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Législation fiscale américaine : Rétrospective des faits saillants de 2021 et perspectives pour 2022

Auteurs : Peter Glicklich, Jennifer Lee, Zachary C. Kling et Heath Martin

Faits nouveaux en fiscalité américaine en 2021

L’année dernière, nous avions prédit que la plus grande nouvelle en matière de fiscalité américaine en 2021 serait la loi favorisant l’accroissement des recettes que les Démocrates proposeraient après l’élection de Joe Biden en tant que 46e président des États-Unis. Au moment où nous mettions sous presse l’année dernière, le second tour des élections sénatoriales en Géorgie venait de donner aux Démocrates une majorité très mince dans les deux chambres du Congrès. En conséquence, de nombreux commentateurs prédisaient une révolution législative progressiste qui inclurait une liste de souhaits pour taxer les riches et augmenter les recettes.

Les propositions fiscales des Démocrates ont été, de fait, la plus grande nouvelle de l’année en matière de fiscalité américaine, mais personne n’aurait pu prédire la façon dont les choses se sont ensuite déroulées. Au départ, l’ensemble de politiques et de dispositions fiscales qui allait être connu sous le nom de Build Back Better Act (la « loi BBBA ») semblait conforme aux attentes : les premières descriptions de la politique fiscale sous-jacente augmentaient les taux d’imposition sur le revenu, prévoyaient de nouvelles taxes pour les particuliers fortunés, prétendaient supprimer les échappatoires des dispositions fiscales favorables aux entreprises adoptées sous Trump et allouaient même des milliards de dollars pour accroître les mesures d’application de la loi prises par l’IRS.

Les Démocrates, cependant, semblent avoir mal compris la précarité de leur position. En règle générale, pour éviter l’obstruction parlementaire, au moins 60 sénateurs (sur un total de 100) doivent soutenir un projet de loi pour qu’il puisse avancer. Une exception propre aux projets de loi de « réconciliation budgétaire » permet au Sénat d’adopter un projet de loi par an à la majorité simple, à condition que ce dernier ne concerne que les dépenses, les recettes ou le plafond de la dette. Étant donné que les Démocrates ne contrôlent que la moitié des sièges au Sénat (la vice-présidente Kamala Harris bénéficiant d’une voix prépondérante), la loi BBBA devait être adoptée selon la procédure de réconciliation. En résumé, pour que la loi BBBA soit adoptée par le Sénat, tous les Démocrates devaient soutenir le projet de loi.

Cette situation a donné l’occasion à un ou deux Démocrates de prendre le pouvoir en bloquant l’ensemble du processus. Joe Manchin (Virginie-Occidentale) et Kyrsten Sinema (Arizona) ont retenu les derniers votes nécessaires pour assurer l’adoption de la loi BBBA, ce qui a déclenché un long processus de négociations et de démagogie politique qui, en fin de compte, a nettement affaibli la loi BBBA, dont la portée pourrait en définitive être dépourvue de toute signification.

Les milieux fiscaux américains ont été épuisés par le processus. Au départ, les nouvelles dispositions fiscales ambitieuses de la loi BBBA promettaient une réédition de la Tax Cuts and Jobs Act of 2017 (la « loi TCJA »), qui a généré des rames de règlements et de commentaires destinés à expliquer comment appliquer les nouvelles règles. Cependant, à mesure que le sort de la loi BBBA se précisait, les efforts d’interprétation de la loi ont laissé place aux spéculations politiques. En fin de compte, les États-Unis ont enregistré peu de progrès dans d’autres domaines du droit fiscal en 2021.

En fait, la plus grande avancée en matière de politique fiscale en 2021 a concerné le projet de lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices de l’OCDE (le « projet BEPS »), qui est en cours d’élaboration depuis près de dix ans. Cette année, les partisans du projet BEPS ont produit plusieurs déclarations politiques détaillées qui ont fait progresser les deux « Piliers » du projet, ce qui a conduit plus de 130 pays à signaler leur soutien au projet à ce jour.

Dans les paragraphes qui suivent, nous passons en revue les faits nouveaux législatifs, réglementaires et judiciaires touchant les lois fiscales fédérales et étatiques des États-Unis. Pour les rétrospectives annuelles précédentes, voir nos bulletins de 2021 et de 2020.

Législation fiscale fédérale

Comme il est indiqué ci-dessus, l’administration Biden et le Congrès américain ont passé l’année 2021 à rédiger la loi BBBA, qui comprenait un certain nombre de propositions fiscales destinées à financer des investissements publics majeurs dans les infrastructures américaines. L’opposition des sénateurs Manchin et Sinema à la loi BBBA a toutefois fait en sorte que les déclarations de principe et le libellé de la loi sont devenus de moins en moins ambitieux au fil de l’année. Dans les paragraphes suivants, nous décrivons l’évolution des dispositions fiscales de la loi BBBA, qui sont passées de propositions ambitieuses à un libellé législatif empreint de compromis.

Le plan pour l’emploi américain et la loi STEP

Le 31 mars 2021, l’administration Biden a publié l’American Jobs Plan (le plan pour l’emploi américain) (le « Plan »), qui proposait des investissements de 2,3 billions de dollars dans les infrastructures au cours des huit prochaines années. Les dispositions fiscales destinées à financer ces investissements ressemblaient à une liste de souhaits en matière de politique fiscale progressive. Les dispositions du Plan qui ciblaient les particuliers fortunés étaient les suivantes :

  • augmentation du taux marginal d’imposition supérieur, pour le faire passer de 37 % à 39,6 %, et assujettissement des dividendes déterminés (qualified dividends) et des gains en capital aux taux de l’impôt sur le revenu ordinaire pour les contribuables gagnant plus d’un million de dollars par an;
  • extension de la taxe sur les salaires de 12,4 % au titre de la sécurité sociale aux contribuables gagnant plus de 400 000 $ par an;
  • suppression de l’accroissement de l’assiette fiscale au décès;
  • augmentation du taux de l’impôt sur les successions et diminution de l’exonération à vie de l’impôt sur les successions.

Relativement au Plan, un groupe de sénateurs et de représentants a présenté la Sensible Taxation and Equity Promotion Act (la « loi STEP »), qui comprenait les dispositions supplémentaires suivantes, destinées à éliminer certaines stratégies de transfert de patrimoine utilisées par les familles fortunées :

  • imposition des gains automatiques réalisés sur les dons viagers de biens à valeur accrue;
  • imposition des fiducies de cédant sur la plus-value non réalisée de leurs actifs tous les 21 ans (comme au Canada);
  • imposition des gains automatiques réalisés sur les biens à valeur accrue transférés au décès, sous réserve d’une exonération pour le premier million de dollars et de certaines exceptions (comme au Canada).

En outre, pour dégager des recettes, le Plan, se tournant vers les entreprises nationales et internationales, a modifié les dispositions fiscales qui touchent principalement les entreprises :

  • augmentation du taux de l’impôt sur les bénéfices des entreprises, pour le faire passer de 21 % à 28 %;
  • instauration d’un impôt minimum de remplacement de 15 % sur le bénéfice comptable des entreprises dont le bénéfice comptable est d’au moins 100 millions de dollars;
  • augmentation du taux d’imposition effectif du revenu mondial à faible taux d’imposition tiré de biens incorporels (global intangible low-taxed income ou le « revenu GILTI ») à 21 %, et d’autres modifications qui auraient élargi l’applicabilité du régime relatif au revenu GILTI;
  • imposition d’une surtaxe de 10 % aux entreprises américaines qui « [TRADUCTION LIBRE] délocalisent des emplois des secteurs de la fabrication et des services dans des pays étrangers afin de vendre les biens ou de fournir les services qu’elles offrent sur le marché américain »;
  • suppression de la déduction au titre du revenu de provenance étrangère tiré de biens incorporels (foreign derived intangible income ou le « revenu FDII ») dont bénéficient les entreprises américaines pour la vente, à des acheteurs étrangers, de biens et de services liés à des biens incorporels (par exemple, des brevets et des marques de commerce) détenus aux États-Unis;
  • abrogation de l’impôt sur l’érosion de la base d’imposition et les abus (base erosion and anti-abuse tax ou l’« impôt BEAT ») et mise en œuvre de la « règle relative aux paiements insuffisamment imposés » afin de rendre le code fiscal américain plus conforme au Pilier Deux du projet BEPS.

Le Livre vert

La plupart des dispositions du Plan et de la loi STEP ont été intégrées dans le budget proposé par l’administration Biden pour 2022, qui a été publié à la fin du mois de mai. Le budget comprenait les détails de hausses d’impôts de 3 600 milliards de dollars, décrites dans le Livre vert qui l’accompagnait. Le Livre vert comprenait quelques propositions supplémentaires, dont les suivantes :

  • imposition de l’intéressement aux plus-values comme un revenu ordinaire;
  • suppression des échanges en nature, avec certaines exceptions;
  • expansion de l’impôt de 3,8 % sur les revenus de placement nets.

Le Livre vert a également augmenté le financement de l’IRS de près de 80 milliards de dollars au cours des 10 prochaines années, en vue principalement de renforcer les mesures d’application de la loi contre les contribuables dont le revenu annuel est supérieur à 400 000 $. En outre, il a proposé de nouveaux régimes de déclaration applicables aux comptes financiers et aux crypto-monnaies.

Le Livre vert n’incluait ni la majoration du taux de l’impôt sur les successions ni la réduction de l’exonération à vie, qui étaient proposées dans le Plan.

Version de la loi BBBA par le comité du budget de la Chambre des représentants

Le libellé actuel de la loi intégrant les politiques proposées n’est pas apparu avant septembre, lorsque le comité du budget de la Chambre des représentants a publié sa version des dispositions relatives aux recettes de la loi BBBA. Bon nombre des propositions fiscales controversées présentées plus tôt en 2021 ont été réduites, voire abandonnées, dans la version du comité du budget. Parmi les changements, citons les suivants :

  • Le taux d’imposition des bénéfices des entreprises serait porté à 26,5 %, au lieu de 28 %.
  • Le taux maximal d’imposition des gains en capital et des dividendes déterminés serait porté à 25 %, au lieu de 39,6 %.
  • Le taux d’imposition effectif du revenu GILTI serait porté à 16,5625 %, au lieu de 21 %.
  • La déduction au titre du revenu FDII serait effectivement ramenée à 20,7 %, au lieu d’être supprimée.
  • Les échanges en nature ne seraient plus supprimés.

La version du comité du budget contenait une poignée de dispositions qui ne faisaient pas clairement partie des propositions précédentes, telles qu’une « surtaxe » de 3 % sur le revenu des déclarants non constitués en société dont le revenu annuel est supérieur à 2,5 millions de dollars (ou 5 millions de dollars pour les déclarants conjoints), et un renforcement des exigences relatives à l’exception applicable aux « intérêts de portefeuille » dont les prêteurs non américains peuvent se prévaloir pour que les intérêts qui leurs sont versés ne soient pas assujettis à une retenue d’impôt.

Certaines des politiques proposées en matière de planification successorale ont été intégrées dans la version de la loi du comité du budget, d’autres non. Plus précisément, la version du comité du budget a inclus une (petite) réduction de l’exonération à vie, mais l’augmentation du taux de l’impôt sur les successions a été abandonnée. Les dispositions relatives aux fiducies de la loi STEP et la suppression de l’accroissement de l’assiette fiscale au décès n’ont pas été incluses, mais une nouvelle disposition a été ajoutée, qui réintégrerait tous les biens détenus au sein d’une fiducie de cédant dans la succession du cédant au décès. Enfin, la version du comité du budget incluait un certain nombre de nouvelles limites et de nouveaux plafonds sur le montant des cotisations pouvant être versées ou détenues dans des CRI et certains régimes à prestations déterminées.

Version de la loi BBBA adoptée par la Chambre des représentants

En novembre, la Chambre des représentants a adopté une nouvelle version révisée de la loi BBBA, qui était encore plus édulcorée que la version du comité du budget. Plus précisément, cette deuxième version des dispositions fiscales abandonnait complètement les augmentations proposées des taux d’imposition des particuliers et des entreprises (même si elle conservait la surtaxe de 3 % pour les contribuables à revenus élevés), et elle n’incluait pas les limites proposées pour les fiducies de cédant ni les restrictions resserrées applicables aux intéressements aux plus-values.

À la fin de 2021, les perspectives d’une réforme fiscale significative étaient faibles. Au départ, les Démocrates pensaient avoir un chèque en blanc pour faire passer toutes les propositions fiscales qui leur plaisaient, mais les sénateurs Manchin et Sinema ont réussi à émousser la très mince majorité des Démocrates au Sénat.

Mesures administratives prises au niveau fédéral

L’IRS semble avoir terminé les projets réglementaires les plus importants liés à la loi TCJA. Relativement peu de règlements importants ont été publiés en 2021.

En janvier, l’IRS a publié des règlements définitifs en vertu du paragraphe 163(j), en sa version modifiée par la loi TCJA. Cet ensemble de règlements était généralement conforme aux versions proposées des règlements, mais comprenait également des éclaircissements sur les changements apportés au paragraphe 163(j) dans le cadre de la loi sur les mesures d’aide liées à la COVID-19 adoptée en 2020.

En janvier également, l’IRS a publié des règles définitives sur la période de détention de trois ans pour que les revenus sous forme d’intéressements aux plus-values puissent bénéficier du traitement réservé aux gains en capital. Ces règles étaient généralement conformes aux règlements dans leur version proposée, bien qu’elles aient accru une exception à la période de détention de trois ans pour les participations au capital de sociétés de personnes.

Fin décembre, l’IRS a mis la dernière main aux règlements relatifs aux crédits pour impôt étranger et à l’application des règles relatives aux sociétés étrangères contrôlées aux sociétés de personnes nationales. Il a également proposé des règles applicables aux sociétés de placement étrangères passives, qui prévoient généralement une approche « globale » pour les sociétés de placement étrangères passives (les « SPEP ») détenues par le biais de sociétés de personnes.

Jurisprudence fiscale

Un certain nombre d’affaires fiscales intéressantes ont été instruites par les tribunaux en 2021. En voici un aperçu :

Les affaires de prix de transfert se poursuivent. L’année dernière, nous avons fait état de la victoire de l’IRS dans l’affaire Coca-Cola v Commissioner, qui concernait les prix de transfert et dans laquelle la cour de l’impôt a autorisé l’IRS à procéder à des redressements de près de 10 milliards de dollars au titre de prix de transfert. En 2021, Coca-Cola a engagé une nouvelle équipe d’avocats, dirigée par Laurence Tribe de la Harvard Law School, mais la cour de l’impôt a rejeté la requête en réexamen de la nouvelle équipe. Une autre affaire importante en matière de prix de transfert, Medtronic Inc. v Commissioner, concernant l’à-propos des ajustements de la méthode des transactions comparables non contrôlées pour les licences de brevets interentreprises, a fait l’objet d’un nouveau procès en juin, bien que l’avis n’ait pas encore été publié. Malgré les succès remportés par l’IRS dans ces affaires, les contribuables défendent toujours les méthodes d’attribution qui poussent les bénéfices vers les filiales étrangères liées, en particulier dans les affaires traitant de licences. Voir, par exemple, Amgen v Commissioner et Zimmer Biomet Inc. v Commissioner.

La loi anti-injonction est contestée. La Anti-Injunction Act (la « loi AIA ») interdit aux contribuables de poursuivre l’IRS jusqu’à ce que celui-ci perçoive un impôt (c’est-à-dire qu’il n’est pas possible d’interdire à l’IRS de percevoir un impôt de manière prospective). Dans l’affaire CIC Services LLC v IRS, un contribuable a intenté un procès à l’IRS pour contester la validité de certaines obligations d’information pour les sociétés d’assurances captives. L’IRS a fait valoir que l’affaire devait être rejetée en vertu de la loi AIA parce qu’il n’avait pas encore imposé de pénalités au contribuable pour faire respecter les obligations d’information. La Cour a jugé que la loi AIA ne s’appliquait pas aux obligations d’information, car « [TRADUCTION LIBRE] une obligation d’information n’est pas un impôt, et une action en justice visant à remettre en cause l’application d’une telle règle n’est pas une action visant à interdire la cotisation ou la perception d’un impôt ». Cette affaire pourrait ouvrir la porte à des litiges plus audacieux de la part des contribuables contre l’IRS.

L’Obamacare survit. En juin, la Cour suprême des États-Unis a rejeté une contestation visant l’Affordable Care Act (la « loi ACA ») dans l’affaire California v Texas. Dans cette affaire, les demandeurs soutenaient que la loi ACA était inconstitutionnelle du fait que le Congrès avait réduit à zéro la pénalité fiscale en cas de violation de la loi ACA. La Cour a estimé que les demandeurs n’avaient pas compétence pour contester la loi ACA, car ils n’ont pas pu démontrer qu’ils avaient été lésés par la loi. En outre, la Cour a déclaré qu’elle ne pouvait pas interdire l’application de l’ACA, parce que la réduction à zéro de la pénalité fiscale rendait la loi ACA inapplicable. Après l’affaire California v Texas, la loi ACA a résisté à de multiples contestations judiciaires, ce qui laisse penser que la loi ACA est peut-être là pour rester.

L’article 280E confirmé. L’article 280E interdit les déductions et les crédits d’impôt fédéraux pour les entreprises dont l’activité consiste à faire le trafic de certaines substances contrôlées interdites par la loi fédérale, comme la marijuana. Dans l’affaire San Jose Wellness v Commissioner, le contribuable a avancé des arguments techniques selon lesquels son activité ne « consistait » pas à faire le trafic de substances contrôlées, car elle comprenait des services tels que l’acupuncture et la chiropractie. La cour de l’impôt n’a pas été convaincue et, par conséquent, l’affaire San Jose Wellness a rejoint une série d’affaires qui soutiennent l’article 280E.

Le programme de passeports remis en cause. Depuis 2015, le Département d’État des États-Unis a le pouvoir de refuser ou de révoquer le passeport américain d’une personne si l’IRS certifie, en vertu de l’article 7345, que la personne a une dette fiscale gravement en souffrance. Dans l’affaire Maehr v U.S. Department of State, le dixième circuit a entendu une affaire dans laquelle le gouvernement a ordonné à un contribuable de remettre son passeport en raison d’impôts et de pénalités cumulés de 2003 à 2006 totalisant environ 250 000 $. Le contribuable a contesté l’ordonnance, affirmant que l’action du gouvernement violait son droit constitutionnel de voyager. Le dixième circuit est devenu la première cour d’appel à se joindre à plusieurs tribunaux inférieurs pour confirmer la constitutionnalité de l’article 7345 et des révocations de passeports américains qui y sont liées.

Dernières nouvelles concernant les conventions fiscales

Depuis la ratification des conventions fiscales avec le Japon, le Luxembourg, l’Espagne et la Suisse en 2020, nous n’avons été témoins d’aucune autre action touchant les conventions fiscales en 2021. Les traités avec le Chili, la Hongrie et la Pologne sont toujours en suspens en raison des préoccupations concernant l’incompatibilité de ces traités avec les règles relatives à l’impôt BEAT des États-Unis.

Événements récents concernant la législation fiscale des États

L’une des dispositions les plus controversées de la loi TCJA était le plafonnement de la déduction fédérale pour impôts d’États et locaux à 10 000 $. Le « plafond SALT » est largement considéré comme une punition politique pour les États « bleus » à forte imposition qui votent généralement pour les Démocrates aux élections présidentielles. De nombreux commentateurs fiscaux ont conjecturé sur le fait que la législation fiscale des Démocrates en 2021 abaisserait le plafond SALT, mais aucune proposition ne s’est matérialisée.

Même si aucun allégement fédéral n’est apparu, de nombreux États ont proposé en 2021 des dispositions législatives visant à autoriser au moins certains contribuables à déduire effectivement les impôts d’États malgré le plafond SALT. De manière générale, ces dispositions autorisent une entité intermédiaire à payer un impôt spécial au niveau de l’entité sur le revenu qui est transmis au propriétaire de l’entité. Il en résulte une réduction du revenu imposable fédéral du propriétaire, car l’IRS impose généralement le revenu attribué par une entité intermédiaire sur une base nette (c’est-à-dire après réduction de l’attribution au titre des dépenses telles que les impôts au niveau de l’entité). L’État permet ensuite au propriétaire de bénéficier d’un crédit d’impôt sur l’impôt d’État qu’il a à payer afin de refléter la part du propriétaire de l’impôt au niveau de l’entité.

Fin 2020, l’IRS a publié l’avis 2020-75, qui approuvait ce type de contournement du plafond SALT. Depuis lors, au moins 20 États ont passé en loi des impôts pour les entités intermédiaires, notamment New York, la Californie, le Connecticut et le New Jersey.

Nouveautés à l’échelle internationale ayant une incidence sur les États-Unis

Le projet BEPS de l’OCDE a progressé en 2021, puisque plus de 130 pays (dont les États-Unis) ont signé un « cadre » révisé pour les Piliers Un et Deux du projet le 1er juillet 2021. Des détails supplémentaires et un plan de mise en œuvre ont été publiés en octobre. L’élaboration du cadre en 2021 est sans aucun doute un pas en avant, bien que beaucoup de travail reste à faire.

L’un des facteurs motivant l’accord sur les Piliers pourrait être la prolifération des taxes sur les services numériques. Certaines grandes entreprises de services Internet structurent leurs affaires de telle sorte qu’une grande partie de leurs revenus échappent à l’impôt en vertu des règles traditionnelles sur le lien (nexus) fiscal, fondées sur la présence physique dans le territoire d’imposition. Certains pays ont adopté la politique selon laquelle l’entreprise qui profite des consommateurs de leur pays ne devrait pas pouvoir échapper à l’impôt sur les revenus qui en résultent dans leur pays. En conséquence, certains pays qui revendiquent la compétence fiscale à l’égard des entreprises qui exercent des activités économiques dans leur pays sans y avoir de présence physique ont adopté ou proposé des taxes unilatérales sur les services numériques.

Le Pilier Un prévoit des normes modernes en matière de lien (nexus) afin de capter les revenus générés dans un pays qui, autrement, échapperaient à l’impôt de ce pays. De nombreux pays ont promis de réduire leurs taxes sur les services numériques dès l’entrée en vigueur du Pilier Un.

Au début de 2021, l’administration Biden a signalé son soutien aux Piliers lorsque la secrétaire au Trésor, Janet Yellin, a modifié la position de négociation du Département du Trésor en vue de permettre à certaines des plus grandes entreprises américaines d’être soumises aux nouvelles règles. Ce changement d’approche pourrait refléter l’espoir que la mise en œuvre des Piliers amènera certains pays à supprimer leurs taxes sur les services numériques, qui, d’après plusieurs, prennent les multinationales américaines pour cibles.

Des changements importants devraient être apportés à la législation fiscale américaine pour qu’elle soit compatible avec les Piliers. Le Pilier Un exigerait que les États-Unis cèdent leur compétence fiscale aux pays disposant des marchés pertinents, au moins pour les plus grandes multinationales établies aux États-Unis. Janet Yellin a fait part de sa volonté d’aller dans ce sens, mais la loi BBBA n’a pas inclus de dispositions pertinentes pour le Pilier Un.

Le Pilier Deux présente un certain nombre de défis pour la législation fiscale américaine.

  • Impôt BEAT. Les États-Unis soumettent actuellement les grands groupes de sociétés à un taux d’imposition minimal si les paiements transfrontaliers à des parties liées dépassent plus de 3 % du total des déductions de la société. Cette situation est incompatible avec la « règle relative aux paiements insuffisamment imposés » du Pilier Deux, qui refuse une déduction (ou exige un autre ajustement) lorsqu’un membre du groupe effectue un paiement déductible à un second membre du groupe qui réside dans un territoire à faible imposition (à moins que la « règle d’inclusion du revenu » du Pilier Deux ne s’applique). Les déclarations de principe qui ont précédé la loi BBBA auraient remplacé l’impôt BEAT par l’« impôt SHIELD », qui correspondait davantage à la règle relative aux paiements insuffisamment imposés. Le libellé actuel de la loi BBBA, en revanche, n’aurait pas modifié l’impôt BEAT.
  • Revenu GILTI. Selon la loi actuelle, le taux d’imposition effectif minimum du revenu GILTI est de 10,5 %, ce qui est inférieur au taux d’imposition minimum convenu des entreprises de 15 % du Pilier Deux. Il est prévu que le taux d’imposition effectif du revenu GILTI augmente en 2026, mais d’ici là, le taux d’imposition du revenu GILTI aux États-Unis est trop faible pour le Pilier Deux. Certains autres aspects des règles relatives au revenu GILTI sont également incompatibles avec le Pilier Deux, comme l’exclusion de tout placement dans des biens d’entreprise admissibles (qualified business asset investment ou un « placement QBAI ») du revenu GILTI.
  • Absorption de l’impôt. Les règles relatives au revenu GILTI actuelles comprennent une limitation des crédits pour impôt étranger, qui vise à décourager les territoires à faible imposition d’augmenter leurs taux d’imposition pour « absorber » les recettes fiscales que les États-Unis percevraient autrement. Si les règles relatives au revenu GILTI des États-Unis étaient modifiées afin de les rendre conformes au Pilier Deux, elles devraient faire face à la mesure dans laquelle les impôts payés aux territoires à faible imposition seraient crédités.
  • Résolution des différends. Le Pilier Deux exige des pays qu’ils coordonnent des régimes fiscaux très complexes sur la base d’une norme internationale. Des controverses ne manqueront pas de surgir. Par le passé, les États-Unis ont toujours hésité à se soumettre au type d’arbitrage international qui serait nécessaire pour résoudre ces différends.
  • Adoption. Le défi le plus difficile à relever pour que les États-Unis se conforment au Pilier Deux serait de faire en sorte que ces changements se produisent si le Sénat ne donne pas son approbation. Si les Républicains regagnent la majorité au Sénat après les élections de mi-mandat plus tard cette année, les Piliers risquent de ne pas bénéficier d’un grand soutien au Congrès.

Quelques-unes de ces modifications ont été intégrées dans la loi BBBA; par exemple, la loi BBBA aurait porté le taux d’imposition du revenu GILTI à plus de 15 % et aurait remplacé l’impôt BEAT par l’impôt SHIELD, un nouveau régime cadrant avec la règle relative aux paiements insuffisamment imposés du Pilier Deux. Maintenant que la loi BBBA a été pratiquement abandonnée, on ne sait pas si ces dispositions seront intégrées dans les nouvelles dispositions législatives fiscales.

Fiscalité américaine : perspectives pour 2022

L’actualité fiscale américaine en 2021 a été dominée par l’opposition inattendue des sénateurs Manchin et Sinema à certains des objectifs politiques centraux de l’administration Biden, notamment les dispositions fiscales de la loi BBBA. Au début de 2021, la très mince majorité des Démocrates au Sénat était largement reconnue, mais personne n’aurait pu prédire que des Démocrates feraient obstacle aux objectifs de leur propre parti.

Le sénateur Manchin a déclaré publiquement que la loi BBBA était « morte ». Il est question à Washington que certaines des dispositions de la loi BBBA puissent être relancées. Le président Biden a même utilisé son discours sur l’état de l’Union au début de 2022 pour plaider en faveur de plusieurs dispositions fiscales de la loi BBBA, telles que l’augmentation de la charge fiscale pour les contribuables gagnant plus de 400 000 $ par an, et l’adoption des dispositions relatives à l’impôt minimum et des modifications visant à rendre le régime relatif au revenu GILTI cohérent avec le Pilier Deux. Les élections de mi-mandat sont susceptibles d’occuper l’attention des législateurs à partir de l’été, de sorte que toute action touchant les dispositions de la loi BBBA devrait être engagée au plus tard en avril.

Pour le reste, la boule de cristal ne révèle que des ombres. Certains projets de règlement sont attendus, comme la version finale du règlement sur les fonds de pension étrangers admissibles en vertu du paragraphe 897(l). À part cela, les élections de mi-mandat rendent l’avenir trop flou pour la plupart des pronostiqueurs. Les Républicains vont-ils gagner des sièges et revenir au programme fiscal favorable aux entreprises des années Trump? Ou bien les Démocrates s’accrocheront-ils à leur majorité et sauveront-ils quelques fragments de leur politique fiscale en lambeaux? Revenez nous voir l’année prochaine pour connaître les réponses.

Personnes-ressources

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