Bulletin

Tendances en droit canadien de la concurrence en 2023 : importantes modifications, et d’autres changements en perspective

Auteurs : Mark Katz, Jim Dinning et Teraleigh Stevenson

En 2022, les importantes modifications apportées à la Loi sur la concurrence du Canada (la « Loi ») ont dominé les débats sur le droit canadien de la concurrence et les mesures d’application de la loi. Maintenant que le premier train de modifications a été mis en œuvre et que la consultation publique sur d’autres modifications a officiellement débuté, la possibilité de réformes législatives à venir demeurera certainement au cœur des débats sur le droit canadien de la concurrence en 2023. Dans le présent bulletin, nous traitons plus amplement des incidences de ces modifications et des projets de nouvelles réformes. Nous abordons également les tendances touchant les aspects clés de l’application de la loi que sont l’examen des fusions, la publicité trompeuse et les actions civiles privées. Nous proposons enfin aux entreprises qui exercent des activités au Canada une façon de considérer ces tendances dans leurs prises de décisions.

Importantes modifications apportées à la Loi sur la concurrence

D’importantes modifications à la Loi sont entrées en vigueur l’an dernier par suite de l’adoption de la loi d’exécution du budget de 2022 du gouvernement fédéral (voir notre analyse détaillée dans notre bulletin antérieur). Voici les principaux changements.

  • Abus de position dominante. L’éventail des types d’agissements visés par les dispositions concernant l’abus de position dominante est élargi afin d’y inclure la « pratique destinée à nuire à la concurrence » et la « réponse sélective ou discriminatoire à un concurrent actuel ou potentiel ». Sont également touchés les comportements qui ont un effet négatif sur les éléments de la concurrence hors prix comme la qualité, le choix ou la vie privée des consommateurs. De plus, les sanctions pécuniaires potentielles pour abus de position dominante sont augmentées sensiblement, le maximum actuel de 10 millions de dollars passant au triple de la valeur du bénéfice tiré du comportement. De plus, les parties privées pourront demander réparation directement au Tribunal de la concurrence (le « Tribunal ») pour des allégations d’abus de position dominante (mais ne pourront pas demander des dommages‑intérêts).
  • Cartels criminels. La portée des dispositions actuelles concernant les complots criminels a été étendue; il est maintenant interdit aux employeurs de conclure des accords de fixation des salaires et de non-débauchage, à moins qu’il ne soit démontré que de tels accords sont raisonnablement nécessaires pour donner effet à un accord plus vaste ou distinct qui est licite (la défense fondée sur les « restrictions accessoires »). De plus, les sanctions imposées pour les infractions criminelles de complot, y compris la nouvelle infraction visant les employeurs, seront des amendes « dont le montant est fixé par le tribunal », sans aucune limite explicite. Ces modifications entreront en vigueur le 23 juin 2023.
  • Publicité trompeuse. L’« indication de prix partiels » – pratique consistant à annoncer un produit à un prix non atteignable parce que des frais obligatoires qui s’ajoutent ne sont pas divulgués – que visaient auparavant des dispositions législatives en matière civile et criminelle sur la publicité trompeuse est dorénavant interdite explicitement. À l’instar des changements apportés aux dispositions sur l’abus de position dominante et les cartels criminels, les modifications viennent augmenter substantiellement les amendes potentielles en cas d’indication fausse ou trompeuse interdite par les dispositions civiles, les faisant passer au triple de la valeur du bénéfice tiré du comportement.
  • Examen des fusions. Il est expressément déclaré dans les modifications que le Bureau de la concurrence (le « Bureau »), organisme d’État chargé de l’application de la Loi, peut tenir compte de facteurs hors prix, comme les effets de réseau, la qualité, le choix ou la vie privée des consommateurs, pour évaluer l’incidence d’une transaction sur la concurrence. De plus, une nouvelle disposition anti-évitement peut soumettre aux exigences de préavis les transactions non assujetties à ces exigences qui ont été « conçues dans le but d’éviter » l’application du régime des préavis.

Les modifications touchent l’application de la législation en matière de concurrence et la conformité à celle-ci, de sorte qu’elles méritent une attention particulière. Par exemple, la portée accrue des dispositions relatives à l’abus de position dominante rend obsolète la jurisprudence existante. De plus, l’élargissement de ces dispositions aux agissements destinés à nuire à la concurrence (plutôt qu’à un concurrent en particulier) réduit l’utilité d’un outil d’analyse juridique essentiel. Par ailleurs, les modifications punissent plus lourdement la violation de ces dispositions (étendues) en augmentant les sanctions ou en permettant aux parties privées d’introduire des actions directement devant le Tribunal.

Parallèlement, les entreprises devraient examiner attentivement leurs pratiques en ressources humaines (les « RH ») bien avant juin 2023 pour s’assurer qu’elles respectent l’interdiction concernant les accords de fixation des salaires et de non-débauchage qui entrera alors en vigueur. Il leur faudrait notamment établir si elles sont parties à de tels accords ou si elles participent à des discussions sur ces questions, par exemple avec des organisations sectorielles qui transmettent des renseignements en matière d’emploi aux fins d’analyses comparatives. De plus, les entreprises devraient s’assurer que leurs documents et formations internes en matière de conformité au droit de la concurrence comprennent un examen des risques associés aux RH et que le personnel des RH suive une formation sur la conformité.

D’autres changements en perspective : Le processus de consultation d’ISDE

Comme nous le mentionnions dans un article antérieur, le 17 novembre 2022, le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique du Canada (« ISDE ») a annoncé le lancement d’une révision complète de la Loi et des politiques en matière de droit de la concurrence du Canada. Dans un document de discussion publié à la même époque (le « document d’ISDE »), le gouvernement fédéral faisait part de ses positions et des points à débattre au sujet de la réforme potentielle, et notamment des domaines qui suivent.

Examen des fusions. Dans son document, ISDE examine plusieurs réformes potentielles du processus d’examen des fusions.

  • Délais. ISDE évoque la possibilité de permettre au Bureau de contester une transaction jusqu’à trois ans après la réalisation de celle-ci. Ce projet de modification remplacerait le délai de prescription actuel de un an par ce qui était en vigueur avant les modifications apportées en 2009 à la Loi.
  • Seuils. ISDE évoque également la possibilité d’assujettir les acquisitions d’entreprises ne détenant pas d’actifs au Canada, mais réalisant des ventes vers le Canada, à l’obligation de préavis de fusion, d’abaisser le seuil minimal de la « taille des parties » actuellement fixé à 400 millions de dollars, et de restructurer les seuils financiers afin d’englober l’acquisition de concurrents « naissants » qui ne répondent peut-être pas aux seuils financiers déclenchant l’obligation de remettre un préavis.
  • Examen sur le fond. Dans son document, ISDE fait écho aux préoccupations de longue date du Bureau au sujet de la « défense fondée sur les gains en efficience », qui empêche le Tribunal de rendre une ordonnance de blocage d’une transaction si les gains en efficience générés par la transaction seront vraisemblablement plus importants que ses effets anticoncurrentiels prévus. Dans la foulée de l’attention récente donnée aux considérations en matière de main-d’œuvre, comme en témoignent les nouvelles dispositions sur les cartels d’employeurs, ISDE évoque également la possibilité d’inclure les incidences sur la main-d’œuvre dans l’analyse concurrentielle d’une transaction projetée.
  • Critères pour l’application des mesures de redressement. ISDE examine la possibilité de réviser (et d’abaisser) les critères pour l’application de mesures correctives en matière de fusions. Selon les critères établis par la jurisprudence de la Cour suprême qui sont appliqués actuellement, « la mesure de redressement appropriée en cas de diminution sensible de la concurrence consiste à rétablir la concurrence de façon qu’il ne soit plus possible de dire qu’elle est sensiblement inférieure à ce qu’elle était avant le fusionnement ».

Abus de position dominante. Bien que les modifications de juin 2022 aient élargi la portée des dispositions sur l’abus de position dominante, ISDE craint que le Bureau continue de devoir se décharger d’un lourd fardeau lors de la contestation d’abus de position dominante, plus particulièrement dans les marchés numériques. Pour répondre à ces craintes, ISDE étudie la possibilité d’apporter des modifications supplémentaires, y compris l’abaissement du seuil d’intervention afin qu’il soit possible d’accorder des redressements lorsque les comportements d’entreprises dominantes sont considérés comme ayant ou pouvant avoir des effets anticoncurrentiels, ou simplement dans les cas de « risque appréciable » plutôt que de préjudice probable, ou encore lorsque les comportements en cause sont « injustes ».

Pratiques commerciales trompeuses. Prenant acte des nouveaux enjeux engendrés par « la nature et l’omniprésence de la publicité numérique », ISDE soulève la possibilité d’apporter des modifications à la Loi afin de mieux définir les comportements faux ou trompeurs.

Collaboration entre concurrents. Sont proposées dans le document d’ISDE des modifications à trois domaines touchant les accords entre concurrents :

  • Accords constituant une infraction de nature civile. Selon le document d’ISDE, le Bureau a de la difficulté à déceler les accords entre concurrents. On propose donc, entre autres choses, de mettre en place un mécanisme de déclaration obligatoire ou d’autorisation volontaire pour certains types d’accords entre concurrents.
  • Infractions pénales. Dans son document, ISDE met en doute la capacité de la législation actuelle de contrer adéquatement l’utilisation des algorithmes pour arriver à des arrangements efficaces de fixation des prix qui ne sont le fruit d’aucun accord entre des personnes. En réponse à cette préoccupation (théorique), ISDE propose des réformes qui permettraient de « présumer ou déduire l’existence d’un accord dans un plus grand nombre de circonstances », de sorte qu’il soit possible de « lutter contre les préjudices concurrentiels avec plus de souplesse ».
  • Accords entre acheteurs. Bien que les dispositions sur les cartels d’employeurs contenues dans les modifications de juin 2022 portent sur un type d’accords entre acheteurs, la Loi ne prévoit pas à l’heure actuelle une interdiction générale constituant une infraction de nature pénale pour les accords entre acheteurs. ISDE lance la possibilité de traiter de nouveau comme une infraction pénale la collusion entre acheteurs.

Exécution et application de la loi. Dans son document, ISDE se demande si les outils dont dispose actuellement le Bureau ne seraient pas trop restreints et ne limiteraient pas sa capacité d’intervention pour protéger les marchés. Les réformes qui pourraient étendre ces pouvoirs comprennent ce qui suit :

  • donner au Bureau une plus grande marge de manœuvre pour agir en tant que décideur, y compris la capacité d’autoriser ou d’empêcher certaines formes de comportements et d’exiger unilatéralement la production de renseignements (c.-à-d. sans faire appel au Tribunal et/ou aux autres tribunaux);
  • accélérer le traitement des litiges devant le Tribunal et les autres tribunaux, notamment en limitant les droits d’appel, en apportant des modifications aux procédures de médiation et en imposant des délais plus rigides;
  • créer pour le Bureau de nouvelles formes de procédures civiles d’exécution comme solutions de rechange aux poursuites criminelles pour certains comportements;
  • faciliter le recours à des mesures provisoires (c’est-à-dire des injonctions) qui existent déjà, mais sont rarement utilisées;
  • établir, pour le Bureau, des moyens de rechange pour la collecte de renseignements, notamment pour la réalisation d’études de marché;
  • compléter l’application de la loi par le Bureau en autorisant les parties privées à demander une indemnisation pour les dommages subis du fait d’un comportement susceptible de faire l’objet d’un examen civil (non lié à une fusion) aux termes de la Loi, notamment un abus de position dominante, un refus de vendre, l’exclusivité, les ventes liées, la limitation du marché et le maintien des prix.

En recherchant les réformes générales potentielles à mettre en œuvre, ISDE aligne le Canada sur un certain nombre d’initiatives de réforme en profondeur du droit de la concurrence dans d’autres pays, dont les États-Unis. Fait important (et contrairement à ce qui a été fait lors de la mise en œuvre du train de modifications précédent), le public est invité à faire part de ses commentaires sur les projets de réformes. Les observations peuvent être présentées dans le cadre du processus de consultation jusqu’au 27 février 2023. Bien que le gouvernement n’ait pas fourni d’échéancier pour les étapes suivant la date limite de présentation des observations, il semble probable que le ministre et le ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique du Canada se pencheront plus avant sur ces changements dans l’année qui vient.

Une approche de l’examen des fusions de plus en plus axée sur les litiges

Bien qu’il puisse contester une transaction devant le Tribunal s’il établit que la transaction aura vraisemblablement pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence, le Bureau n’a contesté une transaction qu’à neuf reprises depuis 2009. Le commissaire demeure néanmoins déterminé à contester les transactions que le Bureau considère comme préjudiciables pour les Canadiens. Dans l’allocution qu’il a prononcée à la Conférence d’automne sur le droit de la concurrence de 2022 de l’Association du Barreau canadien, le commissaire affirme que le Bureau se demande plus souvent que par le passé : « quel est le risque de ne pas intervenir? ». Le Bureau continue également à renforcer sa capacité d’enquête et de litige « afin de prendre des mesures d’application de la loi rapides et fondées sur des preuves – y compris des injonctions – dans les marchés traditionnels et numériques ». Aux parties qui décident d’exercer leur droit prévu par la loi de conclure une transaction après l’expiration du délai d’examen (sans avoir obtenu l’approbation du Bureau), le commissaire donne l’avertissement suivant : « les entreprises qui fusionnent doivent savoir que nous sommes prêts et disposés à protéger l’intérêt public en matière de concurrence en portant une affaire devant le Tribunal, et que nous avons la capacité de le faire ».

Ces déclarations laissent entendre que le Bureau pourrait être plus disposé qu’auparavant à faire valoir des théories nouvelles ou plus robustes de préjudice à la concurrence, moins enclin à accepter les mesures correctives ou les modifications offertes par les parties à une transaction et plus susceptible de chercher à bloquer une transaction. À cet égard, l’approche du Bureau semble s’aligner sur les tendances en matière d’application de la loi qui ont cours aux États-Unis. Lors d’une présentation devant les législateurs américains à l’automne 2022, Jonathan Kanter, procureur général adjoint à la division antitrust du Department of Justice des États-Unis (le « DOJ »), a déclaré que « [TRADUCTION] une partie du travail qu’il nous reste à accomplir est de porter des affaires en justice et de prendre des risques lorsque cela convient pour défendre la population américaine ». Ces déclarations faisaient suite au discours prononcé par Kanter au début de 2022 à l’occasion duquel il avait fait valoir que lorsque le DOJ « [TRADUCTION] conclut qu’une fusion aura vraisemblablement pour effet de diminuer la concurrence, nous devrions dans la plupart des cas demander une injonction simple pour bloquer la transaction », car « [TRADUCTION] hormis le blocage de la transaction, les sanctions concernant les fusions ratent trop souvent la cible ».

Dans ce contexte, les parties à une transaction projetée devraient surveiller attentivement tout problème potentiel en matière de concurrence et savoir que la non-résolution de ces problèmes augmente le risque de litige. Par exemple, le risque de litige peut influer sur l’évaluation que font les parties de l’échéancier plausible d’une transaction potentielle et, par extension, sur leur planification du financement et de l’intégration de l’entreprise. Compte tenu de ces risques, les parties pourraient vouloir aborder au moment de leurs premiers échanges la mesure dans laquelle elles poursuivraient des litiges si le Bureau devait contester la transaction. Étant donné que dans le cadre de bon nombre des projets de modification présentés dans le document d’ISDE (susmentionné), il est prévu d’élargir les pouvoirs de prise de décisions du Bureau et d’augmenter son efficacité à intenter des poursuites, la modification future de la Loi augmente la probabilité d’un processus contradictoire, ce qui changerait les calculs des parties fusionnantes.

Indications trompeuses : pas facile d’être vert

L’interaction entre le droit de la concurrence et les objectifs environnementaux et de durabilité est dans la mire du Bureau depuis quelques années (lisez notre compte rendu du Sommet sur la concurrence et la croissance verte organisé par le Bureau en septembre 2022). Notamment, des mesures d’application récentes ont ciblé des actes d’« écoblanchiment » (recours à de la publicité ou à des indications fausses ou trompeuses afin de promouvoir les attributs environnementaux des produits et des services vendus). Par exemple, le Bureau a conclu avec Keurig Canada Inc. en janvier 2022 une entente de règlement concernant les préoccupations du Bureau au sujet d’indications données par Keurig sur la recyclabilité de certains de ses produits. À la fin de septembre 2022, le Bureau a ouvert une enquête sur des indications fausses ou trompeuses qui seraient données dans des documents destinés aux investisseurs de la Banque Royale du Canada concernant les mesures prises par cette dernière à l’égard des changements climatiques. Enfin, en novembre 2022, le Bureau a ouvert une enquête sur des indications fausses ou trompeuses de l’Association canadienne du gaz selon lesquelles le gaz naturel serait « propre ». Les trois enquêtes ont été lancées à la suite de plaintes d’organisations activistes déposées au Bureau.

Bien que les allégations d’écoblanchiment aient été au centre des mesures d’application du Bureau sur le plan environnemental l’an dernier, le droit de la concurrence et les considérations environnementales peuvent se croiser sous d’autres rapports. Par exemple, une version antérieure de l’article 45 de la Loi (disposition interdisant certains accords criminels entre concurrents) contenait une dispense précise pour les accords et les arrangements se rattachant exclusivement aux « mesures visant à protéger l’environnement ». L’absence de cette dispense dans l’interdiction actuelle soulève des questions quant au traitement des collaborations entre concurrents visant à répondre aux préoccupations environnementales (comme l’adoption de normes pouvant réduire la quantité produite de certains produits pour atteindre des objectifs environnementaux). Bien que les organismes de réglementation de certains autres territoires (principalement la Commission européenne) discutent activement de la manière dont il faut traiter les collaborations entre concurrents pour protéger l’environnement et pour d’autres considérations ESG (facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance), ces enjeux ne semblent pas faire partie des priorités du Bureau. Il n’a pas été question d’un retour à l’ancienne exception environnementale dans le document d’ISDE.

Pouvoirs formels dans le cadre des études de marché

Comme il est mentionné précédemment, ISDE propose dans son document de travail d’accorder au Bureau des « pouvoirs formels dans le cadre des études de marché » comparables à ceux dont disposent les organismes de réglementation de certains pays du G7 afin d’améliorer la capacité du Bureau de réaliser des études de marché. Au fil des ans, le Bureau a fait valoir qu’il devrait disposer de ces pouvoirs, qui étaient prévus par une version antérieure de la Loi. Or, certains ont répondu qu’il serait injuste de conférer au Bureau le pouvoir d’accabler les sociétés de demandes d’information détaillées qui n’auraient d’autre but que de satisfaire la curiosité du Bureau, en particulier dans les cas où aucun acte répréhensible n’a été reproché à quiconque.

Le Bureau a d’ailleurs lancé des études de marché sans disposer de pouvoirs formels pour les réaliser. Au cours de la dernière année, par exemple, le Bureau a lancé une nouvelle étude de marché portant sur les mesures que les gouvernements peuvent prendre pour promouvoir une plus grande concurrence dans le secteur de l’épicerie de détail au Canada. Dans son avis d’étude, le Bureau a mentionné qu’il souhaitait se pencher sur cette question du fait que le secteur serait concentré et que les prix des aliments ont récemment augmenté de façon rapide et à un rythme supérieur à celui du taux d’inflation général. En outre, le Bureau a expressément indiqué dans son avis que son étude sur le secteur de l’épicerie de détail « sera une étude difficile [pour le Bureau] », notamment en raison du fait que le Bureau ne s’appuie que sur des renseignements publics ou fournis sur une base volontaire, ce qui pourrait renforcer les propositions formulées dans le document de travail d’ISDE. Par conséquent, dans son avis, le Bureau affirme qu’il n’aura « peut-être pas suffisamment d’informations pour tirer des conclusions définitives », mais qu’il compte recommander des mesures pour améliorer la concurrence. Les réponses dans le cadre de l’étude de marché sur le secteur de l’épicerie de détail devaient être remises en décembre 2022.

Actions privées : la bataille entourant l’autorisation se poursuit

Dans le bilan de l’année dernière, nous avons souligné que quelques actions collectives fondées sur des violations présumées à la Loi ont été rejetées à l’étape de l’autorisation ou n’ont été autorisées qu’en partie. Au cours de la dernière année, nous avons continué d’observer que des autorisations ont été contestées avec succès.

La fin de 2021 a été marquée par une série de décisions importantes. Les défenderesses dans Jensen c. Samsung Electronics Co. Ltd. et dans Hazan c. Micron Technology Inc. (actions collectives DRAM) ont contesté avec succès les demandes d’autorisation présentées par les demandeurs. Dans les actions collectives DRAM, la Cour fédérale du Canada et la Cour supérieure du Québec, respectivement, ont refusé d’autoriser les actions collectives, dans lesquelles il était affirmé que les prix des ventes des puces DRAM avaient été fixés à l’étranger, au motif que la demande d’autorisation ne permettait pas d’établir une cause d’action valable ou ne soulevait pas de questions communes. En définitive, les cours ont conclu que les prétentions des demandeurs étaient hypothétiques, car les allégations n’étaient pas suffisamment précises.

Dans la même veine, un tribunal de l’Ontario a récemment rejeté une demande d’autorisation d’intenter une action collective contre des plateformes de voyage en ligne (décision Hoy c. Expedia Group Inc.) dans laquelle il était affirmé que les plateformes avaient contrevenu aux dispositions de la loi fédérale interdisant les indications fausses ou trompeuses. En particulier, les demandeurs affirmaient que les plateformes proposaient des résultats de recherche faux ou trompeurs, dissuadant ainsi les demandeurs de [traduction] « choisir des hébergements de même qualité moins chers, plus avantageux ou mieux adaptés » aux besoins des demandeurs. En rejetant la demande des demandeurs, le tribunal a conclu que ceux-ci n’avaient pas rempli les conditions d’autorisation, car ils n’avaient pas démontré qu’il existait une cause d’action fondée sur une violation de la loi ou qu’au moins deux membres du groupe avaient subi un préjudice indemnisable.

Perspectives pour 2023

À la suite d’efforts déployés durant des années par le Bureau et des mouvements au Canada et dans le monde pour que le droit de la concurrence soit modernisé, le gouvernement du Canada a apporté des modifications significatives à la Loi en 2022. Davantage de modifications pourraient être apportées prochainement, mais le contenu exact et la date de la prochaine série de réformes n’ont pas encore été précisés.

Comme le Bureau adopte de plus en plus une approche procédurière relativement à l’examen des fusions, tout en continuant à appliquer activement la loi dans d’autres domaines qui relèvent de sa compétence, l’incertitude entourant l’avenir de plusieurs dispositions clés de la Loi est encore plus grande. En conséquence, nous nous attendons à ce que les considérations relatives à la concurrence occupent une place prépondérante dans les négociations sur les fusions, étant donné que les parties examineront attentivement la manière dont le risque lié à la concurrence doit être pris en compte dans l’éventualité où le Bureau soulèverait des préoccupations au sujet d’une transaction proposée.

En ce début d’année, nous invitons les sociétés exerçant des activités au Canada à se pencher attentivement sur leurs politiques et pratiques compte tenu des modifications récentes et proposées à l’application du droit de la concurrence.

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