L’Actualité en insolvabilité (Numéro 9)

L’Actualité en insolvabilité Hausse de l’insolvabilité des entreprises au Canada : comprendre le rôle de l’IA Numéro 9

Table des matières Introduction 01 Données sur l’insolvabilité du premier semestre de 2023 : faits saillants 02 Observations par secteur 04 Observations par région 06 Outils d’IA dans le domaine de l’insolvabilité 07 La preuve électronique 08 La prévention des défaillances 08 Ross : Soutien aux avocats dans le domaine de l’insolvabilité 08 Un outil pour les parties prenantes 10 Un outil pour les organismes de réglementation 10 Les tribunaux 11 M odes alternatifs de règlement des litiges 11 Conclusion 12 Principales personnes-ressources 13

1 L’Actualité en insolvabilité : Numéro 9 Introduction En 2023, la priorité des gouvernements et des autorités financières du monde entier, y compris du Canada, a été de réduire l’inflation tout en surveillant les risques associés au secteur financier et en s’employant à les maîtriser. La Banque du Canada estime que l’inflation se maintiendra probablement autour de 3 % tout au long de 2024, en raison des niveaux de dépenses élevés des ménages, soutenus par la pénurie de main-d’œuvre, la croissance démographique et les surplus d’épargne des ménages. Dans le présent numéro de L’Actualité en insolvabilité de Davies, nous analysons d’abord les données sur l’insolvabilité des premier et deuxième trimestres de 2023 afin de voir comment les différents secteurs d’activité ont fait face aux conditions incertaines de l’économie, à l’échelle tant canadienne et que mondiale. Particulièrement touché cette année, le secteur du commerce de détail a enregistré sept restructurations en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (la « LACC ») au cours du premier semestre de 2023 par rapport à une seule au cours de la même période de 2022. Passant ensuite aux technologies de l’intelligence artificielle (l’« IA »), nous examinons l’importance croissante des programmes reposant sur l’IA dans la pratique des professionnels de l’insolvabilité. L’IA ouvre un monde de possibilités en matière de capture de données, d’automatisation des processus, de détection des erreurs et de traitement des documents en temps réel. Les outils reposant sur l’IA pourraient donc permettre aux avocats, aux créanciers et aux parties prenantes, ainsi qu’aux organismes de réglementation et aux tribunaux, d’améliorer grandement l’efficacité et la qualité de leur travail. Cependant, la mise en œuvre et l’utilisation de ces technologies ne sont pas dénuées de risques. L’Actualité en insolvabilité de Davies est une publication rédigée par Natasha MacParland, Robin B. Schwill et Stephanie Ben-Ishai qui analyse les principales tendances et les faits saillants dans le domaine de l’insolvabilité et de la restructuration.

2 Davies | dwpv.com Données sur l’insolvabilité du premier semestre de 2023 : faits saillants Selon l’information communiquée par le Bureau du surintendant des faillites, on a dénombré 2 160 faillites et propositions d’entreprises au cours des premier et deuxième trimestres de 2023. Il s’agit du nombre le plus élevé de dossiers d’insolvabilité enregistré au cours du premier semestre d’une année civile depuis 2019. Ce total correspond plus particulièrement à une augmentation de 34,7 % par rapport au chiffre de 2022 et à une augmentation de 78,4 % par rapport à celui de 2021, qui était aussi le plus faible enregistré au cours des cinq dernières années (voir les figures 1, 2 et 3). Cette augmentation globale, quoique très importante, doit cependant être mise en balance avec les niveaux historiquement bas des procédures d’insolvabilité engagées au cours de la pandémie. Par ailleurs, le fait que certains secteurs et certaines zones géographiques comptent pour la majeure partie de l’augmentation du nombre d’entreprises insolvables semble donner raison aux observateurs selon qui l’économie canadienne traverse une récession sectorielle (rolling recession). Jan Feb Mar April May Jun Jul Aug Sep Oct Nov Dec 2019 2020 2021 2022 2023 janv. févr. mars avr. mai juin juill. août sept. oct. nov. déc. 500 450 400 350 300 250 200 150 100 50 0 2019 2020 2021 2022 2023 FIGURE : INSOLVABILITÉ TOTALE DES ENTREPRISES AU CANADA Figure 1 : Nombre total d’entreprises insolvables au Canada

3 L’Actualité en insolvabilité : Numéro 9 › Jan Feb Mar April May Jun Jul Aug Sep Oct Nov Dec 350 300 250 200 150 100 50 0 2019 2020 2021 2022 2023 janv. févr. mars avr. mai juin juill. août sept. oct. nov. déc. FIGURE : FAILLITES D’ENTREPRISES AU CANADA Figure 2 : Nombre de faillites d’entreprises au Canada Figure 3 : Nombre de propositions d’entreprises au Canada Jan Feb Mar April May Jun Jul Aug Sep Oct Nov Dec 120 100 80 60 40 20 0 2019 2020 2021 2022 2023 FIGURE : PROPOSITIONS CONCORDATAIRES D’ENTREPRISES AU CANADA janv. févr. mars avr. mai juin juill. août sept. oct. nov. déc.

4 Davies | dwpv.com Le nombre de faillites et de propositions d’entreprises a fortement augmenté en mars 2023 (voir les figures 2 et 3), mois où sont également survenus la liquidation ou la saisie de la Silicon Valley Bank (la « SVB »), de la Signature Bank of New York et de la First Republic Bank. Le secteur bancaire mondial a également été le théâtre de la fusion entre Credit Suisse Group et UBS Group, qui a mis en relief les préoccupations des autorités du monde entier à l’égard de la liquidité et des conséquences des hausses répétées des taux d’intérêt. Au deuxième trimestre de 2023, le nombre de procédures en vertu de la LACC entreprises au Canada s’établissait à 31, dépassant ainsi le sommet historique de 27 qui avait été atteint au deuxième trimestre de 2020 (voir la figure 4). Il faudra voir si le nombre de dépôts de bilan et le recours aux procédures de faillite augmenteront au même rythme que le nombre de procédures en vertu de la LACC. Figure 4 : Nombre de restructurations en vertu de la LACC au Canada Q1 19 Q2 19 Q3 19 Q4 19 Q1 20 Q2 20 Q3 20 Q4 20 Q1 21 Q2 21 Q3 21 Q4 21 Q1 22 Q2 22 Q3 22 Q4 22 Q1 23 Q2 23 35 30 25 20 15 10 5 0 T1 2019 T4 2019 T3 2019 T2 2019 T1 2020 T4 2020 T3 2020 T2 2020 T1 2021 T4 2021 T3 2021 T2 2021 T1 2022 T4 2022 T3 2022 T2 2022 T1 2023 T2 2023 FIGURE : RESTRUCTURATIONS FONDÉES SUR LA LACC AU CANADA OBSERVATIONS PAR SECTEUR Les hausses les plus marquées du nombre des entreprises insolvables aux premier et deuxième trimestres de 2023 ont été enregistrées dans quatre secteurs : le commerce de détail, qui regroupe les détaillants, les prestataires de services de réparation et d’installation après-vente et les distributeurs qui font leur sollicitation au moyen de la radiodiffusion et du porte-à-porte, ce qui comprend les entreprises de construction; l’hébergement et la restauration; et les services professionnels, scientifiques et techniques, tels que les prestataires de services juridiques, comptables et fiscaux ainsi que de services de paie, d’architecture, de recherche scientifique, de relations publiques et de conseils techniques (voir la figure 5). Le secteur de l’hébergement et de la restauration semble avoir rebondi au deuxième trimestre de 2023, le nombre de procédures engagées au cours de cette période étant inférieur à celui, record, du premier trimestre, tandis qu’une hausse du nombre des procédures a été observée dans les trois autres secteurs. Au cours du premier semestre de 2023, 282 procédures d’insolvabilité ont été engagées dans le secteur du commerce de détail, soit une augmentation de 61 % par rapport aux 175 dénombrées au cours de la période équivalente de 2022.

5 L’Actualité en insolvabilité : Numéro 9 Parmi ces 282 procédures, 226 (80,1 %) se rapportaient à des faillites et 56 (19,9 %), à des propositions d’entreprises. Nous observons donc une légère diminution de la proportion des procédures d’insolvabilité attribuables aux faillites dans ce secteur, qui représentaient 84,4 % du nombre total des procédures au cours des troisième et quatrième trimestres de 2022. Le secteur de l’hébergement et de la restauration a enregistré un nombre croissant de procédures d’insolvabilité au cours de l’année 2022, et cette tendance à la hausse s’est poursuivie jusqu’à la fin du premier semestre de 2023. On a dénombré 357 procédures d’insolvabilité au premier semestre de 2023, comparativement à 163 et à 215 aux premiers semestres de 2021 et de 2022, respectivement. Les entreprises de ce secteur ont vraisemblablement été mises à mal par la hausse des coûts des matériaux et de la maind’œuvre. Les dépenses discrétionnaires consacrées à certains services récréatifs étaient également à risque, au vu des signes de ralentissement économique, ce qui peut avoir contribué à l’augmentation des dossiers d’insolvabilité. Un autre secteur de premier plan dont nous traitons pour la première fois est celui des services professionnels, scientifiques et techniques. De 2019 à 2022, le nombre de procédures d’insolvabilité déposées dans ce secteur s’est élevé en moyenne à 18,4 par mois. Depuis janvier 2023, ce nombre a bondi à 28,5 par mois, et a même atteint un sommet en avril 2023, soit 43. Les données semblent donc suggérer un recul volatil de la demande de services fondés sur le savoir depuis le début de l’année. Figure 5 : Nombre total d’entreprises insolvables dans les secteurs les plus touchés, de 2019 à 2023 200 180 160 140 120 100 80 60 40 20 0 T1 2019 T4 2019 T3 2019 T2 2019 T1 2020 T4 2020 T3 2020 T2 2020 T1 2021 T4 2021 T3 2021 T2 2021 T1 2022 T4 2022 T3 2022 T2 2022 T1 2023 T2 2023 Services professionnels, scientifiques et techniques Commerce de détail Fabrication Hébergement et restauration Construction Transport et entreposage FIGURE : NOMBRE TOTAL D’ENTREPRISES INSOLVABLES DANS LES SECTEURS LES PLUS TOUCHÉS, DE À

6 Davies | dwpv.com Dans le secteur de la fabrication, le nombre de procédures d’insolvabilité, qui ne cesse de grimper depuis le quatrième trimestre de 2021, a atteint un sommet au premier trimestre de 2023. Puis, au deuxième trimestre, le nombre de procédures d’insolvabilité a diminué de 24,5 %, au profit de procédures en vertu la LACC, dont le nombre demeure élevé. Comme le montre la figure 6, 15 procédures en vertu de la LACC ont été déposées dans le secteur de la fabrication, ce qui représente 48,4 % de toutes les procédures en vertu de la LACC déposées au deuxième trimestre de 2023. Ce nombre est presque aussi élevé que le nombre total des procédures en vertu de la LACC déposées dans le secteur de la fabrication en 2021 et 2022, soit un total combiné de 17. Figure 6 : Procédures en vertu de la LACC dans certains secteurs, de 2019 à 2023 16 14 12 10 8 6 4 2 0 T1 2019 T4 2019 T3 2019 T2 2019 T1 2020 T4 2020 T3 2020 T2 2020 T1 2021 T4 2021 T3 2021 T2 2021 T1 2022 T4 2022 T3 2022 T2 2022 T1 2023 T2 2023 Services professionnels, scientifiques et techniques Commerce de détail Fabrication Extraction minière et extraction de pétrole et de gaz FIGURE : PROCÉDURES EN VERTU DE LA LACC DANS CERTAINS SECTEURS, DE À OBSERVATIONS PAR RÉGION En Ontario, 103 mises sous séquestre d’une valeur totale déclarée de l’actif d’environ 277,5 millions de dollars ont eu lieu au cours des premier et deuxième trimestres de 2023. Cette valeur est beaucoup plus élevée que celle de la période équivalente de 2022, année où l’on a dénombré 108 mises sous séquestre d’une valeur totale déclarée de l’actif de 77,7 millions de dollars. Le mois le plus actif a été mai 2023, au cours duquel on a enregistré 27 mises sous séquestre judiciaires d’une valeur déclarée de l’actif de 199 millions de dollars. Le nombre de procédures en vertu la LACC engagées dans cette province est demeuré supérieur à la moyenne tout au long du premier semestre de 2023 : on y dénombre 14 procédures depuis le début de l’année contre 13 pour l’ensemble de 2022. Le Québec a également connu une augmentation des mises sous séquestre depuis le début de l’année 2023 : on y recense jusqu’à présent 25 mises sous séquestre totalisant environ 10,4 millions de dollars d’actifs déclarés. Ces chiffres sont considérables, car le Québec n’a compté que neuf mises sous séquestre totalisant 4,7 millions de dollars d’actifs déclarés pendant toute l’année 2022, ce qui correspond en moyenne à environ 522 000 dollars d’actifs déclarés par mise sous séquestre. Au premier et au deuxième trimestres de 2023, le nombre d’ordonnances de mise sous séquestre a augmenté, mais la valeur moyenne des actifs visés par celles-ci était inférieure, soit 416 000 dollars d’actifs par mise sous séquestre. Le nombre de procédures en vertu de la LACC au Québec est actuellement stable, entre deux et trois dépôts par trimestre depuis le troisième trimestre de 2022.

7 L’Actualité en insolvabilité : Numéro 9 C’est en Colombie-Britannique que la valeur des actifs sous séquestre est la plus élevée jusqu’à présent en 2023, soit environ 341 millions de dollars. Cette situation s’explique principalement par deux mises sous séquestre judiciaires survenues en février 2023, dont la valeur totale des actifs déclarés s’élève à 238,6 millions de dollars. Ce chiffre est en forte augmentation par rapport à 2022, année où la valeur des actifs déclarés mis sous séquestre s’est établie à 14,8 millions de dollars. Sans surprise, le nombre de procédures d’insolvabilité d’entreprises a augmenté de 60,3 % d’une année à l’autre. En revanche, en Alberta, les mises sous séquestre ont fortement reculé et leur nombre est maintenant très bas par rapport à celui, exceptionnellement élevé, enregistré en décembre 2022. Les données des premier et deuxième trimestres de 2023 font état de 16 mises sous séquestre dont la valeur des actifs déclarés avoisinait les 19,9 millions de dollars, ce qui correspond au niveau le plus bas pour chacun des semestres écoulés depuis janvier 2019. Toujours au premier semestre de 2023, la province a enregistré quatre procédures en vertu de la LACC, comparativement à un total de quatre et de deux en 2021 et 2022, respectivement. Outils d’IA dans le domaine de l’insolvabilité Au vu de l’augmentation rapide du nombre des procédures d’insolvabilité à l’approche de l’année 2024, les professionnels de l’insolvabilité, les organismes de réglementation et les parties prenantes au Canada, à l’instar de leurs homologues d’autres territoires, multiplient les réflexions sur les moyens les plus efficaces, mais équitables, de résoudre ces procédures. Déjà en 2019, la directive européenne de 2019 sur la restructuration laissait entrevoir que l’utilisation de l’IA serait de plus en répandue dans le domaine de l’insolvabilité. Cette accélération s’inscrit logiquement dans le prolongement de la numérisation des procédures relatives à l’insolvabilité ayant pour but d’en réduire la durée et d’en accroître l’efficacité, ainsi que de diminuer les coûts liés aux restructurations et d’augmenter les taux de recouvrement des créanciers. Bien que le potentiel d’innovation et de transformation profonde associé à l’IA soit réel dans le domaine de l’insolvabilité, il est important de prendre connaissance des mises en garde exprimées par Geoffrey Hinton, informaticien considéré comme l’un des pères fondateurs de l’intelligence artificielle, qui a quitté son poste chez Google en raison de ses craintes (article en anglais seulement) au sujet des dangers de la technologie de l’IA. Ses propos ont rapidement fait le tour de la planète techno. Même ChatGPT en a long à dire sur la sécurité, la transparence, la fiabilité et la surveillance, notamment, lorsqu’on l’interroge sur le meilleur mode de réglementation de l’IA. La protection de la sécurité des données et de la vie privée, ainsi que la réduction des biais dans la conception des algorithmes, font également partie des sujets de préoccupation. Alors que nous tentons de répondre à ces questions, on peut d’ores et déjà affirmer que les effets de l’IA se feront sans doute sentir de façon plus prononcée dans le secteur de l’insolvabilité que dans d’autres domaines du droit, étant donné les liens étroits qui existent entre celui-ci et ceux de la comptabilité et des finances, où l’on a déjà fortement recours à l’IA (article en anglais seulement). Les procédures d’insolvabilité et les opérations de restructuration requièrent souvent le traitement d’une grande quantité de documents d’entreprise, lequel se prête très bien aux applications de l’IA, notamment en ce qui concerne la capture et la catégorisation des données ainsi que l’automatisation des processus. Chez Davies, nous examinons soigneusement les utilisations possibles de l’IA et prenons des décisions prudentes à cet égard. De plus, nous suivons de près la façon dont l’IA influencera et transformera le droit et la pratique dans le domaine de l’insolvabilité au Canada.

8 Davies | dwpv.com Sont présentés ci-après certains des aspects de la pratique dans le domaine de l’insolvabilité des entreprises où nous pensons que l’IA jouera éventuellement un rôle. LA PREUVE ÉLECTRONIQUE Nous sommes déjà à même de constater combien la preuve électronique (article en anglais seulement), et tout particulièrement le classement des documents électroniques à l’aide du codage prédictif, a transformé la pratique dans le domaine du litige en général. L’IA permet de plus en plus de réduire l’apport humain à l’étape de l’examen. Il en va de même dans le domaine du litige en insolvabilité. Toutefois, en raison du haut niveau d’analyse discrétionnaire et d’expertise complexe requis dans ce domaine, les avocats continuent d’être appelés à fournir les conseils pointus dont les débiteurs, les créanciers et les parties prenantes ont besoin. Dans ce contexte, l’utilisation d’une technologie d’administration de la preuve électronique qui discerne les tendances et les concepts, et offre des outils de visualisation qui viennent appuyer les stratégies retenues dans le cadre d’un litige (article en anglais seulement), peut certainement faciliter la prise de décision et contribuer à la qualité des conseils. Les avocats qui exercent dans le domaine de l’insolvabilité doivent décider du niveau de technologie à déployer par rapport à l’intervention humaine, en analysant soigneusement l’issue potentielle de la réclamation ou de la procédure. Comme les procédures d’insolvabilité sont souvent transfrontalières et comportent de plus en plus souvent un volet international, le déploiement bien avisé de divers outils d’IA gagnera en importance et ne pourra plus être assuré par les avocats de façon individuelle. LA PRÉVENTION DES DÉFAILLANCES L’IA est en voie de remplacer les techniques statistiques traditionnelles comme outil de prédiction des défaillances (article en anglais seulement) en lien avec la prise de décisions financières. Le succès mitigé des outils et des techniques servant à prédire les défaillances d’entreprises a fait couler beaucoup d’encre. Ces méthodes consistent à utiliser un ensemble de données historiques sur les entreprises qui ont eu du succès et celles qui ont échoué. Cependant, comme les faillites sont rares, l’information utilisée pour alimenter l’apprentissage automatique était jusqu’à présent lacunaire et ne permettait pas de produire des algorithmes capables de déceler les combinaisons de caractéristiques susceptibles de mener à une éventuelle faillite (article en anglais seulement). On s’efforce actuellement de surmonter cette problématique en combinant les algorithmes individuels les plus performants afin d’atteindre un niveau plus élevé d’exactitude dans les prévisions (article en anglais seulement). Toutefois, compte tenu des éléments discrétionnaires en jeu, il est peu probable que l’IA parvienne à déterminer les décisions que les sociétés prendront concernant le moment d’un dépôt et la procédure appropriée selon une analyse complète de l’état actuel du droit. ROSS : SOUTIEN AUX AVOCATS DANS LE DOMAINE DE L’INSOLVABILITÉ Certains de nos lecteurs seront peut-être surpris d’apprendre que ROSS Intelligence (site Web en anglais seulement), le premier outil de recherche fondé sur l’IA utilisé par un cabinet d’avocats, a d’abord été entraîné au moyen de données propres au domaine de l’insolvabilité. ROSS, dont l’apprentissage automatique a ensuite été étendu à d’autres domaines, s’apparentait alors à des outils de recherche antérieurs comme Westlaw, mais exigeait moins des avocats sur le plan de sa consultation, en ce sens que les avocats saisissaient (site Web en anglais seulement) des questions formulées en langage naturel pour trouver la jurisprudence la plus récente

9 ou extraire des citations ou des précédents à l’appui d’un argument. ROSS Intelligence a cessé ses activités en 2020 en raison d’un litige en cours avec Thomson Reuters (article en anglais seulement). Comme le savent tous les avocats qui ont utilisé des outils de recherche juridique, aucune technologie n’a jusqu’à présent été en mesure de remplacer la réflexion stratégique nécessaire à la négociation d’une restructuration ou d’un processus de vente complexe, et encore moins de formuler les questions que les avocats devraient poser à des outils tels que ROSS. D’importantes interactions humaines entrent en jeu dans les décisions commerciales, et une compréhension approfondie de bien plus que le droit en vigueur est nécessaire dans le cadre de toute opération. Cela étant, on attend désormais des avocats qu’ils automatisent, dans la mesure du possible, certains aspects de la recherche juridique et du processus d’analyse, et il est également attendu d’eux qu’ils prennent des décisions éclairées concernant les aspects à automatiser. L’IA jouera vraisemblablement aussi un rôle dans la manière dont les créanciers vérifient, contrôlent et évaluent les renseignements fournis par les débiteurs. De nouveaux outils seront développés qui faciliteront la communication de l’information et l’évaluation des actifs, ainsi que d’autres éléments ayant une incidence sur le processus de faillite. On peut notamment recourir à l’IA pour établir la capacité de remboursement des sociétés en examinant les tendances qui se dégagent des données plutôt qu’en se fondant uniquement sur la cote de solvabilité. Par exemple, Mitsubishi UFJ Financial Group (« MUFG »), l’un des plus importants prêteurs au monde, a lancé en 2019 une initiative de transformation numérique centrée sur l’utilisation de l’IA et de l’apprentissage automatique (article en anglais seulement). Grâce à cette initiative, MUFG a intégré un système de notation de la solvabilité basé sur l’IA dans son modèle de prêt en ligne fondé sur des données, qui évalue les opérations effectuées dans les comptes d’entreprises en temps réel. Ainsi, MUFG est en mesure de prendre des décisions plus rapides et de répondre aux besoins immédiats des clients, ce qui constitue un avantage concurrentiel dans ce secteur. En outre, la société japonaise a indiqué que son outil d’évaluation de la solvabilité (article L’Actualité en insolvabilité : Numéro 9

10 Davies | dwpv.com en anglais seulement) fondé sur l’IA destiné aux prêts à l’habitation a permis de réduire de 50 % les données que les agents doivent saisir. MUFG a ainsi démontré comment l’IA peut aider les créanciers tout au long du cycle de vie des prêts en simplifiant les processus, ce qui leur permet de consacrer plus de temps aux activités à plus forte valeur ajoutée. UN OUTIL POUR LES PARTIES PRENANTES Les tiers et les parties prenantes peuvent utiliser l’IA pour faire valoir leurs droits et leurs intérêts de manière inédite dans le cadre de procédures d’insolvabilité. En effet, les outils d’IA peuvent aider les tiers à accroître leur capacité d’intervention. Par exemple, le syndicat United for Respect a mis au point un robot de clavardage utilisant l’IA, appelé WorkIt, qui a permis à son personnel, composé de plus d’un million de personnes, de poser des questions sur leurs droits. Il est possible d’utiliser l’IA de manière analogue dans le cadre de procédures d’insolvabilité pour encadrer les parties prenantes et les tenir informées. En outre, les technologies de l’IA peuvent favoriser l’accès à la justice pour ces groupes en rendant les connaissances juridiques plus accessibles. Bien que l’IA ne puisse remplacer les avocats ni faire disparaître la demande de conseils juridiques nuancés, les outils d’IA peuvent contribuer à vulgariser le jargon (article en anglais seulement) et la procédure juridiques grâce aux capacités de traitement du langage naturel. L’IA générative peut même fournir des renseignements susceptibles de servir de point de départ dans le cadre de recherches juridiques entreprises par les parties prenantes. En d’autres termes, l’IA peut être une source de savoir pour les personnes qui n’ont pas de formation juridique. UN OUTIL POUR LES ORGANISMES DE RÉGLEMENTATION Les organismes de réglementation concernés – par exemple, le Bureau du surintendant des faillites – expérimentent également différents moyens de mettre à profit la puissance de l’IA afin de faire leur travail plus rapidement et d’intervenir plus fréquemment dans les dossiers. Plus précisément, la technologie améliorée par l’IA permettra probablement aux organismes de réglementation de s’attaquer plus rapidement et plus efficacement aux cas de fraude. Au cours des deux dernières années, des technologies ont été utilisées à des fins malveillantes dans des affaires d’insolvabilité et de droit des sociétés : fraude aux paiements, usurpations d’identité et attaques par hameçonnage. Les organismes de réglementation peuvent se servir de l’IA pour lutter contre cette évolution de la criminalité. Par exemple, les technologies fondées sur l’IA permettent aux organisations d’analyser de grandes quantités de données pour en dégager des tendances et y déceler les valeurs aberrantes. Grâce à ces technologies, les organismes de réglementation peuvent donc lutter contre les nouveaux types de criminalité dès leur apparition. Récemment, des organismes de réglementation, dont le Bureau du surintendant des institutions financières (le « BSIF »), se sont penchés sur les moyens de réagir plus rapidement lorsque circulent des rumeurs susceptibles de provoquer une vague de retraits sans présence en succursale, comme ce fut le cas lors de l’effondrement de la SVB. En effet, le mercredi 8 mars 2023, la SVB était une banque multi-milliardaire qui venait d’annoncer son intention de lever davantage de capitaux (article en anglais seulement). Le vendredi suivant, cette même banque était insolvable. En l’espace de deux jours seulement, les clients de la SVB, dont les comportements psychologiques ont sans doute été influencés par les médias sociaux, ont réussi à retirer par Internet 42 milliards de dollars (article en anglais seulement) de leurs comptes. À l’ère du numérique, les organismes de réglementation pourraient mettre à profit des outils tels que l’IA pour détecter et contrecarrer les rumeurs en ligne afin de protéger les créanciers et la stabilité du système bancaire.

11 LES TRIBUNAUX On a abondamment écrit, hors du cercle de l’insolvabilité, sur l’utilisation de ChatGPT pour rédiger des documents juridiques tels que des mémoires. Les cabinets d’avocats ont élaboré leurs propres politiques et procédures concernant l’utilisation de ChatGPT. Fait à noter, le tribunal des faillites américain du district nord du Texas a récemment rendu une ordonnance relative à l’utilisation de procédures générées par l’IA. Dans l’affaire In Re : Pleadings Using Generative Artificial Intelligence, Gen. Order No. 2023-03, la juge en chef Stacey G. C. Jernigan a déclaré ce qui suit : [ traduction] Si une partie d’un acte de procédure ou d’un autre document déposé au greffe de la Cour a été rédigée à l’aide de l’intelligence artificielle générative, y compris ChatGPT, Harvey.AI ou Google Bard, la Cour exige que l’avocat ou la personne non représentée par avocat qui dépose l’acte ou le document en question en vérifie l’exactitude en consultant des recueils de jurisprudence, des bases de données juridiques traditionnelles ou d’autres outils fiables. Les systèmes d’intelligence artificielle n’ont aucun devoir envers les clients, ni ne sont tenus au respect des règles de droit, des lois ou de la Constitution des ÉtatsUnis et, partant, ne sauraient constituer des sources fiables sur le plan factuel ou juridique en l’absence de vérification humaine. Les avocats et les personnes non représentées par avocat qui ne respectent ces directives encourent les peines prévues à la Federal Rule of Bankruptcy Procedure 9011. Jusqu’à présent, aucune ordonnance aussi claire n’a été rendue à l’égard des procédures d’insolvabilité au Canada; cependant, les tribunaux ont commencé à publier des règles de pratique et d’autres politiques relatives à l’utilisation de l’IA. À la suite d’une affaire dans l’État de New York (article en anglais seulement) dans laquelle des avocats ont présenté des recherches fictives générées par ChatGPT au soutien de leur action, certains tribunaux canadiens se sont prononcés sur l’utilisation de l’IA. Tout d’abord, la Cour du Banc du Roi du Manitoba a publié une directive de pratique concernant l’utilisation de l’intelligence artificielle dans les documents judiciaires. Dans cette directive, le juge en chef Joyal a déclaré que les documents déposés auprès du tribunal doivent indiquer, le cas échéant, comment l’intelligence artificielle a été utilisée aux fins de leur préparation. Il a également affirmé que des préoccupations légitimes sont soulevées quant à la fiabilité et à l’exactitude de l’IA. Peu après, la Cour suprême du Yukon a publié une directive similaire (en anglais seulement). Bien que les règles et directives publiées par les tribunaux canadiens ne fassent que renforcer les règles provinciales existantes en matière de déontologie, elles devraient être considérées comme un avertissement à l’endroit de la communauté juridique. Les tribunaux de tous les territoires s’entendent sur le fait que l’IA sera utilisée dans les instances à l’avenir, mais tentent de répondre aux préoccupations concernant sa fiabilité. Les juges rappellent clairement que l’IA n’en est qu’à ses débuts et que l’intervention humaine ne peut être complètement exclue du droit, du moins pas sans que les tribunaux ne soient mis au courant. MODES ALTERNATIFS DE RÈGLEMENT DES LITIGES Dans le numéro 5 de L’Actualité en insolvabilité, nous avons souligné le rôle de plus en plus important des modes non judiciaires de règlement des litiges – par la médiation et l’arbitrage – dans les dossiers de faillite et de restructuration au Canada. Dans d’autres domaines du droit, par exemple au sein du Civil Resolution Tribunal de la Colombie-Britannique (site Web en anglais seulement), on assiste à l’essor du règlement en ligne des litiges. Les innovations technologiques permettant d’effectuer en ligne l’évaluation et la gestion des instances, de même que la négociation menée dans le cadre de celles-ci, contribuent toutes à la popularité du règlement en ligne des L’Actualité en insolvabilité : Numéro 9

12 Davies | dwpv.com litiges. Les outils d’IA utilisés dans ce contexte permettent aux demandeurs moins avertis d’élaborer une stratégie ou d’exercer des recours à moindres coûts, et améliorent l’accès à la justice pour les demandeurs qui vivent dans des régions éloignées ou disposent de ressources limitées. S’il est possible de mettre en place des mesures adéquates de protection de la vie privée et de l’impartialité du processus décisionnel, ainsi que d’améliorer l’exactitude de l’information, le règlement en ligne des litiges pourrait offrir de très intéressantes possibilités pour le règlement des réclamations dans le contexte de l’insolvabilité. Nouvelle illustration de l’essor effréné de l’IA, FTX a brusquement interrompu la vente (article en anglais seulement) de l’un de ses actifs phares, soit sa participation dans l’entreprise émergente IA Anthropic. Au moment de sa faillite, FTX détenait des actions d’Anthropic d’une valeur de 500 millions de dollars américains, chiffre qui a bondi après qu’Anthropic eut annoncé que la valeur de son entreprise s’établissait à 4,6 milliards de dollars américains et eut mobilisé 450 millions de dollars américains lors de son dernier cycle de financement en mai 2023. Comme on peut le constater, sur le plan commercial, l’IA connaît un essor rapide à l’échelle mondiale. Selon le rapport annuel sur l’intelligence artificielle de l’Université de Stanford (en anglais seulement), le secteur de l’IA a largement dépassé le milieu universitaire en matière de construction de modèles d’apprentissage automatique, et la demande de compétences professionnelles liées à l’IA a augmenté dans presque tous les secteurs d’activités. Parallèlement, les responsables des politiques font tout en leur pouvoir pour rester à l’affut de ces changements dans la sphère économique. Les mentions de l’IA dans les procédures législatives mondiales sont 6,5 fois plus nombreuses qu’elles ne l’étaient en 2016, et 37 projets de loi contenant l’expression « artificial intelligence » ont été adoptés dans 127 pays en 2023 (rapport en anglais seulement). Bien que l’on ne puisse prédire l’avenir, les responsables des politiques continueront sans aucun doute à surveiller la façon dont l’IA est utilisée dans les secteurs commercial et juridique, y compris dans les procédures d’insolvabilité. Nous croyons que les clients insisteront et ont intérêt à insister pour travailler avec des professionnels de l’insolvabilité qui s’engagent à utiliser l’IA de manière efficace et responsable afin de faire évoluer leur pratique tout en continuant de mettre leur expertise à profit pour produire des opportunités et des avantages significatifs stratégiques pour leurs clients. Davies est un utilisateur à la fois précoce et prudent des nouvelles technologies qui s’appuie en tout temps sur sa connaissance approfondie des facteurs politiques et empiriques dans le contexte de l’insolvabilité. Conclusion Certains secteurs feront face à des pressions et à un ralentissement, tandis que d’autres auront la possibilité de croître dans le cadre d’une récession touchant certains secteurs à différentes périodes. Les effets des hausses successives des taux d’intérêt survenues au cours de la dernière année continueront à se faire sentir sur l’économie en 2023, à différents moments et avec différentes conséquences selon les secteurs, et finiront par ralentir la croissance future. Nous continuons à suivre les tendances en matière d’insolvabilité à travers le Canada afin de présenter de l’information pertinente. À mesure que différentes parties prenantes expérimenteront les technologies de l’IA, nous surveillerons l’évolution des outils qui en font usage et leurs applications possibles dans le domaine de l’insolvabilité, ainsi que la manière dont les différents organismes de réglementation et les décideurs réagiront à de tels développements technologiques.

Principales personnes-ressources Dans les nouveaux secteurs d’activité, la vaste expertise de Davies s’appuie sur une approche fondée sur des données afin de fournir les outils les mieux adaptés à des fins de recouvrement et de résolution. Qu’il s’agisse de vous faire une présentation sommaire ou de vous conseiller sur les différentes mesures de redressement à votre disposition, nous collaborons avec vous en tenant compte de votre situation particulière afin d’atteindre vos objectifs commerciaux. Veuillez communiquer avec l’une des personnes mentionnées ci-dessous ou consulter notre site Web à l’adresse www.dwpv.com. Natasha MacParland Associée 416.863.5567 nmacparland@dwpv.com Robin B. Schwill Associé 416.863.5502 rschwill@dwpv.com Denis Ferland Associé 514.841.6423 dferland@dwpv.com Christian Lachance Associé 514.841.6576 clachance@dwpv.com

TORONTO 155 Wellington Street West Toronto ON Canada M5V 3J7 416.863.0900 MONTRÉAL 1501 McGill College Avenue Montréal QC Canada H3A 3N9 514.841.6400 DAVIES WARD PHILLIPS & VINEBERG s.e.n.c.r.l., s.r.l.

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