Bulletin

La Cour d’appel de l’Ontario maintient une condamnation pour complot en vue d’offrir des pots-de-vin à des agents publics étrangers

Auteurs : John Bodrug, Stéphane Eljarrat, Lauréanne Vaillant et David Feldman

En 2014, Nazir Karigar a été condamné à trois ans d’emprisonnement en vertu de la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers (Canada) (la « LCAPE ») pour son rôle dans un stratagème visant à offrir des pots-de-vin à des fonctionnaires de l’Inde pour le compte d’une société de technologies canadienne. C’était la première fois qu’un particulier était reconnu coupable en vertu de la LCAPE. Comme nous l’avions mentionné dans un bulletin antérieur, la condamnation de M. Karigar est sans précédent, non seulement en raison de la durée de sa peine d’emprisonnement, mais également parce qu’il a été déclaré coupable sur un chef de complot en vue d’offrir des pots-de-vin : le ministère public n’a pas démontré que des pots-de-vin avaient bel et bien été versés, et le contrat en question n’a finalement jamais été accordé à la société que représentait M. Karigar.

Le 6 juillet 2017, la Cour d’appel de l’Ontario a confirmé (disponible en anglais seulement) la condamnation de M. Karigar ainsi que les conclusions du jugement de première instance selon lequel la preuve d’un complot en vue d’offrir un pot-de-vin à un agent public étranger suffit à établir qu’une infraction a été commise en vertu de la LCAPE.

L’article 3 de la LCAPE interdit à quiconque, dans le but d’obtenir ou de conserver un avantage dans le cours de ses affaires, de donner, d’offrir ou de convenir de donner ou d’offrir un avantage à un agent public étranger pour convaincre ce dernier d’user de son poste pour influencer les actes ou les décisions d’un État étranger ou d’une organisation internationale publique. Le ministère public a présenté une preuve très étoffée concernant l’entente qu’avait conclue M. Karigar avec la société qu’il représentait en vue d’offrir des pots-de-vin à certains agents publics de l’Inde, mais il n’en a soumis aucune montrant que M. Karigar était effectivement parvenu à un accord avec quelque agent public ou leur avait versé des pots-de-vin.

En première instance et en appel, M. Karigar a fait valoir que l’« entente » dont il est question à l’article 3 doit intervenir entre l’accusé et un agent public étranger. La Cour d’appel, à l’instar du juge de première instance, a rejeté cet argument et a déclaré, sous la plume du juge Feldman, que [traduction] « l’infraction est manifestement commise dès lors qu’une personne convient avec un agent public étranger de lui donner un avantage. Cependant, il est tout aussi clair que l’infraction ne se limite pas à ce cas de figure… il n’y a pas lieu d’interpréter cet article comme limitant les parties à une telle entente [aux seules parties ayant effectivement versé/reçu un avantage]. »

La juge Feldman abonde dans le même sens que le juge de première instance lorsqu’elle conclut qu’[traduction] « interpréter [l’article 3] comme comportant une telle limitation restreindrait la capacité du ministère public de mettre en oeuvre la politique qui sous-tend la LCAPE, et ce, en conformité avec les obligations du Canada » aux termes de la Convention sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers de l’OCDE qui, selon elle, constitue un outil d’interprétation approprié de la LCAPE.

La Cour d’appel de l’Ontario cautionne ainsi une interprétation large de l’article 3 de la LCAPE qui, combinée à la durée de la peine imposée par le juge de première instance, rappelle que le gouvernement canadien prend la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers par des Canadiens très au sérieux. Les entreprises qui exercent des activités à l’international ont tout intérêt à adopter des politiques en matière conformité appropriées à la législation anticorruption.

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