Entrée en vigueur du champ d’application plus large pour les actions privées intentées aux termes de la Loi sur la concurrence du Canada
Les modifications apportées à la Loi sur la concurrence du Canada (la « Loi ») qui sont entrées en vigueur le 20 juin 2025 élargissent considérablement les droits et les incitatifs des parties privées pour demander des ordonnances au Tribunal de la concurrence (le « Tribunal »). Entre autres choses, ces modifications (i) permettent aux parties privées de présenter des demandes (avec la permission du Tribunal) en vertu des dispositions civiles de la Loi relatives à la publicité trompeuse et aux accords anticoncurrentiels; (ii) permettent au Tribunal d’accorder aux parties privées des indemnités en espèces à concurrence de la valeur du bénéfice tiré du comportement susceptible d’examen; et (iii) élargissent les motifs pour lesquels les parties privées peuvent obtenir la permission d’intenter une action devant le Tribunal.
Ces changements, ainsi que les modifications apportées récemment aux dispositions de fond pertinentes de la Loi, pourraient exposer les entreprises qui exercent des activités au Canada à des risques de litige nouveaux ou plus importants liés aux lois antitrust.
Nous examinons ci-après :
- les dispositions de la Loi permettant aux parties privées de présenter des demandes au Tribunal;
- les types d’ordonnances que peuvent maintenant demander les parties privées, y compris les ordonnances visant le paiement d’une somme d’argent;
- les critères permettant aux parties privées d’obtenir la permission de demander une ordonnance du Tribunal.
Étendue de l’accès privé
Avant les modifications apportées à la Loi en 2022, le champ d’application pour les actions privées se limitait à ce qui suit : (i) les dommages-intérêts découlant de violations des dispositions criminelles de la Loi, notamment la fixation de prix entre concurrents, et (ii) un droit d’action privé plus restreint permettant de demander au Tribunal des ordonnances d’interdiction et certaines autres ordonnances à l’égard de dispositions civiles de la Loi concernant les pratiques commerciales susceptibles d’examen.
Plus particulièrement, les parties privées peuvent depuis longtemps demander des dommages intérêts découlant d’infractions criminelles prévues par la Loi. Les parties privées, y compris les représentants des demandeurs dans le cadre d’actions collectives, ont souvent réclamé des dommages-intérêts pour des infractions alléguées aux dispositions criminelles de la Loi concernant le complot criminel, le truquage des offres et les pratiques commerciales trompeuses. En effet, la reconnaissance de culpabilité pour une infraction criminelle donne généralement lieu à une action collective subséquente présentée devant la Cour fédérale ou les cours supérieures provinciales.
Les affaires non criminelles susceptibles d’examen sont presque exclusivement du ressort du Tribunal. À ce jour, l’application des dispositions civiles relatives aux pratiques susceptibles d’examen a été principalement confiée au commissaire de la concurrence, qui dirige le Bureau de la concurrence du Canada. Seul le commissaire pouvait faire appliquer ces dispositions jusqu’en 2002, année au cours de laquelle la Loi a été modifiée afin de permettre, dans certaines circonstances, à des parties privées de demander des ordonnances telles que des injonctions ou des ordonnances visant la fourniture obligatoire, en vertu de certaines dispositions de la Loi, principalement celles concernant le refus de vendre, l’exclusivité et les ventes liées. Des droits d’accès privé similaires concernant le maintien des prix et l’abus de position dominante ont été ajoutés en 2009 et en 2022, respectivement. Toutefois, les demandes de parties privées présentées au Tribunal en vertu de ces dispositions civiles relatives aux pratiques susceptibles d’examen ont été peu nombreuses.
Compte tenu de l’élargissement récent du droit d’action des parties privées concernant les dispositions civiles relatives aux indications trompeuses et aux accords anticoncurrentiels, les demandes de parties privées peuvent maintenant être permises en vertu de la plupart des dispositions civiles relatives aux pratiques susceptibles d’examen prévues par la Loi. L’appendice ci-après présente un résumé des éléments de fond et des recours possibles aux termes de chacune de ces dispositions.
Nouveau pouvoir du Tribunal de la concurrence d’ordonner le paiement d’une somme d’argent
Bien qu’un certain nombre de facteurs aient pu contribuer au recours limité des parties privées au Tribunal à ce jour, l’incapacité des parties privées à obtenir des indemnités en espèces a vraisemblablement été un facteur important. Toutefois, en raison des modifications apportées le 20 juin 2024 (qui sont entrées en vigueur le 20 juin 2025), lorsque le Tribunal conclut que les motifs justifiant certains types d’ordonnances ont été établis en vertu d’une des dispositions pertinentes concernant les pratiques susceptibles d’examen (lesquelles, il convient de noter, excluent les dispositions concernant les indications trompeuses), le Tribunal peut désormais également ordonner le paiement, aux demandeurs privés et à toute autre personne touchée par le comportement en question, d’une somme ne dépassant pas le « bénéfice tiré du comportement visé par l’ordonnance ». Ces sommes peuvent être distribuées de la manière que le Tribunal estime indiquée. (Ces ordonnances visant des sommes d’argent sont parfois appelées « recours en restitution ».)
Bien que le pouvoir élargi du Tribunal d’ordonner des paiements de restitution puisse entraîner une augmentation des demandes présentées par des parties privées, il reste à voir comment le Tribunal déterminera le « bénéfice tiré » d’un comportement qui constitue un motif d’ordonnance. Par exemple, lorsque le comportement contesté exige la démonstration d’une diminution sensible de la concurrence, certains observateurs ont laissé entendre que le calcul du bénéfice tiré de ce comportement nécessitera une comparaison avec la situation probable du défendeur s’il avait adopté une politique moins anticoncurrentielle qui n’avait pas franchi le seuil de l’empêchement ou de la diminution sensible de la concurrence. Quoi qu’il en soit, les critères servant à déterminer le montant maximal d’un paiement de restitution peuvent différer du calcul des dommages subis par les clients ou d’autres personnes touchées.
Bien que le Tribunal ait maintenant le pouvoir d’ordonner le paiement de sommes d’argent non seulement à la partie privée qui dépose une demande, mais aussi à toute autre personne touchée par le comportement du défendeur, les modifications récentes n’ont pas expressément intégré de régime procédural pour les actions collectives, comme celui prévu dans les Règles des Cours fédérales, qui prévoit le recours à des représentants des demandeurs, l’autorisation de l’action collective, l’avis aux membres du groupe, la participation des membres du groupe, le droit de retrait et d’exclusion des membres du groupe, les appels et les dépens. Il reste à voir comment le Tribunal abordera ces questions et d’autres questions de procédure liées aux actions privées collectives, soit de façon générale, soit dans le cadre de demandes précises présentées par des parties privées.
Il reste également à voir comment le nouveau pouvoir d’ordonner des paiements de restitution interagira avec le pouvoir du Tribunal d’ordonner à un intimé de verser des « sanctions administratives pécuniaires » (« SAP ») au gouvernement sur le fondement des dispositions relatives à l’abus de position dominante ou de certains types d’accords entre concurrents. Les SAP peuvent atteindre le plus élevé des montants suivants :
- 25 millions de dollars canadiens dans le cas d’abus de position dominante ou 10 millions de dollars canadiens dans le cas d’accords anticoncurrentiels aux termes des dispositions civiles;
- trois fois la valeur du bénéfice tiré d’une pratique anticoncurrentielle contestée ou, si ce montant ne peut pas être déterminé raisonnablement, 3 % des recettes globales brutes annuelles de la personne visée.
Bien que le commissaire ne puisse pas demander le versement de paiements de restitution, les SAP ne sont pas expressément exclues dans le cas d’une demande présentée par une partie privée relative à un abus de position dominante ou un accord anticoncurrentiel. Toutefois, la Loi prévoit qu’une SAP vise à « encourager la personne visée par l’ordonnance à adopter des pratiques compatibles avec les objectifs [de l’article pertinent de la Loi] et non pas à la punir ». Par conséquent, le Tribunal tiendrait vraisemblablement compte de toute ordonnance de restitution pour déterminer si une SAP est également requise et pour déterminer l’ampleur appropriée d’une telle SAP.
Limitations concernant l’accès privé
Avant d’intenter une action privée devant le Tribunal, le demandeur doit d’abord obtenir la permission du Tribunal. Le Tribunal ne peut accorder la permission de procéder à une demande lorsque le comportement fait ou a fait l’objet d’une enquête du commissaire à laquelle il a été mis fin à la suite d’un règlement intervenu avec le commissaire. De même, le Tribunal ne peut accorder la permission de présenter une demande portant sur une question qui fait l’objet d’une demande que lui a déjà présentée le commissaire. Cela signifie que le Tribunal ne peut être saisi du type d’actions collectives subséquentes qui sont courantes dans le contexte de violations des dispositions criminelles de la Loi. Cela dit, il semble que la permission ne soit pas refusée lorsque le commissaire a ouvert une enquête, mais qu’il a par la suite mis fin à celle-ci sans qu’il y ait eu règlement.
Les critères pour obtenir la permission de présenter une demande diffèrent selon les dispositions applicables au comportement susceptible d’examen qui sont invoquées. Plus précisément, en ce qui concerne le nouveau droit d’accès privé à l’égard des pratiques commerciales susceptibles d’examen, le Tribunal ne peut accorder la permission à une partie privée que s’il juge qu’il est « dans l’intérêt public » de le faire. Il reste à voir comment le Tribunal évaluera l’intérêt public dans ce contexte.
Pour la plupart des autres questions susceptibles d’examen pour lesquelles les parties privées ont accès au Tribunal, le Tribunal peut donner la permission de présenter une demande en vertu [de l’article pertinent de la Loi] (i) « s’il a des raisons de croire que l’auteur de la demande est directement et sensiblement gêné dans tout ou partie de son entreprise en raison de l’existence de l’un ou l’autre des comportements qui pourraient faire l’objet d’une ordonnance en vertu de [cet article] », ou (ii) « s’il est convaincu que cela servirait l’intérêt public ». Avant le 20 juin 2025, la permission de présenter une telle demande ne pouvait être accordée que si l’auteur de la demande était directement et sensiblement gêné dans son entreprise. (L’intérêt public n’était pas un motif de permission aux termes de ces dispositions.) Par conséquent, les critères permettant au Tribunal d’accorder la permission de présenter une demande en vertu de ces dispositions sont maintenant plus larges, en ce sens (i) qu’il suffit que seule une partie de l’entreprise de l’auteur de la demande soit directement et sensiblement gênée en raison du comportement contesté et (ii) que le critère de l’intérêt public constitue un motif supplémentaire pour accorder la permission.
La plupart des parties privées ayant présenté une demande visée par la norme de permission antérieure au 20 juin 2025 se sont vu refuser la permission de poursuivre leurs actions pour diverses raisons. Par exemple, dans le cas d’une demande pour refus de vendre, l’exploitant d’un grand magasin n’a pas été en mesure de satisfaire aux critères d’obtention de la permission, car il a été jugé que le refus d’un fournisseur de cosmétiques de fournir l’auteur de la demande n’avait pas une incidence suffisante pour avoir des répercussions sur l’ensemble des activités du grand magasin. Les nouveaux critères n’empêcheraient plus la présentation d’une telle demande.
Cela dit, à moins qu’elle ne se fonde sur des motifs d’intérêt public, la partie privée qui présente une demande est toujours tenue de démontrer au Tribunal que le comportement allégué « pourrait faire l’objet d’une ordonnance » du Tribunal en vertu de l’article pertinent de la Loi. La jurisprudence du Tribunal laisse entendre que, pour que la permission soit accordée, les demandeurs doivent présenter des « éléments de preuve crédibles, convaincants et objectifs » qui vont au delà d’une « simple possibilité ». Certains observateurs ont interprété une décision récente du Tribunal dans laquelle l’auteur d’une demande s’est vu refuser la permission (selon les critères en vigueur avant le 20 juin 2025) comme imposant une norme en matière de preuve élevée pour remplir ces critères.
Intervention du commissaire aux instances privées
Les personnes qui envisagent d’intenter une action privée devant le Tribunal doivent également tenir compte du fait que les règlements à l’amiable de ces actions sont maintenant susceptibles d’être notifiés au commissaire et d’être contestés par celui ci. Avant le 20 juin 2025, les parties à une action privée devant le Tribunal pouvaient régler leur différend au moyen d’un consentement enregistré auprès du Tribunal (qui a la même valeur et produit les mêmes effets qu’une ordonnance du Tribunal) ou d’un règlement à l’amiable confidentiel. Le commissaire a toujours eu la possibilité de demander une ordonnance du Tribunal pour faire modifier ou annuler un consentement enregistré dans les cas où il estimait que l’accord avait ou pouvait vraisemblablement avoir des effets anticoncurrentiels.
Depuis le 20 juin 2025, les parties à une action privée devant le Tribunal qui concluent un règlement à l’amiable une fois que la permission a été accordée sont assujetties à une nouvelle obligation consistant à fournir une copie de l’accord de règlement au commissaire. Le commissaire peut alors demander au Tribunal de modifier ou d’annuler l’accord de règlement au motif « qu’il a ou aurait vraisemblablement des effets anticoncurrentiels ». Il n’est pas clair quels seront les motifs ou la capacité du Tribunal d’annuler ou de modifier un tel accord, en particulier en l’absence d’effets anticoncurrentiels « considérables ». Néanmoins, l’obligation de faire signifier une copie de l’accord au commissaire pourrait inciter les parties à régler leurs différends avant que le Tribunal n’accorde la permission d’intenter l’action. Par ailleurs, afin d’éviter que le commissaire conteste leur accord ultérieurement, les parties à une action privée pourraient demander l’intervention du commissaire avant de finaliser un règlement à l’amiable.
Lorsqu’une partie privée a obtenu la permission de présenter une demande en vertu de certaines dispositions, le commissaire peut intervenir à toute étape de la procédure. Le commissaire a déclaré que le Bureau de la concurrence suivra de près les demandes présentées par des parties privées et les examinera afin de repérer les occasions d’intervenir et de fournir le point de vue du Bureau.
Le 20 juin 2025, le Bureau a publié un bulletin d’information révisé sur l’accès privé au Tribunal, dans lequel il est précisé que, pour déterminer s’il doit intervenir à quelque étape que ce soit, le Bureau tiendra compte, entre autres choses, (i) de l’incidence globale du comportement contesté sur les consommateurs, les entreprises et l’économie du Canada, (ii) de la possibilité que la demande soulève des questions juridiques importantes et (iii) de la solidité de l’affaire. Le bulletin laisse entrevoir la possibilité que le Bureau (i) lance une enquête peu après avoir été avisé d’une demande de permission afin d’empêcher que l’affaire soit traitée comme une demande privée ou (ii) présente une demande plus large, possiblement en vertu d’autres articles de la Loi pour lesquels l’accès privé n’est pas possible (notamment les dispositions de la Loi relatives aux fusionnements). (Bien que le bulletin ne soit pas une ébauche, le Bureau invite les parties intéressées à lui faire part de leurs commentaires sur le bulletin jusqu’au 19 août 2025.)
Prochaines étapes
Des parties privées pourraient très bien déposer des demandes visant à sonder le terrain auprès du Tribunal au cours des prochaines semaines. À mesure qu’elles suivent leur cours dans le cadre du processus de litige, ces demandes initiales pourraient apporter une plus grande certitude quant aux chances des parties privées d’obtenir la permission de présenter une demande ainsi que des paiements de restitution, en plus de fournir des renseignements sur la marche à suivre dans le cadre des actions collectives. Ces faits nouveaux permettront de mieux cerner le profil de risque lié à un comportement pouvant être considéré comme une pratique susceptible d’examen ouvrant droit à l’accès privé. Dans l’intervalle, les entreprises qui exercent des activités au Canada pourraient souhaiter évaluer leurs pratiques ou envisager de modifier certaines pratiques qui pourraient constituer un motif de demande privée auprès du Tribunal.
Appendice : Comportements susceptibles d’examen ouvrant droit à l’accès privé au Tribunal de la concurrence
Pratiques commerciales trompeuses
Depuis le 20 juin 2025, l’accès privé au Tribunal de la concurrence est ouvert pour un éventail de pratiques commerciales susceptibles d’examen, qui sont énumérées à la partie VII.1 de la Loi sur la concurrence. La partie VII.1 contient une disposition générale qui vise les déclarations faites au public en vue de promouvoir la fourniture d’un produit et qui sont fausses ou trompeuses sur un point important. Ces déclarations peuvent inclure une indication de prix qui n’est pas atteignable en raison de frais obligatoires fixes qui s’y ajoutent, parfois appelée « indication de prix partiel ».
La partie VII.1 contient également (i) des dispositions plus précises visant, par exemple, des garanties de rendement qui ne sont pas fondées sur une épreuve suffisante et appropriée, et (ii) depuis juin 2024, des dispositions concernant l’« écoblanchiment » interdisant à quiconque de faire ce qui suit :
- donner au public, sous la forme d’une déclaration ou d’une garantie « visant les avantages d’un produit pour la protection ou la restauration de l’environnement ou l’atténuation des causes ou des effets environnementaux, sociaux et écologiques des changements climatiques », des indications qui ne se fondent pas sur une épreuve suffisante et appropriée;
- donner au public des indications sur les « avantages d’une entreprise ou de l’activité d’une entreprise pour la protection ou la restauration de l’environnement ou l’atténuation des causes ou des effets environnementaux et écologiques des changements climatiques » si les indications ne se fondent pas sur des « éléments corroboratifs suffisants et appropriés obtenus au moyen d’une méthode reconnue à l’échelle internationale ».
Si une partie privée ou le commissaire a gain de cause dans une action fondée sur les dispositions concernant les indications trompeuses susceptibles d’examen, y compris les dispositions concernant l’écoblanchiment, le Tribunal peut ordonner à une entreprise de faire ce qui suit :
- cesser d’adopter le comportement contesté;
- publier un avis afin de corriger l’indication trompeuse;
- payer une SAP pouvant atteindre le plus élevé des montants suivants : (i) 10 millions de dollars canadiens; ou (ii) trois fois la valeur du bénéfice tiré du comportement trompeur, ou, si ce montant ne peut pas être déterminé, trois pour cent des recettes globales brutes annuelles de la personne morale;
- dans le cas d’un comportement relevant du champ d’application de la disposition générale ou de certaines dispositions relatives aux messages électroniques (lesquelles précisent que l’indication trompeuse donnée au public doit porter sur un point important), payer une somme pouvant aller jusqu’au montant total des sommes payées au défendeur pour les produits à l’égard desquels le comportement a été adopté, devant être répartie entre les acquéreurs des produits concernés (à l’exception des grossistes, des détaillants et des autres distributeurs, s’ils ont revendu ou distribué les produits) de la manière que le tribunal estime indiquée (une telle ordonnance étant parfois appelée « ordonnance de restitution »). Il est entendu que cette réparation n’est pas ouverte dans le cas des demandes présentées uniquement en vertu des nouvelles dispositions relatives à l’« écoblanchiment ».
Le Tribunal est habilité depuis 2009 à ordonner des paiements de restitution en vertu de la disposition relative à la publicité trompeuse, mais ce n’est que depuis le 20 juin 2025 que les parties privées peuvent demander une ordonnance de restitution.
En outre, le commissaire ou une partie privée (qui a obtenu la permission) peut demander une ordonnance provisoire interdisant à une personne d’adopter un comportement commercial susceptible d’examen. Pour que cette demande soit accueillie, l’auteur de la demande doit démontrer qu’un préjudice grave est susceptible de se produire et que l’évaluation comparative des inconvénients milite en faveur de la délivrance de l’injonction.
Notamment, une SAP ne peut pas être imposée si le défendeur peut établir qu’il a fait preuve de diligence en vue d’empêcher le comportement reproché.
Accords anticoncurrentiels susceptibles d’examen
L’article 90.1 de la Loi prévoit la possibilité de contester à la fois :
- les accords entre concurrents qui sont susceptibles d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence;
- les accords entre non-concurrents si l’un des objets importants de l’accord – ou d’une partie de celui-ci – est d’empêcher ou de diminuer la concurrence et que l’accord aura vraisemblablement pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence.
Si le Tribunal conclut à l’existence d’un tel accord, il peut faire ce qui suit :
- rendre une ordonnance interdisant à toute personne d’accomplir tout acte au titre de l’accord en question;
- comme il est indiqué ci‑dessus, rendre une ordonnance imposant le paiement d’une SAP pouvant atteindre le plus élevé des montants suivants : (i) 10 millions de dollars canadiens; ou (ii) trois fois la valeur du bénéfice tiré de l’accord, ou, si ce montant ne peut pas être déterminé, trois pour cent des recettes globales brutes annuelles de la personne;
- une ordonnance enjoignant aux défendeurs de prendre des mesures nécessaires dans le but d’enrayer les effets de l’accord contesté, notamment se départir d’éléments d’actif ou d’actions;
- dans le cadre d’une demande présentée par une partie privée, rendre une ordonnance de restitution.
Pour cette disposition et les autres comportements susceptibles d’examen analysés ci après, le commissaire ou la partie privée ayant présenté la demande peut également demander une ordonnance provisoire en attendant l’audience sur le fond, en s’appuyant sur les mêmes principes que ceux qui seraient pris en considération par les tribunaux supérieurs pour accorder une mesure interlocutoire ou injonctive.
Abus de position dominante
Les modifications apportées à la Loi en décembre 2023 ont mis en place un nouveau cadre pour l’abus de position dominante. Un critère différent s’applique maintenant, selon que la réparation recherchée est : (i) une ordonnance d’interdiction (c’est-à-dire une ordonnance interdisant à l’entité ou aux entités en position dominante de se livrer au comportement contesté) ou (ii) d’autres formes de réparation, comme des SAP ou des ordonnances imposant la prise de mesures visant à rétablir la concurrence, y compris le dessaisissement d’actifs ou d’actions, au besoin.
Pour obtenir une ordonnance d’interdiction selon le nouveau cadre, le commissaire ou la partie privée ayant présenté la demande n’a plus qu’à établir (i) qu’une entreprise est en position dominante (ou qu’un groupe d’entreprises est conjointement en position dominante); et (ii) que l’entreprise ou le groupe d’entreprises a adopté un comportement ayant une intention ou un effet anticoncurrentiel qui ne résulte pas d’un rendement concurrentiel supérieur.
Pour obtenir d’autres formes de réparation (comme une SAP ou une ordonnance visant à rétablir la concurrence), le commissaire ou la partie privée ayant présenté la demande continuera de devoir démontrer qu’une entreprise a une position dominante, s’est livrée à une pratique d’agissements anticoncurrentiels et que cette pratique empêche ou diminue sensiblement la concurrence ou est susceptible de le faire.
Avant les modifications de décembre 2023, toute ordonnance rendue en vertu des dispositions relatives à l’abus de position dominante exigeait la preuve d’un empêchement ou d’une diminution sensible vraisemblable de la concurrence. Ces modifications ont également considérablement augmenté le montant potentiel des SAP pouvant être imposées pour abus de position dominante. Comme il est indiqué ci-dessus, le Tribunal peut imposer une SAP pouvant aller jusqu’à : (i) 25 millions de dollars; ou (ii) trois fois la valeur du bénéfice tiré d’une pratique anticoncurrentielle contestée ou, si ce montant ne peut pas être déterminé raisonnablement, trois pour cent des recettes globales brutes annuelles de cette personne. Si le Tribunal rend une ordonnance d’interdiction ou une ordonnance de rétablissement de la concurrence, dans le cas d’une demande présentée par une partie privée, il peut également rendre une ordonnance de restitution.
Exclusivité, ventes liées et limitation du marché
L’exclusivité comprend un accord qui oblige ou incite un client à acheter des produits exclusivement ou principalement auprès d’un fournisseur donné ou à s’abstenir d’acheter des produits auprès d’un autre fournisseur.
Les ventes liées comprennent un accord selon lequel la vente d’un produit ou d’un service à un client est subordonnée à l’acceptation par ce dernier d’acheter un produit ou un service différent ou « lié » ou, encore, de ne pas acheter le produit ou le service « lié » auprès d’un autre fournisseur.
La limitation du marché comprend un accord qui impose les territoires géographiques dans lesquels les clients peuvent vendre les produits du fournisseur, les catégories d’acheteurs auxquels ces produits peuvent être vendus ou les catégories de produits qui peuvent être vendus.
Sous réserve de certaines exceptions prévues par la Loi, lorsque l’exclusivité, des ventes liées ou la limitation du marché sont très répandues sur un marché ou qu’elles sont pratiquées par un fournisseur important sur un marché et qu’elles auront vraisemblablement pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence (par exemple en faisant obstacle à l’entrée ou au développement de concurrents dans le cas de l’exclusivité ou des ventes liées), le Tribunal peut, par ordonnance, obliger les fournisseurs concernés à cesser de se livrer au comportement reproché ou à prendre des mesures pour rétablir ou favoriser la concurrence. Dans le cas d’une demande présentée par une partie privée, le Tribunal peut également désormais rendre une ordonnance de restitution.
Refus de vendre
Dans le cadre d’une action pour refus de vendre aux termes de la Loi, l’auteur de la demande doit établir qu’il a été « sensiblement gêné dans tout ou partie de son entreprise » du fait qu’il est incapable de se procurer un produit en quantité suffisante où que ce soit sur un marché, aux conditions de commerce normales. Un « produit » pouvant faire l’objet d’une demande pour refus de vendre comprend « un moyen de diagnostic ou de réparation ». Le Tribunal doit aussi être convaincu que l’auteur de la demande accepte et est en mesure de respecter les conditions de commerce normales imposées par les fournisseurs du produit, que le produit est disponible en quantité amplement suffisante et que le refus du fournisseur de vendre à l’auteur de la demande aura vraisemblablement pour effet de nuire à la concurrence.
Si les conditions requises sont réunies, le Tribunal peut rendre une ordonnance enjoignant à un ou à plusieurs fournisseurs d’accepter une personne comme client selon les conditions de commerce normales. Dans le cas d’une demande présentée par une partie privée, le Tribunal peut également rendre une ordonnance de restitution.
Maintien des prix
Sous réserve de certaines exceptions, un fournisseur peut être considéré comme s’étant livré à un comportement susceptible d’examen aux termes des dispositions de la Loi concernant le maintien des prix si, directement ou indirectement, le fournisseur fait ce qui suit :
- par entente, menace, promesse ou quelque autre moyen semblable, il fait monter ou empêche qu’on ne réduise le prix auquel un client ou une autre personne qui reçoit le produit pour le revendre fournit ou offre de fournir le produit ou fait de la publicité au sujet d’un produit au Canada;
- il refuse de fournir un produit à une personne ou prend une autre mesure discriminatoire à son endroit en raison de son régime de bas prix.
Constitue également un comportement susceptible d’examen le fait de persuader un fournisseur, par entente, menace, promesse ou quelque autre moyen semblable, en en faisant la condition de leurs relations commerciales, de refuser de fournir un produit à une autre personne en raison de son régime de bas prix.
Quoi qu’il en soit, le Tribunal ne peut rendre une ordonnance en vertu des dispositions sur le maintien des prix que si le comportement en cause a eu, a ou aura vraisemblablement pour effet de nuire à la concurrence dans un marché. Lorsqu’il rend une ordonnance en vertu des dispositions sur le maintien des prix, le Tribunal peut également rendre une ordonnance de restitution.
Il convient de noter que, dans le cas du maintien des prix, le Tribunal peut donner la permission de présenter une demande si l’auteur de la demande est directement gêné par un comportement qui pourrait faire l’objet d’une ordonnance aux termes des dispositions sur le maintien des prix. Le Tribunal n’a pas à déterminer si l’auteur de la demande a été gêné sensiblement par le comportement. Toutefois, l’intérêt public n’est pas un motif permettant de donner la permission à une partie privée de demander une ordonnance en vertu des dispositions sur le maintien des prix.