Le Bureau de la concurrence du Canada publie ses lignes directrices définitives sur les déclarations environnementales
Le Bureau de la concurrence du Canada (le « Bureau ») a récemment publié la version définitive de ses lignes directrices intitulées Déclarations environnementales et la Loi sur la concurrence (les « Lignes directrices »). Les Lignes directrices, qui font suite à un projet de lignes directrices publié en décembre 2024, tiennent compte de certains commentaires reçus lors de la consultation publique subséquente. (Pour en savoir davantage à ce sujet, veuillez consulter notre article précédent, qui traite du projet de lignes directrices ainsi que de la participation de notre cabinet à la consultation publique.)
Contexte
En juin 2024, les modifications apportées aux dispositions civiles de la Loi sur la concurrence (la « Loi ») concernant les indications trompeuses comprenaient deux nouvelles dispositions qui établissent des normes précises ayant pour but d’encadrer certains types de déclarations environnementales :
- La première disposition porte sur les déclarations concernant les produits (lesquelles englobent les déclarations concernant les services). Aux termes de cette disposition, il est interdit de donner au public, sous la forme d’une déclaration ou d’une garantie visant les avantages d’un produit ou d’un service « pour la protection ou la restauration de l’environnement ou l’atténuation des causes ou des effets environnementaux, sociaux et écologiques des changements climatiques », des indications qui ne se fondent pas sur une « épreuve suffisante et appropriée » (la disposition sur les « indications relatives aux produits »).
- La deuxième disposition porte de façon plus générale sur les déclarations concernant les entreprises et les activités des entreprises. Aux termes de cette disposition, il est interdit de donner au public des indications sur « les avantages d’une entreprise ou de l’activité d’une entreprise pour la protection ou la restauration de l’environnement ou l’atténuation des causes ou des effets environnementaux et écologiques des changements climatiques », à moins que ces indications se fondent sur des « éléments corroboratifs suffisants et appropriés obtenus au moyen d’une méthode reconnue à l’échelle internationale » (la disposition sur les « déclarations concernant les entreprises »).
L’introduction de ces dispositions a suscité d’importantes critiques de la part du public et un « grand nombre de demandes pour obtenir des orientations » de la part du Bureau. La majorité de ces critiques et demandes visaient la disposition sur les déclarations concernant les entreprises, qui exige d’inclure des éléments corroboratifs obtenus au moyen d’une méthode reconnue à l’échelle internationale, une telle méthode n’étant cependant pas définie ni mentionnée ailleurs dans la Loi. Le Bureau a rapidement lancé une première consultation publique pour l’aider à orienter son approche quant aux mesures d’application de la loi, qui a été suivie en décembre 2024 par la publication d’un projet de lignes directrices en vue de la tenue d’une consultation publique subséquente et, en juin 2025, par la publication de la version définitive des Lignes directrices.
Analyse des Lignes directrices
On notera d’entrée de jeu que le Bureau a maintenu son approche générale fondée sur des principes pour fournir des indications relatives aux déclarations environnementales, sans aborder de façon détaillée la façon dont les entreprises qui font de la publicité au Canada devraient ou pourraient étayer les déclarations environnementales les plus fréquentes à l’aide d’éléments corroboratifs appropriés. Cette approche est décevante, surtout lorsqu’on la compare à celle des États-Unis adoptée dans les « Green Guides », qui est beaucoup plus détaillée, et aux lignes directrices antérieures du Bureau en ce qui a trait aux questions environnementales, qui sont maintenant archivées. Toutefois, cette approche fondée sur des principes est conforme à celle adoptée récemment par le Bureau pour fournir des lignes directrices en matière de conformité dans d’autres domaines. Dans le Précis d’information publié en même temps que les Lignes directrices, le Bureau reconnaît que de nombreux commentaires transmis dans le cadre de la consultation publique portaient sur la nécessité d’établir des lignes directrices qui « précisent exactement quelles déclarations environnementales les entreprises peuvent formuler dans leur matériel promotionnel, et quand elles peuvent le faire ». Néanmoins, le Bureau indique que « la Loi n’établit pas de règles quant au moment où une déclaration environnementale donnée peut être faite au public », mais « permet [plutôt] aux entreprises de faire toutes les déclarations environnementales qu’elles souhaitent, tant que ces déclarations ne sont pas fausses ou trompeuses » et qu’elles sont fondées sur des éléments corroboratifs appropriés, comme requis.
Compte tenu de cette mise en garde, les Lignes directrices apportent des précisions utiles sur les principaux aspects de l’approche du Bureau à l’égard des nouvelles dispositions.
Approche relative aux énoncés à des fins non promotionnelles. Le projet de lignes directrices fournissait des précisions utiles sur le fait que le Bureau, aux fins de l’application de la loi, allait se concentrer sur « les indications données au public dans du matériel de marketing et de promotion plutôt que sur les indications données exclusivement à une fin différente, par exemple celles données aux investisseurs et actionnaires dans le cadre de dépôts de documents relatifs aux valeurs mobilières ». Le Bureau maintient cette distinction dans ses Lignes directrices et, de façon plus générale, il écarte du périmètre des mesures d’application de la loi les déclarations « qui sont réglementées par d’autres organismes gouvernementaux ». En ce qui concerne plus particulièrement les documents déposés auprès d’autorités en valeurs mobilières, les déclarations qui ne sont pas visées par les mesures d’application de la loi du Bureau comprennent les communications volontaires et obligatoires transmises aux investisseurs actuels et éventuels.
Toutefois, il convient de noter que cette restriction s’applique uniquement aux indications données « exclusivement » à d’autres fins. Par exemple, la déclaration environnementale intégrée dans un document déposé auprès d’autorités en valeurs mobilières qui s’affiche aussi sur un site Web destiné à des consommateurs pourrait être visée par les mesures d’application de la loi du Bureau. De plus, tel qu’il est indiqué ci-après, cette restriction (et les Lignes directrices de façon générale) ne vise que les mesures d’application de la loi prises par le Bureau, car c’est au Tribunal de la concurrence (le « Tribunal ») qu’il incombe de confirmer si, dans le contexte d’actions privées, les déclarations faites à des fins non promotionnelles sont malgré tout assujetties aux dispositions de la Loi relatives aux déclarations environnementales.
Critères de sélection d’une méthode « reconnue ». Dans ses Lignes directrices, le Bureau a soutenu qu’il « considérera vraisemblablement qu’une méthode est reconnue à l’échelle internationale si elle est reconnue dans au moins deux pays ». Il y précise également qu’il jugera qu’une méthode est « reconnue » lorsqu’elle est « considérée comme valide ». Une telle reconnaissance « peut provenir de diverses sources, y compris, sans toutefois s’y limiter, d’organismes de normalisation, d’autorités de réglementation ou même d’industries ou d’autres entités utilisant des méthodes généralement acceptées à l’échelle internationale ».
Dans l’ensemble, les Lignes directrices prônent une approche assez générale pour définir le concept de « méthode reconnue à l’échelle internationale ». Toutefois, il est important de tenir compte de la mise en garde du Bureau selon laquelle, même lorsqu’une méthode respecte les critères établis, les éléments corroboratifs doivent également être « suffisants et appropriés », et la déclaration ne doit pas être fausse ou trompeuse, de sorte que la méthode, en plus d’être « reconnue », devrait être « fiable et robuste compte tenu de la déclaration ».
Portée des « avantages » environnementaux. Les Lignes directrices fournissent maintenant des indications sur les cas où une déclaration se rapportant à un « avantage » environnemental entraînerait l’application des nouvelles dispositions relatives aux déclarations environnementales. Pour illustrer cette question, les Lignes directrices donnent l’exemple d’une simple déclaration selon laquelle un produit contient 20 % de contenu recyclé, ce que l’entreprise corrobore en indiquant la nature des matériaux d’origine. Les Lignes directrices indiquent ce qui suit :
[L]a déclaration limitée selon laquelle le produit contient « 20 % de contenu recyclé » (donnée seule) ne serait probablement pas considérée comme une déclaration concernant le rendement ou l’efficacité d’un produit, et ne nécessiterait donc pas une épreuve en vertu de l’alinéa 74.01(1)b) de la Loi. La déclaration ne semblerait pas non plus être une déclaration sur les avantages d’un produit pour protéger ou restaurer l’environnement ou pour lutter contre les changements climatiques et le Bureau est donc d’avis qu’elle ne nécessiterait pas non plus une épreuve en vertu de l’alinéa 74.01(1)b.1) de la Loi [C’est nous qui soulignons].
Cet exemple est utile en ce sens qu’il précise que, de l’avis du Bureau, une déclaration au sujet du contenu recyclé (sans autre indication) n’est pas une déclaration portant sur l’avantage environnemental d’un produit. Toutefois, les entreprises canadiennes qui souhaitent formuler ce type de déclaration factuelle dans le cadre d’une déclaration plus large portant sur des répercussions environnementales devraient continuer de veiller à présenter des éléments corroboratifs appropriés afin d’attester les répercussions alléguées (c’est-à-dire l’avantage en question). De plus, il convient de noter que les déclarations factuelles continuent d’être visées par les dispositions générales en matière de publicité trompeuse.
Reconnaissance des méthodes canadiennes. Comparativement au projet de lignes directrices, le point de vue adopté dans les Lignes directrices est plus tranché. Les méthodes exigées ou recommandées par tous les paliers de gouvernement du Canada sont présumées répondre à l’exigence de corroboration prévue dans une méthode reconnue à l’échelle internationale, dans la mesure où la méthode choisie permet d’appuyer la déclaration faite à l’aide d’éléments corroboratifs appropriés et suffisants.
Cette précision, qui s’ajoute à la position du Bureau (dont un résumé est présenté ci-dessus) selon laquelle les déclarations réglementées par d’autres organismes gouvernementaux ne font pas partie des priorités du Bureau en matière d’application de la loi, pourrait limiter les cas où les obligations de déclaration des entreprises canadiennes entrent en conflit, du moins dans la mesure où elles se rapportent à des mesures d’application de la loi éventuelles par le Bureau.
- Exemples d’éléments corroboratifs jugés acceptables. Le Bureau a ajouté deux exemples de déclarations qu’il estimerait être fondées sur des éléments corroboratifs suffisants et appropriés conformément à une méthode reconnue à l’échelle internationale. Ensemble, les exemples font référence aux normes ISO en ce qui a trait à la mesure de la concentration en nutriments et au Protocole des GES pour la comptabilité de projets en ce qui a trait à la mesure des émissions de gaz à effet de serre. Les exemples portent sur des mesures prises conformément à ces méthodes avant et après la mise en œuvre d’une nouvelle politique afin de confirmer son effet allégué. Ces exemples ne sont pas exhaustifs et ne devraient pas susciter de controverse quant à la nature des normes auxquelles ils se rapportent et aux critères qui sont utilisés pour confirmer l’effet d’une mesure en particulier. Nous supposons que ces exemples ont pour but de répondre aux commentaires de certains observateurs qui demandaient au Bureau d’établir des protocoles ou des normes qu’il jugerait acceptables.
Incertitude continue pour les entreprises canadiennes
Depuis le 20 juin 2025, les parties privées peuvent demander au Tribunal l’autorisation d’intenter une action fondée sur les dispositions civiles de la Loi concernant les indications trompeuses, y compris les dispositions relatives aux déclarations environnementales. Pour obtenir l’autorisation prévue par ces dispositions, les parties privées doivent démontrer que l’action privée est dans l’« intérêt public ». (Pour une analyse des nouveaux droits d’action privés, veuillez consulter notre article récent.)
Bien que les demandeurs privés puissent tenir compte des Lignes directrices lorsqu’ils décident d’intenter une action en justice, ils ne sont pas liés par celles-ci, pas plus que ne l’est le Tribunal (qui peut cependant choisir de tenir compte de l’approche proposée dans les Lignes directrices pour évaluer les critères de fond prévus par les dispositions ou les critères qu’une demande d’autorisation doit remplir). Le Bureau peut intervenir dans les demandes privées. Les Lignes directrices prévoient que le Bureau s’y reportera lorsqu’il soumettra des observations en réponse à une demande d’autorisation transmise par un demandeur privé, ou s’il intervient dans une situation où l’autorisation a déjà été accordée.
Par conséquent, bien que les Lignes directrices fournissent des renseignements utiles sur l’approche du Bureau en matière d’application de la loi, il reste à voir comment les mesures d’application de la loi évolueront en ce qui a trait aux actions privées qui sont fondées sur ces dispositions. Lorsque des actions privées relatives à des déclarations environnementales finiront par être portées devant le Tribunal, nous resterons à l’affût des précisions supplémentaires qui en ressortiront sur l’interprétation des dispositions relatives à la publicité trompeuse et sur les critères utilisés pour autoriser la présentation d’une demande. Dans l’intervalle, les entreprises canadiennes qui font des déclarations environnementales sont encouragées à examiner attentivement les Lignes directrices du Bureau, tout en évaluant les risques et la probabilité que leurs déclarations soient contestées par des parties privées.