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Coupons la poire en deux : Les ACVM adoptent des modifications visant à simplifier les obligations d’information des émetteurs émergents

Auteurs : Sébastien Roy, Nicolas Morin, Robert S. Murphy et Neil Kravitz

Le 9 avril 2015, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont annoncé l’adoption de modifications aux obligations d’information continue, aux obligations en matière de gouvernance et à l’information à fournir pour les placements de titres au moyen d’un prospectus (les modifications).1 La plupart des modifications simplifient les obligations d’information des émetteurs émergents et visent à réduire certaines des difficultés qu’éprouvent les petits émetteurs, qui disposent généralement de moins de ressources pour se conformer aux obligations associées au statut de société ouverte. Les modifications ont deux objectifs principaux : (i) refléter les besoins et les attentes des personnes qui investissent dans des émetteurs émergents en éliminant l’information qui leur est moins utile et (ii) permettre à la direction des émetteurs émergents de se concentrer sur la croissance de leurs entreprises tout en conservant un niveau acceptable de protection en matière de gouvernance. Selon les ACVM, « les modifications établissent un bon équilibre entre le besoin de l’investisseur d’être informé et le besoin de l’émetteur émergent d’être assujetti à un régime d’information simplifié et efficace ».

Certaines des modifications auront une incidence sur les émetteurs non émergents, dont les émetteurs du domaine minier.

Principaux éléments des modifications

Voici les principaux éléments des modifications.

  • Les émetteurs émergents pourront déposer des rapports sous forme de faits saillants trimestriels plutôt que des rapports de gestion intermédiaires, qu’ils aient généré ou non des produits des activités ordinaires significatifs au cours du dernier exercice.
  • Les émetteurs émergents devront déposer l’information sur la rémunération des membres de la haute direction dans les 180 jours de la fin de leur exercice et pourront choisir un mode beaucoup plus simple de communication de l’information sur les mécanismes de rémunération des membres de la haute direction et des administrateurs.
  • Le seuil entraînant l’obligation, pour les émetteurs émergents, d’établir une déclaration d’acquisition d’entreprise (DAE) passera de 40 % à 100 %; de plus, les émetteurs émergents ne seront plus tenus d’inclure des états financiers pro forma dans la DAE.
  • Les émetteurs émergents devront constituer des comités d’audit composés d’au moins trois membres dont la majorité ne sont pas des membres de la haute direction, des employés ou des personnes participant au contrôle, sauf dans certains cas.
  • Les émetteurs émergents effectuant un premier appel public à l’épargne (PAPE) ne seront tenus de présenter des états financiers audités que pour deux exercices dans leur prospectus relatif au PAPE.
  • Les émetteurs non émergents qui doivent envoyer des circulaires de sollicitation de procurations seront tenus de déposer l’information sur la rémunération des membres de la haute direction dans les 140 jours de la fin de leur exercice.
  • L’information que doivent inclure dans leur notice annuelle les émetteurs ayant des projets miniers sera présentée sous une forme différente.

Qu’est-ce qu’un émetteur émergent?

Les modifications ne proposent pas de changement à la définition d’« émetteurs émergents », qui sont des émetteurs assujettis dont les titres ne sont pas inscrits à la cote de la Bourse de Toronto, d’une bourse de valeurs nationale aux États-Unis (comme la Bourse de New York (NYSE) et la NYSE MKT, auparavant l’American Stock Exchange), du marché boursier NASDAQ ou d’une autre bourse étrangère, à l’exception des Alternative Investment Markets de la Bourse de Londres (AIM). Au Canada, les émetteurs émergents sont généralement les émetteurs dont les actions sont inscrites à la cote de la Bourse de croissance TSX ou, subsidiairement, à la cote de la Bourse des valeurs canadiennes.

La voie ayant mené aux modifications

Les modifications ont mis fin à l’initiative que les ACVM avaient lancée en 2011 (les propositions de 2011) et qui proposait initialement un examen plus exhaustif du régime d’information continue applicable aux émetteurs émergents. Constatant le manque d’appui à une refonte de ce régime, les ACVM ont élaboré une solution de rechange mitoyenne aux propositions de 2011. Il y a lieu de mentionner que les modifications sont essentiellement les mêmes que celles publiées aux fins de commentaires par les ACVM en mai 2014 (les modifications proposées).

Entrée en vigueur

Les ACVM prévoient que les modifications entreront en vigueur le 30 juin 2015.

Modifications touchant les émetteurs émergents

Obligations relatives aux rapportsde gestion

En vertu des modifications, les émetteurs émergents pourront choisir de déposer (i) un rapport de gestion pour les périodes de trois, de six et de neuf mois selon la version actuelle de l’article 2.2 de l’Annexe 51-102A1 Rapport de gestion ou (ii) de nouveaux « faits saillants trimestriels » pour de telles périodes selon l’article 2.2.1 de l’Annexe 51-102A1. Ce choix sera ouvert, que les émetteurs émergents aient réalisé ou non des produits des activités ordinaires significatifs au cours du dernier exercice2. Les ACVM s’attendent à ce que les émetteurs émergents tiennent compte des besoins de leurs investisseurs lorsqu’ils prendront la décision de déposer un rapport de gestion standard ou des faits saillants trimestriels. Par conséquent, les ACVM prévoient que les petits émetteurs émergents choisiront vraisemblablement de déposer des faits saillants trimestriels; toutefois, il est probable que les grands émetteurs émergents réalisant des produits des activités ordinaires significatifs déposeront un document d’information plus complet, comme un rapport de gestion. Les ACVM estiment que la possibilité de déposer des faits saillants trimestriels offrira « aux émetteurs émergents la souplesse dont ils ont besoin pour recentrer l’information qu’ils communiquent ».

Les faits saillants trimestriels comprendront un bref exposé de toute information importante sur les activités, la situation de trésorerie et les sources de financement de l’émetteur, y compris une analyse de sa situation financière, de sa performance financière et de ses flux de trésorerie, de même que des tendances, risques et besoins connus, des principaux jalons opérationnels, des engagements, des événements, prévus ou non, et des incertitudes qui ont eu une incidence importante sur les activités, la situation de trésorerie et les sources de financement des émetteurs au cours du trimestre pertinent ou dont on peut raisonnablement penser qu’ils auront une incidence importante ultérieurement, ainsi que de toute opération significative réalisée entre parties liées au cours du trimestre. Toutefois, les émetteurs émergents ne pourront pas recourir à la nouvelle version simplifiée du rapport de gestion pour leur premier rapport de gestion intermédiaire suivant un PAPE. De même, l’information relative au quatrième trimestre continuera de figurer dans un rapport de gestion annuel, dont la forme demeure la même.

La possibilité de déposer des faits saillants trimestriels s’appliquera à l’égard des exercices commençant à compter du 1er juillet 2015.

Information sur la rémunération des membres de la haute direction

En vertu des modifications, l’émetteur émergent peut choisir de fournir l’information sur la rémunération suivant la même annexe qu’auparavant (Annexe 51-102A6 Déclaration de la rémunération de la haute direction) ou suivant une nouvelle annexe mieux adaptée (Annexe 51-102A6E Déclaration de la rémunération de la haute direction – Émetteurs émergents). Par exemple, la nouvelle Annexe 51-102A6E :

  1. simplifie la communication de l’information en matière de gouvernance et de l’information relative à la rémunération de la haute direction de manière à inclure des renseignements mieux adaptés à la situation des émetteurs émergents;
  2. limite le nombre de membres de la haute direction pour lesquels l’information relative à la rémunération doit être incluse aux personnes suivantes : (i) le chef de la direction (ou la personne agissant en cette qualité), (ii) le chef des finances (ou la personne agissant en cette qualité) et (iii) l’autre membre de la haute direction le mieux rémunéré dont la rémunération totale était supérieure à 150 000$, pour un total de trois personnes (comparativement à un total de cinq pour les émetteurs non émergents);
  3. fait passer de trois à deux le nombre d’exercices pour lesquels l’information relative à la rémunération des membres de la haute direction doit être présentée, mais fait passer d’un exercice à deux exercices la période pour laquelle l’information relative à la rémunération des administrateurs doit être communiquée;
  4. regroupe en un seul tableau plutôt qu’en deux tableaux la rémunération des membres de la haute direction visés et celle des administrateurs;
  5. comporte des seuils échelonnés pour la communication de la valeur des avantages indirects fournis aux membres de la haute direction et aux administrateurs;
  6. simplifie l’information relative aux titres émis ou attribués à titre de rémunération (p. ex., les options sur actions, les titres convertibles, les droits à la plus-value d’actions, les unités d’actions différées et les unités d’actions incessibles) aux membres de la haute direction et aux administrateurs en éliminant notamment l’obligation d’indiquer la juste valeur à la date d’attribution;
  7. comporte des renseignements au sujet de l’exercice, par les membres de la haute direction et les administrateurs, des titres attribués à titre de rémunération, y compris la valeur de ces titres à la date d’exercice;
  8. comporte une description des modalités importantes de toutes les conventions aux termes desquelles une rémunération a été versée à un membre de la haute direction ou à un administrateur, plutôt que de seulement les conventions qui prévoient des paiements à la suite de la démission, de la retraite, d’un changement dans les fonctionsou du changement de contrôle de l’émetteur;
  9. comporte une description des modalités importantes du régime d’options sur actions ou d’un autre régime de rémunération de l’émetteur émergent.

Enfin, en vertu des modifications, les émetteurs émergents devront déposer l’information suivant l’Annexe 51-102A6 ou l’Annexe 51-102A6E dans les 180 jours de la fin de leur exercice. Étant donné que la plupart des émetteurs présentent l’information sur la rémunération des membres de la haute direction dans leurs circulaires de sollicitation de procurations, le nouvel échéancier applicable aux émetteurs émergents vient s’harmoniser avec le régime actuel, qui est en majeure partie dicté par les lois sur les sociétés (ou les documents constitutifs) et qui oblige les émetteurs à convoquer une assemblée annuelle des actionnaires dans les six mois de la fin de l’exercice3.

Les nouvelles échéances de dépôt de l’information sur la rémunération des membres de la haute direction s’appliqueront à l’égard des exercices commençant à compter du 1er juillet 2015.

Obligations relatives aux DAE

En vertu des modifications, le seuil à atteindre pour qu’une « acquisition » (au sens du Règlement 51-102) soit considérée comme une « acquisition significative » et entraîne l’obligation pour l’émetteur émergent de déposer une DAE, passera de 40% à 100%. Par conséquent, une acquisition ne sera une acquisition significative que si le résultat du « critère de l’actif » ou du « critère des investissements » (au sens du Règlement 51-102) ou, subsidiairement, du « critère optionnel de l’actif » ou du « critère optionnel des investissements » (au sens du Règlement 51-102) est supérieur à 100% de l’actif consolidé de l’émetteur émergent. Cette modification devrait entraîner une diminution importante des cas dans lesquels une DAE doit être établie et déposée. Le nouveau seuil de 100% s’appliquera également aux prospectus et aux circulaires de sollicitation de procurations établis dans le cadre d’une acquisition proposée.

De plus, les émetteurs émergents ne seront pas tenus de joindre des états financiers pro forma à la DAE.

Compositiondu comité d’audit

Selon les modifications, le comité d’audit d’un émetteur émergent doit être composé d’au moins trois membres, dont la majorité ne peut être des membres de la haute direction, des employés ou des personnes participant au contrôle de l’émetteur émergent ou d’un membre de son groupe (c.-à-d. une filiale, la société mère ou une filiale de la société mère). Par conséquent, les membres du comité d’audit de l’émetteur émergent ne seront pas tenus d’être indépendants au sens du Règlement 52-110.

Des exceptions temporaires à la règle sur la composition du comité d’audit seront permises s’il survient des circonstances touchant l’entreprise ou les activités des émetteurs émergents, si un membre devient une personne participant au contrôle en raison d’un événement qui, aux yeux de la personne raisonnable, est indépendant de sa volonté et si une vacance survient au sein du comité en raisondu décès, de l’invalidité ou de la démission d’un membre.

Les nouvelles exigences en matière de composition du comité d’audit s’appliqueront à l’égard des exercices commençant à compter du 1er janvier 2016.

Obligations relatives à un prospectus portant sur un PAPE

En vertu des modifications, l’émetteur admissible à titre d’« émetteur émergent au stade du premier appel public à l’épargne » au sens du Règlement 41-101 (c.-à-d. un émetteur émergent) pourra faire ce qui suit :

  1. présenter des états financiers audités pour deux exercices, plutôt que trois, dans son prospectus portant sur un PAPE;
  2. inclure dans son prospectus portant sur un PAPE une description de ses activités pour une période de deux exercices plutôt que de trois exercices;
  3. s’acquitter de ses obligations relatives à l’information inclure dans le prospectus portant sur un PAPE et ses obligations d’information continue en tenant compte des modifications apportées au Règlement 51-102 (information continue) et au Règlement 52-110 (comité d’audit).

Modifications touchant les émetteurs non émergents

Échéance du dépôt de l’information sur la rémunération des membres de la haute direction

Conformément aux modifications, les émetteurs non émergents tenus d’envoyer une circulaire de sollicitation de procurations devront déposer l’information suivant l’Annexe 51-102A6 dans les 140 jours de la fin de leur exercice. Étant donné que la plupart des émetteurs intègrent l’information sur la rémunération des membres de la haute direction dans leur circulaire de sollicitation de procurations, la nouvelle échéance applicable aux émetteurs non émergents constitue un écart par rapport au régime actuel relatif aux assemblées, qui est en majeure partie dicté par les lois sur les sociétés (ou par les documents constitutifs) et qui oblige les émetteurs à convoquer une assemblée annuelle des actionnaires dans les six mois de la fin de leur exercice4. À titre de solution de rechange, les émetteurs non émergents qui désirent convoquer leur assemblée annuelle des actionnaires après la nouvelle échéance pourraient déposerl’information sur la rémunération des membres de la haute direction dans un document distinct en respectant la nouvelle échéance et la déposer de nouveau plus tard comme partie de la circulaire de sollicitation de procurations.

Les nouvelles échéances de dépôt de l’information sur la rémunération des membres de la haute direction s’appliqueront à l’égard des exercices commençant à compter du 1er juillet 2015.

Modifications touchant les émetteurs émergents et non émergents

Description des projetsminiers dans la notice annuelle

Les ACVM ont également modifié la forme de l’information que doivent inclure dans leur notice annuelle les émetteurs ayant des projets miniers. Ces émetteurs pourront toujours satisfaire à l’obligation relative à l’information à inclure dans la notice annuelle en reproduisant le sommaire du rapport technique établi conformément au Règlement 43-101 sur l’information concernant les projets miniers et en intégrant par renvoi dans la notice annuelle l’information détaillée figurant dans le rapport technique. Les émetteurs du domaine minier qui envisagent cette option doivent savoir que les documents intégrés par renvoi dans les prospectus simplifiés déposés dans la province de Québec doivent être traduits en français et devraient donc s’informer pour savoir si cette obligation s’applique aux documents intégrés par renvoi dans des documents intégrés par renvoi dans les prospectus.

1 Les modifications comprennent des modifications au Règlement 51-102 sur les obligations d’information continue (Règlement 51-102), au Règlement 41-101 sur les obligations générales relatives au prospectus (Règlement 41-101) ainsi qu’au Règlement 52-110 sur le comité d’audit (Règlement 52-110). Les modifications comprennent également des modifications aux instructions générales relatives au Règlement 51-102 et au Règlement 41-101.

2 Les ACVM s’étaient initialement demandées si la possibilité de choisir de déposer les nouveaux faits saillants trimestriels plutôt qu’un rapport de gestion intermédiaire devrait s’appliquer seulement aux émetteurs émergents n’ayant pas de produits des activités ordinaires significatifs. Après examen des commentaires soumis sur les modifications proposées, les ACVM ont choisi un régime plus simple et harmonisé dans lequel les émetteurs émergents ne sont pas « subdivisés ».

3 En vertu de la Loi sur les sociétés par actions (Québec) (LSAQ) et de la Loi sur les sociétés par actions (Ontario) (LSAO), une assemblée annuelle des actionnaires doit être tenue dans les quinze mois de l’assemblée annuelle précédente. Les émetteurs émergents auront, comme les émetteurs non émergents, la possibilité de convoquer leurs assemblées annuelles des actionnaires après la nouvelle échéance et de déposer l’information sur la rémunération de la haute direction dans un document distinct selon la nouvelle échéance et de la déposer de nouveau plus tard à titre de partie de la circulaire d’information de la direction.

4 Le Guide à l’intention des sociétés de la TSX oblige l’émetteur inscrit à la cote à tenir son assemblée annuelle des actionnaires dans un délai de six mois de la fin de son exercice. En vertu de la LSAQ et de la LSAO, une assemblée annuelle des actionnaires doit être tenue dans les quinze mois de l’assemblée annuelle précédente.

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