Bulletin

11 Minutes

Analyse du budget fédéral 2025 : répercussions sur le secteur des technologies

25 novembre 2025

Le budget témoigne d’un engagement marqué à favoriser l’innovation

L’honorable François-Philippe Champagne, ministre des Finances et du Revenu national, a récemment présenté le premier budget fédéral du Parti libéral établi sous la direction du premier ministre Mark Carney (le « budget 2025 »). Le budget 2025, tel qu’il a été présenté le 4 novembre 2025, comporte plusieurs mesures visant à promouvoir la concurrence et à façonner un cadre propice à l’innovation dans le secteur des technologies au Canada. Par la suite, le 18 novembre 2025, le gouvernement fédéral a déposé le projet de loi C-15, Loi no 1 d’exécution du budget de 2025, premier texte législatif permettant de concrétiser les objectifs du budget 2025.

Le budget 2025 annonce des investissements d’envergure dans l’intelligence artificielle (l’« IA ») et l’informatique quantique, ainsi que des changements à venir dans la réglementation en ce qui a trait aux cryptomonnaies stables et aux services bancaires axés sur les consommateurs. Par le fait même, il témoigne de l’engagement du gouvernement fédéral à favoriser la création d’un environnement propice aux entreprises en démarrage et aux technologies émergentes.

Investissements transformationnels dans IA et l’informatique quantique

Le gouvernement fédéral a déterminé que l’IA et l’informatique quantique sont des moteurs essentiels de la croissance économique future du Canada. Dans le budget 2025, il insiste sur le potentiel transformateur de ces technologies, notamment en mettant en évidence leur capacité à augmenter la productivité et à générer des avantages économiques considérables.

Compte tenu du caractère prioritaire qui leur est accordé, le budget 2025 propose l’affectation des sommes suivantes :

  • une somme de 925,6 millions de dollars canadiens sur cinq ans aux fins de la mise en place d’une infrastructure publique souveraine d’intelligence artificielle à grande échelle, afin de soutenir la recherche et le développement en ce qui a trait aux technologies d’IA de pointe;
  • une somme de 334,3 millions de dollars canadiens sur cinq ans afin de renforcer l’écosystème canadien des technologies quantiques.

De plus, pour faire suite aux consultations lancées plus tôt cet automne, le gouvernement fédéral prévoit publier une nouvelle stratégie en matière d’IA d’ici la fin de l’année 2025. La stratégie devrait se traduire par l’établissement de nouvelles mesures incitatives et l’offre d’un soutien pour le développement de l’IA, ce qui pourrait créer des occasions de financement supplémentaires pour les entreprises en démarrage et les innovateurs canadiens.

La décision du gouvernement d’investir massivement dans l’IA et l’informatique quantique reflète un engagement stratégique visant à positionner le Canada à l’avant-garde des technologies émergentes. En misant sur la main-d’œuvre hautement qualifiée du Canada, le gouvernement fédéral a pour objectif de maintenir en poste les meilleurs talents, de favoriser les partenariats internationaux, et de renforcer la réputation du Canada en tant que leader mondial dans ces domaines.

Innovation réglementaire : cryptomonnaies stables et système bancaire ouvert

Cryptomonnaies stables

Dans le budget 2025, l’introduction de la Loi sur les cryptomonnaies stables dans le cadre du projet de loi C 15 marque l’intention du gouvernement fédéral de réglementer les cryptomonnaies stables adossées à une devise, leur administration et l’élaboration des règles s’appliquant à celles-ci étant déléguées à la Banque du Canada.

Les émetteurs éventuels de cryptomonnaies stables devront déposer une demande d’inscription auprès de la Banque du Canada. Le ministre des Finances peut procéder à l’examen de ces demandes pour des raisons de sécurité nationale et se réserve le droit d’imposer des conditions, ainsi que de restreindre ou d’interdire une émission en cas de risques relatifs à la sécurité nationale, à la politique monétaire ou à la stabilité financière. La Banque du Canada ne peut pas procéder à l’inscription d’un émetteur de cryptomonnaies stables sans avoir obtenu au préalable l’approbation du ministre pendant la période d’examen.

De plus, le cadre réglementaire proposé comprend les obligations suivantes pour les émetteurs :

  • établir et rendre accessible au public une politique de rachat des cryptomonnaies stables en circulation;
  • maintenir une réserve d’actifs dont la valeur est égale ou supérieure à la valeur nominale des cryptomonnaies stables en circulation;
  • établir, mettre en œuvre et maintenir une politique de protection des données;
  • s’abstenir de verser des intérêts ou un rendement aux détenteurs, que ce soit en espèces, en actifs numériques ou toute autre contrepartie;
  • faire en sorte que les réserves soient composées exclusivement de la monnaie de référence ou d’autres actifs liquides de grande qualité libellés dans la monnaie de référence et prévus par un règlement pris en application de la Loi sur les cryptomonnaies stables ou, en l’absence d’un tel règlement, autorisés par la Banque du Canada;
  • établir et maintenir une politique de gouvernance;
  • fournir à la Banque du Canada les renseignements précis devant être communiqués, tels que les renseignements sur la situation financière de l’émetteur, le nombre de cryptomonnaies stables en circulation ainsi que la composition et la juste valeur marchande de la réserve d’actifs de l’émetteur.

Cette mesure est en phase avec celles qui sont prises à l’échelle internationale, comme la loi intitulée GENIUS Act aux États-Unis, qui établit un cadre réglementaire pour les cryptomonnaies stables, y compris des obligations au titre des réserves, des obligations de communication de l’information et des mécanismes de protection des consommateurs. La Loi sur les cryptomonnaies stables propose également d’apporter des modifications à la Loi sur les activités associées aux paiements de détail de façon à réglementer les activités des fournisseurs de services de paiement qui utilisent des cryptomonnaies stables visées. Cependant, aucune précision sur les particularités qui distinguent les cryptomonnaies stables visées des autres types de cryptomonnaies n’a encore été fournie.

À l’heure actuelle, les autorités en valeurs mobilières provinciales assimilent les cryptomonnaies stables à des titres ou à des instruments dérivés et exercent une surveillance à leur égard aux termes de l’Avis 21 333 du personnel des ACVM, lequel impose des obligations exhaustives en matière de déclaration et de communication de l’information et d’établissement des réserves. Il reste à savoir exactement comment le régime fédéral interagira avec les cadres de réglementation provinciaux existants, mais l’exclusion explicite des cryptomonnaies stables offrant un rendement dans la Loi sur les cryptomonnaies stables laisse croire que les autorités en valeurs mobilières provinciales pourraient continuer de jouer un rôle dans la réglementation de certaines cryptomonnaies. Peu importe la mécanique, l’introduction d’un régime fédéral encadrant les cryptomonnaies représente une étape importante vers une réglementation claire, ce qui devrait favoriser l’innovation et l’investissement dans le secteur des actifs numériques au Canada.

Portabilité des données et système bancaire ouvert

Le projet de loi C-15 vient créer un droit à la portabilité des données dans la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (la « LPRPDE »), qui s’harmonise bien au droit à la portabilité des données prévu dans la législation du Québec et aux droits semblables prévus dans d’autres territoires, tels que le droit relatif aux données des consommateurs en Australie et le droit à la portabilité des données qui figure dans le RGPD de l’Union européenne. En se prévalant de ce droit, les consommateurs pourraient demander le transfert de leurs données personnelles d’une organisation à une autre, ce qui faciliterait le partage des données à l’échelle nationale. En pratique, il serait donc possible d’effectuer un transfert de données personnelles (par exemple, des données sur la santé ou des données financières) entre différents fournisseurs de façon à changer facilement de fournisseur ou à faire appel aux services de fournisseurs additionnels. Des renseignements supplémentaires concernant les règles entourant la portabilité des données seront fournis ultérieurement dans la réglementation.

En ce qui concerne précisément le secteur financier, le budget 2025 confirme l’intention du gouvernement fédéral de mettre en œuvre un système bancaire ouvert au Canada par l’intermédiaire de la Loi sur les services bancaires axés sur les consommateurs, qui a été déposée dans le cadre du projet de loi C-15 (aux termes duquel la Loi sur les services bancaires axés sur les consommateurs existante a été abrogée et une nouvelle loi portant le même nom a été adoptée). Dans le budget 2025, le gouvernement délègue la surveillance de l’application de la Loi sur les services bancaires axés sur les consommateurs à la Banque du Canada, ce rôle s’ajoutant à la fonction de supervision des fournisseurs de services de paiement exercée par celle-ci aux termes de la Loi sur les activités associées aux paiements de détail. Par conséquent, la même institution gouvernementale supervisera à la fois le système bancaire ouvert et les environnements de paiement en temps réel, ce qui pourrait simplifier les processus de surveillance réglementaire et de communication de l’information.

Il importe de noter que le projet de loi C-15 prévoit un « accès en lecture » d’ici 2026. Le budget 2025 prévoit quant à lui un « accès en écriture » d’ici le milieu de l’année 2027, lorsque le système de paiement en temps réel du Canada sera opérationnel et que son usage sera répandu. Grâce au mode d’« accès en lecture » initial, les tiers accrédités auront accès aux données financières des consommateurs, sous réserve d’avoir obtenu leur consentement, mais ils ne pourront pas modifier les données financières stockées sur les serveurs des banques. L’accès en écriture, qui donne aux tiers fournisseurs de services accrédités la capacité de modifier les données financières des consommateurs stockées sur les serveurs des banques, leur permettrait d’effectuer des paiements et de créer des comptes au nom des consommateurs. Notons par ailleurs la proposition qui figure dans le projet de loi C-15 visant à interdire aux sociétés d’utiliser une interface ou une application pour avoir accès aux données des consommateurs à l’aide de leurs renseignements de connexion, pratique également connue sous les noms de « capture de données d’écran » ou de « grattage d’écran », en grande partie en raison des risques pour la sécurité et la confidentialité qui en découlent. Cette interdiction va être encadrée par la réglementation mise en place par le ministère des Finances. Le gouvernement a l’intention de consulter les parties prenantes afin de fixer des délais appropriés en vue de l’entrée en vigueur de l’interdiction une fois le cadre de réglementation des services bancaires axés sur les consommateurs bien établi.

La décision récente du gouvernement fédéral d’établir un cadre réglementaire pour les cryptomonnaies stables et de mettre en œuvre un système bancaire ouvert représente une étape importante vers la modernisation du cadre réglementaire régissant les services financiers au Canada. Ces initiatives devraient créer un environnement plus concurrentiel pour les entreprises de technologie financière et les fournisseurs de services financiers non traditionnels, ce qui favorisera l’innovation et améliorera les services offerts à la population canadienne.

Soutien apporté aux entreprises en démarrage : la RS&DE et l’ICCR

Recherche scientifique et développement expérimental (RS&DE)

Dans le budget 2025, le gouvernement fédéral propose d’apporter des améliorations au programme de RS&DE, notamment l’augmentation de la limite de dépenses auxquelles le crédit d’impôt remboursable bonifié de 35 % peut être appliqué et le rétablissement des crédits d’impôt à l’investissement pour les dépenses d’investissement liées à la RS&DE. D’autres modifications proposées visent à améliorer la prévisibilité du programme ainsi que son administration.

De plus, la nouvelle « superdéduction à la productivité » comprend un ensemble de mesures incitatives fiscales qui permettent des déductions accélérées pour certaines dépenses d’investissement, y compris, sans limitation, les actifs qui améliorent la productivité tels que les brevets, l’infrastructure de réseaux de données et les ordinateurs, ainsi que les dépenses d’investissement liées à la RS&DE.

Pour une analyse détaillée des changements relatifs à la RS&DE et des autres mesures fiscales prévues dans le budget 2025, veuillez consulter notre bulletin antérieur.

Initiative de catalyse du capital de risque et de croissance (ICCR)

Dans un souci de continuer à soutenir l’écosystème du capital de risque au Canada, le gouvernement fédéral prévoit dans le budget 2025 une allocation financière de un milliard de dollars canadiens sur trois ans à la Banque de développement du Canada en vue du lancement de la quatrième ICCR au cours de la période 2026-2027. L’initiative en question accordera la priorité aux nouveaux gestionnaires de fonds dans des secteurs clés, y compris les sciences de la vie, et vise à combler le manque de financement auquel sont confrontées les entreprises canadiennes aux premières étapes de leur croissance.

Les améliorations que le gouvernement apporte aux programmes RS&DE et ICCR indiquent qu’il reconnaît le rôle essentiel que jouent l’innovation et l’accès aux capitaux dans la croissance du secteur des technologies au Canada. Le programme RS&DE est depuis longtemps la pierre angulaire du secteur technologique national, et sa bonification est de bon augure pour l’innovation au Canada. De même, le renouvellement du programme ICCR témoigne d’une volonté d’aborder de façon proactive les enjeux d’accessibilité aux capitaux auxquels sont confrontées les entreprises en démarrage canadiennes. Toutes ces mesures démontrent une intention claire d’offrir un environnement robuste à l’échelle nationale qui est favorable à la croissance des sociétés axées sur l’innovation.

Le mot de la fin

Le budget 2025 présente des mesures transformationnelles pour le secteur des technologies au Canada, qui vont d’importants investissements dans l’IA et l’informatique quantique à l’établissement prochain de cadres de réglementation pour les cryptomonnaies stables et un système bancaire ouvert. Ces initiatives, jumelées à la bonification du programme RS&DE et au soutien continu de l’accès au capital de risque, témoignent d’un fort engagement à promouvoir l’innovation et à offrir au Canada les fondements nécessaires pour qu'il demeure concurrentiel dans le secteur des technologies à l’échelle mondiale. Les entreprises en démarrage et les sociétés spécialisées dans les technologies émergentes pourraient bénéficier considérablement de ces mesures dont l’objectif est de créer un environnement plus dynamique et favorable à l’innovation et à la croissance.

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