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Clauses de cessation d’emploi et Loi de 2000 sur les normes d’emploi : la Cour d’appel de l’Ontario adresse un nouvel avertissement aux employeurs

Auteur : Mark Firman

En Ontario, bon nombre d’employeurs ont recours à des contrats de travail écrits pour décrire les modalités de leurs relations d’emploi. Ces contrats établissent bien souvent une distinction entre les droits conférés à un employé en cas de licenciement « sans motif » et de licenciement « avec motif ». Toutefois, le droit est clair, une clause de cessation d’emploi est nulle si elle vise à soustraire l’employeur aux obligations minimales qui lui incombent aux termes de la Loi de 2000 sur les normes d’emploi (Ontario) (la « LNE »). Ainsi, les employés dont il est mis fin à l’emploi sans motif aux termes d’une clause nulle auront généralement droit non seulement à l’indemnité minimale prévue par la LNE, mais également à des dommages-intérêts pour congédiement injustifié qui tiennent lieu de « préavis raisonnable » de congédiement aux termes de la common law. De tels dommages-intérêts peuvent atteindre un montant correspondant à la rémunération totale pour 24 mois, selon les années de services de l’employé et d’autres facteurs.

Étant donné que bon nombre de licenciements sont effectués sans motif, les tribunaux de l’Ontario ont peu souvent eu l’occasion de se pencher sur des cas où la clause de cessation d’emploi sans motif applicable d’un contrat de travail est conforme à la LNE, mais pas celle concernant les cessations d’emploi avec motif. Dans le cas d’une telle cessation d’emploi sans motif, il pourrait être soutenu que la clause concernant la cessation d’emploi avec motif ne trouve tout simplement pas application. Toutefois, dans l’affaire récente Waksdale v Swegon North America Inc. (l’« affaire Waksdale »)1 (en anglais), la Cour d’appel de l’Ontario en a décidé autrement.

Contexte

L’affaire Waksdale concernait le licenciement sans motif d’un employé qui comptait 10 mois de service et dont l’emploi était régi par un contrat de travail écrit qui renfermait à la fois une clause concernant la cessation d’emploi sans motif (qui trouvait application en l’espèce) et une clause concernant la cessation d’emploi avec motif distincte et apparemment autonome.

Les parties convenaient que la clause concernant la cessation d’emploi sans motif ne visait pas à soustraire l’employeur aux obligations qui lui incombaient aux termes de la LNE. Les parties convenaient également que la clause concernant la cessation d’emploi avec motif avait de telles visées et était, pour cette raison, nulle. La seule question que devait trancher le tribunal était celle de savoir si l’invalidité de la clause concernant la cessation d’emploi avec motif avait pour effet d’invalider également la clause concernant la cessation d’emploi sans motif.

Le tribunal de première instance en est venu à la conclusion que les deux clauses étaient distinctes et a donc tranché en faveur de l’employeur. La Cour d’appel n’a pas souscrit à cette vue. Selon elle, un contrat de travail doit être interprété comme un tout et non à la pièce. L’analyse correcte est de se demander si les clauses concernant la cessation d’emploi d’un contrat de travail, lues dans leur ensemble, contreviennent à la LNE2.

La Cour d’appel a donc conclu que les deux clauses concernant la cessation d’emploi « dans leur ensemble » constituaient la clause concernant la cessation d’emploi du contrat de travail. La Cour a également refusé d’appliquer la clause de divisibilité du contrat de manière à interpréter de façon restrictive la clause concernant la cessation d’emploi avec motif problématique, s’appuyant sur sa position déjà établie voulant qu’une clause de divisibilité ne peut s’appliquer en matière d’emploi à l’égard d’une clause qui est rendue nulle par une loi. Par conséquent, les parties de la clause concernant la cessation d’emploi sans motif étaient également frappées de nullité, et l’employé a eu droit aux dommages-intérêts pour congédiement injustifié prévus par la common law.

Ce qui a et n’a pas changé?

Selon le paragraphe 1 de l’article 5 de la LNE, une disposition contractuelle par laquelle une partie vise à se soustraire à une obligation minimale prévue à la LNE est nulle. Ainsi, il est entendu depuis longtemps qu’une clause de cessation d’emploi qui vise à accorder à un employé licencié des droits moindres que les droits minimums prévus dans la LNE est nulle. Puisque bon nombre de contrats de travail comportent diverses clauses de cessation d’emploi s’appliquant à divers contextes, ce qui était moins clair était l’effet qu’avait une clause qui visait à accorder des droits moindres que ceux prévus à la LNE sur les autres dispositions qui n’avaient pas de telles visées dans les cas où l’employeur ne cherchait qu’à se prévaloir de ces dernières dispositions.

Selon les motifs énoncés par la Cour d’appel dans l’affaire Waksdale, les dispositions portant sur la cessation d’emploi d’un contrat de travail constituent un tout; un libellé lacunaire ne s’appliquant que dans un contexte précis peut donc entraîner la nullité de l’ensemble de ces dispositions.

Toutefois, une chose demeure : il est impératif de rédiger le contrat de travail de façon judicieuse, avec l’aide d’un avocat spécialisé en droit de l’emploi, afin de faire en sorte que chaque partie des dispositions portant sur la cessation d’emploi soit conforme à la LNE.

Dissiper certains mythes concernant la LNE

L’affaire Waksdale met également en lumière d’autres principes et exceptions qui doivent être pris en compte dans la rédaction de contrats de travail, dont certains restent moins bien compris.

« Motif » dans la LNE

Malgré ce que l’on pourrait penser, la LNE ne définit pas la notion de cessation d’emploi avec « motif » (aussi appelé « motif valable »). La notion de cessation d’emploi avec « motif » est un concept de common law. En cas de cessation d’emploi avec « motif », l’employé qui aurait habituellement eu droit à un « préavis raisonnable » de congédiement selon la common law n’aura droit ni à un avis ni à une indemnité de licenciement.

Toutefois, la LNE confère des droits à un préavis de licenciement et à des indemnités distincts, qu’il y ait « motif » ou non selon la common law. C’est plutôt le Règlement de l’Ontario 288/01 pris en application de la LNE qui prescrit les cas dans lesquels l’employé n’aura pas droit à un préavis ou à une indemnité de licenciement. Un de ces cas vise les employés « coupables d’un acte d’inconduite délibérée, d’indiscipline ou de négligence volontaire dans l’exercice de leurs fonctions qui n’est pas frivole et que l’employeur n’a pas toléré ». De nombreuses affaires portées devant les tribunaux de l’Ontario ont traité de la distinction entre le critère fixé par la LNE et le concept de « motif » établi par la common law. Dans certains cas, le comportement sera problématique au point de satisfaire aux deux seuils, alors que parfois un comportement qui constitue un motif selon la common law peut ne pas être considéré comme « un acte d’inconduite délibérée, d’indiscipline ou de négligence volontaire dans l’exercice des fonctions qui n’est pas frivole et que l’employeur n’a pas toléré » au sens de la LNE. Dans un tel cas, une disposition contractuelle qui viserait à retirer à un employé les droits conférés par la LNE dans tous les cas de licenciement avec motif serait considérée comme nulle.

« Motif » dans un contrat de travail

Plutôt que de s’en remettre uniquement à la notion de motif telle qu’elle est établie par la common law, qui reste floue et est régulièrement réinterprétée par les tribunaux, bon nombre d’employeurs rédigent des contrats de travail où ils définissent eux-mêmes cette notion. Ces définitions comprennent souvent des exemples précis de comportements ou de violations susceptibles de ne pas être considérés comme un « motif » selon la common law. Par exemple, la définition contractuelle de motif dans le cas d’un employé qui occupe un poste de confiance pourrait comprendre la déclaration de culpabilité pour un crime financier (peut-être sans lien avec l’emploi), même si une telle déclaration pourrait ne pas constituer un motif selon la common law. Parfois, de telles définitions contractuelles comprennent une mention passe-partout de large portée concernant tout comportement qui constituerait un motif en droit.

Comme nous le mentionnons précédemment, un contrat de travail peut prévoir que certains droits conférés à l’employé par la common law en cas de cessation d’emploi, dont le droit à un préavis raisonnable, n’ont pas à être versés si l’employé est licencié pour un motif prévu dans son contrat de travail. Toutefois, le préavis et l’indemnité de licenciement prévus par la LNE pourraient quant à eux demeurer payables, et une clause de cessation d’emploi avec motif qui prévoirait le contraire se buterait aux obstacles dont il est question à la rubrique précédente.

Une rédaction judicieuse peut permettre aux employeurs d’éviter le dénouement de l’affaire Waksdale

Bien que la décision rendue dans l’affaire Waksdale offre des éclaircissements sur le lien devant être établi entre les dispositions sur la cessation d’emploi dans un contrat de travail, il convient de noter qu’il pourrait ne pas s’agir d’un changement aussi important qu’il n’y paraît à première vue.

Comme nous le mentionnons précédemment, l’affaire Waksdale n’empêche pas un contrat de travail de contenir une clause cessation d’emploi avec motif (ou avec motif, tel que ce terme est défini dans le contrat lui-même) exécutoire. Toutefois, le rédacteur devra s’assurer qu’aucune des dispositions du contrat ne vise à soustraire une partie aux obligations prévues dans la LNE. Il est conseillé de faire appel aux services d’un avocat spécialisé en droit de l’emploi, particulièrement dans les cas où les dispositions portant sur la cessation d’emploi prévoient de multiples situations, chacune donnant lieu à des droits différents suivant la cessation d’emploi.

L’auteur adresse ses remerciements à Janice Perri, étudiante en droit de la cohorte d’été, pour l’aide précieuse qu’elle lui a apportée dans le cadre de la rédaction du présent bulletin.

12020 ONCA 391.

2Ibid, par. 10.

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