Suspension d’un projet sur la communication d’information : les ACVM suspendent l’élaboration d’un projet de règlement sur la communication d’information liée aux questions climatiques et à la diversité
Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (les « ACVM ») suspendent leurs travaux visant l’élaboration d’un règlement sur la communication d’information liée aux questions climatiques et à la diversité afin « d’appuyer les marchés et les émetteurs canadiens dans leurs efforts d’adaptation face aux événements récents survenus aux États-Unis et à l’échelle mondiale ».
Conformément à la récente modification de la réglementation des ACVM visant à réduire les frictions liées à la mobilisation de capitaux au Canada, les ACVM maintiennent, pour le moment, les obligations d’information générales prévues par la législation en valeurs mobilières et comptent sur le pouvoir de persuasion des agences de conseil en vote et des investisseurs institutionnels intéressés pour façonner la communication d’information sur les questions climatiques et la diversité par les émetteurs, au lieu d’imposer un renforcement des obligations de communication de l’information.
Communication de l’information liée aux questions climatiques au Canada
Les ACVM suspendent l’élaboration d’un projet de règlement sur les obligations d’information liée aux questions climatiques
En octobre 2021, les ACVM ont publié pour consultation publique le projet de Règlement 51‑107 sur l’information liée aux questions climatiques (le projet de Norme canadienne 51‑107 sur l’information liée aux questions climatiques dans les provinces autres que le Québec), un projet de règlement sur les obligations d’information liée aux questions climatiques qui vise à améliorer la cohérence et la comparabilité de l’information transmise sur les questions climatiques au Canada, à arrimer les normes d’information canadiennes à ce sujet aux attentes des investisseurs internationaux et, plus généralement, à aider les investisseurs à prendre des décisions éclairées en matière de placement. Ce projet a été suspendu afin de permettre aux ACVM d’examiner les propositions portant sur l’information liée aux questions climatiques publiées par la Securities and Exchange Commission des États-Unis (la « SEC ») et l’International Sustainability Standards Board en 2022 et en 2023, respectivement.
Lorsque la SEC a adopté sa règle sur les obligations d’information liée aux questions climatiques en mars 2024, elle a immédiatement fait l’objet de nombreuses contestations judiciaires au motif, entre autres choses, qu’elle n’avait pas la compétence requise à cet égard. Les courants politiques changeants aux États-Unis à la suite de l’élection du président Trump ont conduit la SEC à annoncer, le 27 mars 2025, qu’elle avait voté pour mettre fin à la défense juridique de sa règle sur les obligations d’information liée aux questions climatiques, suspendant ainsi l’application de cette dernière.
Le Parlement européen a également voté récemment pour reporter à 2028 la dernière mise en œuvre de sa Directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises et de sa Directive sur la diligence raisonnable des entreprises en matière de développement durable.
Bien que les ACVM aient confirmé en décembre 2024 qu’elles continuaient de travailler à la mise à jour de leur projet de règlement sur les obligations d’information liée aux questions climatiques à l’intention des sociétés ouvertes canadiennes, elles avaient alors également indiqué que, compte tenu du degré d’intégration des marchés, elles suivraient avec attention l’évolution de la situation aux États-Unis. L’annonce faite par la SEC en mars 2025 était importante à cet égard. La décision des ACVM de suspendre leur projet sur les obligations d’information liée aux questions climatiques concorde avec les préoccupations des participants au marché selon lesquelles le régime canadien d’information sur les questions climatiques ne doit pas s’écarter sensiblement de l’approche américaine à cet égard.
Le règlement en vigueur qui porte sur les obligations d’information demeure pertinent
Obligations d’information continue
Malgré la suspension par les ACVM de leur projet de règlement sur les obligations d’information liée aux questions climatiques, les émetteurs continuent d’être assujettis aux obligations d’information continue applicables au Canada, qui ont pour effet, dans le cours normal des activités, de les obliger à communiquer l’information importante liée aux questions climatiques, y compris les facteurs de risque qui portent sur les questions climatiques, dont on pourrait s’attendre à ce qu’elle ait une incidence importante sur le cours ou la valeur des titres des émetteurs. Dans cette optique, les ACVM rappellent aux émetteurs que « [l]es risques liés au changement climatique sont un enjeu courant du monde des affaires, et la législation en valeurs mobilières exige déjà des émetteurs qu’ils fournissent de l’information sur les risques importants liés au changement climatique qui touchent leur entreprise, comme ils sont tenus de le faire pour d’autres types d’information importante ».
Les émetteurs qui cherchent à en savoir davantage peuvent consulter les ressources des ACVM sur l’information liée aux questions climatiques. L’Avis 51-333 du personnel des ACVM (Indications en matière d’information environnementale) fournit aux émetteurs des indications sur les obligations d’information continue existantes relatives à un vaste éventail de questions environnementales, dont les changements climatiques; et l’Avis 51-358 du personnel des ACVM (Information sur les risques liés au changement climatique) a pour but d’aider les sociétés à cibler l’information sur les risques importants que représentent les changements climatiques et à améliorer la communication de cette information. Dans cette dernière annonce, les ACVM font également remarquer que les « normes [du Conseil canadien des normes d’information sur la durabilité] offrent un cadre utile de communication volontaire d’information concernant la durabilité et le changement climatique auquel les émetteurs sont invités à se reporter pour établir l’information à présenter ».
Surveillance de l’écoblanchiment par les ACVM
La suspension du projet par les ACVM n’a aucune incidence sur l’obligation des émetteurs d’éviter l’écoblanchiment et la communication d’autres renseignements trompeurs liés aux questions climatiques. Les ACVM ont récemment soulevé des préoccupations au sujet des émetteurs qui formulent des déclarations environnementales et écologiques partiales ou embellissant la vérité afin de susciter un engouement pour leurs titres, et elles invitent les émetteurs à s’assurer que l’information communiquée relativement à l’environnement est précise, factuelle, impartiale et, le cas échéant, qu’elle est conforme aux exigences relatives aux déclarations prospectives. Nous examinons les indications des ACVM en matière d’écoblanchiment dans notre article Perspectives pour 2025 : dix nouveautés en droit incontournables pour les chefs des affaires juridiques, les membres des conseils d’administration et les investisseurs, qui est tiré du Rapport sur la gouvernance.
Dispositions en matière d’écoblanchiment prévues dans la Loi sur la concurrence
La suspension n’a aucune incidence sur l’obligation des émetteurs de respecter les dispositions en matière d’écoblanchiment qui ont été intégrées à la Loi sur la concurrence (la « Loi ») en 2024. Ces modifications permettent au Bureau de la concurrence, dans certaines circonstances, de contester les déclarations liées à l’environnement ou aux questions climatiques qui sont faites au public dans le cadre de déclarations commerciales et promotionnelles. Le projet de lignes directrices du Bureau concernant l’application de ces dispositions renferme une précision intéressante, à savoir que les mesures d’application de la loi ne porteront pas sur les déclarations liées à l’environnement qui figurent uniquement dans des documents relatifs aux valeurs mobilières.
Par ailleurs, à compter du 20 juin 2025, les parties privées pourront présenter une demande d’autorisation auprès du Tribunal de la concurrence pour porter une action en justice fondée sur les dispositions en matière d’écoblanchiment de la Loi. Ces parties privées pourront également demander au Tribunal d’imposer des sanctions pécuniaires considérables ainsi que d’autres mesures de redressement. Comme les dispositions de la Loi concernant l’écoblanchiment seront élargies prochainement pour inclure les actions privées, l’attention portée aux déclarations environnementales devrait être maintenue dans l’avenir.
Lignes directrices en matière de vote par procuration
Enfin, les lignes directrices en matière de vote des agences de conseil en vote Institutional Shareholder Services et Glass Lewis font état, dans les deux cas, de l’imputabilité des conseils d’administration à l’égard des risques liés aux questions climatiques. L’influence de ces agences de conseil en vote et des investisseurs institutionnels intéressés signifie que les émetteurs peuvent continuer de tenir compte de ces lignes directrices ainsi que des attentes de leurs actionnaires.
Les ACVM suspendent leur projet sur le renforcement de la communication de l’information en matière de diversité
Compte tenu de l’annonce récente des ACVM, la proposition formulée en 2023 visant à modifier les obligations d’information en matière de diversité a également été officiellement suspendue. L’annonce fait suite au rapport de la 10e année concernant la communication d’information sur la représentation féminine aux postes d’administrateur et de membres de la haute direction récemment publié par les ACVM, que nous abordons plus en détail dans l’article suivant : Perspectives pour 2025 : dix nouveautés en droit incontournables pour les chefs des affaires juridiques, les membres des conseils d’administration et les investisseurs. Les ACVM rappellent aux émetteurs qui ne sont pas des émetteurs émergents qu’ils « seront toujours tenus de fournir de l’information relative à la représentation féminine à leur conseil et à la haute direction conformément aux obligations actuelles prévues par le Règlement 58-101 sur l’information concernant les pratiques en matière de gouvernance ». Les émetteurs devraient également continuer d’examiner les lignes directrices en matière de vote des agences de conseil en vote et des actionnaires institutionnels afin de déterminer les critères pertinents liés à la diversité.
Une suspension indéfinie?
Les ACVM ont directement fait mention de l’évolution du climat économique et géopolitique comme cadre de référence dans lequel s’inscrit leur annonce. Stan Magidson, président des ACVM et président-directeur général de l’Alberta Securities Commission, est cité dans le communiqué :
Ces derniers mois, l’ordre économique et géopolitique mondial a connu des bouleversements rapides et majeurs qui se traduisent par une incertitude accrue et des préoccupations grandissantes au chapitre de la concurrence pour les émetteurs canadiens. Pour y réagir efficacement, les ACVM misent sur des initiatives destinées à améliorer la compétitivité, l’efficience et la résilience des marchés canadiens.
Ces initiatives comprennent l’annonce récente des ACVM visant à réduire le fardeau réglementaire lié à la mobilisation de capitaux, dont nous discutons dans un bulletin publié récemment.
Les ACVM ont pris des mesures immédiates en réponse à la situation actuelle, tout en laissant la porte ouverte pour revoir la communication d’information sur les questions climatiques et la diversité si les pratiques ou les demandes au sein du marché devaient changer ultérieurement :
Les ACVM suivront l’évolution de la réglementation entourant la communication d’information sur le changement climatique et la diversité tant au pays qu’à l’international, et elles entendent revenir sur les deux projets s’y rapportant au cours des prochaines années afin de mettre la dernière main aux obligations visant les émetteurs. Ceux-ci seront avisés en temps opportun de tout changement relativement à ces projets.