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6 Minutes

Projet de loi C-5 : L’approche du Canada pour accélérer les grands projets

Un vecteur pour les projets d’intérêt national.

2 juillet 2025

Le 6 juin 2025, le gouvernement fédéral a présenté le projet de loi C-5, intitulé Loi sur l’unité de l’économie canadienne (la « Loi »), qui donne suite à l’engagement électoral du premier ministre Carney de mettre en place un « guichet unique » pour la prise de décisions réglementaires au sein d’un nouveau Bureau fédéral des grands projets. La partie 2 de cette Loi prévoit l’édiction de la Loi visant à bâtir le Canada (la « LBC »), qui vise à « faire progresser de façon urgente » les projets d’intérêt national (c’est-à-dire les projets qui sont considérés comme essentiels pour stimuler la croissance de la productivité, la sécurité énergétique et la compétitivité économique du Canada). La LBC a pour objectif de renforcer la certitude réglementaire et la confiance des investisseurs en réduisant de cinq ans à deux ans le délai des décisions du gouvernement fédéral relatives aux projets d’intérêt national. Le projet de loi C-5, amendé en fonction des changements proposés par le Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités (le « Comité permanent »), a reçu la sanction royale le 26 juin 2025.

Principales propositions figurant dans le projet de loi C-5

Désignation des « projets d’intérêt national »

Seuls les grands projets réputés être dans l’intérêt national et ajoutés à l’annexe de la LBC par voie de décret du gouverneur en conseil pourraient bénéficier du nouveau processus réglementaire simplifié du gouvernement fédéral. Pour qu’un projet soit désigné comme étant dans l’intérêt national, des facteurs devraient être pris en compte, notamment la mesure dans laquelle un projet peut : 

  • renforcer l’autonomie, la résilience et la sécurité du Canada;
  • procurer des avantages économiques ou autres au Canada;
  • avoir une forte probabilité de mise en œuvre réussie;
  • contribuer à une croissance propre et à l’atteinte des objectifs du Canada en ce qui a trait aux changements climatiques;
  • promouvoir les intérêts des peuples autochtones.

L’un des amendements apportés par le Comité permanent prévoit que le gouverneur en conseil doit consulter la province ou le territoire où le projet sera réalisé, avant de prendre le décret pour la désignation du projet, et obtenir le consentement écrit de cette province ou de ce territoire lorsque le projet touche des domaines de compétence provinciale ou territoriale exclusive.

Selon le préambule de la LBC, le gouvernement fédéral doit respecter les droits des peuples autochtones, notamment les droits prévus dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Le gouvernement fédéral a également affirmé que les projets ne seront désignés comme étant dans l’intérêt national qu’après la tenue de consultations exhaustives avec les peuples autochtones concernés. 

Présomption : décisions favorables

Une fois qu’il est désigné comme étant dans l’intérêt national, un projet est approuvé sous condition et peut suivre les processus fédéraux existants de délivrance des permis, dans le cadre desquels l’accent sera mis sur la façon dont le projet peut être réalisé plutôt que sur la question de savoir s’il peut être entrepris1. Le nouveau Bureau fédéral des grands projets (appuyé par un conseil consultatif autochtone) coordonnerait et accélérerait ces examens. 

Consultations relatives aux conditions 

Une fois qu’un projet a été désigné comme étant dans l’intérêt national, le ministre responsable de la LBC doit délivrer un document énonçant les conditions auxquelles les autorisations requises pour le projet pourront être obtenues sous le régime de toutes les lois fédérales applicables. Avant de délivrer le document de conditions, le ministre responsable doit consulter les ministres, les commissions et les organismes de réglementation fédéraux concernés (par exemple, la Régie de l’énergie du Canada et la Commission canadienne de sûreté nucléaire), ainsi que les peuples autochtones. 

Les amendements apportés à la LBC par le Comité permanent prévoient les exigences suivantes : (i) la publication d’un rapport présentant des renseignements circonstanciés sur les consultations avec les peuples autochtones tenues dans le cadre de la préparation du document de conditions; et (ii) un examen lié à la sécurité nationale de tous les investissements provenant d’entreprises d’État étrangères et d’investisseurs étrangers originaires de « pays hostiles » et destinés à un projet d’intérêt national. 

Documents de conditions : autorisations présumées 

Une fois qu’un document de conditions est délivré en vue d’un projet d’intérêt national, il englobe toutes les autorisations fédérales requises pour le projet. Le document de conditions, qui doit être mis à la disposition du public, ne peut être modifié sans une nouvelle série de consultations avec les ministres, les commissions et les organismes de réglementation fédéraux concernés, ainsi que les groupes autochtones. 

Loi sur l’évaluation d’impact

Au Canada, la phase de l’évaluation d’impact fédérale et/ou provinciale – et non la phase de réglementation/délivrance des permis – est habituellement considérée comme le principal obstacle au développement de grands projets. C’est pourquoi la Loi sur l’évaluation d’impact (la « LEI ») a fait l’objet d’une attention soutenue au cours de l’élection fédérale qui a eu lieu récemment. Selon la LBC, lorsqu’un projet d’intérêt national est également un projet désigné au sens de la LEI, (i) une évaluation d’impact du projet est réputée requise et (ii) le projet est exempté de l’étape préparatoire prévue par la LEI. Les vastes pouvoirs que confère la LBC en ce qui concerne les règlements pouvant être pris en application de celle-ci pourraient être utilisés pour contourner d’autres aspects de la LEI et simplifier davantage le processus d’évaluation d’impact des projets d’intérêt national. Le gouvernement fédéral pourrait également vouloir mettre à exécution son engagement sur la réalisation d’un seul examen par projet en négociant des accords de coopération et de substitution conformément à la LEI avec les gouvernements des provinces, des territoires et des peuples autochtones.

Conclusion

Guichet unique pour les décisions réglementaires

Dans les faits, à moins qu’un projet d’intérêt national mis de l’avant par un promoteur n’ait déjà passé l’étape des études environnementales de base et obtenu l’appui des peuples autochtones avant la phase de désignation prévue dans la LBC, on voit difficilement comment il pourrait atteindre la phase de délivrance des permis dans le délai de deux ans.

L’engagement pris récemment par le gouvernement fédéral de doubler le financement du Programme de garantie de prêts pour les Autochtones pour le porter à 10 milliards de dollars canadiens pourrait permettre de réduire les risques liés au processus réglementaire simplifié que la Loi propose en offrant aux communautés autochtones plus d’occasions de participer à des projets d’intérêt national en tant que partenaires et propriétaires à part entière. Cependant, les communautés autochtones ont fait part de préoccupations quant à la rapidité avec laquelle la LBC et des dispositions législatives semblables ont été adoptées en Ontario et en Colombie-Britannique.

Objectif : un projet, un examen 

L’objectif d’un seul examen par projet a été difficile à atteindre au Canada. Les évaluations fédérales et provinciales ont généralement été menées en parallèle, avec des niveaux de coopération variables, ce qui a ralenti et alourdi les processus d’examen des grands projets. Si le gouvernement fédéral a toujours l’intention d’aller de l’avant avec la négociation d’accords de substitution conformément à la LEI, de nouvelles orientations fédérales seront probablement nécessaires pour accélérer le processus d’approbation des substitutions et permettre à une province de mener l’évaluation d’impact d’un projet d’intérêt national pour le compte du Canada (y compris la collecte des renseignements nécessaires pour faciliter la décision que doit prendre le gouvernement fédéral en lien avec le projet d’intérêt national conformément à la LEI).
1Les autorisations fédérales pertinentes sont celles délivrées sous le régime des lois énumérées à l’annexe de la LBC comme la Loi sur les pêches fédérale, la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, la Loi sur les transports au Canada, la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), la Loi sur les espèces en péril, la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie et la Loi sur l’évaluation d’impact. Les amendements apportés à la LBC par le Comité permanent prévoient notamment l’interdiction d’ajouter certaines lois en particulier à l’annexe de la LBC, dont le Code criminel, la Loi sur les Indiens (qui figurait dans la version originale de l’annexe) et la Loi sur Investissement Canada.