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Le projet de loi américain sur les changements climatiques et les soins de santé fait progresser la politique fiscale des démocrates

Auteurs : Peter Glicklich, Jennifer Lee et Zachary C. Kling

La loi des États-Unis intitulée Inflation Reduction Act of 2022 (la « Loi ») adoptée le 16 août dernier vise à lutter contre l’inflation et les changements climatiques. La Loi prévoit des investissements de plus de 360 milliards de dollars dans des mesures liées à l’énergie et au climat, y compris l’expansion, la prolongation et la création de nombreux crédits d’impôt. Parmi les mesures destinées à accroître les recettes, la Loi prévoit un impôt minimum de remplacement sur les bénéfices comptables de certains groupes d’entreprises affichant un résultat comptable d’au moins 1 milliard de dollars, une taxe d’accise sur les rachats d’actions par les sociétés américaines ouvertes et l’accroissement du financement de l’Internal Revenue Service (l’« IRS »). De même, la Loi prolonge de deux ans la limitation prévue par la Tax Cuts and Jobs Act of 2017 sur les pertes commerciales excédentaires des contribuables non constitués en sociétés par actions. La Loi ne contient pas les propositions antérieures des démocrates visant à augmenter directement les impôts des particuliers fortunés et à revenus élevés, comme l’impôt des milliardaires proposé par le sénateur Ron Wyden, ni aucune modification des règles sur l’« intérêt passif ».

Impôt minimum de remplacement des sociétés

La Loi prévoit un impôt minimum de 15 % sur le résultat des sociétés indiqué aux états financiers, avec certains ajustements, qui serait en vigueur pour les années d’imposition commençant après le 31 décembre 2022. Seules les sociétés dont le résultat annuel moyen ajusté indiqué aux états financiers a été supérieur à 1 milliard de dollars au cours des trois exercices précédents seraient assujetties à cet impôt. L’impôt a été modifié par rapport aux versions antérieures de la proposition afin d’en réduire l’incidence sur les fabricants et les sociétés de capital Investissement. Dans le cas des groupes de sociétés ayant une société mère étrangère, tous les membres du groupe consolidé (financial reporting group) international de la société mère étrangère seraient pris en compte pour déterminer si le seuil de résultat annuel moyen de 1 milliard de dollars est atteint par le groupe. Les membres américains d’un groupe ayant une société mère étrangère qui atteignent ce seuil seraient assujettis à l’impôt minimum uniquement si le résultat annuel moyen ajusté indiqué à leurs états financiers a été d’au moins 100 millions de dollars au cours des trois exercices précédents.

Supposons, par exemple, deux groupes d’entreprises comptant une société mère canadienne et des membres américains qui affichent un résultat annuel moyen ajusté indiqué à leurs états financiers a) dans le premier cas, de 900 millions de dollars dont la totalité provient des membres américains et b) dans le second cas, de plus de 1 milliard de dollars dont seuls 50 millions de dollars sont inscrits au résultat comptable des membres américains. Le nouvel impôt minimum ne s’appliquera pas au groupe décrit au point a) parce que le résultat comptable total du groupe est inférieur au seuil de 1 milliard de dollars qui déclenche l’application de cet impôt. Le groupe décrit au point b) ne sera également pas assujetti à l’impôt parce que les membres américains du groupe affichent un résultat inférieur au seuil de 100 millions de dollars qui déclenche l’application de l’impôt aux groupes dont la société mère est étrangère.

Taxe d’accise sur le rachat d’actions

La Loi prévoit une nouvelle taxe d’accise sur les sociétés visées (Covered Corporations) qui rachètent leurs actions elles mêmes ou par l’intermédiaire d’une société affiliée déterminée (Specified Affiliate) après le 31 décembre 2022. Une société visée est une société américaine dont les titres sont négociés sur une bourse de valeurs établie. Une société affiliée déterminée est (i) une société dont plus de 50 % des titres sont la propriété directe ou indirecte de la société visée (selon le nombre de droits de vote ou la valeur) ou (ii) une société de personnes dont plus de 50 % des participations sont la propriété directe ou indirecte de la société visée. La taxe correspondrait à 1 % de la juste valeur marchande des titres rachetés. La valeur des titres rachetés serait réduite de la valeur de certaines émissions, y compris des actions émises à titre de rémunération aux employés de la société. Cette nouvelle taxe pourrait amoindrir la popularité du rachat d’actions au profit du versement de dividendes. Elle pourrait aussi pousser les sociétés à émettre plus d’actions à leurs employés afin de soutenir des rachats d’actions additionnels.

Financement de l’IRS

La Loi accorde, au cours des 10 prochaines années, 79,6 milliards de dollars à l’IRS, qui doit affecter la somme à l’accroissement des efforts en matière d’application de la loi, de service à la clientèle, de modernisation et de soutien opérationnel. Environ la moitié des nouveaux fonds sont réservés aux mesures additionnelles d’application de la loi, que l’IRS dit vouloir utiliser pour imposer davantage les grandes sociétés et les contribuables mondiaux fortunés. Le Congressional Budget Office estime que les fonds accordés rapporteront des recettes fiscales supplémentaires de 124 milliards de dollars au cours des 10 prochaines années.

Conclusion

Bien que sa portée soit limitée comparativement aux propositions fiscales précédentes, la Loi marque une étape importante dans la capacité de l’administration Biden de faire progresser ses programmes de politiques fiscales, quoique bien lentement, lorsqu’il s’agit d’incitatifs et des mesures non fiscales appréciées. Les nouveaux impôts prévus par la Loi toucheront uniquement les très grandes sociétés, mais les sociétés de capital investissement devront vérifier si les sociétés composant leurs portefeuilles seront combinées afin de déterminer si le nouvel impôt minimum sur les bénéfices comptables s’appliquera à elles. La taxe sur le rachat d’actions n’aura vraisemblablement pas pour effet de réduire sensiblement le nombre de rachats d’actions réalisés, mais le taux de la taxe pourrait être haussé, ce qui rendrait la stratégie du rachat d’actions moins attrayante.

Enfin, si les démocrates maintiennent ou augmentent leur majorité au Congrès aux prochaines élections de mi-mandat, le reste du programme fiscal de l’administration Biden (comme il est précisé dans le « Livre vert » (Green Book) de cette administration et dans la Build Back Better Act (la « BBBA »)) pourrait être mis en œuvre dans la foulée de l’adoption de la Loi. Si l’on en croit l’évolution des dispositions fiscales présentées dans la BBBA et celles de la Inflation Reduction Act cependant, une nouvelle réforme fiscale en profondeur semble peu probable, à moins que les démocrates ne connaissent des victoires décisives aux élections de mi-mandat.

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