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Se préparer à la Corporate Transparency Act

Auteurs : Nir Servatka et Giulia Caselli Maldonado

Aperçu

Les obligations de déclaration concernant les bénéficiaires effectifs (parfois appelés « propriétaires véritables ») prévues dans la loi américaine sur la transparence des entreprises intitulée Corporate Transparency Act (la « Loi ») entreront en vigueur le 1er janvier 2024. Toutes les entités constituées ou enregistrées pour faire affaire dans un État américain1, à l’exception de certains types d’entités exemptées, devront soumettre un rapport d’information sur les bénéficiaires effectifs (un « rapport d’information »), au Financial Crimes Enforcement Network du Trésor américain (le « FinCEN »). La date limite pour soumettre un premier rapport d’information est fonction de la date de création de la société déclarante, comme il est indiqué ci-dessous. Par la suite, des rapports d’information mis à jour doivent être soumis chaque fois qu’un changement dans l’information précédemment déclarée concernant les bénéficiaires effectifs survient.

La Loi a été adoptée le 1er janvier 2021 dans le cadre de la loi américaine de 2020 sur la lutte contre le blanchiment d’argent (la Anti-Money Laundering Act). En effet, les exigences de déclaration prévues dans la Loi visent à prévenir et à lutter contre le blanchiment d’argent, le financement des activités terroristes, la corruption, la fraude fiscale et d’autres activités illicites. Les rapports d’information soumis par les sociétés déclarantes ne seront pas accessibles au public et ne pourront faire l’objet de demandes en vertu de la loi américaine sur l’accès à l’information (la Freedom of Information Act)2.

Qui est tenu de produire un rapport?

À moins qu’elles n’en soient exemptées selon la Loi, les entités suivantes sont considérées comme des sociétés déclarantes (« reporting companies ») au sens de la Loi, et doivent donc soumettre un rapport d’information :

  • Les sociétés déclarantes locales : les sociétés par actions américaines, les sociétés à responsabilité limitée américaines et les autres entités américaines créées par le dépôt d’un document auprès d’un secrétaire d’État ou d’un bureau similaire conformément à la législation d’un État américain3.
  • Les sociétés déclarantes étrangères : les sociétés par actions, les sociétés à responsabilité limitée et les autres entités constituées selon le régime des lois d’un pays autre que les États-Unis, qui sont enregistrées pour faire affaire dans un État américain par le dépôt d’un document auprès du secrétaire d’État ou d’un bureau similaire conformément à la législation de cet État américain.

La Loi prévoit 23 types particuliers d’entités qui ne sont pas considérées comme des sociétés déclarantes au sens de la Loi et qui sont donc exemptées de ces exigences. Bon nombre de ces entités exemptées sont déjà soumises à une quantité importante de règlements fédéraux et/ou étatiques aux États-Unis, ou doivent déjà fournir l’information sur leurs bénéficiaires effectifs à une autorité gouvernementale américaine. Les principaux types d’entités exemptées sont les suivants :

  • les sociétés ouvertes américaines (c’est-à-dire les sociétés soumises aux exigences de déclaration selon la loi américaine sur les valeurs mobilières intitulée Securities Exchange Act of 1934);
  • les conseillers en investissement (au sens donné au terme « investment advisers » à l’article 202 de la loi américaine sur les conseillers en investissement intitulée Investment Advisers Act of 1940) et les sociétés d’investissement (au sens donné au terme « investment companies » à l’article 3 de la loi américaine sur les sociétés d’investissement intitulée Investment Company Act of 1940) qui sont enregistrés auprès de la Securities and Exchange Commission des États-Unis;
  • les instruments d’investissement en gestion commune, qui comprennent notamment les instruments de ce type qui sont exploités ou conseillés par des sociétés d’investissement enregistrées ou des conseillers en investissement enregistrés;
  • les grandes sociétés d’exploitation, qui sont définies comme étant les entités qui i) emploient plus de 20 salariés à temps plein aux États-Unis, ii) ont une présence opérationnelle dans un bureau physique aux États-Unis, et iii) ont déposé une déclaration de revenus fédérale ou une déclaration de renseignements aux États-Unis pour l’année précédente faisant état de plus de 5 millions de dollars américains en recettes brutes ou en chiffre d’affaires;
  • les autorités gouvernementales américaines;
  • les courtiers en valeurs mobilières inscrits;
  • les banques, les coopératives de crédit et les compagnies d’assurance; et
  • les entités inactives, qui sont définies comme étant les entités qui i) existaient au plus tard le 1er janvier 2020, ii) ne sont pas impliquées dans une activité commerciale active, iii) n’appartiennent pas à une personne étrangère, que ce soit directement ou indirectement, en totalité ou en partie, iv) n’ont pas connu de changement de propriété au cours des 12 mois précédents, v) n’ont pas envoyé ni reçu de fonds d’un montant supérieur à 1 000 dollars américains au cours des 12 mois précédents et vi) ne détiennent par ailleurs aucun type d’actifs, que ce soit aux États-Unis ou à l’étranger, y compris toute participation dans une société par actions, une société à responsabilité limitée ou une autre entité similaire.

Établir si une entité est une société déclarante aux fins de la Loi peut s’avérer complexe dans le cas des fonds privés en raison des diverses structures utilisées par les conseillers en investissement enregistrés. Il convient de procéder à une analyse minutieuse pour déterminer quelles entités de la structure du fonds privé, s’il y a lieu, sont exemptées de l’obligation de déclaration concernant les bénéficiaires effectifs selon la Loi.

Quels renseignements doivent figurer dans le rapport?

Une société déclarante doit communiquer des renseignements particuliers concernant tous ses bénéficiaires effectifs, y compris le nom complet, la date de naissance, l’adresse, ainsi qu’une pièce d’identité avec photo où figure le numéro d’identification pour chaque bénéficiaire effectif. La Loi définit un bénéficiaire effectif (« beneficial owners ») d’une société déclarante comme étant toute personne physique qui, directement ou indirectement, i) exerce un contrôle substantiel sur cette société déclarante, ou ii) possède ou contrôle au moins 25 % des participations dans cette société déclarante.

Selon la Loi, une personne exerce un contrôle substantiel (« substantial control ») sur une société déclarante si cette personne i) est membre de la haute direction de cette société déclarante, ii) a le pouvoir de nommer ou de révoquer un membre de la haute direction ou sur la majorité du conseil d’administration (ou d’un organe similaire) de cette société déclarante, iii) dirige des décisions importantes prises par cette société déclarante4 , ou exerce une influence substantielle sur celles-ci, ou iv) exerce toute autre forme de contrôle substantiel sur cette société déclarante5.

Pour établir si une personne physique possède ou contrôle au moins 25 % des participations dans une société déclarante, l’ensemble des instruments suivants doivent être pris en compte : i) tous les instruments de capitaux propres et d’actions, sans égard au fait que ces instruments soient ou non cessibles ni assortis ou non de droits de vote; ii) toutes les participations au capital ou aux bénéfices; iii) tous les instruments convertibles en actions ou en instruments décrits ci-dessus, avec ou sans contrepartie, et tous les contrats à terme standardisé sur de tels instruments; iv) tous les bons de souscription et droits d’achat, de vente ou de souscription d’actions ou de participation décrits ci-dessus, qu’ils soient ou non qualifiés de dettes; v) l’ensemble des options de vente et d’achat, des stellages et des autres options ou privilèges d’achat ou de vente des éléments décrits ci-dessus, à moins que l’option ou le privilège ne soit créé et détenu par des tiers à l’insu ou sans la participation de la société déclarante; et vi) l’ensemble des autres instruments, contrats, arrangements, accords, conventions, relations et mécanismes utilisés pour établir un droit de propriété. Le calcul des participations peut s’avérer complexe lorsqu’une société déclarante possède plusieurs catégories et types de participations.

Les personnes et entités suivantes ne sont pas des bénéficiaires effectifs au sens de la Loi :

  • tout enfant mineur. Toutefois, la société déclarante doit communiquer l’information requise concernant le parent ou le tuteur légal de l’enfant mineur;
  • toute personne physique agissant comme prête-nom, intermédiaire, dépositaire ou agent pour le compte d’une autre personne physique;
  • tout employé de la société déclarante, agissant uniquement en tant qu’employé, dont le contrôle substantiel sur cette société déclarante ou les avantages économiques qui découlent de celle-ci proviennent uniquement de son statut d’employé, pour autant que cette personne ne soit pas un membre de la haute direction de cette société déclarante;
  • toute personne dont le seul intérêt dans une société déclarante est un intérêt futur par le biais d’un droit d’héritage;
  • tout créancier de la société déclarante qui remplit les conditions pour être un bénéficiaire effectif uniquement par le biais de droits ou d’intérêts à l’égard d’une somme d’argent préétablie.

Quelle est la date limite pour soumettre un rapport?

Les sociétés déclarantes constituées ou enregistrées pour faire affaire avant le 1er janvier 2024 devront soumettre un premier rapport d’information au plus tard le 1er janvier 2025.

Les sociétés déclarantes constituées ou enregistrées pour faire affaire le 1er janvier 2024 ou après cette date devront soumettre un premier rapport d’information dans les 30 jours suivant la première des deux dates suivantes : i) la date à laquelle elles reçoivent un avis confirmant leur création effective ou ii) la date à laquelle un secrétaire d’État ou un bureau similaire émet un premier avis au public de la création de l’entité6 .

Après la soumission du premier rapport d’information, une société déclarante doit soumettre un rapport d’information mis à jour dans les 30 jours suivant tout changement survenu dans l’information précédemment soumise au FinCEN au sujet de la société déclarante ou de ses bénéficiaires effectifs, y compris tout changement concernant qui sont les bénéficiaires effectifs ou l’information déclarée à l’égard d’un bénéficiaire effectif particulier.

Comment se préparer à l’établissement d’un rapport et comment est-ce que Davies peut vous aider?

Les rapports d’information seront soumis via une plateforme en ligne administrée par le FinCEN appelée « Beneficial Ownership Secure System », qui n’est pas encore mise en place, mais qui devrait être accessible avant que tout rapport d’information ne doive être soumis. Le FinCEN n’acceptera aucun rapport d’information avant le 1er janvier 2024.

Les sociétés devraient commencer à évaluer si elles-mêmes et les entités de leur structure organisationnelle sont considérées comme des sociétés déclarantes au sens de la Loi. Dans l’affirmative, elles devraient d’abord déployer des efforts pour identifier leurs bénéficiaires effectifs et rassembler l’information et les documents requis. Les sociétés sont également encouragées à mettre à jour leur plan de conformité en matière de gouvernance afin de s’assurer que les changements survenus à l’égard de leur propriété effective sont déclarés au FinCEN, comme l’exige la Loi7.

Les avocats en droit des sociétés chez Davies peuvent aider les sociétés à évaluer l’applicabilité de la Loi et les conseiller sur toute question liée aux exigences de déclaration de la propriété effective prévues dans la Loi. Davies s’est également associé à un prestataire de services pour faciliter le processus de compilation des renseignements requis et pour compléter et soumettre les rapports d’information, afin de s’assurer que les clients sont en mesure de se conformer aux exigences de déclaration prévues dans la Loi, et ce, dans les délais impartis.

1 On entend par « État américain » tout État des États-Unis, le District de Columbia, les États libres associés de Porto Rico et des îles Mariannes du Nord, les Samoa américaines, Guam, les îles Vierges américaines et tout autre État libre associé ou territoire, ou toute autre possession des États-Unis, y compris les territoires des tribus.
2 Dans certaines circonstances particulières, le FinCEN est autorisé à communiquer des renseignements contenus dans les rapports d’information à un groupe d’autorités gouvernementales défini par la loi et, avec le consentement de la société déclarante, à des institutions financières, afin de les utiliser dans le cadre d’activités associées à la sécurité nationale, au renseignement ou à l’application de la loi.
3 Les sociétés en commandite, les sociétés à responsabilité limitée (LLP), les fiducies commerciales et les fiducies légales sont probablement comprises dans la définition des sociétés déclarantes locales, de même que les sociétés en nom collectif dans la mesure où elles déposent un document auprès d’un secrétaire d’État ou d’un bureau similaire.
4 Les décisions importantes comprennent les décisions relatives aux activités (par exemple, la nature et l’étendue des activités, l’ajout ou le retrait de secteurs d’activité ou de zones géographiques des activités et la conclusion, la résolution ou la résiliation de contrats importants), aux finances (par exemple, la vente ou la location des principaux actifs, les dépenses ou les investissements d’envergure, la création d’une dette importante et la rémunération de la haute direction) et à la structure (par exemple, la réorganisation, la dissolution ou la fusion et les modifications apportées aux documents constitutifs) d’une société déclarante.
5 Le FinCEN a indiqué qu’un administrateur n’est pas nécessairement un bénéficiaire effectif, mais que la société déclarante doit plutôt établir le statut de chaque administrateur au cas par cas. Un administrateur disposant de droits de veto particuliers est plus susceptible d’exercer un contrôle substantiel.
6 Le FinCEN a récemment proposé de faire passer la période de 30 jours à 90 jours pour les sociétés déclarantes constituées ou enregistrées pour faire affaire seulement au cours de l’année 2024 (pas après). À la date de cette alerte client, cette proposition n’a pas encore été adoptée.
7 Cela nécessitera beaucoup de diligence, notamment en ce qui concerne les changements de dirigeants et d’administrateurs, d’adresses et concernant les nouveaux permis ou passeports des personnes visées.

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