Bulletin

Les républicains de la Chambre des représentants font progresser la réforme fiscale américaine

Auteurs : Peter Glicklich et Gregg M. Benson

Après moult promesses et une étonnante discrétion, les républicains de la Chambre des représentants (les « représentants républicains ») ont fait un pas important vers l’adoption d’une loi fédérale qui entraînera des changements fiscaux significatifs. Le 2 novembre 2017, ils ont déposé un projet de loi intitulé Tax Cuts and Jobs Act (la « Loi »), qui reprend bon nombre des principes énoncés dans le plan de neuf pages portant sur la refonte du régime d’imposition des États-Unis publié le 27 septembre dernier et qui vise à respecter les cadres de la procédure de conciliation budgétaire (budget reconciliation procedure). Selon cette procédure, un projet de loi peut être adopté à la majorité simple des voix exprimées par les membres du Sénat, ce qui réduit le risque qu’il soit bloqué sur le parquet de cette chambre. Même si tout indique que la Loi rédigée par le président du comité des voies et moyens, Kevin Brady, subira plusieurs changements avant d’être promulguée, son dépôt marque l’ouverture de tentatives tous azimuts pour mettre en œuvre la réforme fiscale avant la fin de 2017.

Ce bulletin présente certains aspects importants du projet de loi, en particulier ceux ayant une portée internationale et ceux qui sont susceptibles d’être une source de préoccupations d’ordre commercial. Bien que nous nous attendions à ce que plusieurs parties militent ardemment en faveur de mesures transitoires, pour l’instant, la Loi ne prévoit aucune clause générale de droits acquis à l’égard des structures actuelles. Les contribuables devraient donc rapidement examiner l’incidence que cette Loi pourrait avoir sur leurs structures étant donné que, selon son libellé actuel, elle devrait s’appliquer de façon générale au revenu gagné et aux paiements effectués après le 31 décembre 2017.

Principales dispositions touchant les particuliers

Taux d’imposition sur le revenu. La Loi réduirait le nombre de fourchettes d’imposition, qui passerait de sept à quatre, mais le taux d’imposition le plus élevé ainsi que les taux applicables aux gains en capital demeureraient inchangés.

Abrogation de l’impôt minimum de remplacement. L’impôt minimum de remplacement serait abrogé.

Droits de succession. La Loi doublerait les exemptions d’impôts sur les successions (estate tax), les transferts transgénération (generation-skipping transfer tax) et les donations, qui passeraient respectivement de 5,6 millions de dollars américains pour les particuliers et de 11,2 millions de dollars américains pour les couples mariés à 11,2 millions de dollars américains et à 22,4 millions de dollars américains. Les impôts sur les successions et les transferts transgénération (mais non l’impôt sur les donations) seraient ensuite progressivement abolis à compter de 2024. Même après l’abolition de l’impôt sur les successions, les héritiers d’un bien pourront obtenir un prix de base rajusté égal à la juste valeur marchande du bien en date du décès du défunt. Les non-résidents ne bénéficieraient pas de l’augmentation des exemptions sauf dans le cas où une convention fiscale s’applique. Les résidents canadiens, par exemple, bénéficieraient de l’augmentation de l’exemption d’impôt sur les successions conformément aux modalités et sous réserve des restrictions de la convention fiscale entre les États-Unis et le Canada.

Principales dispositions touchant les entreprises

Taux d’imposition des sociétés. La Loi propose une réduction immédiate du taux d’imposition fédéral des entreprises, qui passerait de 35 % à 20 %. Contrairement aux hypothèses antérieures, la réduction du taux d’imposition ne serait pas introduite de façon progressive. On peut s’attendre à ce que certaines entités se convertissent en société par actions si cette disposition entre en vigueur, ce qui voudrait aussi dire que les pénalités fiscales fédérales sur l’accumulation de bénéfices excédentaires pourraient jouer un rôle plus important dans le futur.

Taux d’imposition des entités transparentes. Les particuliers qui font des affaires par l’entremise d’entités transparentes (par exemple, des S corporations, des sociétés de personnes, des sociétés à responsabilité limitée [les « LLCs »] considérées comme des sociétés de personnes aux fins fiscales américaines) pourraient se prévaloir d’un nouveau taux d’imposition fédéral maximal de 25 % sur le revenu, qui ne s’appliquerait toutefois pas, de façon générale, au revenu qui s’apparente à un salaire. En conséquence, les fournisseurs de services professionnels, comme les avocats et les comptables, pourraient ne pas y avoir droit.

Amortissement accéléré des coûts. La Loi permettrait sans délai l’amortissement de certains biens de courte durée mis en service avant le 1er janvier 2023.

Restrictions relatives à la déductibilité des intérêts. La Loi remplacerait les règles actuelles contre le dépouillement de surplus (earnings stripping) par de nouvelles règles qui limiteraient le montant des intérêts déductibles à 30 % du BAIIA (contre 50 % actuellement). Seraient toutefois exemptées de l’application des nouvelles règles les entreprises ayant des rentrées brutes moyennes (average gross receipts) d’au plus 25 millions de dollars américains et les entreprises du secteur de l’immobilier (real property trades or businesses). Contrairement à ce que prévoit la législation en vigueur, les restrictions relatives à la déductibilité des intérêts s’appliqueraient sans égard au fait que le créancier est une partie liée ou non. De plus, les restrictions s’appliqueraient aux charges d’intérêt des sociétés de personnes et seraient calculées à chaque palier de la société (en principe, sans doublement des restrictions ou des attributions). D’autres restrictions s’appliqueraient à certains grands groupes de sociétés dont les états financiers sont audités et dont les paiements intersociétés ou les rentrées s’élèvent au moins à 100 millions de dollars américains. Les sociétés américaines qui font partie de ces groupes et qui sont des contribuables aux États-Unis seraient également assujetties aux restrictions relatives à la déductibilité des intérêts jusqu’à concurrence d’un montant basé sur le pourcentage que représente le BAIIA du débiteur américain par rapport au BAIIA du groupe mondial. Les intérêts dont la déduction est refusée pourraient être reportés prospectivement sur les cinq années d’imposition suivantes.

Modification de la déduction de la perte d’exploitation nette. La Loi limiterait la déduction de la perte d’exploitation nette à 90 % du revenu imposable du contribuable (calculé sans tenir compte de la perte d’exploitation nette). De plus, les pertes d’exploitation nettes pourraient être reportées prospectivement de façon indéfinie (comparativement à une période de 20 ans selon les règles en vigueur) et être majorées selon un facteur d’intérêt de manière à en préserver la valeur.

Limitation des échanges de biens équivalents. La Loi supprimerait la possibilité de reporter l’impôt sur les échanges sur actif simultanés ou reportés, à l’exception des biens immobiliers.

Nouveau piège pour les non vigilants. Selon la Loi, les apports de capital à une entité assujettie (société par actions ou entité transparente) constitueraient un revenu pour l’entité en question à moins que celle-ci émette ses actions en échange de l’apport.

Principales dispositions ayant une portée internationale

Régime d’imposition territorial partiel

Exemption de participation

Selon l’actuel régime américain d’imposition des revenus mondiaux, les sociétés américaines et leurs filiales étrangères doivent payer de l’impôt américain sur leur revenu sans égard à sa provenance, soit au moment où il est gagné ou soit au moment où il est ultérieurement distribué. Afin de faire passer les États-Unis à un régime d’imposition territorial aux termes duquel, de façon générale, le revenu est assujetti à l’impôt américain seulement s’il a été gagné dans ce pays, la Loi exempterait de l’impôt américain 100 % des dividendes de provenance étrangère versés par une société étrangère à un actionnaire qui est une société des États-Unis détenant au moins 10 % du capital-actions de la société étrangère en question, mais n’exempterait pas le revenu provenant de divisions non constituées en personne morale ou le revenu assujetti à la sous-partie F (subpart F income). De façon générale, la Loi maintiendrait les règles d’imposition du revenu assujetti à la sous-partie F, moyennant certaines modifications. L’une de ces modifications aurait pour effet d’élargir la portée de la définition de société étrangère contrôlée (controlled foreign corporation) et obligerait donc un plus grand nombre d’actionnaires américains à s’imposer sur les revenus assujettis à la sous-partie F de leurs sociétés étrangères. La Loi traiterait certains « rendements élevés » de filiales étrangères de sociétés mères américaines, lesquels ne sont pas immédiatement investis dans des biens corporels comme un revenu assujetti à la sous-partie F, de façon similaire au revenu assujetti à la sous-partie F. Ainsi, la société mère américaine serait assujettie à l’impôt à l’égard des rendements élevés de la filiale étrangère sur une base annuelle, que les gains soient demeurés à l’étranger ou qu’ils aient été rapatriés aux États-Unis. Cependant, la Loi abrogerait les dispositions selon lesquelles les actionnaires qui sont des sociétés américaines sont assujettis à l’impôt à l’égard des gains non imposés de sociétés étrangères contrôlées si ces gains sont réinvestis dans des biens aux États-Unis (par exemple, des biens immobiliers américains, des biens corporels situés aux États-Unis et des obligations de sociétés affiliées américaines).

Rapatriement obligatoire des gains étrangers reportés

Selon la Loi, les contribuables américains (particuliers et sociétés) qui détiennent une participation d’au moins 10 % dans une filiale étrangère seraient tenues d’inclure dans le calcul de leur revenu les gains précédemment reportés de la filiale au 31 décembre 2017 (ou, s’ils sont plus élevés à cette date, au 2 novembre 2017). Les gains différés seraient imposés sur huit ans (si un tel choix est fait) au taux de 12 %, dans la mesure où ils étaient auparavant détenus sous forme d’espèces ou d’autres actifs à court terme, ou au taux de 5 % dans les autres cas.

Taxe d’accise sur certains paiements de source américaine faits à des sociétés étrangères liées. Sous réserve de certaines exceptions, certains paiements déductibles (sauf les intérêts) faits à une société étrangère liée par une société américaine seraient assujettis à un impôt de 20 %, sauf si la société étrangère fait le choix de traiter ces paiements comme des paiements imposables sur une base nette aux États-Unis. Bien que la Loi soit silencieuse sur la question de savoir si les conventions fiscales s’appliqueraient aux paiements exonérés de la taxe d’accise, il y aurait lieu de se demander si cette disposition pourrait neutraliser les avantages dont peut par ailleurs se prévaloir le contribuable aux termes d’une convention fiscale applicable.

Limitation des avantages découlant des conventions fiscales. Enfin, sur la base de projets de loi antérieurs, la Loi priverait toute personne des avantages découlant d’une convention qui ont pour effet de réduire le taux de la retenue d’impôt des États-Unis sur les paiements d’intérêts, les dividendes, les loyers et certains autres paiements de source américaine, si le paiement en question est déductible dans le calcul du revenu du contribuable américain qui l’effectue et est fait à un non-résident rattaché lorsque le paiement n’aurait pas été exonéré aux termes de la convention s’il avait été fait directement à une société mère commune étrangère ultime. (L’Internal Revenue Service a la faculté de choisir la société mère commune – dans certains cas pour prévenir les abus).

Conclusion

Le dépôt de la Loi par la Chambre des représentants ouvre la voie à une possible mise en vigueur de la réforme du régime fiscal fédéral des États-Unis. Après des années d’impasse au Congrès sur les questions de fiscalité, cette mesure, bien qu’initiale, mérite d’être soulignée. Bien évidemment, le Congrès aura beaucoup à faire avant que cette législation ne soit promulguée, sans compter que bon nombre de questions demeurent sans réponse, notamment quant à savoir si les propositions du Sénat (attendues autour de l’Action de grâces) seront semblables ou identiques à la Loi et si le Congrès parviendra à aplanir les différences en temps utile. Le président Trump, qui souhaite une victoire législative et qui a exprimé son intention d’offrir au peuple américain une réduction d’impôt pour les fêtes, fera certainement pression pour obtenir la signature d’un projet de loi final.

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