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Les ACVM annoncent un régime de prospectus préalable allégé à l’intention des « émetteurs établis bien connus »

Auteurs : Robert S. Murphy, Nicolas Morin et Alyssa Wiseman

Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (les « ACVM ») ont récemment annoncé que chacun de leurs membres avait adopté une décision générale (collectivement, les « décisions générales ») visant la mise en place, dans l’intérêt des « émetteurs établis bien connus » (appelés en anglais well-known seasoned issuers) une procédure allégée d’admissibilité au régime du prospectus préalable (le « régime allégé »). Le régime allégé est calqué sur la procédure d’inscription « automatique » des prospectus préalables prévue par la législation en valeurs mobilières des États-Unis. À compter du 4 janvier 2022, conformément aux décisions générales, les émetteurs établis bien connus seront dispensés de déposer un prospectus préalable de base provisoire et pourront déposer un prospectus préalable de base définitif (le « prospectus selon le régime allégé ») comme première étape de leur placement; la procédure de délivrance du visa pour le prospectus définitif sera également accélérée1. Le régime allégé fait l’objet d’un projet-pilote au cours duquel les membres des ACVM auront l’occasion d’évaluer le bien-fondé des critères d’admissibilité et de cerner toute préoccupation en matière d’intérêt public ou considération opérationnelle. Celles-ci, le cas échéant, seront réglées par voie de modifications réglementaires futures.

Les décisions générales permettront aux grands émetteurs bien établis qui possèdent un suivi solide sur le marché – ainsi qu’à leurs actionnaires – d’accéder plus rapidement aux marchés financiers et d’éviter certains délais réglementaires et des risques d’offre excédentaire habituellement associés au dépôt d’un prospectus préalable de base visant des titres non ventilés. Malheureusement, le régime allégé n’éliminera pas complètement les délais réglementaires et les risques d’exécution connexes, car le prospectus définitif selon le régime allégé ne sera pas automatiquement visé. En effet, les ACVM ont déclaré qu’elles prévoient que pour un prospectus selon le régime allégé déposé auprès de l’autorité principale avant midi (heure locale), un visa de prospectus définitif sera délivré le même jour ouvrable, et que pour un tel prospectus déposé après l’heure du midi, le visa sera délivré avant midi le jour ouvrable suivant.

De plus, selon le régime allégé, les émetteurs n’auront pas l’obligation d’inclure dans le prospectus selon le régime allégé soit la valeur globale en dollars des placements pouvant être effectués, soit la description des titres qui seront offerts par voie du prospectus visé, mais seulement la désignation ou la catégorie des titres qui seront offerts (« titres d’emprunt », « actions ordinaires » ou « actions privilégiées », par exemple). En l’absence de cette obligation, les émetteurs établis bien connus bénéficieront d’une plus grande marge de manœuvre lorsqu’ils effectueront des placements par voie de prospectus préalable.

Pour être reconnu comme émetteur établi bien connu, un émetteur assujetti doit (i) avoir des titres de capitaux propres cotés en circulation constituant un flottant de 500 millions de dollars, ou (ii) avoir placé, au cours des trois dernières années, des titres non convertibles, autres que des titres de capitaux propres, d’une valeur globale minimale de un milliard de dollars dans le cadre de placements réalisés par voie de prospectus en numéraire. Les ACVM déclarent avoir tenu compte de la taille restreinte des émetteurs canadiens dans l’établissement de ces seuils; toutefois, l’utilisation du critère du flottant plutôt que du critère de la capitalisation boursière pourrait faire en sorte que le régime allégé ne soit pas accessible à certains grands émetteurs canadiens ayant des actionnaires de contrôle. L’admissibilité au régime allégé exige également que le dossier d’information de l’émetteur requis par la législation en valeurs mobilières soit à jour et que celui-ci satisfasse aux conditions générales d’admissibilité au régime de prospectus simplifié au Canada ainsi qu’aux autres conditions décrites ci-dessous.

Conditions

Il est précisé dans les décisions générales qu’un émetteur peut déposer un prospectus selon le régime allégé sans avoir d’abord déposé un prospectus préalable de base provisoire et obtenu un visa pour celui-ci s’il satisfait aux conditions suivantes, notamment :

  • l’émetteur répond à la définition d’« émetteur établi bien connu » au cours de la période de 60 jours précédant le dépôt du prospectus préalable de base définitif;
  • il est un émetteur assujetti dans au moins une province ou un territoire du Canada depuis douze mois;
  • si l’émetteur exerce des activités minières,
    • ses derniers états financiers audités indiquent un produit d’exploitation brut tiré des activités minières (i) d’au moins 55 millions de dollars pour son dernier exercice terminé, et (ii) d’au moins 165 millions de dollars au total pour ses trois derniers exercices terminés;
    • il dépose tout rapport technique qu’il serait tenu de déposer avec un prospectus simplifié provisoire selon le Règlement 43-101 sur l’information concernant les projets miniers (ou la Norme canadienne 43-101 sur l’information concernant les projets miniers);.
  • au cours des trois dernières années, l’actif principal de l’émetteur n’était pas constitué d’espèces, de quasi-espèces ou de son inscription à la cote, il n’a pas été, notamment, une société de capital de démarrage ou une société d’acquisition à vocation spécifique, et il n’a pas déclaré faillite ou présenté une proposition selon la législation en matière de faillite ou d’insolvabilité, et n’a pas fait l’objet ou été à l’origine d’une procédure judiciaire, d’un arrangement ou d’un concordat avec des créanciers;
  • l’émetteur n’a pas de titres adossés à des actifs en circulation et n’a pas l’intention d’offrir de tels titres par voie du prospectus préalable de base définitif.

Contexte

Les décisions générales sont le produit des commentaires exprimés à la suite de la publication du Document de consultation 51-404 des ACVM – Considérations relatives à la réduction du fardeau réglementaire des émetteurs assujettis qui ne sont pas des fonds d’investissement. Davies, dans ses commentaires énoncés en lien avec ce document de consultation, a recommandé, notamment, que les autorités de réglementation des valeurs mobilières canadiennes adoptent un régime allégé à l’intention des émetteurs établis bien connus semblable à celui prévu par la législation en valeurs mobilières des États-Unis. Davies y a soutenu que la mise en place d’un régime allégé au Canada réduirait le fardeau réglementaire excessif des grands émetteurs assujettis bien établis possédant un suivi solide sur le marché sans réduire de manière significative la protection des investisseurs. L’adoption d’un régime allégé au Canada a ensuite été incluse parmi les propositions formulées dans le Rapport de consultation du Groupe de travail indépendant sur la modernisation relative aux marchés financiers de l’Ontario publié en juillet 2020.

Des changements permanents?

L’adoption au Canada d’un régime allégé à l’intention des émetteurs établis bien connus est la bienvenue, mais les décisions générales ne le mettent en place que temporairement, en attendant que les ACVM déterminent si la réglementation devrait être modifiée à l’avenir afin d’en faire un régime permanent. Nous continuerons de plaider pour l’adoption par les ACVM de règles assurant la permanence d’un régime allégé (i) selon lequel le prospectus définitif déposé serait automatiquement visé dès son dépôt, réduisant ainsi davantage les délais réglementaires et les risques associés à l’exécution des opérations; et (ii) qui n’exclurait pas inutilement les grands émetteurs bien établis dont le flottant est moins important en raison d’actionnaires de contrôle.

1 Depuis 2017, Davies préconise l’adoption au Canada d’un modèle à l’intention des émetteurs établis bien connus, dans ses diverses réponses aux demandes de suggestions des autorités de réglementation des valeurs mobilières sur les façons de réduire le fardeau réglementaire des émetteurs sur les marchés financiers du Canada. Voyez les lettres de commentaires de Davies (en anglais) en réponse : (i) au Document de consultation 51-404 des ACVM, (ii) à l’Avis 11-784 du personnel de la CVMO, et (iii) au Groupe de travail indépendant sur la modernisation relative aux marchés financiers de l’Ontario (PDF).

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