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Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial : précisions et questions pratiques

La Société canadienne d’hypothèques et de logement (la « SCHL ») a commencé à accepter les demandes dans le cadre du programme de l’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial (l’« AUCLC »), programme destiné aux petites entreprises touchées par la pandémie de COVID-19 qu’elle avait annoncé le 29 avril.

Le programme comporte un processus en deux étapes. Dans un premier temps, les propriétaires immobiliers peuvent s’inscrire sur le site web de l’AUCLC et créer un compte. Une fois que les propriétaires d’immeubles sont inscrits, ils peuvent accéder au portail de l’AUCLC, qui est disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour que les demandeurs puissent saisir des données et charger des documents. Les propriétaires auront jusqu’au 31 août 2020 pour présenter en bonne et due forme par le biais du portail une demande de prêt-subvention sans intérêt.

La SCHL administrera le programme au nom du gouvernement fédéral et des provinces. Pour ce faire, elle a demandé le soutien de MCAP, qui travaille avec la Compagnie de titres First Canadian. Les modalités seront les mêmes pour toutes les provinces.

Le demandeur de l’AUCLC devra être le propriétaire immobilier admissible (et non la petite entreprise locataire admissible). Il est précisé clairement qu’il s’agit d’un programme à participation volontaire. Les demandes devront être présentées en ligne et le propriétaire demandeur devra transmettre des renseignements attestant son admissibilité, y compris les documents suivants (dont la SCHL a fourni) :

  • une entente de réduction de loyer entre le propriétaire et le locataire prévoyant une réduction du loyer brut (y compris dans le cas d’un loyer calculé en fonction d’un pourcentage) d’au moins 75 % pour avril, mai et juin 2020 et incluant un moratoire sur la livraison des mises en demeure ou l’expulsion pour la période visée par la réduction de loyer. Selon la documentation publiée par la SCHL, ce moratoire ne s’applique pas en cas de manquement de la part du locataire à son obligation de payer son loyer brut, réduit à 25 %, pour avril, mai ou juin 2020;
  • une attestation signée par le propriétaire confirmant que les renseignements qu’il a donnés dans la demande à son sujet et au sujet de l’immeuble sont exacts et qu’il satisfait aux exigences du programme;
  • une attestation signée par le locataire confirmant qu’il satisfait aux exigences du programme (et notamment qu’il a subi une baisse de revenus de 70 %, baisse qui est décrite ci-dessous).

De plus, le propriétaire doit donner des renseignements au sujet de l’immeuble, à son sujet et au sujet du locataire, dont le registre des loyers le plus récent pour les locataires qui sont des locataires touchés dans le cadre du programme.

La petite entreprise locataire (y compris l’organisme sans but lucratif ou de bienfaisance) sera admissible à l’AUCLC si elle remplit toutes les conditions suivantes :

  • elle ne verse pas plus de 50 000 $ de loyer mensuel brut par emplacement;
  • elle ne génère pas plus de 20 millions de dollars en revenus annuels bruts, calculés de manière consolidée (au niveau de la société tête de groupe);
  • elle a connu une baisse de revenus d’au moins 70 % par rapport à ses revenus bruts antérieurs à la COVID-19 (revenus bruts d’avril, de mai et de juin 2020 par rapport aux revenus des mêmes mois de 2019 ou à la moyenne des revenus bruts de janvier et de février 2020). Les locataires ayant commencé leurs activités le 1er mars 2020 ou après cette date ne sont pas admissibles à l’AUCLC. La baisse de revenus est calculée en tenant compte de la baisse déjà enregistrée jusqu’à la date de la demande et de toute baisse supplémentaire prévue au cours de la période du 1er avril au 30 juin 2020. Les prévisions de juin doivent être guidées par la réduction moyenne des revenus pour avril et mai et par le changement prévu, compte tenu des principes directeurs de votre province ou territoire respectif en matière de réouverture de l’économie.

De plus, la SCHL a précisé, aux fins du calcul de la baisse de 70 % des revenus du locataire, que les revenus doivent :

  • provenir d’activités ordinaires au Canada;
  • être calculés selon la méthode comptable habituelle du locataire;
  • exclure les revenus des postes extraordinaires; et
  • être calculé au niveau de l’entité (et non sur une base consolidée ou en fonction d’un immeuble en particulier).

Dans le cas des organismes de bienfaisance enregistrés et des organismes sans but lucratif, le calcul comprendrait la plupart des types de revenus, à l’exclusion des revenus provenant de personnes ayant un lien de dépendance. Ces organismes seraient autorisés à inclure dans le calcul de leurs revenus ceux provenant de sources gouvernementales.

Pour être admissible à l’AUCLC, le propriétaire immobilier doit satisfaire à certaines exigences. Il doit notamment avoir tiré des revenus de location commerciale de l’immeuble en question et les avoir indiqués dans sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2018 ou 2019, ou les deux, ou il doit indiquer qu’il a commencé à tirer des revenus de location commerciale de l’immeuble en 2020. Le programme ne s’applique pas aux immeubles appartenant, en totalité ou en partie, à une autorité fédérale, provinciale ou municipale, sous réserve de certaines exceptions, dont un fonds de pension ou une société d’État que la SCHL a désigné comme étant admissible.

L’AUCLC consiste en un prêt-subvention accordé au propriétaire immobilier admissible, s’élevant au montant égal à 50 % du loyer brut qui lui est payable (avant la réduction du loyer prévue dans l’entente de réduction de loyer) par un locataire admissible pour les mois d’avril, de mai et de juin 2020. Le montant du prêt sera réduit de la partie proportionnelle de l’indemnité au titre d’une assurance versée au propriétaire et/ou au locataire admissible pour une perte de revenus de location de l’immeuble ou de toute somme non remboursable versée au titre d’un programme du gouvernement fédéral ou provincial d’assistance visant le loyer commercial (autre que l’AUCLC) créé en réponse à la pandémie de COVID-19, qu’a reçue ou que recevra le propriétaire ou le locataire admissible pour les mois d’avril, de mai et de juin 2020.

Selon les modèles d’attestation qu’a publiés la SCHL, le propriétaire et le locataire doivent tous deux attester qu’ils ont cherché à obtenir des fonds d’autres programmes gouvernementaux d’assistance visant le loyer commercial, ainsi que de leur assurance loyer. Il semble que le montant du prêt-subvention reçu selon l’AUCLC pourrait être rajusté à une date ultérieure si le propriétaire ou le locataire recevait de tels fonds ou une telle indemnité au titre d’une assurance.

Pour être admissible à l’AUCLC, le propriétaire immobilier qui a perçu le loyer des mois d’avril, de mai ou de juin 2020 doit utiliser le montant du prêt-subvention comme suit :

  • premièrement, pour retourner au locataire toute somme payée en sus du montant correspondant à 25 % de son loyer durant la période d’admissibilité ou, au choix du locataire, pour porter une telle somme au crédit de son loyer futur;
  • deuxièmement, pour payer les frais directement rattachés à l’immeuble, dont le service de la dette (capital et intérêts) du propriétaire, le cas échéant, et les frais d’exploitation et les frais d’entretien et de réparation nécessaires (aux fins de l’entretien des aires communes, des impôts fonciers, des assurances et des services publics, notamment).

Le 31 décembre 2020, le prêt-subvention fera l’objet d’une remise de la part de la SCHL, à la condition que le propriétaire immobilier ait respecté toutes les modalités de l’AUCLC, y compris les suivantes :

  • il s’est conformé aux modalités de l’entente de prêt-subvention, de l’entente de réduction de loyer et de l’AUCLC, y compris l’exigence de ne pas chercher à recouvrer par quelque moyen ou mécanisme que ce soit, direct ou indirect, la réduction de loyer prévue par l’entente de réduction de loyer, ni au cours ni à la suite du programme (notamment par des augmentations de loyer importantes ou disproportionnées);
  • il s’est assuré que l’attestation et la demande (y compris les documents à l’appui de la demande) ne contiennent aucune information fausse ou trompeuse;
  • il n’a pas déclaré faillite, ni n’a restructuré, réorganisé ou dissous son entreprise.

En cas de manquement à l’entente de prêt-subvention, la SCHL dispose du droit de recouvrer auprès du propriétaire la totalité du montant du prêt-subvention. De plus, l’entente de prêt-subvention prévoit, en cas de manquement, la possibilité que le recouvrement se fasse par l’entremise de l’Agence du revenu du Canada, conférant ainsi un pouvoir considérable à la SCHL.

Les précisions supplémentaires suivantes sont particulièrement importantes :

  • les immeubles admissibles à l’AUCLC peuvent ou non être l’objet d’un prêt hypothécaire;
  • les propriétaires d’immeubles à usage mixte sont admissibles à l’AUCLC en ce qui a trait à leurs locataires qui sont des petites entreprises admissibles;
  • le locataire admissible ayant conclu une entente de sous-location est également en droit de participer au programme si les modalités de cette entente répondent aux critères du programme;
  • le propriétaire immobilier admissible peut présenter une seule demande pour tous ses locataires admissibles d’un immeuble, mais devra présenter une attestation pour chaque locataire admissible;
  • le locataire admissible qui loue plusieurs emplacements auprès de plusieurs propriétaires admissibles doit s’entendre avec chacun des propriétaires présentant une demande au titre du programme;
  • l’entente de réduction de loyer peut être subordonnée à l’approbation finale de la demande par la SCHL;
  • le propriétaire et le locataire sont en droit de dresser leur propre entente de réduction de loyer, à la condition que celle-ci soit conforme aux exigences du programme. Toutefois, toute entente antérieure prévoyant une réduction de loyer pour les mois d’avril, de mai ou de juin 2020 (y compris, vraisemblablement, une entente de report de loyer) qui n’est pas conforme au programme doit être remplacée par une entente de réduction de loyer conforme.

Malgré ces nouvelles précisions, de nombreuses questions d’ordre pratique et commercial demeurent en suspens à l’égard de l’AUCLC, dont les suivantes :

  • Certaines entités exonérées d’impôt qui ne sont pas des sociétés seront-elles exclues du programme compte tenu de l’obligation de produire une déclaration de revenus pour 2018 ou 2019 ou d’avoir réalisé des revenus locatifs commerciaux en 2020?
  • L’interdiction d’employer des moyens directs ou indirects pour recouvrer la réduction de loyer empêchera-t-elle les propriétaires d’obtenir des augmentations de loyer qui auraient autrement été conformes au marché?
  • À quel moment la SCHL désignera-t-elle les sociétés d’État qu’elle considère comme des propriétaires admissibles au programme?
  • Il est indiqué dans la documentation du programme que le montant du prêt-subvention sera réduit de toute somme reçue au titre d’une assurance pour perte de revenus de location et de toute somme non remboursable reçue au titre d’un programme du gouvernement fédéral ou provincial d’assistance pour loyer commercial (autre que l’AUCLC) créé en réponse à la pandémie de COVID-19. De plus, il y est précisé que le propriétaire a l’obligation d’aviser la SCHL s’il reçoit ou si, à sa connaissance, le locataire reçoit, une telle somme. Par contre, il n’y est pas précisé dans quelle mesure le propriétaire et le locataire doivent chercher à obtenir une telle somme.
  • Les propriétaires devraient examiner les clauses de leurs documents de financement pour déterminer si ceux-ci les autorisent à participer au programme et à offrir des réductions de loyer à leurs locataires. C’est d’autant plus important que l’attestation que doit donner le propriétaire comprend une disposition dans laquelle il atteste avoir obtenu le consentement requis de la part de ses prêteurs, le cas échéant, et qu’un manquement à cette disposition pourrait constituer un cas de défaut selon les modalités de l’entente de prêt-subvention.
  • Les propriétaires devront examiner de près les conséquences fiscales potentielles des prêts-subventions.

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