raison des différences susmentionnées, la Société en commandite n’est pas admissible à ces dispenses. Afin d’obtenir une dispense équivalente, il était nécessaire de démontrer au personnel de la Commission [des valeurs mobilières de l’Ontario qu’en raison des limites structurelles susmentionnées les bilans consolidés de la Société en commandite et de QSR demeureront identiques à tous égards importants et que QSR n’aura pas activité autrement qu’au moyen de la détention de sa participation dans la Société en commandite.

Dans le cadre du processus de demande, les organismes de réglementation ont soulevé de nombreuses questions nouvelles comme la question de savoir si les actions ordinaires de QSR et les parts échangeables devraient être assorties d’une clause d’égalité de traitement, la question de savoir si l’émission d’actions privilégiées comportant droit de vote par QSR ferait en sorte que les actions ordinaires de QSR soient qualifiées de « titres subalternes » et la question de savoir si une clause égalité de traitement devrait se rattacher aux actions ordinaires de QSR et aux parts échangeables de la Société en commandite en cas d’acquisition des actions privilégiées comportant droit de vote. Bien que toutes ces questions aient été réglées en définitive, comme le reflète la décision rendue le 31 octobre 2014 (dont on peut consulter une copie dans le Bulletin de la CVMO (volume 37, numéro 46), le prochain émetteur qui se présente sur le marché avec des actions échangeables, conventionnelles ou non, ou des actions privilégiées comportant droit de vote peut s’attendre à faire face aux mêmes questions.

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