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La Federal Trade Commission présente un projet de règle visant à interdire les clauses de non-concurrence

Auteurs : Paul Watkins et Nir Servatka

La Federal Trade Commission des États-Unis (la « FTC ») a récemment dévoilé un projet de règle qui, s’il était adopté, interdirait généralement aux employeurs de conclure avec leurs travailleurs une entente de non-concurrence à la cessation d’emploi, en plus de les obliger à résilier toute entente de non-concurrence existante. Présenté le 5 janvier 2023, le projet de règle stipule que les ententes de non-concurrence entre les employeurs et les travailleurs constituent une forme de concurrence déloyale. Il est prévu que le projet de règle sera l’objet de nombreux commentaires et d’une forte contestation judiciaire. Par conséquent, toute règle définitive (le cas échéant) pourrait différer considérablement du projet de règle.

Grandes lignes du projet de règle

La règle, telle que proposée, interdirait à un employeur de conclure, ou de tenter de conclure, avec un travailleur un contrat qui l’empêcherait de chercher à obtenir ou d’accepter un emploi auprès d’une personne, ou d’exploiter une entreprise, à la cessation de son emploi auprès de l’employeur. La règle proposée s’appliquerait à l’ensemble des employeurs et des travailleurs aux États-Unis et définirait le terme « travailleur » de manière générale afin d’inclure tout employé, sous-traitant, prestataire externe, stagiaire, volontaire (rémunéré ou non) ou entrepreneur individuel qui fournit un service à un client. La définition de « travailleur » exclurait le franchisé dans le cadre d’une relation franchiseur-franchisé, mais non les personnes physiques travaillant pour le franchisé ou le franchiseur. La règle proposée n’interdirait pas les ententes de non-concurrence s’appliquant pendant la durée de l’emploi du travailleur.

Le projet de règlement vise non seulement les clauses de non-concurrence habituelles, qui interdisent expressément au signataire d’occuper un emploi ou d’exploiter une entreprise, mais aussi les clauses de non-concurrence de facto, ou encore les ententes de non-divulgation dont la formulation est si générale qu’elles empêchent dans les faits le travailleur d’exercer une fonction dans le même domaine à la cessation de son emploi et sont ainsi assimilables à une entente de non-concurrence. De plus, la règle proposée interdirait à un employeur de déclarer à un travailleur qu’il est assujetti à une clause de non-concurrence alors que l’employeur n’a aucune raison d’affirmer, de bonne foi, que le travailleur est assujetti à une clause de non-concurrence qui lui serait opposable.

La règle proposée exigerait également des employeurs qu’ils résilient toutes les clauses de non-concurrence existantes relevant de son champ d’application au plus tard 180 jours suivant la publication de sa version définitive et qu’ils avisent chacun des travailleurs concernés du fait que la clause de non-concurrence n’est plus en vigueur dans les 45 jours suivant sa résiliation. Le projet de règle contient un libellé type de l’avis à adresser aux travailleurs que les employeurs pourraient utiliser pour se conformer à l’exigence en bénéficiant du principe de la règle refuge.

La règle proposée remplacerait toute disposition législative incompatible d’un État, à moins qu’une telle disposition ne protège davantage les travailleurs que la règle proposée.

Exception à la vente d’une entreprise

Le projet de règle prévoit une exception limitée permettant la conclusion d’une entente de non-concurrence avec une personne qui vend une entreprise ou qui se départit d’une autre manière de la totalité de sa participation dans une entreprise, ou avec une personne qui vend la totalité ou presque totalité des actifs d’exploitation d’une entreprise, si la personne assujettie à l’entente de non-concurrence est propriétaire, membre ou associée de l’entreprise et détient une participation d’au moins 25 % dans celle-ci1 . Fait à noter : aucune exception n’est prévue pour le détenteur d’une participation de moins de 25 % dans une entreprise, malgré le fait que celui-ci pourrait tirer une contrepartie considérable de la vente. La règle proposée ne n’appliquant qu’aux employeurs et aux travailleurs, elle n’interdirait pas la conclusion d’une entente de non-concurrence avec le vendeur d’une entreprise qui n’est pas un « travailleur », mais plutôt, par exemple, un vendeur institutionnel.

La suite des choses

La règle proposée fera l’objet d’une période de consultation publique de 60 jours commençant à la date de sa publication (qui ne saurait tarder) dans le Federal Register. La FTC souhaite obtenir l’avis des intéressés à l’égard, tout particulièrement, du bien-fondé de l’inclusion dans la règle d’une présomption réfutable d’illégalité plutôt qu’une interdiction catégorique visant toutes clauses de non-concurrence, ainsi qu’à l’égard de l’opportunité de prévoir des exemptions ou des principes différents pour certaines catégories de travailleurs, comme les hauts dirigeants, les personnes à revenus élevés ou les professionnels érudits. La FTC n’a indiqué aucun calendrier d’adoption pour la règle définitive, mais il est généralement admis que la période des réactions sera longue en raison du grand nombre de commentaires attendus et que la règle définitive, le cas échéant, ne sera pas publiée avant au moins un an. Il est prévu que toute règle définitive adoptée entrerait en vigueur 60 jours suivant sa publication et que les employeurs auraient 180 jours pour s’y conformer.

Entre-temps, nous recommandons aux employeurs de suivre l’évolution de ce dossier et, en préparation de l’adoption éventuelle d’une règle définitive, d’établir la liste des clauses de non-concurrence existantes qui pourraient être visées par celle-ci. Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, toute règle définitive adoptée pourrait différer considérablement de la règle proposée; par conséquent, nous recommandons aux employeurs de ne pas apporter, pour le moment, de changements à leurs ententes existantes qui tiendraient compte de la règle proposée.

1 La FTC est d’avis que le seuil de 25 % est approprié parce qu’il limite l’exception aux cas où la participation du vendeur dans l’entreprise est assez importante pour qu’une clause de non-concurrence soit nécessaire à la protection de la valeur de l’entreprise acquise. Cependant, la FTC a indiqué qu’elle pourrait, dans la version définitive de la règle, fixer un seuil d’un pourcentage différent ou simplement limiter l’exception aux détenteurs d’une participation substantielle (substantial owners) sans en préciser le pourcentage, auquel cas l’interprétation se ferait au cas par cas. Il importe de noter que dans certaines situations, la règle proposée pourrait décourager un acheteur potentiel d’acheter une entreprise ou avoir pour effet de réduire le prix d’achat qu’il serait prêt à payer pour l’entreprise. Il pourrait également arriver qu’un vendeur accepte avec plaisir d’être assujetti à une entente de non-concurrence si le prix d’achat s’en trouve rehaussé (et si le vendeur est dans l’impossibilité de renoncer à l’application de la règle en échange du prix rehaussé).

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