Les autorités en valeurs mobilières réduisent les obstacles à la levée de capitaux en apportant des modifications progressives aux règles concernant les prospectus
Les autorités canadiennes en valeurs mobilières ont récemment mis en œuvre trois décisions générales qui prévoient des dispenses visant à réduire les obstacles à la levée de capitaux. Parmi ces améliorations, il convient de mentionner tout particulièrement une dispense de l’obligation d’inclure les états financiers annuels du troisième exercice dans le prospectus établi à l’occasion d’un premier appel public à l’épargne (PAPE).
Les dispenses ont également les objectifs suivants :
- limiter les circonstances dans lesquelles les « promoteurs » doivent signer une attestation distincte dans le prospectus;
- remédier à un décalage entre les règles de commercialisation et les pratiques du marché en ce qui concerne la communication des changements apportés à la taille et à la fourchette de prix du PAPE;
- accorder une nouvelle dispense permettant à un émetteur de lever un montant limité de capitaux sans publier un prospectus dans les 12 mois suivant un PAPE;
- hausser le plafond d’investissement annuel dans un émetteur conformément à la dispense relative à la notice d’offre prévue par la loi lorsque l’investissement est considéré comme un réinvestissement dans l’émetteur.
Décisions générales coordonnées
Dispenses de certaines obligations reliées au prospectus et de certaines obligations d’information
Communication des états financiers de deux exercices
La décision générale coordonnée 41-930 prévoit une dispense de l’obligation de fournir les états financiers annuels du troisième exercice dans un prospectus ordinaire. Cette dispense s’applique aux placements ainsi qu’aux circulaires, aux notes d’information relatives à une offre et aux déclarations de changement important qui se rapportent aux obligations relatives aux prospectus ordinaires.
La dispense est un bon début. Nous encourageons les autorités en valeurs mobilières à se pencher sur d’autres éléments des obligations relatives à la forme du prospectus pour libérer le processus des lourdeurs inutiles, notamment en faisant ce qui suit :
- permettre l’utilisation des principes comptables généralement reconnus des États Unis ainsi que de rapports de gestion et d’analyses de la rémunération conformes aux modèles prescrits aux États-Unis dans le cadre d’un PAPE transfrontalier;
- resserrer la définition du terme « émetteur » en ce qui concerne les états financiers afin qu’il ne soit plus nécessaire de préparer les états financiers d’entreprises d’une importance négligeable acquises par l’émetteur.
Modification technique aux règles de commercialisation
Cette dispense, qui s’inscrit dans le cadre d’une modification technique aux règles de commercialisation, permet aux émetteurs de changer la taille et le prix d’un placement au moyen d’un sommaire des modalités type ou des documents de commercialisation, sans avoir à déposer une modification correspondante au prospectus provisoire. Toutefois, pour se prévaloir de cette dispense, l’émetteur doit publier et déposer un communiqué dans lequel figure l’information modifiée sur la taille et le prix avant de fournir aux investisseurs potentiels le sommaire des modalités type ou les documents de commercialisation. Les émetteurs et les courtiers disposeront ainsi d’une plus grande marge de manœuvre lors de la commercialisation d’un placement qui leur permettra de s’adapter à la demande des investisseurs.
Nous encourageons également les autorités en valeurs mobilières à procéder à une refonte des règles canadiennes qui encadrent la commercialisation et la pré-commercialisation des appels publics à l’épargne pour faciliter, plutôt qu’entraver, leur succès. Dans certains cas, ces règles restent trop prescriptives et ne correspondent pas à la réalité commerciale. Voici quelques exemples de modifications qui pourraient être apportées à ces règles sans pour autant porter atteinte à la protection des investisseurs :
- adopter un cadre robuste pour ce qui est de la pratique consistant à « sonder le terrain » afin de permettre aux émetteurs et aux placeurs d’approcher les investisseurs institutionnels dans le cadre de tous les placements par voie de prospectus, et non uniquement certains PAPE;
- modifier l’obligation selon laquelle tous les renseignements contenus dans les documents de commercialisation doivent être inclus dans le prospectus correspondant ou provenir de celui-ci. Cette obligation est trop restrictive et les exceptions prévues sont trop limitées, en particulier lorsque le contenu est considéré comme étant inclus dans le prospectus de toute manière. En outre, cette obligation est contraire à la norme américaine, laquelle est plus souple, ce qui complique inutilement la commercialisation des offres transfrontalières.
Traitement des promoteurs
Cette décision permet également de donner suite à une préoccupation au Canada à propos de la notion de « promoteur ». L’obligation relative à l’attestation du promoteur vise à imposer une responsabilité civile aux fondateurs d’un émetteur dont l’historique d’exploitation préalable au PAPE est très limité (voire inexistant). Or, selon notre expérience, dans les dernières années, les fondateurs tendent à être traités comme des promoteurs au sens de la réglementation, que l’émetteur ait ou non une feuille de route bien établie, notamment même si celui-ci a déjà levé des fonds auprès d’investisseurs institutionnels avertis ou effectué des emprunts auprès de grandes institutions financières de bonne réputation. Par ailleurs, rien ne permet de préciser à quel moment un fondateur cesse d’être un promoteur à la suite d’un PAPE.
Cette décision remédie à ces deux problèmes, car elle prévoit que les promoteurs sont dispensés de l’obligation de signer une attestation distincte dans le prospectus dans certaines conditions :
- Dispense relative à l’attestation. Les promoteurs bénéficient d’une dispense s’ils signent une attestation requise par la législation en valeurs mobilières à un autre titre, notamment à titre d’administrateur, de chef de la direction et de chef des finances, la législation prévoyant alors qu’ils engagent de toute façon leur responsabilité si une information fausse ou trompeuse figure dans le prospectus.
- Clause d’extinction. Les promoteurs qui ne sont ni un administrateur, ni un dirigeant, ni une personne participant au contrôle de l’émetteur bénéficient d’une dispense si l’émetteur est un émetteur assujetti depuis au moins 24 mois et que le prospectus ne vise pas le placement de titres adossés à des créances.
Bien que nous aurions préféré que la décision prévoie une clause d’extinction fondée sur l’écoulement du temps sans autres conditions, ces dispenses permettent, selon nous, de mieux cerner les cas dans lesquels les autorités en valeurs mobilières exigeront que le promoteur signe une attestation.
Dispense de prospectus pour les nouveaux émetteurs assujettis
La décision générale coordonnée 45-930 procure de la flexibilité aux émetteurs ayant réalisé un PAPE faisant intervenir un placeur en leur permettant de lever d’autres capitaux après la conclusion du PAPE sans déposer de prospectus. Plus précisément, la dispense s’applique aux nouveaux émetteurs assujettis dans les 12 mois suivant l’octroi du visa du prospectus PAPE ordinaire définitif faisant intervenir un placeur. Plutôt que de déposer un prospectus, l’émetteur doit publier un communiqué et déposer un simple document d’offre. Entre autres conditions, les capitaux levés doivent l’être au moyen de titres de la même catégorie que ceux offerts dans le cadre du PAPE et le prix d’offre par titre ne peut pas être inférieur à celui du PAPE. La dispense est limitée au moindre des deux montants suivants : 100 millions de dollars canadiens ou 20 % de la valeur de marché des titres de capitaux propres inscrits à la cote de l’émetteur à la date où il publie le communiqué annonçant le premier placement effectué sous le régime de la dispense.
Il sera intéressant de voir à quelle fréquence les émetteurs se prévaudront de cette dispense. Les émetteurs sont habituellement assujettis à des conventions de blocage en faveur des placeurs du PAPE, aux termes desquelles les émetteurs ne peuvent pas réaliser de placements subséquents dans les six mois suivants un PAPE. Ainsi, la dispense ne pourra être utilisée que dans les six derniers mois de l’année suivant le PAPE. De plus, si pendant cette période, les actions se négocient à un prix supérieur à celui du PAPE et que les conditions du marché sont favorables, l’émetteur peut aussi procéder à un placement subséquent faisant intervenir un placeur sous le régime du prospectus simplifié au moyen d’une acquisition ferme, comme c’est habituellement le cas au Canada.
Dispense du plafond d’investissement applicable sous le régime de la dispense de prospectus pour placement au moyen d’une notice d’offre afin d’exclure les réinvestissements
La décision générale coordonnée 45-933 relève effectivement le plafond annuel, le faisant passer de 100 000 $ CA par année à 200 000 $ CA par année, dans le cas d’un investissement dans un émetteur réalisé par un investisseur qui est une personne physique ne correspondant pas à la définition d’investisseur qualifié, conformément à la dispense de prospectus pour placement au moyen d’une notice d’offre prévue dans le Règlement 45-106 sur les dispenses de prospectus. Cependant, pour tout investissement, le montant supérieur à la somme initiale de 100 000 $ par année doit constituer un réinvestissement dans l’émetteur qui ne dépasse pas le produit de la cession des titres de ce même émetteur au cours des 12 mois précédents. Compte tenu de l'utilisation limitée de cette dispense en Ontario, la décision générale ne devrait pas, selon nous, avoir une incidence importante sur la levée de capitaux en Ontario.
Notre analyse
Nous saluons la mise en place de ces dispenses par les autorités en valeurs mobilières. Nous les invitons à apporter d’autres changements en vue de moderniser les marchés financiers au Canada, d’augmenter l’efficacité, d’alléger le fardeau réglementaire et d’assurer l'harmonisation avec les règles américaines en matière d’appel public à l’épargne, si cela est indiqué.