Bulletin

Signatures électroniques : Guide à l’intention des entreprises de l’Ontario

Auteurs : Anthony M.C. Alexander, Michael Disney, Carol D. Pennycook, Derek R.G. Vesey et Melissa Uster

Bon nombre de Canadiens sont au télétravail depuis bientôt un an, et la signature électronique d’accords commerciaux fait partie de la « nouvelle normalité ». Dans le présent bulletin, nous décrivons les grandes lignes du cadre réglementaire qui régit actuellement en Ontario les documents électroniques et la signature électronique de ces documents, et examinons les modifications apportées à la législation en réaction aux restrictions mises en place en mars 2020 en raison de la pandémie de COVID-19.

Qu’est-ce qu’une signature électronique?

La Loi de 2000 sur le commerce électronique de l’Ontario (la « LCE ») définit la signature électronique comme suit : « Renseignements électroniques qu’une personne crée ou adopte en vue de signer un document et qui sont dans le document ou qui y sont joints ou associés ». En général, à moins qu’une loi ou un accord n’exige une signature manuscrite, la signature électronique peut satisfaire à toute exigence juridique de signature. La LCE ne prévoit aucun critère de vérification pour la signature électronique.

La Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques fédérale, pour sa part, définit la signature électronique comme suit : « Signature constituée d’une ou de plusieurs lettres, ou d’un ou de plusieurs caractères, nombres ou autres symboles sous forme numérique incorporée, jointe ou associée à un document électronique ». La majorité des contrats et des documents de nos clients étant conclus ou dressés par des parties commerciales consentantes, ils sont généralement régis par la législation provinciale, à moins d’être conclus avec un organisme du gouvernement fédéral du Canada.

Le terme « signature électronique » vise à englober les nombreux moyens techniques que peut employer une personne pour indiquer son lien avec un document électronique, notamment :

  • taper son nom à la fin d’un courrier électronique
  • numériser sa signature manuscrite
  • apposer une image électronique de sa signature
  • employer un mot de passe, un code ou un identifiant personnel unique
  • créer une signature numérisée au moyen de la cryptographie à clé publique.

Ces formes existantes de signature électronique, employées de manière appropriée, peuvent répondre au critère juridique de base, c’est-à-dire que la signature doit établir un lien entre le document électronique et le signataire.

Consentement exigé

Le paragraphe 3(1) de la LCE stipule qu’une personne ne peut être tenue d’accepter un document sous forme électronique sans son consentement, lequel peut être déduit objectivement des actes de la personne s’il existe des motifs raisonnables de le faire. La meilleure pratique consisterait à inclure dans le document une disposition permettant la signature électronique si telle est l’intention des parties, ainsi qu’une clause précisant, dans le cas où plusieurs exemplaires seraient signés individuellement, que ceux-ci constituent collectivement un seul document complet. Les organismes publics font exception à la règle générale du consentement tacite, leur consentement ne pouvant être donné que par une communication explicite.

Utilisation et acceptation des signatures électroniques

En général, les signatures électroniques peuvent être utilisées dans la plupart des cas où une signature est requise ou habituellement attendue. Toutefois, certains types de documents et de contrats sont expressément exclus de l’application de la LCE :

  • les testaments et les codicilles
  • les fiducies constituées par des testaments ou des codicilles
  • les procurations visant les affaires financières d’un particulier ou le soin de sa personne
  • les effets négociables (comme les billets à ordre ou les chèques)
  • les documents concernant les titres de propriété, à l’exception de tout ce qui peut avoir trait à un contrat de transport de marchandises.

Toutefois, l’exclusion de ces documents et contrats de l’application de la LCE ne signifie pas que ceux-ci ne peuvent être signés électroniquement, mais plutôt qu’il faut consulter les lois ou les principes de common law les régissant particulièrement. Il importe également que les sociétés consultent leurs règlements et résolutions pour vérifier si ceux-ci contiennent des restrictions ou des exigences précises concernant la signature électronique de documents. De plus, les sociétés constituées sous régime fédéral devraient consulter la Loi canadienne sur les sociétés par actions, qui contient des dispositions précises sur l’utilisation de documents et de signatures électroniques.

Marchés financiers

En général, les documents relatifs à un prêt ou à une opération garantie sont régis par la LCE et peuvent être signés électroniquement. Toutefois, comme nous l’avons mentionné ci-dessus, les effets négociables sont exclus. Certains prêteurs exigent que des signatures manuscrites soient apposées sur les originaux dans le cas de certains documents comme les certificats d’actions et les autorisations de transfert de valeurs mobilières. Il demeure donc important de conserver un système permettant la signature manuscrite de documents durant la période de télétravail.

Valeurs mobilières

Pendant que les restrictions dues à la pandémie de COVID-19 demeurent en vigueur, le Système électronique de données, d’analyse et de recherche (« SEDAR ») accepte que le formulaire 6 ne soit déposé que par courrier électronique, et en demandera une copie papier une fois la période de télétravail terminée. Le formulaire peut être signé électroniquement, mais le nom tapé du signataire n’est pas considéré comme une signature électronique. En général, les documents devant être déposés auprès de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario, de SEDAR ou du Système électronique de déclaration des initiés (« SEDI ») peuvent être signés et déposés électroniquement.

Agence du revenu du Canada

En règle générale, l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») exige que les formulaires fiscaux qui lui sont remis, y compris ceux qui sont déposés électroniquement, soient signés à la main. Durant la pandémie de COVID-19, l’ARC a assoupli cette exigence à l’égard de certains formulaires fiscaux.

Le 28 mars 2020, l’ARC a annoncé qu’elle permettrait temporairement aux contribuables de signer électroniquement les formulaires d’autorisation T183 et T183CORP, à condition que la signature électronique réponde à certaines exigences. Lorsqu’un préparateur de déclarations de revenus a déposé électroniquement une déclaration de revenus au nom du contribuable, ils doivent tous deux conserver les formulaires pendant au moins six ans. Cette exigence demeure en vigueur pendant la période de dépôt des déclarations de revenus de 2020; l’ARC a tenu des consultations publiques pour déterminer s’il y a lieu d’en faire une exigence permanente.

L’ARC a annoncé qu’elle accepterait également les signatures électroniques pour les formulaires T2200 et T2200S, employés pour déterminer si un employé est en droit de déduire de son revenu les dépenses liées à son bureau à domicile. Cette mesure ne s’applique qu’à l’année d’imposition 2020.

Immobilier

En Ontario, depuis 2015, la version électronique de documents qui créent ou transfèrent des droits immobiliers et qui doivent être enregistrés pour être opposables à des tiers peut être employée pour les opérations immobilières; ces documents peuvent également être signés électroniquement. Il est possible, toutefois, pour des opérations réalisées ailleurs qu’en Ontario, que des signatures manuscrites soient exigées.

Logiciels de signature numérique

Les logiciels tiers (tels que DocuSign et Adobe Digital Signatures) permettent la vérification au moyen de mots de passe ou de NIP et utilisent des technologies de chiffrement des données. Nous vous recommandons, comme meilleure pratique, d’utiliser l’un de ces logiciels, car ils sont plus sûrs et plus rapides que d’autres façons de procéder, comme la numérisation de signatures manuscrites.

Validité des documents originaux

Pour qu’une signature électronique soit valide, le document électronique auquel elle est associée doit également être valide. La LCE décrit les cas dans lesquels il est acceptable qu’un document électronique soit utilisé plutôt qu’un document original. Dans certains cas, la loi applicable exige que l’original soit fourni, conservé ou examiné. Il est possible de satisfaire à cette exigence en fournissant, en conservant ou en examinant un document électronique dans les cas suivants :

  • il existe une garantie fiable voulant que les renseignements contenus dans le document original sont demeurés complets et n’ont pas été altérés, ce qui s’apprécie en tenant compte de l’ensemble des circonstances;
  • dans le cas où le document original doit être fourni à une personne, celle-ci comprend le document électronique, y a accès et peut le conserver.

Nouveautés législatives en Ontario

Projet de loi 190

Le projet de loi 190, Loi de 2020 sur les mesures en réponse à la COVID-19 et les réformes visant à moderniser l’Ontario, a reçu la sanction royale le 12 mai 2020. Ce projet de loi a édicté la Loi de 2020 autorisant d’autres modes de dépôt de documents pour les entreprises, qui permet la signature et le dépôt électroniques de certains documents, par courrier électronique ou par télécopieur.

Le nouveau régime s’applique à des lois telles que la Loi sur les sociétés par actions, la Loi sur les noms commerciaux, la Loi sur les personnes morales, la Loi sur les sociétés coopératives, la Loi sur les renseignements exigés des personnes morales, la Loi sur les personnes morales extraprovinciales et la Loi sur les sociétés en commandite. Les nouvelles dispositions visent des documents tels que les statuts, avis, déclarations, demandes et pièces justificatives. Le nom complet du signataire doit figurer sur la ligne de signature et être accompagné d’une mention précisant que le document a été signé électroniquement (par exemple, « Jean Untel, par signature électronique »), sauf si la signature numérique est sous forme d’image numérisée de la signature manuscrite. L’entité qui signe le document doit conserver une version du document dûment signé.

Le projet de loi 190 a également modifié la Loi sur les notaires, afin de permettre au notaire, malgré toute exigence d’une loi voulant qu’il exerce ses pouvoirs en présence physique d’une personne, d’exercer ses pouvoirs sans être en présence physique de la personne tout en étant conforme aux règlements. Cependant, le lieutenant-gouverneur en conseil n’a pas encore pris de règlement permettant ce qui précède; ainsi, le notaire, pour être témoin de la passation d’un document ou la certifier, et pour confirmer celle-ci, ou pour certifier et confirmer une copie conforme d’un document, doit toujours être en présence physique de la personne.

Serments et déclarations

Le 1er août 2020, la Loi sur les commissaires aux affidavits a été modifiée afin de permettre la prestation de serments et la réception de déclarations à distance. Le règlement exige que la personne qui fait prêter le serment ou reçoit la déclaration et le déposant ou le déclarant doivent pouvoir se voir, s’entendre et communiquer entre eux en temps réel et que l’identité du déposant ou du déclarant soit confirmée. En termes pratiques, la prestation de serment et la réception de déclaration à distance nécessitent l’utilisation d’un logiciel de vidéoconférence. Le déposant ou le déclarant devra sans doute présenter une pièce d’identité officielle. Enfin, la personne qui fait prêter le serment ou reçoit la déclaration doit conserver un relevé de la formalité, y compris une copie de la pièce d’identité présentée. La meilleure pratique consiste à remettre une copie du relevé de la formalité au déposant ou au déclarant pour ses propres dossiers.

Pour se protéger contre les risques d’influence inappropriée, de contrainte ou d’incapacité, la personne qui fait prêter le serment ou qui reçoit la déclaration doit s’assurer que le déposant ou le déclarant est seul pendant la formalité, comprend parfaitement le contenu du document et a tout le loisir de poser des questions. De plus, la partie destinataire n’est pas tenue d’accepter un document qui a été assermenté ou reçu à distance. Par conséquent, avant de demander à un commissaire de faire prêter serment ou de recevoir une déclaration à distance, il importe de vérifier auprès de la partie destinataire si elle est en mesure et désireuse de l’accepter.

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